C’est de ta faute, Pat !

J’ai appris qu’il courait en 2008, la semaine avant le Marathon de Montréal. Dans une entrevue accordée à « Salut Bonjour ! », il parlait de cette première pour lui dans la plus longue des distances classiques. Il visait un temps de 4 heures. Pour ma part, comme j’avais fait un 3h43 « en dedans » à ma première expérience l’année précédente, j’étais confiant de pouvoir descendre sous les 3h30. La pluie torrentielle qui était tombée dans les heures précédant la course avait été suivie par une humidité à couper au couteau. Inexpérimenté, j’avais terminé cette course de peine et misère, franchissant la ligne après 3h56 de pure souffrance. Je suppose qu’il a vécu un peu la même chose que moi, une trentaine de minutes derrière.

Je me suis mis à suivre son évolution, comme je le faisais avec d’autres personnes connues qui pratiquent la course. Nous nous croisions de temps en temps dans le cadre d’une course (habituellement au demi Scotia Bank), mais comme je n’avais rien de particulier à lui dire, ce n’était pas parce qu’il était connu que j’étais pour lui parler…

Puis j’ai remarqué qu’il semblait courir moins. À l’époque, je n’avais qu’une seule référence en la matière: SportStats.ca. Je me suis dit qu’il avait probablement ralenti la cadence, faute de temps et/ou de motivation.

Puis un jour, allant faire mon « épicerie » à la boutique Coin des Coureurs du centre-ville, j’ai émis un commentaire sur la grande quantité de gels que j’achetais. L’employé me raconta alors qu’il y avait un monsieur qui était passé et en avait acheté une quantité phénoménale parce qu’il s’en allait faire une course de 100 milles et qu’il préférait « en avoir plus que moins ».

J’avais vaguement entendu parler de ces courses-là. Un jour, j’avais vu un reportage sur le fameux Leadville 100 à la télé américaine, mais je me disais que c’était certainement marginal comme épreuve. Il me semblait toutefois qu’il y avait un 100 milles quelque part dans le Vermont….

Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, mais je me suis mis en frais de trouver le site de l’événement et ensuite, la liste des participants. Qu’est-ce que je cherchais au juste ?  Quelqu’un que je connaissais ?  Toujours est-il qu’en défilant ladite liste, je suis tombé sur son nom. Hein, lui ?  Merde, il est plus lent que moi dans toutes les courses qu’on fait et il va se taper un 100 milles ?  Non, ce n’était pas possible… Peut-être était-ce quelqu’un qui portait le même nom (ben oui Chose, dans le genre coïncidence…) ?

J’ai approfondi mes recherches et j’ai trouvé d’autre références que SportStats (duh !). Il s’était lancé dans les course plus longues que le marathon classique et à ce moment-là (nous étions en 2011), il avait déjà deux Ultimate XC, un Vermont 50 et un Bear Mountain sous la ceinture. Holly shit !

Je me suis mis à m’intéresser à ce monde si particulier des ultras en sentiers. Et plus je lisais sur le sujet, moins je comprenais. Il fallait que j’en parle à quelqu’un. Mais à qui ?  Je ne connaissais personne d’assez fou pour se lancer dans de telles aventures. Il y avait bien des blogues qui en parlaient, mais à part ça… Toutefois, tous étaient unanimes sur un point: la course en sentiers, c’est le plaisir pur et la camaraderie, rien à voir avec la route. J’avais vraiment le goût d’essayer.

J’ai contacté David Le Porho qui m’a recommandé de commencer par des distances plus courtes, question de voir si j’aimais ça ou pas. Puis, quelques mois plus tard, après avoir complété un Marathon d’Ottawa de rêve qui me permettait enfin de m’assurer une place pour Boston, je suis tombé sur Pat par pur hasard.

Je devais être sur un high, je ne sais pas trop, mais cette fois-là, je lui ai parlé. Sans avoir aucune espèce d’idée sur la performance qu’il venait de réaliser, je l’ai félicité sur le champ (il venait d’établir son record personnel). Après quelques phrases typiques d’après-course échangées avec le grand sourire entre coureurs, je lui ai parlé des ultras. En fait, je lui ai dit que j’envisageais le Vermont 50. Il me l’a recommandé chaudement pour un premier ultra, à cause de l’organisation et de son niveau de difficulté technique relativement faible. Je le cite: « Il est vraiment beau, le Vermont 50. Ça monte et ça descend beaucoup, mais il facile techniquement. La place idéale pour commencer ! ». J’avais ma confirmation. Le surlendemain, j’étais inscrit. Le conseil de David ? Heu…

La suite fait partie de l’histoire, comme on dit. Malgré une météo exécrable, j’ai vécu la plus belle course de ma vie. J’étais définitivement accroc.

J’avais prévu acquérir plus d’expérience en ultra en 2013 et me lancer dans les grande aventure du 100 milles pour le Vermont 100 2014, trois ans après avoir « découvert » l’existence même de cette course. Mais j’ai été ralenti par les blessures et n’ai pas pu participer aux courses que j’aurais voulu.

Sauf que…

Quand c’est rendu que le gars que je voyais comme mon modèle dans le domaine me sermonne gentiment pour me dire que je suis plus que prêt… Quand c’est rendu que ma conjointe me dit que je devrais le faire, que pour un premier essai sur LA distance, pouvoir le faire près de chez soi, c’est toute une chance…

Et puis à un moment donné, si j’attends que les conditions idéales soient toutes réunies (travail, conditions météo, entrainement), je ne le ferai jamais. Au pire, si je suis trop fatigué pour le compléter, j’arrêterai en chemin et me reprendrai une autre fois. Ou je finirai à la marche, DFL (dead fucking last !).

Alors voilà, je plonge. C’est fait: je suis inscrit pour le 160 km du Bromont Ultra.

