Le tapis

Petit voyage pour le travail (duh !) à la centrale La Sarcelle en début de semaine. C’est où ça ?  Pour vous donner une idée, nous avons atterri à Nemiscau, à une heure d’avion au nord de Rouyn (oui, il y a de la vie au nord de Rouyn !), avons fait 75 km sur un chemin de terre pour atteindre Eastmain, puis un autre 110 km (toujours sur un chemin de terre et toujours vers le nord, bien évidemment) pour rejoindre le campement de la centrale. Loin vous dites ?

Aeroport Nemiscau

L’immense aéroport de Némiscau

L’hiver québécois ne finissant plus de finir cette année, vous pouvez imaginer qu’il n’est pas en reste dans le nord. D’un agréable -12 degrés bien secs à notre arrivée, le mercure est allé lorgner du côté des -30 au cours des 48 heures qui ont suivi.

Espérant une fenêtre de temps libre pour insérer une petite sortie de 12-15 km durant notre séjour, j’avais amené le nécessaire pour la course en hiver. Peine perdue. Bien que les 10-11 km séparant le campement de la centrale constitueraient dans d’autres circonstances un merveilleux terrain de jeux pour le coureur, on ne peut pas dire que les astres étaient alignés pour que je puisse assouvir ma passion.

La Sarcelle

Petite vue du campement de La Sarcelle.  Ça donne le goût de courir, pas vrai ? 😉

 

En effet, les journées de travail sont longues quand on est en essais. De plus, il y avait les horaires très rigides de la cafétéria du campement, le froid, la noirceur, la non-connaissance de l’environnement, les loups (!), le fait qu’il y ait très peu de voitures (je devrais plutôt dire, de pickups) qui passent dans le coin et quand ils le font, c’est à tombeau ouvert; bref, plein de bonnes raisons qui m’ont forcé à faire ce que je ne fais jamais: me rendre à la salle d’entrainement pour aller courir sur un tapis roulant. J’avais prévu le coup, ayant inséré une paire de shorts dans mes bagages, au cas où…

En partant, je n’étais pas dans mon meilleur état, ayant terminé mon repas du soir à peine 60 minutes auparavant. Mais pas le choix, le “gym” fermait à 21h30 et il était déjà 20h, alors…

Bref, je suis arrivé dans la salle d’exercice et j’y ai découvert un bel assortiment d’instruments de torture: vélos stationnaires, machine “elliptique” et tout près de la télé accrochée au mur, 3 merveilleux tapis roulants.

J’entends déjà d’ici le monde s’exclamer: “Tu parles d’un ingénieur !”, mais c’est un fait: la technologie et les pitons, ça m’emmerde. Le temps que je gosse après ces patentes-là, je le perds à ne pas faire quelque chose de plus intéressant. Alors quand j’ai vu l’infinité de possibilités qui se présentaient à moi pour régler le tapis que j’avais choisi, je dû réprimer quelques jurons (bah, j’exagère un peu…).

Pèse sur le piton “Start”, ça commence. Bon, ça ne va pas assez vite. La flèche vers le haut je suppose ?  Ouais, ça marche. Encore la flèche ? Ouais. Mais à quelle vitesse je vais, donc ?  Celle indiquée, elle est en mph (miles per hour), je suppose ?  C’est qui l’imbécile qui met la vitesse d’un coureur en milles à l’heure ?  Je joue avec le piton des unités et une vitesse en km/h semblant correspondre un peu à ma cadence se présente à l’écran. Ok, c’est peut-être ça..

Au bout de quelque temps, je me suis mis à courir sans tenir la barre devant moi. Mes Montrail frappaient le tapis avec une belle régularité. Ce n’était pas si mal, finalement… Puis, au bout de même pas 5 minutes, je me suis rendu compte que je ne faisais que fixer les indicateurs de temps et de vitesse et que surtout… je m’emmerdais. Et solidement à part ça. La télé jouait à tue-tête un épisode d’une série poche à Série Plus, ce qui faisait que je m’emmerdais doublement. En plus, comme je ne suis pas habitué à ces machins-là, j’ai vite remarqué que je ne tenais pas une ligne droite et que je m’approchais souvent des bords du tapis. Je m’imaginais prendre la débarque de ma vie sans que personne ne vienne à mon secours.

