2014, mieux que 2012 ?

Une autre année qui s’achève. La tradition étant maintenant bien établie, je vous offre aujourd’hui chers lecteurs une petite rétrospective de mon année de course à pied. Avec mes bons et mes moins bons coups.

Tourner en rond – La dernière fois que j’en ai parlé, c’était lors d’une conférence donnée par Joan. Il présentait l’ultramarathon sous toutes ses formes et parmi celles-ci, il y avait la version consistant à courir 50 kilomètres sur une piste. La première réaction des gens quand ils prennent connaissance de telles épreuves se résume généralement à un gros « Ouach ! » ou un « Beurk ! » de dégoût.

Et pourtant, je dois avouer que je n’ai pas détesté l’expérience. Ça a quelque chose de rassurant, courir sur une piste. Les toilettes sont toujours proches, les ravitaillements aussi. Et en hiver, ce n’est pas trop déplaisant de courir sans spinner. Je ne sais pas si je vais récidiver, mais je ne ferme certainement pas la porte.

La victoire – Dès le premier des 500 virages à effectuer durant la course, j’étais seul en tête. Pendant près de 4 heures, je me suis demandé si j’allais tenir le coup, s’il y avait un coureur qui me suivait et attendait que je faiblisse pour m’achever. Comment aurais-je pu savoir que Denis, celui qui m’encourageait à chaque fois que je le dépassais, était mon plus proche poursuivant ?

Puis, dans le dernier tour, on a prononcé les mots magiques: « vainqueur » et « record ». Ça m’a fait vraiment bizarre. On n’était évidemment pas en présence du contingent de coureurs du Marathon de Boston, mais j’ai tout de même savouré cette grande première.

Quant au record, il a tenu le coup lors de l’édition montréalaise des Marathons intérieurs JOGX et il ne sera pas en danger en 2015 pour la simple et bonne raison qu’on n’y tiendra pas d’épreuve de 50 km.

L’attente –  Hopkinton, le lundi 21 avril. Après New York quelques mois plus tôt, je me retrouve encore à attendre le départ d’un grand marathon en gelant comme un creton. Ça durera des heures. À ce moment précis, je me dis « Plus jamais ».

L’émotion – Quand les Japonais tout près ont fini par finir de jacasser, un silence complet s’est installé dans la grande cour de l’école secondaire où tous les coureurs étaient réunis. Les images de l’horreur qui avait secoué Boston et le monde entier me sont revenues en tête. Si j’étais là, c’était pour les victimes, pour montrer à tous les illuminés que cette terre peut porter que jamais, au grand jamais, ils ne me feront reculer.

Je ne sais pas si c’était la rage ou la tristesse, mais j’ai senti une vive émotion monter en moi. Et ai laissé échapper quelques sanglots.

Le parcours – Pourtant je le savais. Ce parcours-là tend un piège au coureur pour le bouffer tout rond par la suite. Je ne cessais de me répéter de prendre ça cool, de relaxer, de demeurer « en dedans ».

Rien à faire. Après avoir eu l’illusion que je pourrais être dans un grand jour (du con !), les premières crampes ont fait leur apparition avant même d’arriver à Newton, au 26e kilomètre. Heureusement, fort d’une expérience acquise à la dure (c’est le moins que l’on puisse dire !), j’ai réussi à gérer ma fin de course relativement convenablement et à terminer avec mon 3e meilleur temps en « carrière ».

Je me demande si un jour, je réussirai à traverser la petite banlieue de Brookline sans souffrir le martyr… Pour ça, va falloir que je refasse la course, ce dont je ne suis pas certain d’avoir envie.

Lapin-accompagnateurMarathon d’Ottawa. Pour la première fois, j’allais accompagner quelqu’un pour un marathon. J’avais bien peur de ne pas être à la hauteur. En effet, que faire et quand le faire ?  Encourager « positivement » ou « botter le derrière » ?  Et si Maggie frappait le mur ?