Et ça, c’est de ta faute, Pat !  🙂

Des choses et d’autres

Ha les vacances… On prend le temps de vivre, de respirer par le nez, de courir (évidemment) et surtout, de mémérer de choses et d’autres sur son blogue !  🙂

L’Abitibi – Comme j’en ai déjà glissé un mot, j’ai pris quelques jours de repos après l’Ultimate XC et à mon retour au travail, tout s’est mis à débouler. Ce qui fait que je me suis retrouvé à Rouyn pour trois semaines et après une petite semaine au bureau, j’y suis retourné la première du mois d’août.

Les gens de l’Abitibi sont extraordinaires. Souriants, accueillants, affables. Travailler avec eux est un pur plaisir car on se sent immédiatement partie intégrante de leur équipe.

On ne peut toutefois pas dire que je sentais que je faisais totalement partie de la famille car mes collègues ont des intérêts un tantinet différents des miens: alors que j’affectionne les moyens de transport à propulsion humaine, eux ont plutôt tendance à préférer les engins à moteur. Inutile de vous dire qu’au début, ils trouvaient un peu bizarre de me voir courir à vive allure dans les chemins de terre reliant le poste à la civilisation. Mais au fil des jours et des semaines, ils se sont habitués à me voir quitter plus tôt et à me dépasser sur la route au volant de leur pick-up ou de leur Suburban.

Il m’est arrivé d’avoir à faire preuve d’imagination pour pouvoir assouvir mon besoin de me défouler. Il ne m’était pas toujours possible de quitter le travail plus tôt, alors j’attendais d’être rendu en « ville » et je me tapais le tour du lac Osisko sur la piste cyclable. Je préférais toutefois les chemins de terre et idéalement, j’aurais emprunté les nombreux sentiers de quatre-roues qu’on retrouve autour du poste. Sauf que nous y avons aperçu un ours dans le coin un bon matin, alors les sentiers…

Des souliers, des souliers et encore des souliersAttention, discussion technique droit devant !   Quand j’ai commencé à courir en sentiers, je me suis procuré des Salomon S-Lab que j’ai beaucoup aimés sauf pour une chose: les lacets. Leur système de serrage des lacets, efficace à première vue, devient rapidement plus lâche avec le temps (lousse, comme on dit), ce qui oblige le coureur à les resserrer fréquemment. Quand on a les pieds étroits comme moi, c’est assez agaçant merci.

Comme je redoutais que mes Montrail Bajada soient trop soft pour les difficultés de l’Ultimate XC, je me suis rendu à la Maison de la course à la recherche de conseils et surtout… de souliers !  Quand le vendeur a dit qu’il ne comprenait pas de quoi je me plaignais à propos des lacets de Salomon, parce que lui, il n’avait jamais eu de problème, la réponse qui m’est venue instantanément a été: « Pour moi, une longue sortie ne consiste pas seulement à monter en haut de ton Pain de sucre pis redescendre ! ».  Merde, j’en ai usé deux paires jusqu’à la corde, je sais de quoi je parle !  Si je dis qu’il se loussent, c’est qu’ils se loussent, calv!  Mais bon, j’ai laissé faire.

L’expert-maison m’a suggéré des New Balance 910 V1. Confortables, semelle avec de bons crampons, je les ai pris. Après deux ou trois sorties au mont Royal et une au mont St-Bruno, ils étaient mûrs pour les vraies affaires: St-Donat.

La course s’est bien déroulée côté comportement, mais quand j’ai constaté leur état à mon retour à la maison, ayoye !  Un bout de semelle était décollé et la « bottine » était brisée sur les deux pieds. À peine 200 kilomètres de course et ils sont finis. Verdict: cossin, patente à gosses, cochonnerie, le terme que vous voulez. Après m’avoir déçu sur la route, New Balance récidive en sentiers. Entre eux et moi, c’est définitivement la fin.

Mon prochain essai: les Saucony Peregrine 4. Il faudra bien un jour que je passe au zero drop, ça aiderait peut-être à élargir mon éventail au niveau choix…

Le dénivelés – Discussion l’autre jour avec René, mon voisin et ami, fervent cyclotouriste. Comme il quittait bientôt pour un voyage à vélo dans les Alpes, il me parlait des dénivelés qui l’attendaient. Au début, les chiffres ne me disaient pas grand chose jusqu’à ce que je fasse le lien avec ce que je connais: les courses en sentiers, bien évidemment.

Je lui ai fait part des dénivelés positifs que j’avais affrontés en ultra (2400 mètres à l’Ultimate XC, 9000 pieds au Vermont 50 et ça, ce n’est même pas considéré comme difficile) et il  semblait un peu incrédule. Je le comprends: une « balade » en montagne de 60 km offrirait un dénivelé comparable à une étape dans les Alpes au Tour de France ?

J’ai vérifié car je mettais moi-même en doute ce que j’avançais. Mais j’ai les chiffres à l’appui ici: le parcours de l’Ultimate XC offre 2418 mètres de montées et 2408 mètres de descente sur 60 km. Un peu comme si on passait tout le parcours sur une pente à 8%, soit à descendre, soit à monter.

Imaginez l’UTMB avec ses 9600 mètres répartis sur 168 km ou encore le Hard Rock avec ses 33992 pieds sur 100 milles… Ouch !  L’Ultimate, n’est pas si ultimate, après tout…  😉

Le Québec, une force en ultra ?   Je commence à y croire. Et sérieusement à part ça !  Déjà que nos représentants avaient fort bien paru à Bear Mountain en mai avec 3 coureurs parmi les 8 premiers, sans compter Rachel qui avait terminé 3e chez les femmes, voilà que coup sur coup, Joan décroche la 3e place et Seb, la 6e au Vermont 100 (un des quatre grands 100 miles en Amérique du Nord) puis Florent arrive au 3e rang à la fameuse Canadian Death Race après avoir mené pendant les trois quarts de l’épreuve.

On ne parle de petites courses locales ici, mais de courses de niveau international. Il y a de quoi être fiers !  Et le sport ne fait que commencer ici, alors on peut se laisser aller à rêver à un avenir encore meilleur, surtout avec la multiplication des courses en sentiers ici depuis 2 ou 3 ans.

