Les fous et autres petites vites d’avril

Les fous – Ça a fait 10 ans hier. Après deux kilomètres courus «en dedans», j’avais pris un rythme qui me semblait confortable. Mes temps de passage (c’était avant les montres à GPS) m’indiquaient des kilomètres courus en 5 minutes. Compte tenu du fait tout ce que j’avais dans ma besace de compétitions était un 10 kilomètres fait en un peu moins de 47 minutes, je trouvais ce rythme acceptable pour mon premier demi-marathon. Surtout qu’une blessure au mollet m’avait mis sur la touche pour une quinzaine de jours deux mois auparavant.

À 5 kilomètres de l’arrivée, la souffrance a commencé à s’installer. Elle est demeurée avec moi jusqu’à ce que je vienne (presque) littéralement mourir sur la ligne d’arrivée.

«Y’a juste les fous pour courir des marathons !» que j’ai pensé tout haut à ce moment-là.

5 mois plus tard, je devenais tout de même marathonien. 14 marathons et autant d’ultras plus tard, je le confirme : il faut être fou pour faire ça. Faut croire que j’ai trouvé mon créneau.

« On dirait que tu t’es trempé les doigts dans la peinture !!! » – Mon beau-papa n’est pas facile à impressionner. Mais je pense avoir réussi ça par un beau soir, il y a quelque temps.

J’étais sorti de la ville en courant pour aller prendre mon auto garée sur la rive sud. Il faisait autour de zéro degré, il tombait un petit crachin. L’horreur pour quelqu’un qui souffre du syndrôme de Raynaud: les gants deviennent mouillés et le moindre petit vent nous fait geler des mains.

Dans la voiture, j’ai eu beau mettre le chauffage, la circulation dans mes doigts n’était pas revenue à mon arrivée à la maison, où ma douce m’attendait avec son papa pour le souper.

Quand il a vu mes mains… J’ai presque eu peur pour son coeur.

J’ai cru comprendre que plusieurs de mes amis coureurs sont pris à divers degrés avec ce mal qui je l’avoue, est un peu emmerdant. Non, je dirais plutôt: très emmerdant. On doit toujours trouver la combinaison parfaite pour que les mains soient à la bonne température pendant qu’on court. Si on a froid, on gèle (duh !) et si on a chaud, on transpire et les mains risquent de geler plus parce qu’elles sont mouillées. Et ça fait mal en ta…

Si vous ne connaissez pas ça, je vous suggère d’aller voir. Vous risquez vous aussi d’être… impressionnés. 🙂

« En tout cas, tu ne… » – Les gens sont bizarres. Bon, qui suis-je pour parler hein ? Ok, je vous l’accorde. Mais quand même.

Ça s’est produit à deux reprises. Dans le cadre du travail, il m’arrive d’avoir à aller en installation avec des collègues. Sur place, on interagit avec d’autres collègues qui ne me connaissent pas et, au fil des jours, on finit par parler d’autre chose que de travail durant les pauses-repas.

Ce n’est pas écrit dans ma face que je cours beaucoup. Or, quand un collègue qui me connait se met à me taquiner en me disant que je pourrais me rendre à un endroit déterminé en courant, les autres s’étonnent. La plupart posent des questions, s’intéressent à ce que je fais, même s’ils ne semblent pas trop comprendre pourquoi.

Sauf qu’un jour, il y en a une qui m’a sorti : « En tout cas, tu ne serais jamais capable de faire un Ironman ! ». Une autre fois, un gars m’a lancé : « En tout cas, tu ne cours pas autant qu’Untel. Lui, il court en ta… »

Tu en sais quoi, Chose ?  Sur quoi tu te bases pour affirmer ça ?!?  Tu ne me connais même pas !  Penses-tu que les gens qui font des sports un peu extrêmes déambulent avec une aura autour d’eux ?  Qu’ils flottent dans les airs ? Hé non, on a l’air tout à fait ordinaires (mis à part qu’on est fous, évidemment).  On a juste des passe-temps… différents. Il y en a qui collectionnent les papillons, moi je fais ça.

Pour la petite histoire, comme je nage comme une roche, l’Ironman, effectivement… Quant à monsieur Untel, je le connais très bien et il est fort sympathique. Il court pas mal plus vite que moi (sous les 3 heures au marathon), mais il ne s’imagine pas faire des ultras.

Courir dans le royaume du truck – Autour des centrales Eastmain d’où je vous écris ce soir, les routes sont ondulées et en terre. Ici, les VUS sont considérés comme des sous-compactes. De plus, comme les routes sont larges et qu’il y a très peu de circulation, ça roule vite.

On m’avait mis en garde contre les roches propulsées par ces mastodontes. Sans compter les histoires à propos des loups, des ours, etc. Bah, je suis un ultrarunner, donc par définition inconscient du danger sur les bords. Jeudi, comme nos essais n’allaient débuter que le lendemain, j’ai profité d’une belle matinée pour travailler de ma chambre… et aller m’aventurer sur les routes, bien sûr !

J’amorçais une montée qui fait tout de même 1.5 km de long quand j’ai vu un giga pick-up qui s’en venait. Le nuage de poussière qu’il soulevait ne laissait aucun doute : il roulait. Et pas à peu près.

Puis, j’ai remarqué que ledit nuage diminuait peu à peu, pour presque disparaître : le conducteur avait levé le pied. Rendu à ma hauteur, je l’ai remercié d’un signe de la main, il m’a salué de la même façon avant de repartir en trombe.

Constat : au royaume du truck, le coureur est plus respecté que dans la grande ville…