Disons que j’ai beaucoup appris ce jour-là. Des détails, mais qui peuvent faire toute une différence. Par exemple, les côtes sont beaucoup plus difficiles pour les coureurs moins rapides, car ils n’ont pas le même momentum à la base. Ils doivent donc travailler plus fort durant la montée qui semble alors plus longue pour eux. Aussi, prévoir que les ravitos pourraient être moins bien garnis et surtout, trainer de l’argent la prochaine fois. Quand Maggie a constaté que des Mr Freeze (il faisait chaud) avaient été distribués et qu’il n’en restait plus pour nous, j’ai senti son moral en prendre un coup. Si j’avais pu faire un arrêt au dépanneur à ce moment-là…

Lapin-accompagnateur (bis) – Sylvain, le coureur le plus rapide que j’ai eu l’occasion d’accompagner, faisait sa première incursion dans le monde du demi-marathon (en fait, le Tour du Lac Brome fait 20 kilomètres, mais bon…). J’ai eu l’occasion de me reprendre un peu, m’amusant à déconner avec mon ami, question de lui changer les idées durant l’épreuve.

La prochaine fois, ce sera pour la grande course. Il est prêt, ne reste plus qu’à le convaincre. Je crois même qu’il a le potentiel pour faire Boston dès sa première tentative.

Le feu – Ils étaient (presque) tous bien installés autour quand nous sommes arrivés. Les participants de la course de 120 km de l’Ultimate XC de St-Donat avaient trouvé la nuit particulièrement difficile. Pas tellement encourageant de voir des coureurs de ce calibre avoir le moral dans les talons après avoir complété (en sens inverse) le parcours qui nous attendait. Parmi les sept, seulement deux se joindraient à nous pour les 60 kilomètres restant.

Question de nous enlever le peu de confiance en nous qui nous restait, Joan s’est permis d’ajouter: « Vous allez vous amuser ! ». Moi qui avais trouvé l’épreuve particulièrement pénible 12 mois auparavant…

Les crampes (bis) – Je devrais plutôt dire LA crampe, soit celle qui semblait contracter tous les muscles de mon corps suite à une chute à quelques kilomètres du village de St-Donat. L’espace d’un instant, j’ai cru que jamais je ne me relèverais.

Le sourire – Celui de Luc quand il m’a aidé à me relever. Celui de Luc encore quelques minutes plus tard quand il m’a dit « Allez, on finit ça ensemble ! ». Et celui qu’on avait tous les deux quand on a traversé la ligne d’arrivée, main dans la main. C’est ce que j’aime par-dessus tout de la course en sentiers: on passe des heures et des heures sur le parcours et pourtant, on termine à égalité, la position n’ayant que finalement pas tellement d’importance (nous avons tout de même terminé en 14e place).

Le coup de pied – Celui de Pat. Donné sur le bout pied au sens propre, mais au derrière au sens figuré. En 2-3 phrases, il m’a convaincu que j’étais prêt pour un 100 miles. Il avait crissement raison.

L’imagination – Quelques jours après St-Donat, le travail m’a amené à effectuer un premier de très (trop ?) nombreux déplacements en Abitibi. Les longues heures, la fatigue accumulée, un nouvel environnement, plusieurs obstacles se sont dressés pour m’empêcher de vivre ma passion.

J’ai dû faire preuve d’imagination, mais j’ai trouvé à la fois le temps et les endroits pour courir. J’ai même pu parcourir à fond la caisse des sentiers de quads qui étaient ma foi fort praticables et très agréables.

Un collègue (beaucoup plus jeune que moi) m’a demandé où je trouvais l’énergie pour aller courir après des journées comme on se tapait au boulot. Honnêtement, j’aurais trouvé infiniment plus difficile d’aller m’enfermer dans ma chambre d’hôtel…

La bibitte rare – Dans un monde où les engins à moteur sont pratiquement élevés au niveau des dieux (j’exagère à peine), la perception qu’ont les gens d’un gars maigrichon qui court beau temps mauvais temps, pluie ou neige, varie à l’intérieur de la fourchette allant de l’extra-terrestre à la nuisance publique.

