Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, mais depuis samedi, les doigts me démangent. J’ai juste envie de raconter ma journée passée dans les sentiers menant à St-Donat. Et on ne peut pas dire que les autres coureurs (Joan, Pierre et Julie entre autres) me la rendent facile avec leurs récits tout aussi plaisants à lire les uns que les autres… Voici donc la première partie du mien, façon Fred.
Nouveauté cette année à l’Ultimate XC: une version aller-retour de l’épreuve-reine, le 60 km qui fera, vous l’aurez deviné, 120 km. 8 inscrits, 7 au départ (un des courageux s’est retrouvé sur la liste des blessé) qui sera donné à 20h30 vendredi soir. Parmi eux, Joan et Pierre, que je connais bien et que je croise 45 minutes avant l’heure, alors qu’ils s’affairent aux derniers préparatifs de cette véritable expédition.
Détendus et souriants, ils semblent à la fois confiants et un peu nerveux. Toujours « Monsieur Prévoyance », je leur demande comment ils vont s’arranger côté ravitos. L’organisation a prévu les rejoindre à deux points précis sur le parcours, autour des 20e et 40e kilomètres, où ils pourront récupérer certains effets. Évidemment, Joan partira à peu près nu, c’est-à-dire vêtu d’une paire de shorts et de ses souliers… minimalistes, bien évidemment. « Et pour boire ? » que je lui demande. « Il y a les rivières », qu’il me répond. Ben oui, comment n’y aurais pas pensé ? Je regarde Pierre et lui fais part de mon admiration/découragement en hochant de la tête. Celui-ci me répond avec un large sourire et un haussement d’épaules. Joan ajoute: « Aujourd’hui, c’est un test que je fais ». Méchant test, ouais ! Moi qui n’ose même pas faire un petit 10 km autour de chez moi sans mes bouteilles à la ceinture…
La nuit s’annonce fraiche, mais pas froide et surtout, sans pluie. Ils affichent un bel optimisme. Je leur souhaite une bonne nuit, prenant soin d’ajouter que la leur serait probablement meilleure que la mienne. Je les envie un peu et serais même tenté de me joindre à eux si je le pouvais. Mais bon, ce sont des coureurs expérimentés et plus forts que moi, alors les suivre dans la nuit serait de la folie… Je passe donc prendre mon dossard pour le lendemain et retourne à l’hôtel pour préparer mes affaires (dont mon drop bag) et essayer de dormir un peu.
Après une nuit quelconque passée dans la fournaise du Manoir des Laurentides (j’avais un minuscule ventilateur qui brassait l’air chaud comme seul moyen pour me « rafraichir »), je me présente dans le stationnement adjacent à celui de l’hôtel de ville. Évidemment, je suis en avance. Après le traditionnel petit saut au Johnny on the spot du village, une voiture s’arrête près de moi et la jeune fille qui se trouve sur le siège passager me demande où elle doit se rendre pour le départ des autobus. Je me demande bien comment elle a pu savoir que je participais à l’épreuve… Me semble que des gars en shorts de course, camisole, casquette et portant un dossard à 5h10 du matin, il y en a plein dans les rues habituellement, non ? 😉
Vous savez ce qui m’est passé par la tête comme je lui donnais les indications ? Que cette demoiselle était foutrement jeune pour faire cette course-là. Sans blague, elle pourrait fort probablement être ma fille, alors à moins qu’elle possède des qualités physiques vraiment hors du commun, aura-t-elle la maturité (autant physique que morale) nécessaire pour surmonter tous les obstacles qui l’attendent ? Bon ok, je vous entends d’ici: encore Fred qui joue au grand frère protecteur et patati et patata… N’empêche que quand je la verrai sur le bord des larmes avant même de partir, mettons que je ne serai pas rassuré.