Au bout de 15 minutes, ras-le-bol. Piton “Stop”. En débarquant du tapis, j’ai ressenti un petit étourdissement, semblable à ceux que je ressentais quand je faisais du vélo stationnaire. Étourdissements jamais agréables. Autre raison de ne pas aimer ces tapis-là.

Ok, tout d’abord changer de poste à la télé. Je ne suis pas amateur de hockey, mais ça allait faire pour ce soir-là. Puis, comme je n’avais rien pour boire (je me voyais mal arriver au gym avec ma veste d’hydratation), je suis allé à la buvette, puis suis revenu, rempli de bonnes intentions.

Piton “Start”, petite flèche vers le haut et c’était reparti. Même pas 5 minutes de “course” que l’ennui m’a repris. Et mon estomac qui me rappelait qu’il était encore bien rempli de mon souper. Moi, avoir des rapports au goût de brochettes quand je cours… Aussi, j’étais maintenant complètement détrempé, la sueur coulant de tous les pores de ma peau et probablement d’ailleurs aussi. Ha, faire du cardio à l’intérieur, quelle joie !  En plus, comme je n’avais pas vu de hockey depuis les Jeux de Sotchi, je trouvais la partie qui se jouait devant moi d’un ennui mortel. Décidément…

Autre arrêt pour prendre de l’eau (et autre étourdissement aussi désagréable que passager), puis je suis reparti, encore moins motivé. J’avais presque 30 minutes de faites, ce serait assez, non ?  J’ai alors commencé à m’intéresser aux “programmes” offerts, question d’essayer de me distraire un peu. Il y en avait une panoplie, mais si je voulais en faire un, je devais programmer le tout. Encore des maudits pitons à gosser, grrrr !

J’ai fini par en choisir un avec intervalles courts et surtout, par comprendre que c’était moi qui décidais la vitesse desdits intervalles. Je me suis donc retrouvé (si j’ai bien compris) à alterner des 2 minutes à 15.1 km/h avec des 2 minutes à 13 km/h. J’avais trouvé quelque chose qui m’allumait un peu, enfin !

Autour de 21h10, j’ai décidé que c’était suffisant. Toujours trempé à lavette, j’ai eu une pensée pour les addicts du gym qui se vantent de suer à profusion lors de leurs séances d’entrainement. Ma réponse la prochaine fois que j’en entendrai un chanter ses louanges ?  « Ouin, pis ? »  Je n’ai vraiment pas eu l’impression de me défoncer ce soir-là et pourtant, je pouvais tordre mes shorts tellement elles étaient imbibées d’eau, alors…

Mon « bilan » de l’expérience ?  Plus jamais !  J’ai détesté être enfermé, ne pas pourvoir respirer l’air du dehors, devoir regarder la télé en courant parce que ce que je faisais était d’un ennui mortel. Chapeau bien bas à tous ceux qui réussissent à s’entrainer régulièrement sur de tels machins !  Dans un autre sens, c’était mieux faire ça que ne rien faire du tout.

Je reconnais que pour faire des intervalles, c’est une machine parfaite car elle oblige le coureur à suivre les cadences préprogrammées, ce qui est une bonne chose, surtout pour quelqu’un comme moi qui ai une légère tendance à y aller trop fort durant la période de récupération. Mais c’est loin d’être une raison suffisante pour que j’envisage l’achat d’un tel bidule. Au grand plaisir de ma tendre moitié d’ailleurs !  🙂

Sur le pont de la Concorde…

J’étais à la fin d’un intervalle. Je venais de passer devant Habitat 67 et je finissais la petite montée menant au pont de la Concorde. À cet endroit, la piste cyclable était (encore) sur fond glacé et en y ajoutant de l’eau provenant de la neige fondue, Dame Nature présentait un combo périlleux au coureur qui osait s’y aventurer (je n’ose penser quoi ça doit voir l’air avec ce qui nous est tombé dessus hier !).