Mes collègues de la place, à force me côtoyer, ont semble-t-il adopté le terme « bibitte rare » pour me décrire. Un être humain en apparence tout à fait normal, mais bon, le soir, il court. Que voulez-vous, personne n’est parfait…

Mais on dirait que ce n’est pas toute la population locale qui ait aussi bien assimilé la présence d’oiseaux rares. En effet, pour la première fois depuis des années, j’ai entendu a un cabochon qui m’a lancé un « Cours Forrest, cours ! » comme je passais tout près. Moi qui croyais que cette race avait quitté la surface de la planète… Puis, le même soir, il y a un autre tata, au volant de son giga-pickup, qui s’est mis à me klaxonner (et ce n’était pas un petit coup de klaxon pour m’avertir de sa présence, c’était la version frénétique des klaxons à répétition ayant l’air de dire: « Tasse-toi de mon chemin ! ») alors que la rue était suffisamment large pour accommoder 5 ou 6 engins du calibre de celui dans lequel il semblait essayer d’exprimer sa virilité. Du con…

Le « froid » abitibien – Un seul mot pour le décrire: exagéré. Vent pour ainsi dire absent, humidité presque aussi rare, les conditions y sont quasi-idéales pour pratiquer des sports en hiver. Pour une même température, je porte une couche de moins de vêtements que dans la région de Montréal.

-20 degrés en Abitibi ?  C’est plus facile à endurer qu’un -10 dans le sud de la province. Je n’ai toutefois pas connu leurs fameux -40…

Lake Placid –  Nous avions tellement aimé, nous y sommes retournés. Un terrain de jeux incroyable pour un fou de la trail qui en a profité au maximum, encore une fois. Le Flume Trail System n’a maintenant plus aucun secret pour moi. Les heures que j’ai passées à l’arpenter dans tous les sens m’ont donné une base inestimable en vue des courses automnales.

La meilleure organisation ? – On dit souvent que ce sont les petits détails qui font la différence. Et l’organisation de l’UT Harricana semble particulièrement attentive à ces petits détails.

Par exemple, la présence de toilettes portables au départ. Ou le marquage des kilomètres sur le parcours. Ces petits riens qui font passer l’expérience de course d’agréable à très agréable.

Savoir s’adapter est également une très belle qualité pour une organisation. 300 coureurs qui finissent par aboutir dans un single track, ce n’est pas jojo. Ainsi, l’épreuve de 80 km ne reviendra pas en 2015 et sera remplacée par un 125 km qui partira de plus loin. Donc, moins de congestion à « subir » avec les coureurs du 65 km.

Ceci dit, nous devrions nous compter extrêmement chanceux que des gens passionnés mettent sur pied des épreuves de grande qualité comme St-Donat, Harricana et Bromont (je compte bien « rendre visite » aux autres ultras de la Belle Province dans un avenir rapproché). Pour avoir vécu l’expérience aux USA, les nôtres n’ont absolument rien à envier, bien au contraire, à nos voisins du sud. Et pourtant, ceux-ci devraient posséder une plus vaste expérience dans le domaine…

La bonne formule pour moi ? –  Après avoir lu le Field Guide to Ultrarunning d’Hal Koerner, j’ai décidé de faire un test à Harricana: j’allais prendre un gel à environ toutes les 30 minutes, sauf dans le cas où je boufferais aux ravitos. Résultat: aucune baisse d’énergie, aucun down pendant les 9h20 que j’ai passées dans les sentiers. J’allais certainement répéter.

Pas le plus rapide, ni le plus habile, mais… – Je suis parti en milieu de peloton, ou à peu près. Dans le single track, j’avais l’impression d’être une nuisance. Je ne comptais plus les coureurs que j’avais dû laisser passer.

Puis, je me suis rendu compte que les autres s’éternisaient aux ravitos, alors que je passais presque en coup de vent. Puis je rattrapais des coureurs, un à un, et ne me faisais jamais reprendre. Je poursuivais mon petit bonhomme de chemin, un point c’est tout. « Keep moving forward » que je ne cessais de me répéter.

Au final, une 13e place sur environ 150 partants, malgré une contracture au mollet droit. Serais-je fait pour les très longues distances ?

L’inconnu – 100 miles. 160 foutus kilomètres. En sentiers, en montagne. Il faut être fou pour faire ça, non ?  Pourtant, quelques minutes avant le départ de l’épreuve-reine du Bromont Ultra, je ne ressentais pour ainsi dire aucune nervosité, même si je me lançais dans l’inconnu. J’allais faire ce que j’aime le plus au monde pendant une journée complète. Quoi demander de mieux ?