Mais pourquoi nos représentants sont-ils si forts ?  J’ai une petite théorie là-dessus: l’adaptabilité. Le climat dans le nord-est américain, et particulièrement au Québec, est réputé difficile: très froid en hiver, relativement chaud en été. Et surtout, en tout temps, une présence incontournable: l’humidité. Il fait toujours humide ici, ce qui nous fait ressentir les hivers encore plus froids et les chaleurs d’été, insupportables. Pourtant, nous courons là-dedans à longueur d’année. Disons que par bouts, il faut vraiment vouloir !  Je me dis donc qu’une fois rendus en compétition, quand ça va mal, les coureurs d’ici serrent tout simplement les dents et se répètent: « Je me suis pas tapé tout ça pour abandonner ! ».

C’est juste une théorie, mais je pense qu’elle a tout de même un certain sens, non ?   🙂

À moitié nu… ou presque – Parlant d’adaptabilité, en revenant de l’Abitibi la semaine dernière, il faisait un vrai temps québécois d’été à Montréal: chaud et humide. Pour ma sortie du samedi, j’ai décidé de faire un mini-Joan de moi. Ok, j’avais mes bouteilles, mes souliers full padés, ma casquette. Il ne fallait tout de même pas y aller trop raide… J’ai toutefois laissé le t-shirt à la maison et suis sorti à moitié nu, portant seulement une paire de shorts.

Le sentiment de liberté que j’ai ressenti est difficile à décrire. C’était la première fois que je courais par une telle température et que j’avais les mêmes sensations que par temps frais. La sueur coulait de partout, mais je sentais que mon corps réussissait à réguler sa température sans problème. C’était le jour et la nuit par rapport à d’habitude. Wow !

À un moment donné, j’ai entendu une jeune femme crier un « Woo hou hou ! » admiratif comme je passais près de chez elle. Quand je me suis retourné et que j’ai vu que ça venait d’une fort jolie personne en bikini qui lavait sa voiture, je me suis dit que je devais rêver ou que finalement, le soleil commençait peut-être à attaquer mon cerveau. Un maigrichon dans la quarantaine qui « exhibe » son torse ainsi, voyons donc… Riait-elle de moi ?

Je me suis rendu compte qu’elle s’adressait à sa petite fille qui jouait dans une piscine pour enfants, juste à côté.

Ok, les choses étaient normales et je pouvais continuer à fond la caisse… avec le sourire !  🙂

Lapin privé au Lac Brome

Deux semaines avant l’Ultimate XC, j’avais pris part au Tour du Lac Brome, question d’accompagner mon ami Sylvain pour son premier 20 km. Dans les jours qui avaient suivi, j’avais commencé à pondre un petit récit, mais il y a eu l’Ultimate, « l’urgence » de produire suite à cette course, le travail, etc. Bref, manque de temps pour peaufiner ce que j’avais débuté. Mais je m’en serais voulu de ne pas vous raconter cette superbe journée passée entre amis.

Hé oui, j’ai encore une fois joué au lapin privé, pour le Tour du Lac Brome cette fois. À croire que j’y prends goût ! 🙂

Pour l’occasion, c’était mon ancien collègue et ami Sylvain que j’accompagnais pour le tour du lac, sur une distance de 20 kilomètres. Un habitué des courses de 10 km, Sylvain en était à ses premières armes sur une distance plus longue. Peu de temps avant la course, il m’avait dit prévoir tenir une moyenne de 5:10/km, mais comme il « vaut » 45 minutes sur 10k, je m’attendais évidemment à quelque chose de plus rapide, genre 4:50 – 4:55 /km, ce qui ferait une belle sortie d’entrainement pour moi… si je me « faisais un fond » avant le départ.

Honnêtement, j’avais envisagé faire un petit Dean Karnazes de moi-même et me taper tranquillement le parcours en sens inverse avant. Mais bon, ça m’aurait amené à me lever à l’heure des poules, à me dépêcher pour faire le premier tour et risquer d’arriver un peu juste. Je n’étais pas là pour moi, mais pour un ami après tout.

J’ai donc décidé de me faire un 10 km sur le parcours du 22.2 km du « Défi marathon » avant de rejoindre Maggie et Sylvain au parc des Lions. Autour de 7h15, je suis parti à vive allure direction Bromont, croisant de nombreux visages en point d’interrogation au passage. On m’avait dit que le parcours du 22.2 km était pas mal plus difficile que celui du tour du lac, qui n’est pourtant pas piqué des vers. Hé bien, ce n’était pas une exagération !  Rapidement, je me suis retrouvé sur un chemin de terre et devant moi s’est présentée une montée en face de cochon. C’est qu’elle ne finissait plus, la satanée montée !

Après une éternité, je suis finalement arrivé en haut. Devant moi, la campagne, la vraie. Les côtes, le chemin de terre, tout me rappelait le Vermont 50. Ha, le bonheur… J’ai complété mon aller de 5 km, puis suis revenu à mon point de départ après ce que j’appellerais une bonne sortie « tempo ». Un 20 km relaxe en compagnie d’un ami, ça complèterait parfaitement une belle journée.

Comme quoi je ferais n’importe quoi pour mes amis, mon cell était ouvert pour l’occasion. Oui oui, je le jure !  Après deux ou trois appels, j’ai fini par rejoindre Maggie et Sylvain. Quelques échauffements (je ne savais pas trop si je devais m’échauffer, m’étirer ou faire les deux) plus tard, nous nous sommes dirigés vers le départ. En attendant que soit finalement donné le signal, j’ai jasé avec Robert, un collègue de Sylvain, qui est légèrement plus rapide que lui. Il était à Ottawa pour le marathon et gardait le rythme pour se qualifier pour Boston quand les crampes l’ont assailli de toutes parts. Il a terminé de peine et misère, loin de son objectif. Ha, le marathon, ce que ça peut être cruel parfois…

C’est avec 10 minutes de retard que nous sommes partis (je soupçonne que certains coureurs d’élite se sont fait attendre, mais je n’ai aucune preuve de ce que j’avance) sur un rythme un peu lent, je dirais. Mais Robert s’est rapidement mis en marche et Sylvain a tenté de le suivre, me laissant un peu perplexe. En effet, au deuxième kilomètre, la cadence moyenne flirtait autour des 4:40/km. Ha, pas la mer à boire, mais si j’avais su, j’aurais peut-être moins appuyé lors de ma « mise en jambes ». Finalement, Sylvain a décidé de lever le pied et laisser aller Robert afin de poursuivre à son rythme. La course était encore jeune.