Je m’arrête donc à chaque fois que je passe là depuis quelque de temps, question de faire ce petit passage en marchant car je désire demeurer en vie. Petite différence en cette fin de jeudi après-midi cependant: deux gars qui n’avaient vraiment pas rapport à cet endroit (ils étaient habillés comme des gens ordinaires, duh !) s’en venaient en sens inverse. Quand l’un d’eux m’a abordé (en anglais), j’ai tout de suite su qu’ils ne venaient pas du coin.

Ils voulaient savoir s’il y avait un McDonald proche (ils ne venaient définitivement pas du coin). Première chose qui m’est venue à l’idée: “Si tu avais l’idée de te partir un McDo, mon chum, le ferais-tu ici, en plein milieu du fleuve ?!?”. Mais bon, ils ne pouvaient pas savoir… J’ai regardé ma Garmin et sachant qu’il y en a un dans le Vieux, tout près de l’endroit où je m’étais élancé, je leur ai annoncé: “Il y en a un à 3.75 km”.

“Ça prend combien de temps, ça ?”. Évidemment, je me suis senti obligé de leur répondre par une niaiserie: “15 minutes si vous courez”. Ma Garmin indiquait exactement 15 minutes (je vous rappelle que je terminais un intervalle, je ne vais pas si vite habituellement !). Et l’autre de me répliquer qu’il ne court pas, il a un trop gros surpoids (ça, c’est le McDo, mon ami). Sur le coup, je l’ai trouvée drôle, puis je me suis rendu compte qu’il m’avait évidemment pris au premier degré. Here we go again

Son compagnon, qui semblait moins pressé à s’empiffrer de junk food (il était plus mince aussi), s’est mis à me poser des questions. “Pourquoi tu cours ?  Pour maigrir ?”. Et moi de répondre: “Yeah !” avec un grand sourire. C’est plus fort que moi. On dirait que le second degré, ça fait autant partie de ma nature profonde que la course. “Tu sais, ce n’est pas bon être trop maigre…”. Bon, encore une de mes blagues qui tombe à plat. Décidément, je n’apprendrai jamais… Heille le smatte, est-ce que j’ai l’air d’un anorexique ?  As-tu une idée de la quantité de calories que je peux absorber dans une semaine ?  Sur l’heure du midi, mes lunchs prennent toujours deux fois plus de temps que ceux de mes compagnons de travail à chauffer. Ce n’est certainement pas parce que j’aime manger ma bouffe plus chaude…

Question suivante: “Tu cours quelle distance ?”. À peu près 16 km aujourd’hui (j’ai laissé tomber l’idée de faire leur éducation sur le travail de vitesse, les intervalles, les côtes, etc.). “C’est jusque où ça ?  Jusqu’au casino ?”. Ils ne connaissent vraiment rien à rien, il n’y a pas à dire: le casino est environ à 1.5 km d’où nous étions !  Je me suis mis à leur expliquer que je me rendais à mon auto, qui était garée sur la rive sud. Pour ce faire, je devais passer par le pont Jacques-Cartier (que j’ai pointé du doigt), le traverser, puis faire un petit bout par après. J’allais me taper 3 boucles du chemin de l’Isle (sur l’île Ste-Hélène) question de faire des côtes avant de traverser, mais ça, ils n’avaient pas à le savoir.

Voyant où est situé le pont, ils n’en revenaient pas. “Tu vas courir jusque là ?!?”. Ben heu, oui. “Tu vas courir sans arrêt ?”. Merde, ce n’est même pas 3 km pour se rendre !  Je vais courir sans arrêt, sauf si je pogne des plaques de glace comme ici, si je dois sauter une clôture, si je tombe sur deux hurluberlus qui me posent des questions bizarres, etc. Ils n’en démordaient pas. “Tu vas vraiment courir sans arrêt ?  Combien de temps tu cours ?”.  Entre 1h05 et 1h10, dépendant du vent, des côtes, des conditions quoi. J’ai cru qu’ils allaient tomber dans les pommes. Un marathon, vous connaissez ?  Ça prend un petit peu plus de temps que ça, vous savez…

Nous nous sommes quittés après avoir jasé un peu plus de poids et de malbouffe. Ils semblaient vraiment vouloir aller chez McDo car ils ont poursuivi leur chemin vers le Vieux Port. Je me demande où ils ont fini par aboutir…

Des nouvelles des grands marathons

La fin de semaine dernière, je regardais les résultats du Marathon de Tokyo. Bien évidemment, il a été dominé par les Kenyans qui ont pour ainsi dire monopolisé le top 10. En effet, parmi les 10 premiers, on retrouve pas moins de 7 Kenyans !