La tente médicale – Après les 55 premiers kilomètres, premier passage au camp de base. Sous la tente, deux ou trois coureurs qui se tordent de douleur. Dans ma tête l’épreuve vient à peine de commencer, alors je trouve bizarre de voir autant de concurrents amochés. Du coup, je gagne plusieurs places au classement…

Première expérience – Je n’avais jamais couru à l’obscurité. On dit qu’il faut tester toutes le conditions de course, mais bon, je n’en avais pas eu l’occasion, alors…

En octobre, la nuit dure environ 13 heures. J’aurai passé tout ce temps à parcourir les bois et les chemins de campagne à la lueur de la frontale. Qui serait assez fou pour aller courir dans des sentiers à 3 heures du matin en temps « normal » ?  Personne, probablement. Mais dans le cadre d’une course, on dirait que c’est « normal », justement.

On avance plus lentement, les ombres font parfois (souvent) croire à la présence d’animaux bizarres, on se sent seul au monde, on réussit à se perdre même si on se déplace à la vitesse d’une maman paresseux affolée. Et pourtant, on se sent à sa place. Jamais je n’ai souhaité être ailleurs cette nuit-là.

« T’es deuxième !!! » – Thibault l’air serein, bien installé sur une chaise, une couverture sur les jambes, ses bâtons de marche à ses pieds. Il se retirait de la compétition, les quads fichus. Ces mots sortis de la bouche de ma douce moitié confirmaient ce que je venais de réaliser: il ne restait plus qu’un seul coureur devant moi, Joan, qui n’est tout simplement pas dans ma ligue. Derrière: trois ultramarathoniens aguerris. 56 longs kilomètres me séparaient encore de l’arrivée. Tellement de choses pouvaient encore se produire…

1h15 – C’est l’avance que j’avais sur Pierre, Louis et Martin lors de mon dernier passage au camp de base. À ce moment-là, ça m’est tombé dessus: j’allais vraiment terminer mon premier 100 miles en deuxième position. Wow !

L’équipe de support –  Sans elle, pas de deuxième place, point à la ligne. L’anticipation de voir mon père et ma tendre moitié à chaque poste de ravitaillement m’a littéralement transporté.

Mention spéciale à ma douce qui possède un don: celui de deviner mes besoins. Elle ne court pas et pourtant elle sait. Comment fait-elle pour deviner ?  Aucune idée, mais c’est bigrement efficace !

La belle surprise – Joan, sachant que j’en étais à ma première expérience, a attendu mon arrivée pendant presque deux heures. Je ne sais pas s’il peut savoir à quel point ça m’a fait plaisir…

L’anonymat – Réservé, même dans le monde composé d’introvertis des coureurs longue distance, j’étais peu connu du milieu au moment de prendre le départ. Durant toute la course, j’étais le « coureur inconnu qui avance bien ».

Maintenant, je ne pourrai plus évoluer sous le radar de la même manière. Mon amie Maryse a même tenté de me convaincre que je faisais partie de l’élite de la course en sentiers au Québec. C’est bien gentil de sa part, mais c’est juste que tout est tombé en place pour moi ce jour-là, un point c’est tout. L’élite, moi ?  Jamais de la vie !

L’entrevue – Une première pour moi. Il fallait que ce soit avec 160 kilomètres dans les jambes et 28 heures sans sommeil. Essayant de répondre par autre chose que « Oui » et « Non », les pensées se bousculaient dans ma tête… à la vitesse qu’elles pouvaient bien se bousculer !

J’ai tenté de profiter de l’occasion pour faire la promotion de notre merveilleux sport, de faire comprendre aux lecteurs tout ce que ça implique, etc. Le résultat n’a pas été si mal, mais aurait pu être mieux…

« Félicitations ! » –  Durant toute la journée, le cerveau ralenti par l’alcool (désolé Julie si je n’ai pas toujours été cohérent lors de nos conversations de jour-là !), je ne comptais plus les gens qui me félicitaient quand ils me croisaient. À chaque fois, je remerciais la personne bien humblement, gêné de toute cette attention.

Je suis carrément tombé des nues le lendemain matin lorsque mon voisin, avec qui nous n’avons pas beaucoup de contacts (vous savez, du genre: « Bonjour, bonjour » ou « Pourriez-vous ramasser le courrier pendant nos vacances ? ») m’a crié ses félicitations alors que j’étendais péniblement mes vêtements souillés de la veille sur la corde à linge. Comment savait-il ?  « J’ai lu ça dans le journal ! ».