Je trouve toujours très drôles les débuts de courses, surtout quand j’accompagne des gens. C’est frappant de constater à quel point plusieurs personnes qui nous entourent partent trop rapidement, c’est aussi évident que le nez dans le visage. Il y avait entre autres celui qui respirait comme Darth Vader. Pensait-il vraiment pouvoir avancer à ce rythme pendant 20 km en respirant de même ?  Et que dire du gars avec un léger surpoids qui nous a clenchés dans la première descente ?  Dès la montée suivante, il a explosé.  Est-ce que c’était la première fois de sa vie qu’il courait ? Il se pensait où, au juste ?

Car le Tour du Lac Brome, sans être d’une difficulté extrême, n’est pas une mince affaire non plus. Je le surnomme affectueusement le « mini-Boston »: un enchainement infini de montées et de descentes. Ha, elles ne sont pas particulièrement difficiles, mais ça n’arrête pas: monte, descend, monte, descend… Pas un parcours pour débutant. Mais je n’avais aucune crainte de ce côté pour Sylvain, un habitué des côtes (il habite pour ainsi dire au pied du mont St-Hilaire).

Autre particularité du Lac Brome: des points d’eau vraiment mal espacés. Ça prend 4 kilomètres avant d’en atteindre un, puis le suivant est seulement un kilomètre plus loin. Tout juste si je n’avais pas encore mon verre dans les mains nous y sommes arrivés. C’est à n’y rien comprendre.

Comme c’est mon habitude quand je joue au lapin privé, je suis incapable de me fermer le clapet. Je me dis que c’est une bonne façon de distraire mon partner de course. Sylvain étant particulièrement réceptif à l’exercice, nous en avons jasé un coup durant le trajet. Je lui ai entre autres dit que je préférais accompagner Maggie parce qu’à la vitesse à laquelle il court, la gente féminine se fait plus rare. Pour citer un de mes amis du secondaire qui se plaignait du manque de filles lors dans ses cours au Cegep: « Des queues, des queues, il n’y a que des queues ! ». Sylvain a semblé la trouver drôle et m’a gentiment invité à attendre Maggie si je n’étais pas satisfait de ma situation. C’était bien envoyé, mais ça ne m’a pas empêché de protester quand il a ignoré ma supplication (hum hum) de demeurer derrière deux charmantes personnes. Ha, on n’a plus les amis qu’on avait…  😉

Mis à part ce sujet hyper-essentiel à la vie d’un coureur, nous avons échangé sur le parcours (qu’il ne trouvait pas si difficile), sur les spectateurs légèrement moins nombreux qu’à Ottawa et sur l’immensité de la carcasse d’un castor gisant sur le bord de la route. Sans blague, il était énorme et quand un spectateur a suggéré d’aller chercher une pelle pour l’enlever de là, j’ai répondu que ce serait une pépine dont il aurait besoin (pour mes amis européens, une « pépine » au Québec, c’est une pelle mécanique; ne me demandez pas d’où ça vient !).

Après un gel pris au 9e kilomètre, nous avons franchi la mi-parcours en 48:15, un excellent chrono. Quand j’en ai glissé un mot à mon partner, il m’a répondu qu’il ne prévoyait pas vraiment un negative split ici. Ha Sylvain et sa prudence, on ne le changera pas !  Sauf qu’il semblait ignorer un détail: la deuxième partie du Tour du Lac Brome est souvent plus rapide que la première… quand il ne fait pas trop chaud. Et ce jour-là, les conditions étaient idéales.

Les kilomètres ont continué à défiler, le rythme constant de Sylvain faisant que nous rattrapions pas mal de coureurs. Il y a bien celui qui poussait son petit avec un baby jogger qui nous a dépassés, mais à part ça…

Au 14e kilomètre, Sylvain a pris un gel et sentant mon estomac qui commençait à gargouiller, je m’en suis enfilé un aussi. Puis, devant nous, la fameuse côte nous amenant au 15e kilomètre. Une fille avec qui nous jouions au yo-yo depuis un petit bout nous a lancé un encouragement comme nous arrivions au pied de ladite côte: « Allez les gars, je suis sûre que vous êtres capables ! ».

Si elle avait su… Je ne suis même pas certain si nous avons ralenti dans la montée. Autour de nous, ça tombait comme des mouches. À partir des deux tiers de la côte, impressionné, je me suis mis à lâcher des « Ho yeah !!! » à répétition. Mon ami était en train de détruire le parcours (ok, je l’avoue, je m’emporte un peu) !

Puis suivit la descente, longue et agréable. Peu après, mon esprit compétitif a été réveillé par des bruits derrière. Un gars s’en venait en encourageant les gens qu’il dépassait au passage. Rendu à notre hauteur, il nous a lancé un encouragement, mais son sourire exprimait une satisfaction… un tantinet arrogante. Du genre l’air de dire « Hé hé, je vais plus vite que vous ! ». Je sais que ma tendre moitié va être découragée en lisant ça, mais mon sang n’a fait qu’un tour. Tous mes muscles m’ordonnaient de coller aux semelles de ce petit baveux et ensuite lui placer une couple d’accélérations pour lui montrer que j’en avais encore beaucoup sous la pédale. Question de lui faire avaler, son petit sourire… Mais je me suis retenu et l’ai laissé à ses illusions. Je n’en ai même pas glissé mot à Sylvain, qui continuait au rythme établi, sans broncher.