Dans l’article, on nous apprend que le gagnant, Dickson Chumba (2:05:42), n’a pris que 14:21 entre les kilomètres 35 et 40. Je n’en revenais tout simplement pas. Ici au Québec, je doute honnêtement qu’il y ait quelqu’un qui soit en mesure de faire un tel temps sur un 5 km. Chumba a accompli cet exploit à la toute fin d’un marathon. Incroyable…

Autre chose que j’ai remarquée en regardant ces résultats: les temps et les athlètes qui les ont réussis. Bien que je sois loin d’être une référence en la matière, il y a un seul nom qui sonnait des cloches quand je l’ai vu: Abel Kirui, deux fois champion du monde et médaillé d’argent à Londres, qui a terminé en 10e place en 2:09:04. Tous les autres m’étaient inconnus et pourtant,  ils sont “descendus” sous les 2h08. C’est sidérant qu’un pays puisse produire autant de coureurs de si grande qualité. Un championnat national au Kenya, ça doit être tout un spectacle !

Mais vous savez ce qu’il y a d’encore plus étonnant ?  Ce pays n’a produit qu’un seul champion olympique au marathon. Hé oui, il s’agit de Samuel Wanjiru qui aurait probablement été le plus grand coureur de tous les temps (il n’avait pas encore 22 ans quand il a remporté le marathon des Jeux de Pékin)… s’il n’avait pas été pris en flagrant délit d’adultère par son épouse. En effet, cette dernière, le trouvant au lit avec une autre femme, enferma le couple dans la chambre située au deuxième étage. Wanjiru a alors tenté de sauter à partir du balcon (on ne sait pas trop pourquoi) et la chute a été mortelle. Un peu loser comme façon de mourir, pas vrai ?

Marathon de Boston. J’ai appris la semaine dernière mon numéro de dossard et mon couloir de départ. Numéro 6693, 7e couloir de la première vague. Ouch !

Pourquoi je dis ça ?  Parce que malgré un temps de qualification 5 minutes et demi plus rapide, je me retrouve dans le même couloir que l’an passé, avec à peu près le même numéro de dossard. Ça veut donc dire que le contingent de coureurs présents cette année sera très, très fort. Pour vous donner une idée, le “temps de coupure” de la première vague est de 3:12:52. Oui, 9000 coureurs qui ont fait moins de 3h13 !  Tout autour de moi, il y aura des gens qui “valent” 3h06, alors que moi, je suis bien loin de ça. Au mieux, je vaudrai 3h10… Il n’y en aura pas de facile !

Côté sécurité, l’organisation met tout le monde en garde, y compris évidemment les spectateurs: les forces policières seront omniprésentes sur le parcours et tous doivent s’attendre à être fouillés. J’espère que l’enthousiasme de la foule n’en sera pas atténué, ça fait partie du charme de cette course. Entre autres, je pense évidemment au fameux scream tunnel des étudiantes de Wellesley College, une tradition à Boston. S’il fallait que la sécurité empêche les coureurs d’avoir leur petit bec au 20e kilomètre…

Marathon de Chicago. Moi qui ai toujours cru qu’il fallait s’inscrire à une loterie ou faire partie d’un groupe caritatif pour participer à ce marathon, voilà que j’ai appris en navigant sur le site de l’événement qu’on pouvait se qualifier et ainsi, obtenir une place garantie. Les critères de qualification ?  D’une simplicité hors du commun: pour l’édition 2014, toute personne qui aura réussi le standard demandé (3h15 pour les hommes et 3h45 pour les femmes) sur un parcours accrédité après le 1er janvier 2012 sera admise. Point final. Pas de zigonnage avec les catégories d’âge.

J’ai trouvé ça intéressant. Ça veut dire que si je voulais courir Chicago, je serais déjà assuré de pouvoir le faire cette année et l’an prochain. Hum, une troisième grand Marathon dans ma besace ?