C’était dans la version papier du journal ?!?  Shit… Avais-je dit des conneries durant l’entrevue ?

La récup –  Longue, très longue. Chevilles et pieds enflés, deux semaines complètement arrêté, reprise pénible ponctuée d’une contracture à l’ischio droit. Comment Scott Jurek a-t-il pu gagner Badwater deux semaines après avoir remporté le Western States ?

Meilleure que 2012 ? – En 2012, j’ai connu un printemps d’enfer en alignant des records personnels sur 10k, le demi et le marathon avec à la clé, une première qualification pour Boston. Ont suivi mon premier ultra, puis un autre record personnel sur marathon à l’automne, 14 pleines minutes plus rapide que mon temps de référence en début d’année.

Et pourtant, je me demande si je n’ai pas connu une meilleure année en 2014. Parce que cette fois-ci, je me suis vraiment dépassé. Ce que j’ai perdu en vitesse, je semble l’avoir gagné en endurance. Et surtout, je me sens dans mon élément, dans le bois, à m’adapter aux différentes conditions, loin du stress de l’effort continu de la course sur route.

Aurais-je trouvé mon créneau ?

2015 – Rien d’officiel pour l’instant, mais tout comme pour Boston jadis, ce sont les grands ultras vers lesquels je porte maintenant mon attention. Et qui dit grands ultras dit courses qualificatives. À suivre…

Une épreuve un peu… différente

Il n’y a rien de plus simple que de courir un mile. On se trouve une piste de 400 mètres (au Québec, c’est peut-être la partie la plus compliquée, surtout à ce temps-ci de l’année) et on y fait 4 tours. Si on veut être puriste, on y ajoute 9 mètres, car le mile américain mesure en réalité 1609 mètres, et le tour est joué.

Jusqu’au milieu du 20e siècle, il y avait une barrière psychologique qui se dressait devant les meilleurs coureurs de demi-fond de la planète : les fameuses 4 minutes. En effet, personne n’avait réussi à parcourir cette distance mythique en moins de 4  minutes jusqu’à ce que Roger Bannister, bien épaulé par des coéquipiers qui lui dictèrent le rythme lors des trois premiers tours, réussisse l’exploit en 1954. Aujourd’hui, le record du monde de la distance est de 3:43:13 et est détenu par le Marocain Hicham El Guerrouj depuis 1999.

Mes lecteurs seront peut-être surpris de me voir m’intéresser à cette distance, vu mon penchant vers l’autre extrêmité du spectre. Rassurez-vous, je n’ai aucune intention de me lancer dans ce que j’appelle les « sprints ». Déjà qu’un 5 km, c’est trop éprouvant pour moi, imaginez un mile

Non, ce qui a attiré mon attention dernièrement, c’est plutôt une version modifiée du mile traditionnel : le beer mile. Quand j’ai vu ça passer sur mon fil Facebook, j’ai fait : « De quessé ? ». Vous savez, quand on parle de bière à un ultramarathonien…

En quoi consiste un beer mile ?  Pas tellement compliqué : avant chaque tour de piste, le coureur/buveur doit avaler une bière. Donc, 4 bières, 4 tours de piste.

Et c’est très sérieux là !  En fait,  les gens qui pratiquent cette « discipline » ne se prennent pas vraiment au sérieux (duh !), mais il existe bel et bien des règlements pour ceux qui seraient tentés de contourner le système et ainsi se donner un avantage.

Par exemple, vous vous dites que ça « boit plus vite » à partir d’un verre. Peut-être, mais c’est interdit. La bière doit se boire directement à la canette ou à la bouteille et le récipient doit contenir au minimum 12 onces (355 mL) de houblon fermenté (ou un dérivé quelconque). Dans le même ordre d’idées, seules des canettes ou bouteilles dites « normales » sont permises. Donc, pas de version avec grande ouverture ou avec trou de « ventilation ». Et évidemment, percer un trou dans le bas de la canette et ouvrir le haut « pour que ça coule plus vite » (un shotgun dans le jargon des buveurs) n’est pas permis non plus.

