Le lapin et autres petites affaires

« Ce n’est pas dangereux, avec toutes ces roches ? »

J’étais au mont Royal, à peine 10 jours après Massanutten. Il avait plu durant la nuit. La question venait d’un monsieur que je croise régulièrement alors qu’il promène son chien à cette heure matinale. On échange toujours quelques mots car je suis probablement le seul coureur qui ose approcher son toutou malgré sa muselière. Il e le dit souvent d’ailleurs: « She likes you ». Il n’y a aucune malice dans ce chien, il est juste un peu énervé et ses aboiements peuvent impressionner quelqu’un qui ne connait pas la gente canine. D’où la muselière, pour sécuriser les gens.

Pendant que je massais doucement les oreilles de la bête poilue, j’ai souri au maître avant de répondre à sa question. Il y a bien quelques roches dans les sentiers de notre petite montagne, mais vraiment pas de quoi écrire à sa mère.

 «Ne vous en faites pas, je suis habitué… »

Le lapin

J’ai découvert la Course des 7 par pur hasard l’an dernier, alors que je partais faire ma sortie du samedi matin. Les rues étaient bloquées, des coureurs passaient. Une course chez nous et elle se faisait sans moi ?

Des petites recherches m’ont amené à découvrir qu’elle était organisée par la municipalité, dans le cadre de « Ma ville en fête ». Comme son nom l’indique, elle se déroule sur un parcours de 7 kilomètres, à faire une, deux ou trois fois selon l’épreuve à laquelle on est inscrit.

J’ai vu là l’occasion idéale de réaliser mon rêve de devenir lapin de cadence. Car oui, je « rêvais » de faire ça depuis le jour où David Le Porho m’a si gentiment montré la voie lors de mon premier marathon, en 2007. J’ai donc contacté l’organisation. Réponse ?  Quelque chose du genre : « Ça tombe bien, on se demandait comment améliorer l’événement et l’idée d’avoir des lapins de cadence avait été amenée. »

C’est donc coiffé d’une casquette sur laquelle j’avais agrafé de (trop) longues oreilles rouges et transportant une pancarte de fortune sur laquelle ma douce moitié avait écrit (son écriture est tellement plus belle que la mienne) la cadence que j’allais tenter de maintenir que j’ai quitté la maison pour le lieu du départ, tâchant une dernière fois de courir à ladite cadence, soit 5:00/km. Et comme durant toutes mes séances « d’entrainement », j’ai échoué lamentablement. Cette fois-ci, mon GPS me donna une moyenne de 4:48/km. Doh !  Allais-je pouvoir faire un lapin le moindrement potable ?

Sur place, je ne sais pas pourquoi, mais les gens de l’organisation m’ont tout de suite reconnu. 😉 Comme j’étais en avance, je suis parti faire un autre tour, question d’essayer de trouver le bon rythme. Deux autres kilomètres plus loin, je commençais à « l’avoir », alors j’ai décidé d’arrêter et de retourner au site.

Une belle surprise m’attendait : Dany, une amie du primaire et du secondaire, qui habite tout près. Coureuse depuis peu, elle m’a présenté à sa gang de Cardio Plein Air. J’ai été étonné de constater que j’étais relativement connu. « Ha, c’est lui qui court si vite au parc ! ». Heu… C’est que je suis toujours en intervalles ou en tempo quand vous me voyez au parc… « Le monsieur qui me dépasse toujours au mont St-Bruno !  Il va tellement vite…». Hein, moi ça ? À St-Bruno ?  Je ne vais jamais vite, à St-Bruno… Vous ne vous trompez pas avec quelqu’un d’autre ?

D’autres personnes sont venues me voir. Certaines se demandaient ce que je faisais avec cet accoutrement, d’autres voulaient juste jaser. « Ça fait combien de temps que tu cours ? ». 9 ans, cher monsieur. « Ha, tu as commencé sur le tard… ». Trop gentil. Non mais, pourquoi faut-il qu’il y ait toujours quelqu’un, quelque part, qui réussisse à me rappeler que je suis vieux ?