Bémol cependant: 1350 km, soit la distance entre Montréal et Chicago. C’est deux fois plus loin que se rendre à Philadelphie. Ça pourrait se faire en voiture, mais c’est un peu long à mon goût. Surtout pour courir “seulement” un marathon. L’avion ?  Beaucoup de frais supplémentaires. Et pour une destination pas tellement intéressante, dans le fond. San Francisco, Vancouver, l’Europe, c’est à voir. Mais Chicago ?  Bof…

Marathon de New York. Les inscriptions en vue de la loterie fermaient mardi. Je souhaite la meilleure des chances à ceux qui ont tenté le coup car New York, ça vaut vraiment la peine de le faire une fois dans sa vie.

Cette semaine, j’ai reçu le livre-souvenir de l’édition 2013 par la poste. La grande classe. En papier glacé, on y retrouve quelques articles et surtout, tous les résultats. Ça m’a permis de vérifier si mon nom y était inscrit pour l’éternité et il l’est, à la 1500e place précisément. Je n’ai pas pu m’empêcher d’aller voir le temps de la personne qui a terminé à a 50134e et dernière place. En fait, ils sont deux à partager cet honneur en arrêtant le chronomètre en 10:17:52. Oui, plus de 10 heures pour compléter un marathon !  Je présume qu’une des deux personnes souffrait d’un handicap, je ne peux pas croire…

Quarante-quatre

Quarante-quatre. C’est le nombre de fois que la terre a fait le tour du soleil depuis ma naissance. Le chiffre me semble énorme. C’est deux fois 22. Il y a 22 ans, j’étais à l’université, époque qui ne me semble pourtant pas si lointaine… Le jour de ses 44 ans, Bourassa n’était même plus premier minstre du Québec (pour la première fois en tout cas). Quant à Kennedy, il était déjà à la Maison-Blanche. Wow, ce que je peux être vieux…

Karnazes avait cet âge quand il a fait son 50-50-50, alors inspiré par lui, je me suis dit que j’allais célébrer ça en grande: 44 kilomètres au mont St-Bruno. Au diable les programmes d’entrainement du marathon qui nous limitent à 32 (programmes que je ne suis plus depuis belle lurette de toute façon) !  Il faisait froid ?  Il ventait ?  So fucking what ?  Ça fait plus que trois mois qu’il fait froid et qu’il vente, je n’allais pas me laisser arrêter par ce léger détail.

Comme on dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Après quelques hectomètres, j’ai dû me rendre à l’évidence: la surface n’était peut-être pas adéquate pour y courir plus qu’un marathon. Les températures plus douces des jours précédents avaient transformé la neige tombée mercredi-jeudi en belle slush qui s’était empressée de se métamorphoser en glace lors du retour des froids polaires (bon, j’exagère, je sais…). De la glace très raboteuse et bien dure. J’avais beau porter mes crampons, c’était plutôt casse-gueule. En plus, les chevilles, les genoux et les hanches étaient sollicités comme jamais ils ne le sont sur la route ou même, en sentiers.

Je ne cessais de me répéter la maxime de Seb: “Il faut accepter d’aller moins vite”. En fait, ce n’était pas si difficile si je voulais éviter de me péter la marboulette dans les descentes ou même sur le plat. Je réussissais tout de même à faire monter le compteur. J’étais rendu à 22 quand un préposé du parc m’a arrêté pour une vérification de “titre de transport”.

Non, ce n’était pas mon super conducteur de pick-up préféré… Heu, tu me niaises, Chose ?  Il ne me niaisait pas. Je l’ai, ma petite carte, mais elle est loin, dans ma veste d’hydratation, seul accessoire qui m’accompagne en tout temps quand je viens ici. Sauf que par grand froid, j’enfile ladite veste sous mon coupe-vent, question d’éviter que le tube gèle.

Rien à faire, fallait que je lui montre ma petite carte. Je devais avoir l’air du gars qui essayait d’étirer le temps dans l’espoir que le préposé le croit sur parole… Commence par enlever la Garmin, puis enlève le coupe-vent. Garroche le coupe-vent par terre, entends la Garmin qui démarre. Cherche la Garmin pour l’arrêter. Trouve la Garmin. L’arrête. Enlève la veste d’hydratation (parce que bien sûr, la petite maudite carte n’était pas dans les poches avant, ça aurait été trop simple !). Commentaire du préposé: “C’est vrai qu’elle est loin…”. Ouais et moi je suis trempé de sueurs et en train de congeler au vent parce que je suis en train de me foutre à poil. Criss d’hiver !