Ce n’est qu’à partir du 17e kilomètre que je l’ai senti faiblir un peu. Le parcours suivait un profil en faux-plat ascendant, le vent soufflait de façon défavorable pour la première fois… Je me suis placé devant, question de lui couper le plus de vent possible, mais nous ralentissions, je le savais. Puis le « bip » de sa Garmin lui annonçant qu’il avait franchi 18 kilomètres se fit entendre. « Oups, on a ralenti. Je ne m’en étais pas rendu compte. »  Je venais de voir passer un kilomètre en 5:06.

Aussitôt, ce fut l’accélération. C’est presque en trombe que nous avons traversé le village. 19e kilomètre dans les 4:20. « Ho yeah… » que je murmurais. Puis arriva le chemin qui mène au parc des Lions qui était maintenant en vue. La boucle était presque bouclée. Sur les côtés, les coureurs ayant terminé, ceux du 10 km, les accompagnateurs, bref, pas mal de monde. Une foutue belle ambiance.

J’ai posé la main sur l’épaule et lui ai dit: « God job, mon chum. Good job. » Ma Garmin indiquait une moyenne de 4:43/km (elle est toujours optimiste de 3-4 secondes, mais bon…), j’étais très impressionné. Sylvain était en train de réaliser une super-performance.

Une fois rendu à l’entrée du parc, il s’est mis à accélérer. J’allais encore me faire shifter par la personne que j’accompagne, un autre classique. J’ai bien essayé de le remonter, puis j’ai relâché mon effort: ce n’était pas le moment de me faire un claquage. Vraiment pas certain que j’aurais réussi à le rejoindre…

Son temps: 1:35:52. Le mien ? Une seconde de plus !  🙂  Un temps presque identique à celui que j’avais fait ici même en 2007. 3 mois plus tard, je complétais mon premier marathon.

C’est un Sylvain souriant et très fier de sa course que j’ai retrouvé à la sortie. Les félicitations et l’accolade étaient plus que méritées. Bravo mon ami pour ton premier 20 km !  Je sais qu’un jour, tu seras toi aussi marathonien !  Et plus vite que tu penses…

Ultimate XC 2014: la conclusion (finalement !)

Ça a continué à être rock’n’roll côté professionnel en juillet et c’est Le dernier kilomètre qui en a souffert. Heureusement, la dernière semaine a été plus tranquille et j’ai finalement réussi à terminer mon récit de St-Donat, avec plus d’un mois de retard. Ma douce moitié me dira que si je n’y allais pas autant dans les détails, peut-être que je serais en mesure de produire plus rapidement. Je ne peux pas dire qu’elle a totalement tort.  Mais que voulez-vous, c’est mon petit côté Paul Houde… 🙂

Station Inter-Centre – Station Chemin Wall (km 42.2) – J’entame la descente pas trop technique, puis arrive dans le vif du sujet : la bouette et le labyrinthe à travers lequel on nous fait passer. Non mais, est-ce qu’il y a vraiment un sentier ici ? J’ai l’impression que Dan et ses amis ont placé des petits rubans roses à travers des arbres, au hasard, et que nous devons les suivre car c’est le seul chemin qui a une chance de nous ramener à la civilisation. Une idée me vient à l’esprit : le fameux Barkley, est-ce comme ça ?  Un parcours qui ne semble suivre aucun chemin tracé, dans lequel on a l’impression d’être perdu ?  Puis je me souviens d’un léger détail : au Barkley, le parcours n’est même pas marqué…

Étant maintenant rendu dans un des points les plus bas de la course, je constate une affaire : il fait chaud en ta… Premier ruisseau à traverser, j’en profite pour me répandre l’eau sur le visage, derrière le cou, sur le reste du corps. Un peu plus loin, deuxième ruisseau, je reprends le même manège. Ça me rafraichit un peu, mais pas tant que ça. Arrive la «rivère», j’ai de l’eau jusqu’aux cuisses. Après une brève hésitation, je plonge au complet dedans. Haaaa… Moi qui dis toujours que je pèse 150 livres mouillé, ce serait peut-être le temps de vérifier.  Quelqu’un a une balance ? Quoi, que dites-vous ?  J’ai perdu la raison ?  Ha oui ?  😉

Cette petite baignade impromptue me fait le plus grand bien et je traverse le Vietnam sans trop de problème. Ha, il est évidemment bouetteux à souhait et les marécages sont bien présents, mais tellement loin de ce qu’ils étaient dans mes souvenirs… Par contre, le squelette est toujours là, ce qui me fait sourire encore une fois. On dirait qu’il a passé l’hiver ici parce qu’à voir son niveau de décoloration…

Éric, un concurrent qui terminera tout juste derrière moi, alors qu'il a littéralement les deux pieds dans le Vietnam

Éric, un concurrent qui terminera tout juste derrière moi, alors qu’il a littéralement les deux pieds dans le Vietnam

J’arrive à la 329, que nous devons traverser en empruntant un tunnel qui passe sous la route. J’ai de l’eau jusqu’aux genoux, rien de dramatique, quand l’envie de me soulager me prend. Drette là, comme on dit. Puis me vient une idée. Non, je ne suis pas pour faire ça… J’ai déjà vu un cycliste professionnel le faire, alors pourquoi pas moi ?  Ici, dans le ruisseau, personne ne me verra… Je fais donc ce que j’ai à faire… sans m’arrêter !  Il faut bien qu’il y ait des avantages à être un homme, non !  😉

Quelques heures avant moi, des concurrents du 38 km sortent du tunnel sous la 329

Quelques heures avant moi, des concurrents du 38 km sortent du tunnel sous la 329

La montée vers la station Chemin Wall se fait tout d’abord à même un ruisseau, puis on se retrouve sur la terre ferme… en plein soleil, bien sûr. Mais le plongeon dans la rivière a fait son effet et je suis revigoré, ce qui rend l’ascension plus facile. À l’approche de la station, un bénévole toujours au poste observe notre arrivée avec des jumelles et crie notre numéro pour que les autres préparent nos drop bags. Encore une fois, l’organisation m’impressionne par son efficacité.