Avant le départ, je me suis placé où ce que je pensais être le bon endroit dans les couloirs de départ (ce n’était vraiment pas clair, et j’ai pourtant pas mal d’expérience dans le domaine), puis ai jasé avec mon ami René, qui allait courir le 7 km, sa première course. Vraiment pas du genre à s’en faire avec la vie, ce cher René affichait son calme habituel. Initialement, il voulait me suivre, mais bon, le départ du 7 km serait donné 10 minutes après celui simultané des 14 et 21 kilomètres, alors…

Après le réchauffement animé par l’entraineuse de Cardio Plein Air, puis le petit discours de la mairesse (heureusement, pas d’hymne national, vive le Québec !), ce fut le départ. C’est avec 5-6 coureurs collés à mes baskets que j’ai amorcé la course.

Premier kilomètre : 5 minutes tapant !  Ho yeah ! Dès lors, je savais que je n’aurais pas trop de difficulté à garder un rythme assez constant. J’avais prévu demeurer silencieux au début, puis me mettre à parler un peu plus au fur et à mesure que la course progresserait, question d’encourager et/ou distraire mes « clients ». Je me suis donc tenu tranquille lors du premier tour, ajustant ma cadence pour boucler (non sans une certaine fierté) le premier tour en 35 minutes exactement. Bah, je l’ai peut-être raté de 2 ou 3 secondes…

Mais bon, j’avais oublié un léger détail: les lapins, les gens ne suivent pas ça ad vitam aeternam. Ou bien ils se rendent compte que ça va trop vite et les laissent aller, ou bien ça ne va pas assez vite pour eux et ils décollent. Ce qui fait qu’il ne restait plus que deux personnes à me suivre à partir du milieu du deuxième tour.

Je peux toutefois dire que j’ai amené un coureur du 14 kilomètres à bon port. Il soufflait fort, se tenait dans mon sillage à s’accrochant du mieux qu’il pouvait. Je l’encourageais à tenir le coup, égrainant les kilomètres pour l’encourager. Et il a tenu bon pour terminer tout juste sous les 1h10. Quant à l’autre, un participant du 21 km, il est parti au début du dernier tour, ce qui fait que je me suis retrouvé seul.

Ça me faisait tout drôle. Je me sentais un peu ridicule à courir seul avec ma pancarte et mes oreilles de lapin. D’ailleurs, les éclats de rire des enfants que je croisais depuis le début exprimaient plutôt bien ce que je m’imaginais avoir l’air. En plus, les oreilles étaient en train de lâcher, gracieuseté de la transpiration qui détrempait le papier-construction dans lequel je les avais découpées. Hum, il va falloir revoir la conception de ces machins-là…

J’ai au moins servi de motivation à une dame qui portait un t-shirt rose et qui gardait une belle constance depuis le début. Quand j’ai fini par la rejoindre, ça lui a donné un coup de fouet et elle s’est envolée… pour que je la reprenne quelques hectomètres plus loin. Puis, à environ deux kilomètres de l’arrivée, autre sursaut d’orgueil : elle m’a dépassé, ayant l’air de vouloir en finir avec ce satané lapin, et cette fois, elle a tenu le coup.

Ce ne fut malheureusement pas le cas d’un autre « client » que j’avais rejoint entre temps. Je l’ai bien encouragé à s’accrocher, mais il peinait. J’étais déchiré entre l’idée de « faire mon temps » et celle de l’attendre pour le soutenir, mais le sens du devoir a fini par avoir le dessus et c’est avec un petit pincement au cœur que j’ai conservé la cadence.

Puis, après avoir passé la pancarte du 20e kilomètre en 1h40 juste, j’ai fait l’erreur de sous-estimer l’effet d’entrainement du dernier kilomètre. Surtout qu’à 200 ou 300 mètres de l’arrivée, j’ai entendu l’annonceur crier « l’arrivée du lapin », ce qui a créé une mini-vague de cris et d’applaudissements et m’a naturellement poussé à accélérer. C’est donc après 1:44:38 de travail que j’ai traversé la ligne. Objectif raté de 22 secondes. Oups.