Finalement, le Saint Graal était là où je pensais (j’ai douté quelques instants). 15 secondes plus tard, la vérification était faite et on me la remettait. Tout ça pour ça ?  Tabar… !

Mais bon, je ne me suis pas laissé démonter par cet incident et ai poursuivi mon chemin. Oui, il faisait froid et c’était venteux, mais le soleil de mars faisait son oeuvre. En fait, c’était une foutue belle journée !  Autour du 33e, mon genou gauche s’est mis à se lamenter un peu et j’ai décidé d’être sage. Mes jambes avaient assez travaillé pour la journée. Une petite boucle supplémentaire et j’allais plier bagage.

Au début de mon 37e et dernier kilomètre, je courais sur la piste de raquettes, en plein milieu d’un champ. Je sais que ce genre “d’illumination” m’arrive souvent et que je vous ai déjà fait part à plusieurs reprises sur ce blogue, mais ça m’a encore foudroyé: c’était fou à quel point je me sentais bien. Aucune âme qui vive en vue, le silence brisé par le seul bruit de mes pas sur le sol glacé, le soleil printanier qui réchauffait mon visage (après ça, le monde se demande pourquoi je suis bronzé à longueur d’année; duh !). Ça faisait plus de 3 heures que je courais et j’en aurais pris encore. J’ai écarté les bras et fermé les yeux, savourant ces moments magiques. Je n’existais pas, je vivais.

Certains ne voient pas d’autre façon que se saouler la gueule pour souligner le jour de leur anniversaire. D’autres choisissent d’aller se faire dorloter au spa. Pour ma part, je n’arrive vraiment pas à trouver comment j’aurais pu faire quelque chose d’autre qui m’aurait fait autant de bien et m’aurait donné autant de plaisir.

L’invitation

Celle-là m’a pris les culottes à terre (pas que j’étais en train de faire quelque chose de répréhensible, mais bon…).

La semaine dernière, j’ai reçu un courriel de la part de Sébastien, le directeur de course de l’UT Harricana. Croyant à un envoi général faisant la promotion de la course, je l’ai ouvert machinalement, question de voir de quoi il en retournait.

Première surprise, il m’était adressé personnellement. Deuxième surprise, Sébastien me disait que pour mon “implication dans la communauté de trail running au Québec et la course à pied en général”, il m’offrait une inscription gratuite pour l’épreuve de mon choix.

HEIN ?!?  Mon implication dans la communauté de trail running ?  Je ne connais à peine que quelques coureurs de trail. À part les (trop) rares sorties-placotages effectuées avec mes amis Maryse ou Sylvain, je cours toujours seul. Je ne fais partie d’aucun club, ne travaille pas avec un entraineur. J’ai fait du bénévolat pour une course une seule fois (je compte toutefois récidiver). Alors par rapport aux gens qui organisent des courses, mettons que côté implication, il me reste encore pas mal de croûtes à manger.

J’admets que ce blogue me donne une tribune où je ne gêne pas pour faire la promotion de la course en sentiers. Mais je ne fais qu’exprimer ce que je ressens, ce que je vis. Car c’est quand je me retrouve dans les sentiers ou même sur un chemin de campagne que je me sens le plus vivant. Il m’arrive parfois de m’arrêter seulement pour admirer le paysage, écouter le silence, respirer l’air pur. Et c’est là que je remercie le ciel de m’avoir donné la santé qui me permet de vivre ces moments à la fois si simples et si magiques. Peut-être est-ce parce que je raconte sans censure ce que ce si merveilleux sport m’apporte qu’on considère cela comme une forme d’implication.

En tout cas, peu importe, j’aurais été fou de refuser, pas vrai ?  L’an passé, je n’avais que des bons mots pour les sentiers empruntés pour l’épreuve de 28 km de l’UT Harricana ainsi que pour l’organisation.   Je ne vois vraiment pas pourquoi ce serait moins bien cette année avec l’augmentation de la participation et une année d’expérience derrière la ceinture. J’avais bien l’intention de me faire l’ultra un jour, mais bon, ça ne fittait pas tellement dans mon calendrier cette saison.