Le ruisseau que nous devons "escalader" après avoir traversé la 329

Le ruisseau que nous devons « escalader » après avoir traversé la 329

Depuis un moment déjà, j’ai pris la décision de ne pas changer de souliers. Mes New Balance, malgré leur fâcheuse habitude de se délacer facilement quand ils sont mouillés, font le travail pour le reste. En plus, j’avais regretté mon move en 2013, la bouette ayant refait son chemin jusqu’à mes pieds en moins de 3 minutes. Je change toutefois de camisole et de casquette. J’en suis rendu à essayer de remettre ma veste d’hydratation en place (c’est toujours tortillé, ces machins-là) quand Luc me poke dans les côtes en passant en coup de vent. J’ai l’impression qu’il ne s’est même pas arrêté… Vais-je le revoir ?

2 ou 3 minutes plus tard, je remercie abondamment les bénévoles de la station et reprends ma route. Coup d’œil au chrono : 5h45. Ça m’a pris 15 minutes de moins pour traverser le Vietnam, preuve que les conditions sont pas mal plus faciles. Mais je me pose sérieusement des questions pour les autres: combien d’entre eux seront en mesure de respecter la coupure fixée à 7 heures ici ?

Station Chemin Wall – Station Lac Lemieux (km 46) – En quittant la station, un bénévole me lance : « Ça a l’air que le bout jusqu’à la prochaine station se fait bien ! ». C’est ce que je me souviens également. Une section qui ne fait même pas 4 kilomètres, piece of cake !

Détail que j’avais oublié cependant : ça monte. Pis ça monte. Et ça monte encore. Même si c’est dans le bois, la chaleur se rend très bien à nous et l’effet de ma baignade s’est dissipé. Je commence à reprendre des coureuses du 38 km, coureuses que j’avais déjà dépassées avant la montagne Noire. Mais des gens du 60 km ?  Nada. Voyons, pourtant ça monte, je devrais en reprendre quelques uns, non ?  Et Luc, il est où, bout de viarge ?

Finalement, après ce qui m’a semblé durer des heures, je sens le terrain qui commence à prendre une pente descendante. J’arrive à la station tout juste après deux participantes du 38 km. Et Luc qui n’est nulle part autour… Est-ce qu’il s’est envolé ?

Alors que je regarde sur la table pour me prendre quelques trucs à bouffer, le bénévole, empruntant un ton admiratif, me demande : « Ho, un coureur du 60 km !  Avez-vous besoin de quelque chose ?  Est-ce que je peux vous aider ?»  Je l’ignorais à ce moment, mais pour le reste de la course, nous serons traités comme des V.I.P. Comme le parcours empruntera les mêmes sentiers que ceux utilisés par les épreuves de 22, puis plus loin, de 11 km, les gens assignés à ces stations me sembleront très impressionnés de constater que des êtres humains (pas toujours sains d’esprit, mais bon) puissent parcourir une telle distance sur leurs deux jambes. Mais que diront-ils quand Joan et Tomas passeront et qu’ils verront « 120 km » écrit sur leur dossard ?

Station Lac Lemieux – Station Lac Bouillon (km 49) – Ha, une belle petite section roulante, parfaite pour reprendre du temps !

Encore une fois, ma mémoire me fait défaut. Oui, c’est une section roulante grâce à son sentier large et descendant. Sauf qu’il fait de plus en plus chaud et on est au soleil en tout temps. Ajoutez à ça une cheville gauche qui commence à en avoir ras le pompon de cogner sur le sol à répétition et on a un bonhomme qui trouve les 3 kilomètres un peu longs à son goût. D’ailleurs, depuis le départ, mon GPS m’indique toujours une distance parcourue plus courte que celle indiquée sur les cartes. Mais j’ai l’impression que tout le retard sera comblé lors de ces seuls « 3 » kilomètres.

À un moment donné, la cheville se plaint tellement que je prends la peine de m’arrêter pour tenter de l’étirer un peu. Pas que ça donne vraiment quelque chose, mais bon… Finalement, j’arrive sur le site d’un chantier de construction et je sais que la station est proche.

Sur place, toujours pas le moindre indice de la présence de Luc. Il s’est volatilisé ma parole !  Une dame, probablement à l’affût de demandes en mariage, offre des douches gratuites à même un 18 litres d’eau. Je suis probablement le 50e de la journée à lui faire la grande demande dans les instants qui suivent ma douche improvisée. Au risque de me répéter, ça fait du bien !!!

Je fais un dernier plein de ma veste, prenant bien soin d’y ajouter une donne dose de GU Brew et me lance à l’assaut des 11 derniers kilomètres en jetant un regard inquiet au chrono: avec la côte de l’enfer et la descente qui la suit, il me sera difficile de faire sous les 8 heures.

Station Lac Bouillon – Station Ravary (km 54.5) – J’entame la section tout juste derrière deux autres concurrents du 60 km. Est-ce que je les ai rejoints ou ce sont eux qui m’ont rattrapé ?  Aucune idée ! Le sentier est large et généralement plat. Comme je suis à leur hauteur, j’entends un lancer à l’autre : « Luc, il court comme s’il était parti en mission ! ». Et comment ! Après un petit problème technique qui m’oblige à m’arrêter, je reprends ma course et réussis à reprendre mes compagnons tout juste avant la côte de l’enfer.

Cette côte n’est ni plus ni moins qu’une pente de ski à grimper. Et vous savez quelle est la principale caractéristique des pentes de ski ?  Elles sont presque toujours tracées sur le versant sud de la montagne, question d’être exposées le plus possible au soleil durant les froids d’hiver. Or, qu’on soit en hiver ou en été, le soleil, il est toujours du même côté à cette heure du jour. Alors…

Petit coup d’œil au chrono, question de comparer mon temps d’ascension à celui de l’année passée (je m’attends à être plus lent, mais bon…) et on entame la montée. Tout en haut de la première face de cochon à grimper, d’autres participants, qui me semblent si petits… Jamais je ne serai capable de les rejoindre.