 

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L’arrivée du lapin !  Ce qu’il a dans ses mains ?  Ce qui reste de ses oreilles !

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Ouais, il n’a pas fait « bull’s eye », comme on dit…

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Bah, on a eu du plaisir quand même !

Au final, j’ai beaucoup aimé l’expérience et ai offert mes services à l’organisation pour l’an prochain. Je pense que ça va devenir une tradition. 🙂

« Courez-vous des marathons ? »

Comme je retournais à la maison en joggant, toujours avec ma pancarte à la main, des gens qui avaient terminé la course entraient dans leur maison située près de chez moi. M’apercevant, une dame s’est écriée: « Heille, c’est le lapin !!! ». J’ai souri et ai envoyé la main. Allais-je être reconnu dans mon petit coin à partir de maintenant ?

Toujours est-il que quelques jours plus tard, alors que je faisais la promenade canine du soir, un jeune garçon qui jouait avec son skateboard m’a demandé : « Est-ce que vous courez des marathons, vous ? ». Heu, oui. Pourquoi demandes-tu ça ?  « Parce que vous marchez souvent avec votre chien».

Je ne voyais pas le rapport et j’ai trouvé ça très drôle. Ha, les enfants et leur esprit de déduction… différent !  Il y a plein de monde dans le quartier qui, banlieue oblige, promènent leur chien à tous les soirs, jamais je ne croirai qu’il demande ça à tous ceux qui passent.

Puis, j’ai analysé un peu et en suis venu à la conclusion que les parents du petit ont probablement parlé du fait que celui qui faisait le lapin pour la Course des 7 était le gars qui passait tous les soirs devant la maison pour promener son chien et que c’était quelqu’un qui courait des marathons. Le petit a rassemblé toutes ces informations dans sa tête et en est venu à la conclusion que je courais des marathons parce que je promenais souvent mon chien. Trop cute !

« Négligerais-tu St-Donat ? »

Achat de souliers « hybrides » (qui conviennent autant pour les chemins de terre que les sentiers), tests en vue de l’utilisation d’une bouteille à la main pour l’hydratation, disons que ces derniers temps, mes actions s’orientent beaucoup vers le Vermont 100.

Ce qui donnait à croire que je négligeais ou même sous-estimais St-Donat, comme m’a demandé ma douce. Non, je ne néglige pas et sous-estime encore moins St-Donat. On ne peut pas sous-estimer St-Donat. C’est notre Massanutten : un parcours difficile, technique, qui teste autant le physique que le mental du concurrent. Une véritable bête.

Mais comme c’est le seul ultra que j’ai fait plus d’une fois, je sais à quoi m’attendre : je vais distancer beaucoup de monde dans la première montée pour ensuite me faire shifter dans la descente. Puis ça va recommencer, encore et encore. Et je vais me dire que c’est la dernière fois et patati et patata…

C’est demain et je ne m’attends vraiment pas à des miracles, vu que j’ai plein de petits bobos achalants. Mais on va s’amuser !  🙂

Ils ne pourraient être plus différents

J’avais prévu faire un mini-récit de l’après-Washington, mais bon, faute de temps, ça ne s’est pas concrétisé. Avec le recul, ça fait bien mon affaire pour la simple et bonne raison que je vais pouvoir en faire un sous forme de comparaison : The North Face Endurance Challenge versus Massanutten.

Hé bien, si on voulait résumer le tout en peu de mots (comme si j’étais capable de faire ça, duh !), je dirais simplement ceci : ces deux événements ne pourraient pas être plus différents. En fait, ils n’ont qu’une seule et unique chose en commun : ce sont des ultramarathons. Un point c’est tout.

Washington, c’était la grosse affaire, avec la machine The North Face toujours dans le portrait: kiosques promotionnels, animation, course des petits, des épreuves sur plusieurs distances et évidemment, la présence de Dean Karnazes. Il y avait même une section « bar » aménagée dans le parc où les coureurs pouvaient aller en boire une petite frette une fois la compétition terminée. Côté course, l’événement offrait un parcours peu technique, de type aller-retour présentant environ 4500 pieds de dénivelés avec plusieurs « boucles » à faire à certains endroits.

