Non, je ne parlerai pas encore de ma blessure, quoi qu’effectivement, ça tourne un peu en rond de ce côté. Mais non, j’exagère. Grâce aux étirements que je fais religieusement et au soutien de ma tendre épouse, qui fait ma « job » en allant promener Charlotte, laissant ainsi mon sciatique se reposer, je sens une amélioration ces derniers jours. Rien de spectaculaire, mais ça va dans le bon sens. Lentement mais sûrement.
Comme je peux faire du vélo sans dommage (je sais, c’est weird de ne pas vraiment pouvoir marcher, mais être capable de pédaler), j’ai décidé dimanche matin d’aller faire un tour à St-Bruno, tout près de mon parc. Pourquoi ? Pour aller jeter un coup d’œil à une épreuve assez particulière: le Tourne en rond.
Que ce soit pour les courses à pied, à vélo ou en automobile, nous sommes généralement habitués à une façon de procéder: il y a une distance à faire, un parcours et c’est celui qui prend le moins de temps pour compléter le tout qui est déclaré vainqueur. Or, il existe un autre type d’épreuve où les concurrents ne font pas face au parcours, mais plutôt au temps. Il y a une durée prédéterminée pour l’épreuve et le gagnant est celui qui aura parcouru la plus grande distance à l’intérieur de ce laps de temps. En course automobile, les 24 heures du Mans en sont l’exemple le plus connu.
En course à pied, ces épreuves se déroulent habituellement sur des parcours en boucle relativement courts et faciles. Principale difficulté: combattre la monotonie et l’ennui. En marathon, on fait un peu de tourisme, on regarde la ville qu’on traverse, salue les gens au passage. En ultra, il y a souvent des paysages magnifiques, on doit regarder où on pose les pieds, être attentif aux indications pour ne pas se perdre. Bref, on a toujours quelque chose pour s’occuper l’esprit et qui aide à oublier les bobos ou la fatigue. Aussi, quand ça va moins bien, on peut faire un petit effort supplémentaire, question de terminer plus vite. Mais quand on a du « temps » à faire au lieu d’une distance, on ne peut pas s’en tirer ainsi.
Le Tourne en rond consistait en deux épreuves: 6 heures et 12 heures. Le tout se déroulait sur la piste d’athlétisme du parc de la Rabastelière, à St-Bruno. Toujours être confronté aux mêmes 400 mètres, encore et encore… Je voulais voir de quoi ça avait l’air et surtout, jauger le moral de participants.
Je suis arrivé sur place autour de 9h45. Il y avait une dizaine de coureurs qui tournaient en rond depuis 6h. Ils n’avaient pas encore le tiers de parcouru. En fait, je devrais plutôt dire qu’ils n’avaient pas le tiers du temps d’écoulé. Les participants de l’épreuve de 6 heures allaient les rejoindre à midi.
Je n’avais pas encore enlevé mon casque qu’une jeune participante s’est arrêtée et m’a lancé: « Voulez-vous courir ? » . Je lui ai répondu que j’étais blessé, mais que j’aurais bien aimé essayer. Et elle d’ajouter: « Ça ne me surprend pas, à voir votre t-shirt… ». Je portais mon t-shirt à manches longues du Ultimate XC de St-Donat. Ouais, effectivement…
Côté ambiance, c’était, comme dirais-je ? Tranquille ? Calme ? Silencieux ? Pas de spectateurs, quelques bénévoles sur place pour aider les coureurs et surtout, compter les tours. Car à chaque fois qu’un participant passait, les gens de l’organisation marquaient son passage sur une feuille. Aucun comptage électronique, tout se faisant manuellement. Sur les deux ou trois tables, des sandwichs au beurre d’arachides, des bananes. Quant à la partie liquide, elle semblait être dans une glacière, un peu plus loin.
Je me suis mis à jaser avec un bénévole qui ne semblait pas trop occupé (il s’avère qu’il est thérapeute et c’est lui qui « réparait » les gens qui avaient des problèmes). Quand je lui ai fait remarquer que ça devait être très difficile mentalement de faire une telle course sur une piste de 400 mètres, il m’a répondu qu’au contraire, c’était très rassurant pour les participants de ne jamais être à plus de 400 mètres des toilettes, des ravitaillements, de l’aide médicale. Hum, bon point.
J’observais en même temps les coureurs. Certains couraient à vitesse constante, d’autres alternaient course et marche. Il y avait également ce couple qui faisait probablement 70 ans et qui marchait. Je me demandais quelle était la stratégie idéale à adopter pour ce genre de compétition… Et surtout, quelle distance allait parcourir l’éventuel gagnant. 100, 110, 120 km (ça s’est finalement gagné avec 110 km) ? En tout cas, le moral de tous semblait excellent, ce qui me surprenait un peu.
En théorie, assister à une telle course devrait être aussi passionnant que regarder de la peinture blanche sécher sur un mur. Pourtant, je ne pouvais cesser d’observer ce qui se passait… même s’il ne se passait pas grand chose. Un monsieur de Montmagny, qui était là pour les 6 heures et semblait un tantinet nerveux, m’a tiré de mes rêveries. Il parlait à tout le monde et mon tour est venu comme j’allais m’éclipser. À l’entendre parler, j’ai cru comprendre qu’il était un adepte de ce genre de course. Il en a fait un peu partout (quand on a couru à Drummondville et Alma, on a couru partout) et semblait connaître tout le monde sur place. Quand je lui ai parlé de ma blessure, il m’a parlé d’un remède homéopathique indétectable aux contrôles antidopages (ha bon, puis après ?), d’un système qu’il a développé pour faire des étirements, du fait qu’il avait couru 292 km en une semaine récemment, m’a présenté un de ses amis qui a déjà fait 312 km en 48 heures (!), etc. Un vrai moulin à paroles. J’aurais dû garder son nom, il me ferait un pacer parfait pour mon premier 100 milles: avec lui, je ne me serais jamais ennuyé.
Sur le chemin du retour, j’y ai pensé et ce serait le genre de défi qui me tenterait éventuellement, question de « durcir mon mental ». Peut-être pas le Tourne en rond, car si la température était clémente pour la course dimanche, ce n’est habituellement pas le cas à ce temps-ci de l’année. Mais pour une autre occasion ? C’est fort possible.