Hé oui ! Progressivement, je gagne du terrain, ce qui m’encourage. Le soleil me ralentit, mais moins que les autres on dirait. Je reprends plusieurs concurrent(e)s des autres courses qui ont chaque fois la gentillesse de me laisser le passage. Je les remercie à tous coups et leur lance quelques mots d’encouragement.

J’arrive à la courte partie plate entre les deux sections ascendantes, fais quelques pas à la course, puis me lance dans la montée de la deuxième face de cochon. Celle-là est vraiment en plein soleil, pas le moindre arbre pour se protéger. À mi-chemin, qui vois-je devant, montant les mains sur les reins ?  Luc !  Il ne s’est pas envolé après tout, il est seulement quelques dizaines de pieds au-dessus de moi. Ai-je des chances de le rejoindre ?  Il semble rendu près du sommet. Mais quand un gars monte les mains sur les reins, c’est qu’il en arrache, alors peut-être que…

La pente commence à s’adoucir comme j’arrive à sa hauteur. Il me dit tout doucement : « Good job ! », compliment que je lui rends sur le champ. J’aimerais bien qu’on termine ensemble, car pour moi, la course en sentiers, c’est ça : la camaraderie, l’entraide et surtout, la satisfaction de voir les autres terminer. La compétition ?  Oui, il y en a toujours un peu, mais par rapport à la route…

J’hésite cependant. Luc est plus rapide que moi sur route (il m’a pris 4 minutes à New York en novembre dernier) et définitivement plus fort dans le technique. Or, il nous reste une longue descente très technique à faire, puis probablement quelques bons trous de bouette. Comme je ne veux pas le retarder, je décide de prendre un peu d’avance en ne m’éternisant pas à la station d’aide du sommet (un ajout cette année, excellente idée !) et en m’élançant presque immédiatement vers la descente. Je prends tout de même le temps de constater que j’ai mis 2 minutes de moins que l’an passé pour grimper la fameuse côte de l’enfer. Hey, pas mal…

La descente se révèle beaucoup moins difficile que dans mes souvenirs. Ceci dit, je passe quand même proche de me perdre mais heureusement, des concurrentes du 38 km m’indiquent le chemin à suivre, me laissant le passage en prime. Un peu plus loin, j’en rattrape une autre et je crois la reconnaître : c’est Audrey, l’organisatrice en chef du Bromont Ultra. J’entame la conversation pendant que nous nous faufilons entre les arbres. Elle est surprise que je la connaisse, vu qu’elle ne me connaît pas du tout (c’est l’histoire de ma vie), alors je me présente un peu. Je lui dis qu’à moins d’une trop grande charge côté travail, je serai de la partie pour son 160 km en octobre. J’espère vraiment pouvoir y être…

Tout en bas de la descente, la station. Le temps d’attraper de quoi manger et de caler un verre de Gatorade, je suis reparti.

Station Ravary – Station 329 (km 56.5) – Deux petits kilomètres avant la dernière station, c’est rien, non ?

Décidemment, je n’apprendrai jamais car encore une fois, grossière erreur ! Je suis sur le point de dépasser une dame lorsque, alors que j’avance à un bon rythme, mon pied bute sur un obstacle. Une roche ? Une racine ?  Aucune espèce d’idée. J’essaie par tous les moyens de récupérer le déséquilibre qui s’ensuit. Je ne sais pas si c’est à cause des multiples mouvements brusques que je tente durant l’opération, mais toutes les crampes qui étaient en embuscade décident de se montrer. En même temps !

Du coup, j’ai l’impression que tout ce qui peut cramper sous ma ceinture (non mes petits coquins, ÇA ne peut pas cramper !) crampe en même temps: quads, ischios, mollets, name it. Je me retrouve évidemment au sol, incapable de bouger. Ma première pensée ?  « Les 8 heures, c’est foutu ! ». Ma deuxième ?  « Comment je vais me relever de là ? ». Pendant que tout ça me passe par la tête, je crie parce que ça fait mal en ta…

La dame que j’allais rejoindre s’arrête et rebrousse chemin pour s’enquérir de mon état. « Are you broke ? » qu’elle me demande. Heu, « broke », ça ne veut pas dire « cassé », dans le sens de « j’ai pas une cenne » ?  Enfin, l’important, c’est de se comprendre. Je veux lui répondre que seulement ma fierté est atteinte (yeah right) et le seul mot qui me vient est « pride ». Je bredouille donc quelque chose autour du mot «pride». Merde, j’ai quand même 55 km dans les jambes, alors les subtilités de la langue de Shakespeare…

Luc arrive sur les entre-faits.

-Man, est-ce que ça va ?

-Je viens de planter et je suis crampé de partout !

-Ha, moi c’est le festival de la crampe depuis tantôt !

Sa remarque me fait rire et me donne un bon coup de pied au derrière. Pensais-tu être le seul à avoir des crampes, du con ?  Il m’aide à me relever, me donne une tape d’encouragement sur l’épaule, puis repart en courant, ma bonne samaritaine à sa suite. Je reprends en y allant d’un petit jogging et finalement, me rends compte que je peux presque courir normalement.

Cette partie étant assez technique, nous sommes contraints à faire toutes sortes d’acrobaties pour la passer. Et à chaque tronc d’arbre, à chaque roche, bref à chaque mouvement qui sort un peu de l’ordinaire, les muscles menacent de cramper. Et ceux de Luc ne font pas que menacer car je l’entends aligner les « Ouch !», « Ayoye !» et « Haaaaa !» à toutes les 10 enjambées. Et moi de rire comme un débile à chaque fois. La pauvre dame coincée entre nous deux doit bien se demander d’où les deux zigotos qui l’escortent peuvent bien sortir. Du 60 km, madame, du 60 km.

 De façon à ne pas prolonger sa torture mentale, je la dépasse quand j’en ai l’occasion, dans un petit élargissement. En passant à son niveau, je lui dis : « Still going, still going… », comme pour lui prouver que j’ai définitivement perdu la raison.