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La photo classique avec Dean, qui n’avait pas son sourire habituel. La raison ? Il avait piqué une plonge durant la course et était tombé sur les côtes. Il allait prendre le chemin de l’hôpital immédiatement après avoir pris la pose.

Massanutten, c’est la course en sentiers à sa plus simple expression. Aucun commanditaire affiché, il y avait une grande tente, 8 toilettes installées dans un champ et c’est à peu près tout. Une seule et unique épreuve : la course de 100 (103.7) miles. That’s it. Honnêtement, je me demande comment ils font pour faire leurs frais. Quant au parcours, il est très technique et présente environ 16200 pieds de dénivelés (j’ai lu 19000 à certains endroits) tout en réussissant l’exploit de ne presque jamais repasser deux fois au même endroit.

Bref, il ne pourrait pas y avoir un plus grand contraste entre deux épreuves. Et ça adonne bien, car elles ne s’adressent pas du tout à la même clientèle.

Personnellement, je ne retournerais pas à Washington, même si c’est une course très bien organisée et que j’y ai obtenu une 9e place totalement inattendue (je croyais que j’étais autour de la 20e position). Je la recommanderais à quelqu’un qui veut en faire son premier 50 km ou son premier 50 miles… et qui profiterait de l’occasion pour visiter la ville. Car c’est ce que nous avons fait et nous ne l’avons pas regretté. Washington est une ville chargée d’histoire et en plus, elle est superbe avec son cachet européen. C’est à voir au moins une fois dans sa vie. À ce temps de l’année, la température n’y est pas encore trop étouffante (sauf le jour de la course, bien évidemment) et si elle le devient, il y a tellement de musées tout aussi intéressants que gratuits qu’on peut y passer des jours et des jours.

78- selfie White House

L’inévitable selfie devant la Maison Blanche, le lendemain de la course.

Paradoxalement, ce qui fait la principale difficulté de la course, c’est sa relative facilité. En effet, les 15 derniers miles sont majoritairement sur le plat, ce qui force le coureur à appuyer, encore et toujours, un peu comme dans un marathon. Il faut tenir le coup, serrer les dents. Ce n’est pas évident de faire ça avec 75 kilomètres dans les jambes. Disons que c’est plutôt inhabituel dans le monde des ultras.

À l’inverse, Massanutten est le paradis du « cassage de rythme ». Les meilleurs ne sont pas seulement les plus rapides (ils le sont, bien évidemment), mais aussi les plus habiles, ce qui explique les écarts démentiels entre les concurrents. C’est une épreuve à la fois physique et mentale, la plus difficile que j’ai pu subir. Pierre me l’a d’ailleurs confirmé : c’est même plus difficile qu’à Virgil Crest, où il avait terminé en quatrième position en 2013.

Afin de se prémunir contre les « imposteurs », l’organisation impose des critères de « qualification », soit avoir couru au moins une course de 100 miles au cours des 3 dernières années ou bien avoir couru au moins un 50 miles ET un 50 kilomètres au cours des deux dernières années. Croyez-moi, ces critères sont vérifiés par le directeur de course. En effet, la veille du tirage, il m’a demandé le lien menant aux résultats du Bromont Ultra car il ne le trouvait pas sur UltraSignUp. Comme quoi, rien n’est laissé au hasard.

N’empêche, certaines personnes font de Massanutten leur premier 100 miles. À mon avis, ce n’est une bonne idée. Moi qui en étais à ma deuxième expérience sur la distance, j’en ai sérieusement arraché. Les ravitos ne sont pas nombreux (il y en 15, comparativement à 23 à Bromont et 29 au Vermont) et sont souvent très espacés, autant en distance qu’en temps. J’y ai commis des erreurs au niveau de l’alimentation et de la gestion de course. Sans mes expériences précédentes, je n’aurais peut-être pas réussi à m’en sortir, malgré la présence de mon partner.