Hé bien, on peut dire que je l’ai modifié, ledit calendrier !  Certains sont en mesure de faire des 50 milles à deux semaines d’intervalle, mais moi, je préfère me laisser plus de temps pour récupérer entre deux épreuves. Donc, pas de Chute du Diable (deux semaines avant) ni de Vermont 50  (deux semaines après) pour cette année. Par contre, le Bromonultra qui aura lieu quatre semaines plus tard et à seulement 80 km de chez moi, hum… Histoire à suivre.

Il me restait seulement à décider d’un léger détail: à quelle course prendre part: le 65k ou le 80k ?  Tout me poussait vers le 80k, surtout qu’il inclut la montée du mont Grand-Fonds après 65 km de course.  Une chose me dérangeait cependant: 3h du matin. C’est l’heure de départ de la navette nous amenant au départ. Comme je suis aussi rapide qu’un escargot quand vient le temps de me préparer le matin, vous imaginez à quelle heure j’aurais à me lever ?  Mais après quelque temps à y réfléchir, je me suis dit que je m’en voudrais de ne pas le faire, alors je me suis inscrit à la grande course. Tant qu’à faire le voyage… 🙂

En terminant, pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu, je vous invite fortement à visionner ce petit vidéo: c’est un véritable bijou qui a fait le tour du monde en quelques jours seulement. Tourné par Joan, il nous entraine avec lui lors de ses allers-retours au travail à la course, du lundi au vendredi, hiver comme été, beau temps, mauvais temps. Ha, si j’habitais moins loin du centre-ville…

Vous retrouverez ici (à partir de la 47e minute) l’entrevue qu’il a accordée à la télévision locale suite à la publication du vidéo. Il y exprime très bien ce qui se passe dans la tête (et dans le corps !) d’un coureur. Ça pourrait peut-être aider quelques personnes qui vivent avec une personne comme nous…  🙂

J’aurais donc dû…

J’en ai déjà glissé un mot, je commençais à en avoir vraiment marre de faire mes longues sorties du dimanche matin dans les petites rues pour « déjouer » le vent. Tanné de voir les mêmes quartiers résidentiels, fatigué de faire des interminables allers-retours nord-sud et/ou est-ouest en changeant de rue pour tenter de tromper l’ennui. Au bout de quelques semaines, ça ne marchait plus.

L’hiver québécois a beau s’éterniser, je l’ai envoyé paître hier soir: j’ai décidé que j’allais faire ma longue sortie dans mon terrain de jeux, au Mont St-Bruno. Les pistes de raquettes et de randonnée pédestre étaient probablement encore durcies par le froid et il y a toujours le sentier Seigneurial qui fait 7 km de long et qui est accessible. Je pourrais certainement me débrouiller là-dedans.

Dès les premiers kilomètres, la phrase m’est venue à l’esprit: « J’aurais donc dû… » comme dans « J’aurais donc dû revenir ici avant ! ».  Après ma petite virée au mont Royal jeudi, je retrouvais pour la deuxième fois cette semaine le plaisir de la course en sentiers. Les enchainements montée-descentes, la tranquillité de la course en forêt, l’air pur, le silence brisé seulement par le bruit de mes pas sur le sol. Ha, le bonheur…

Tout en courant, je pensais à Pierre, Pat (qui n’y est finalement pas allé, victime d’une grippe) et Denis qui tournaient en rond quelque part à Vaudreuil, à mon « record » qui était probablement en train de tomber et j’étais plus que convaincu d’avoir pris la bonne décision, soit celle de ne faire qu’une seule course intérieure cet hiver. Car j’étais bien, aux oiseaux même. Quoi que ceux sur place n’ont pas tellement apprécié que je m’arrête pour les observer, une mésange se permettant un avertissement à 2-3 pouces de mon nez. Baveux pour sa grosseur, celui-là !

Au final, 34 km et beaucoup de travail en montée (par contre, les descentes en hiver, bof…). Boston ne me surprendra pas deux fois.