Certains voudraient ouvrir le récipient contenant le précieux liquide avant la course, question de laisser échapper un peu de gaz ?  Prohibé. Les participants doivent ouvrir leur bière eux-mêmes au début de chaque tour, juste avant de la boire. On se dit que de la bière plus légère serait plus facile à tolérer en course ?  Malheureusement, il y a un taux minimal d’alcool, qui est fixé à 5%. Donc, exit Coors Light, Miller Lite, Canadian 67 et autres sous-produits qui osent porter l’appellation de bière. Vous voulez prendre une bière « pour la route » ? Pas permis non plus. Il faut l’avaler dans la zone de transition située dans les 10 derniers mètres de la piste.

Comme moi, vous avez un foie fragile qui a tendance à retourner facilement la marchandise ?  On a prévu le coup : un tour de pénalité. Comme les « officiels » sont généreux, ils n’obligent toutefois pas le malheureux à également s’envoyer une autre bière derrière la cravate pour que sa « performance » soit acceptée. Ni à se taper autant de tours supplémentaires que le nombre de renvois d’ascenseur. Sachez que la meilleure performance enregistrée par quelqu’un qui n’a pas conservé tout le liquide absorbé est de 7:30. Avec le tour de pénalité, ça fait tout de même 2 kilomètres parcourus à la plus que très honorable cadence moyenne de 3:45/km… sans compter les 4 arrêts pour boire et évidemment, l’autre arrêt imprévu pour…

Vous croyez que tout ça prend source dans l’imagination fertile d’étudiants en manque de façons de boire ?  Vous avez peut-être raison. Mais sachez que ce sont de véritables athlètes qui s’adonnent à cette discipline. À preuve, le record du monde de la spécialité, qui a été établi tout récemment par le Canadien James Nielsen. Son temps ?  4:57.7. Vous pouvez visionner son exploit ici.

Incroyable.

Personnellement, si je m’y étais mis à un plus jeune âge, j’aurais peut-être, je dis bien peut-être, été en mesure de descendre sous les 5 minutes sur un mile « normal ». Aujourd’hui, je pourrais faire quoi, 5:30 ?  Aucune idée. Et je n’ai vraiment pas envie d’essayer, je n’ai pas l’intention de risquer une blessure pour rien.  Quant à boire 4 bières en 5 minutes, over my dead body. I-M-P-O-S-S-I-B-L-E !!!

Hé bien ce gars-là a réussi à faire les deux : courir un mile ET boire 4 bières en moins de 5 minutes. Je suis éberlué. Pour moi, ça sort autant de l’entendement que tenir 20 km/h sur tout un marathon.

À voir la liste des meilleures performances de tous les temps, on constate une quantité incroyable de coureurs (et de buveurs !) qui ont réussi des temps extraordinaires. Je me demande si un coureur d’élite s’est déjà essayé…

En tout cas, il y a bel et bien un athlète célèbre qui a tenté sa chance pour une qualification en vue des championnats du monde (oui, oui, des championnats du monde !) de la spécialité : Lance Armstrong. Résultat ?  Il a fait exactement ce que j’aurais fait à sa place: il a échoué lamentablement en abandonnant à la fin du premier tour. Trop habitué à la Michelob Ultra, mon Lance ?  Pas facile, prendre de la vraie bière, hein ?  😉   Le vidéo de son « exploit » se trouve ici. Remarquez qu’il boit malgré tout sa deuxième bière… mais à une vitesse plus « conventionnelle ».

Des petites nouvelles…

Au cours des dernières semaines, je n’ai, encore une fois, pas eu beaucoup de temps pour pondre un billet sur mon sport préféré. Comme j’en ai déjà glissé un mot, je passe le plus clair de mon temps sur semaine dans l’Abitibi profonde et quand je reviens chez moi les fins de semaine, j’ai plus le goût de passer du temps avec ma douce et notre petite canaille que m’installer à mon ordinateur. Vous me comprendrez certainement.

Ceci dit, ce ne sont pas les sujets qui ont manqué. Parmi eux, il y a eu le mini-débat qui s’est déroulé sur Face de Bouc suite à la parution de cet article signé Daniel Lequin et paru sur RDS.ca. En gros, monsieur Lequin nous raconte qu’il est contre la pratique de cette discipline car elle provoque un stress immense sur l’organisme et en conséquence, les ultramarathoniens en seront inévitablement réduits à jouer au poker s’ils poursuivent la pratique d’une telle activité. Et pour appuyer ses dires, il cite Pierre Lavoie qui a récemment déclaré : « Je ne ferai jamais d’ultra marathon parce que j’ai l’intention de courir toute ma vie».  Ha si Pierre Lavoie le dit, c’est que ça doit être vrai, non ?