La grande question maintenant : est-ce que je la referais ?  Comme tout bon ultramarathonien, avant même la mi-parcours, j’étais prêt à jurer qu’on n’y reprendrait plus. « Plus jamais ! » que je ne cessais de répéter. Et comme le disait si bien Pat, en ultra, « Plus jamais », ça veut souvent dire « À l’année prochaine ! ».

En fait, je ne sais pas si j’ai envie d’y retourner l’an prochain, mais je n’ai pas non plus le goût de laisser ça comme ça. Un peu comme à St-Donat la première fois, j’aimerais y vivre une expérience plus agréable. En sachant à quoi m’attendre, peut-être que ça irait mieux, qui sait ?

Disons que j’ai encore quelques mois pour y penser…

Anecdotes, avant et après Massanutten

Bière en Pennsylvanie

Vivre avec l’arthrite rhumatoïde, ce n’est pas évident. Vivre avec l’arthrite rhumatoïde ET avec un ultramarathonien, c’est encore moins évident. Non seulement on est accablé par des douleurs qui se présentent sous toutes formes, mais on doit vivre avec une fatigue inexplicable ET partager sa vie avec un fou qui est prêt à faire des heures et des heures de route pour aller prendre part à une course dont personne de sensé n’a jamais entendu parler dans le coin le plus reculé qui puisse exister sur cette terre.

C’est la réalité de ma douce moitié. Contrairement à bien des gens, les longs voyages en voiture peuvent la mettre à plat pour des jours et des jours. Pour cette raison, nous avons décidé de couper le voyage vers Luray, Virginie (petite ville située tout près du lieu de départ/arrivée du Massanutten) en deux. C’était ça ou bien elle ne pourrait pas faire partie de mon dream team. Disons que je n’ai pas eu à y penser longtemps.

Après quelques recherches pour trouver un hôtel qui acceptait les terreurs comme notre Charlotte, nous avons arrêté notre choix sur un hôtel de Bethlehem, en Pennsylvanie.

Nous sommes arrivés sur place sur l’heure du souper, alors j’ai proposé à Barbara qu’elle nous « installe » un peu dans la chambre pendant que j’irais chercher à souper à l’épicerie juste à côté. Avant de partir, je lui ai demandé : « Prendrais-tu une bière avec ça ? ». Sa réponse: «D’après toi ?». Après ça, le monde se demande ce que je peux lui trouver…  😉

J’en aurais pour 5 minutes, 10 max. Arrivé à l’épicerie, j’ai trouvé rapidement de quoi manger, mais pas de bière. Hum… Il sont où, les réfrigérateurs à bière ?  Après avoir parcouru l’épicerie dans tous les sens, j’ai dû me rendre à l’évidence : il n’y en avait pas. Que faire ?  J’avais promis de la bière, j’avais le goût d’une bière, j’aurais de la bière.

Je suis sorti et suis allé voir au Walmart à côté, au cas où. Niet. J’ai donc interrogé le GPS pour une autre épicerie. À 6 km, il y en avait une qui s’appelait « Friendly Food Market ». Si c’était si friendly, il y aurait de la bière, non ?

Bon, 6 kilomètres, c’était en ligne droite. J’ai dû reprendre l’autoroute, mais j’ai fini par trouver l’endroit: un véritable trou. En fait, c’était une insulte pour tous les autres trous que j’ai pu voir dans ma vie: un dépanneur hyper-miteux dont je n’oserais jamais manger la supposée friendly food. Mais bon, de la bière, c’est dans un contenant fermé, non ?  Aussitôt entré, aussitôt ressorti : pas de business à faire là. Je commençais à avoir des doutes : comment un dépanneur pouvait ne pas avoir de bière à vendre et réussir à survivre dans un tel état de délabrement ?

La pharmacie juste à côté, peut-être ?  Je n’y croyais plus trop, mais nous achetions notre houblon dans une pharmacie à Lake George, peut-être ici… Nope.