J’arrive à la station 329 comme Luc finit de prendre quelques gorgées à même une canette de Coke. Je ne fais ni une ni deux et cale le restant. Hum, c’est bon après des heures et des heures dans le bois !  Ça me rappelle mon adolescence et les voyages à vélo que je faisais avec mon père. C’était notre récompense de fin de journée : un bon Coke bien froid.

En haut de la petite butte, Luc s’est arrêté. Il me fait un large sourire et me montre le sentier avec un signe de tête : « Allez, on finit ça ensemble ! »

Station 329 – Arrivée (km 60) – Ma mémoire vient encore s’amuser à mes dépens. Alors que je m’attends à un beau sentier large et facile, nous frappons de bons vieux trous de bouette. Luc lui se souvient : « Il reste encore pas mal de beurre de peanuts ». Ouais, je ne pourrais pas mieux décrire la texture de ce que nous devons traverser.

Nous nous échangeons la tête, cherchant la trajectoire idéale, tout en placotant un peu. Nous parlons de New York, de sa copine Anne qui participe elle aussi à cette course. Arrive finalement la « piste cyclable » tant attendue où les distances restantes seront supposément indiquées à tous les 500 mètres. Après presque 8 heures passées dans les sentiers, à monter et descendre des côtes, à contourner des milliers d’obstacles, les deux quadragénaires ont hâte d’arriver.

Un ami de Luc se joint à nous sur une centaine de mètres, le temps de nous apprendre qu’Anne n’est pas très loin derrière (elle terminera une dizaine de minutes après nous, en première position chez les femmes). Nous traversons la route en deux occasions, prenons la pose pour la postérité et finalement, nous entendons un murmure caractéristique : l’arrivée est proche !

Luc, à droite, et moi, à quelques centaines de mètres de l'arrivée

Luc, à droite, et moi, à quelques centaines de mètres de l’arrivée. Beaux bonshommes, avouez !  😉

Oui, je porte encore mes bidules aux genoux... Je suis encore étonné qu'ils aient tenu toute la course !

Oui, je porte encore mes bidules aux genoux… Je suis encore étonné qu’ils aient tenu toute la course !

Pour la première fois de la journée, nous avons des spectateurs. Les félicitations fusent de toutes parts. Une dernière petite descente et le voilà enfin, le parc des Pionniers.

Nous nous présentons dans le couloir réservé aux coureurs. Je cherche l’arche d’arrivée du regard : « Elle où la maudite arrivée ? ». Luc me la pointe, à l’autre bout du parc. Elle me semble encore loin, mais je ne sens plus l’effort. Je souris à mon partner et lui tends la main. On va terminer comme ça, main dans la main, peu importe l’ordre officiel, pour montrer que nous avons tous les deux vaincu ce damné parcours. Encore une fois.

Après l’arrivée – La suite des événements s’embrouille dans ma tête. Luc et moi nous sommes évidemment donnés le gros bear hug de circonstance, tout contents de notre performance, heureux des ces moments passés ensemble. Notre temps ?  8:11:53. En ce qui me concerne, c’est 20 minutes de mieux que l’année passée, sur un parcours 2 kilomètres plus long. Bon, il était dans un bien meilleur état (ce n’était même pas comparable), mais la chaleur a également eu son rôle à jouer. J’ai été surpris d’apprendre que personne n’avait fait sous les 6 heures, Gareth Davies arrivant premier en 6:07:46 et Florent Bouguin le suivant en 6:16:23. Ils ont été les seuls à faire sous les 7 heures…

Luc s’est presque immédiatement lancé dans le lac alors que moi, pour une raison que j’ignore, j’ai niaisé un peu. Comme si une fois la course terminée, l’urgence de me rafraichir avait disparu. Bizarre.

J’ai placoté avec d’autres coureurs, dont Phil avec qui j’avais fait la connaissance le matin et qui était insatisfait de son temps de 7h16… jusqu’à ce qu’il apprenne qu’il avait terminé troisième !  J’ai aussi échangé avec Pierre, qui avait retrouvé son légendaire sourire et qui sirotait tranquillement une Sleeman’s tout en savourant l’ambiance. J’ai vu Pat arriver dans un temps de 8h40 et surtout, je l’ai vu littéralement garrocher au bout de ses bras le sac qu’il avait porté toute la course et qu’il voulait tester en vue de l’UTMB. On dirait bien que ledit sac n’a pas atteint la note de passage et ne sera pas du voyage…

Je dévorais tranquillement le succulent lunch offert par l’organisation en assistant aux diverses cérémonies quand il est passé près de moi quelques minutes plus tard, pieds nus. Quand je lui ai dit mon temps, il m’a sacré un (gentil) coup de pied et m’a lancé : « T’es super fort !  Je ne veux plus jamais t’entendre me dire que tu n’es pas prêt pour un 100 milles !  Tu es plus que près !!! ». Ok Pat, si tu le dis… La dernière fois qu’il a « ordonné » à quelqu’un de faire une course, c’était à Joan pour Virgil Crest. Il avait raison : Joan a terminé celle-là en troisième position…

Parlant du loup, je me tenais un peu à l’écart pour me changer en vue du retour à la maison quand j’ai entendu une clameur. Surpris au début, je me demandais bien de quoi il pouvait s’agir car les premières femmes étaient arrivées depuis un bout. J’ai vite fait le lien : c’était Joan. Je ne sais pas pourquoi, mais j’étais persuadé que c’était lui, et non Tomas qui avait aussi tenté de revenir (et qui a dû s’arrêter en chemin).

Je me suis tout de suite dirigé (en boitant) vers l’aire d’arrivée. Il avait l’air fatigué, vidé, mais tellement fier de lui !   Et je soupçonne qu’il en avait encore sous la pédale… Je ne pouvais pas partir sans le féliciter. Encore une fois, un gros bravo Joan !

La boucle étant bouclée, j’ai pris le chemin de la maison, la tête remplie de souvenirs de cette superbe journée. 12 mois plus tôt, j’étais à peu près certain de ne plus jamais remettre les pieds à St-Donat. Pourtant, je suis revenu. Et je n’ai jamais regretté.