Avec tout le respect que j’ai pour l’homme et l’athlète, je dois dire que malheureusement, il est dans le champ. L’argumentation qu’on retrouve dans cet article est d’une faiblesse déconcertante et laisse entrevoir hors de tout doute que ces messieurs ne connaissent absolument rien en quoi consiste un ultramarathon. C’est Joan qui a le mieux résumé ce que je pense à ce sujet, alors je lui laisse la parole ici :

« Mes parents sont professeurs d’éducation physique et cela ne les empêche pas de n’y rien connaître aux ultra-marathons. Qui dit activité marginale, dit incompréhension et idées reçues.

Dans le cas de Pierre Lavoie, c’est la même chose. Ce n’est pas parce qu’il est un athlète de haut niveau qu’il s’y connait spécifiquement en ultra-marathons en sentiers. Il fait même l’erreur d’appliquer son expérience à un sport qui n’a de commun avec le marathon sur route que l’utilisation de ses deux jambes pour se déplacer.

De ma propre expérience en ultra, puisque moi j’en ai, j’ai constaté strictement l’inverse dernièrement: j’ai eu la chance de voir passer l’ensemble des participants à un ravitaillement lors d’un 100-Mile aux États-Unis. J’ai vu de tout: hommes et femmes, jeunes et vieux, grands et petits, minces ou gros, lents et rapides, débutants et confirmés. Et quand je dis coureur confirmé, certains participent à des ultras (de 160km) depuis plus de 20 ans.

D’accord, ma petite histoire n’est pas scientifique, mais citer en exemple un unique ami qui a mal aux genoux, c’est aberrant comme démonstration! Mon père me faisait le même genre de remarques en allant chercher l’anecdote rarissime qui allait dans le sens de ses peurs. Pour lui, c’était le risque cardiaque, et il arrivait toujours à me trouver l’exemple d’un ami d’un ami qui avait eu un truc après avoir couru.

Autre remarque: ce texte commet la même erreur que bien du monde, celle de vouloir qu’il y ait une limite absolue à la distance qu’il est raisonnable de parcourir. C’est un non-sens puisque les limites sont hautement personnelles et n’ont justement rien d’absolu. Pour certains, courir 5 km sera le maximum souhaitable, pour d’autres, seule la traversée d’un continent saura les épuiser.

L’absolu n’existe pas, il appartient à chacun de trouver ses limites sans juger ni se comparer aux autres. »

Voilà. CQFD comme on disait à l’université.

Autre sujet, beaucoup plus positif à mon avis, est ce qui s’est passé cette fin de semaine dans le monde de la course en sentiers. En effet, c’est ce samedi qu’avaient lieu deux épreuves d’importance de ce côté-ci de l’Atlantique, soient la Transmartinique (138 km) et le North Face Endurance Challenge – California (50 miles).

J’ai suivi avec beaucoup d’attention ces deux épreuves et force est d’admettre que je ne me trompais guère récemment lorsque j’affirmais que le Québec, malgré le fait que la pratique de la course en sentiers y soit encore à l’état embryonnaire, se présente de plus en plus comme une force dans le domaine.

Tout d’abord, les représentants de la Belle Province se sont emparé de 3 des 50 premières positions à San Francisco, malgré la présence d’un très fort contingent de coureurs provenant de l’ouest américain.

C’est toutefois à la Transmartinique que nos compatriotes se sont le plus illustrés. En effet, malgré des conditions chaudes et humides qui sont totalement à l’opposé de ce à quoi nous sommes habitués ces derniers temps, nos compatriotes ont pris 3 places dans le top 10, dont une extraordinaire 2e position par Florent Bouguin. Éric Breton a terminé 9e et Joan, ex-aequo 10e.

Pour citer un coureur américain : « You Quebecers are fucking tough ! ». En ultra, c’est drôlement pratique…  🙂

Bravo les gars, on est vraiment fiers de vous !

Mon prochain article ne devrait par tarder et, contrairement à mes habitudes, parlera d’une épreuve beaucoup plus courte en distance… mais tellement divertissante !  À suivre.