C’était maintenant une question de principes. Un peu comme le très tenace coyote qui ne veut plus vraiment manger le Road Runner, mais juste se prouver qu’il peut l’attraper, j’allais trouver de la bière. J’ai donc traversé le boulevard pour aller voir dans l’autre dépanneur, moins miteux, de l’autre côté de la rue.

Évidemment, rien à boire. Moi qui ne demande jamais d’aide, je l’ai fait à la jeune fille qui tenait la caisse. Sa réponse ?  Elle ne savait pas où on pouvait acheter de la bière parce qu’elle n’avait pas encore 21 ans et que donc, elle ne connaissait pas ces choses-là.

Hein ?  Elle avait au moins 19 ans et elle ne savait pas ça ?  À son âge, je savais ça, et depuis très longtemps !  C’est la base de la vie, non ?  Vrai qu’on était au pays des Amish et que ces gens ont réussi l’exploit d’élire (et de réélire !) Rick Santorum… En tout cas, elle m’a reféré aux gens qui travaillaient au comptoir à bouffe à l’arrière.

Je devais avoir l’air d’un foutu alcoolo de Québécois, avec l’accent et tout le kit. Mais je n’allais pas baisser les bras. La dame à l’arrière m’a dit qu’il y avait un endroit (comment ça, UN ?!?) qui s’appelait Pavlish, pas très loin. Je trouvais que ça commençait à faire prohibition et mafia, cette affaire-là.

Elle m’a écrit les indications sur un bout de papier. Tourne à gauche ici, 5 pâtés de maisons plus loin, tourne à droite sur telle rue, etc. Malgré le petit bout de papier, après 4 ou 5 indications, je me suis évidemment perdu.

Je tournais en rond, prêt à abandonner, quand je suis tombé sur l’endroit par hasard. Je m’attendais à un style Beer Store, comme en Ontario. Ou à un endroit illégal. Mais non, c’était un… garage !  Oui, ils vendaient de la bière dans un garage !  Je n’en revenais pas.

Je me suis stationné, question d’en avoir le cœur net. À l’intérieur dudit « garage », une surprise m’attendait : de la bière du plancher au plafond, de toutes les sortes : locales, importées, micro-brasseries. Deux employés, hyper-gentils, m’ont demandé s’ils pouvaient m’aider. Heu, avez-vous de la bière ?

Ben non, j’ai demandé s’ils en avaient de la froide. Là-dessus, le choix était plus limité : fallait que je me « contente » de bières américaines. J’ai vu une caisse de Corona dans la partie réfrigérée, alors j’ai poussé ma chance : vous n’auriez pas de la Heineken froide ?  Hé oui !  Le coyote avait finalement attrapé le Road Runner !

Pendant que je payais, une dame est entrée en voiture dans ledit « garage » et là j’ai compris : c’était un drive-thru. Les gens pouvaient entrer en voiture, faire charger le précieux liquide et repartir sans que personne ne les voit faire !  Un peu comme les sections fermées de films pour adultes dans nos défunts clubs vidéos (ça vaut la peine d’aller voir le petit vidéo sur le site).

Maintenant, je comprends pourquoi les fans des équipes professionnelles de la Pennsylvanie (Philadelphie et Pittsburgh) sont parmi les plus enragés de tout le sport : ils sont frustrés !  😉

Et pour la petite histoire, je n’ai pas oublié de ramener également à manger… 🙂

Le buckle

Dimanche 17 mai, autour de midi. J’ai terminé la course depuis environ 4 heures, j’ai fraternisé avec les boys, mangé un peu, puis j’ai pris le chemin du chalet, conduit par ma fidèle équipe de support.

En arrivant, mon estomac a (encore) retourné la marchandise, puis, me sentant mieux, j’ai pris une bonne douche (haaaa !!!) et un presque aussi bon bain. Et maintenant, je somnole, étendu dans le lit, laissant glisser l’air du ventilo de plafond sur ma peau. Cette fois-ci c’est vrai, cette foutue course est bel et bien terminée !

Pression à la vessie, je dois aller aux toilettes. Je m’y rends pas trop péniblement, je suis même surpris d’être en mesure de me déplacer presque normalement. Pendant que je m’exécute, je sens que je commence à être un tantinet engourdi. Ayant déjà fait des chutes de pression, je me dis que je devrais peut-être m’asseoir par terre…

« Reviens à moi mon chéri. Oui, c’est ça, reviens… ». C’est la douce voix de Barbara qui me tient dans ses bras, tout en me passant une débarbouillette d’eau froide sur le visage et la poitrine. Oups, j’ai vraiment perdu la carte… (Pour ceux que ça intéresserait, j’avais eu le temps de terminer ce que je faisais avant de quitter temporairement notre merveilleux monde)

Après avoir repris mes esprits et être retourné au lit, Barbara me dit, encore tout doucement : « Je pense que ce ne serait pas une bonne idée d’aller à la remise des prix ». Elle vient de se taper une nuit blanche pour moi, elle vient de me ramasser par terre dans la salle de bain, je ne suis pas pour argumenter. Ok, je n’irai pas. Ça me fait un peu chier, j’aurais beaucoup aimé y être pour voir Joan recevoir ses prix. Mais bon…

Un peu plus tard, en reprenant contact avec les boys via Face de Bouc, je les mets au courant de ma mésaventure. Ils se demandaient si j’allais bien, sont un peu rassurés d’avoir de mes nouvelles. Et Pierre d’ajouter : « On a oublié de prendre ton buckle, il faudrait peut-être que tu contactes le directeur de course ».

Hein, j’avais droit à un buckle ?!?

Pour les non-initiés, la boucle de ceinture, communément appelée buckle, est le prix ultime pour l’ultramarathonien ordinaire. Je sais, se taper 100 miles à pied pour un buckle, c’est un peu beaucoup ridicule. N’essayez pas de comprendre, c’est comme ça, un point c’est tout.

Habituellement, les organisations en donnent aux coureurs qui réussissent à faire le parcours en-dessous d’un certain temps. Pour la plupart, ce seuil se situe à 24 heures, comme pour proclamer qu’on a réussi à faire 100 miles en une journée. Pour certains c’est un peu moins, d’autres, un peu plus. Je me disais que pour Massanutten, la limite était peut-être 25 heures, 26 au mieux. Alors à 28h12, mon chien était mort, j’allais me contenter de ma casquette.

Erreur. Ils en donnent à tous ceux qui terminent. De couleur argent pour ceux qui font moins de 24 heures, de couleur bronze pour les autres. J’avais donc droit à un !

Lundi matin 8h, je prends donc la route pour aller sur le site de la course, au cas où j’y croiserais quelqu’un de l’organisation. Sur place, ne restent que le chapiteau et les toilettes. Aucune âme qui vive. En sortant, je croise un monsieur et j’apprends que l’organisation loue l’endroit pour la fin de semaine et que tout le monde a foutu le camp. Damn !  Je veux mon buckle, bon !

Je contacte le directeur de course par courriel. Il me répond assez rapidement qu’il ne vit pas dans la région, alors…

Je me mets en frais de retrouver où il vit. Il n’exagérait pas : il demeure à Frederick (je ne niaise pas !) dans le Maryland, à deux heures de route. Le gars est directeur d’une course qui se déroule à deux heures de chez lui !  Je capote un ti peu, moi là…

Petit calcul Google; ce serait un détour de 30 minutes sur le chemin du retour. C’est quoi, 30 minutes pour un buckle ?  Je lui en fais part, il me répond qu’il lui en reste justement un chez lui, qu’il va le laisser dans la boîte à lait (???) sur le bord de sa porte d’entrée si je veux passer sur le chemin du retour.

Hé bien, j’ai retrouvé sa maison (un fichue de belle) et effectivement, le buckle, MON buckle, était là, m’attendant sagement. Il est magnifique. Sans mauvais jeu de mots, la boucle était bouclée, nous pouvions retourner à la maison.

postMMT100

Pour ceux qui ne l’auraient pas déjà vue, photo des mes « trophées » rapportés de Massanutten: le buckle, la casquette « finisher » et en prime, 10 « black toes »