Je retourne à l’auto et m’y installe pour écouter un peu de musique. Les gens se mettent à arriver. Vers 5h30, je sors et constate que Pat est stationné tout près. Comme de raison, moment idéal pour mettre du placotage à jour. Et de quoi ça placote des coureurs ? Des bobos. Sa jambe s’est plutôt bien remise de ses malheurs à Ottawa. De mon côté, je parle de ma périostite du côté droit et espère que ça tienne le coup. Il me lance: « Ça va tenir, tu le sais bien ! ». Ouais, il a bien raison…
Je fais la connaissance de Philippe, un gars qui a l’air fort juste à lui voir l’allure. Son numéro étant le 45, le mien 47 et Pat portant le 48, j’en déduis qu’il est près de moi dans l’ordre alphabétique (méchant Sherlock, avouez !). Serait-ce Phil Gauvin ? Pourquoi ce nom-là me dit quelque chose, donc ? Ça doit être Face de Bouc, je dois avoir vu passer son nom, je suppose…
En attendant les autobus, j’entends les autres parler du vandalisme qu’il y aurait eu dans le Vietnam. En effet, des petits comiques auraient déplacé les rubans roses indiquant le chemin à suivre. Heureusement que Dan Des Rosiers, le directeur de course, s’est rendu sur place durant la nuit pour guider les 7 courageux dans le secteur. Il s’est rendu compte du méfait et a pu tout réparer. Vous imaginez le désastre qui aurait pu se produire s’il n’avait pas été là ? 7 gars perdus dans la forêt, en pleine nuit… Et les courses de 38 et 60 km complètement bousillées. Non mais, quel espèce de loser peut bien faire une niaiserie pareille ?
Le voyage en autobus se déroule sans incident. L’ambiance est détendue et les gens jasent fort, me rappelant le bruit des autobus scolaires de mon adolescence. Sur la route, j’aperçois le départ du 38 km. Quelques minutes plus tard, nous arrivons au lieu de notre départ.
Sur place nous attendent les coureurs qui ont passé la nuit dans les sentiers. Il y a un feu de camp d’allumé, la plupart sont assis autour, un survêtement sur le dos et une couverture sur les genoux. La boîte d’un pickup est ouverte et un copieux déjeuner est disponible pour eux. Je suis un peu surpris de les voir là, surtout qu’ils m’ont dit la veille qu’ils n’avaient pas l’intention de nous attendre pour repartir. L’organisation leur aurait-elle demandé de le faire ? Hum…
En descendant, je vais voir Joan qui se tient debout tout en (ho miracle) buvant à même une cruche de jus d’oranges. Il nous apprend que la nuit a été difficile: un coureur a abandonné après 40 km, trois autres (dont Pierre) se sont perdus: ils ont pris par erreur le parcours du 38 km et ont dû emprunter la route pour gagner le point d’arrivée/départ. Courir 10 km sur le bord d’une route en pleine nuit, calv… ! Quant à lui et ses deux compagnons, ils ne sont arrivés que depuis à peine 15 minutes. À ce qu’il comprend, il sera le seul à repartir avec nous. Il termine avec la phrase qui tue: « Vous allez vous amuser ! ». Ouch !
J’avoue être un peu ébranlé. Si Joan a trouvé ça dur, si Pierre ne repart pas, qu’est-ce qui nous attend donc ? Est-ce pire que l’an passé ? Avec la chaleur annoncée, aussi bien revenir avec les autobus…
Pour me changer les idées, j’observe tout autour, à l’affût des meilleurs coureurs. Florent Bouguin, deuxième l’année passé et grand gagnant au Harricana quelques mois plus tard est facile à repérer avec sa longue barbe et ses tout aussi longs cheveux. Quant au gagnant de 2012, Gareth Davies, il jase tranquillement avec d’autres coureurs et bien honnêtement, je n’aurais jamais cru qu’il puisse faire partie de l’élite tellement il me semble être un gars « normal ». Et pourtant… Si les sentiers sont dans un bon état et que le mercure tarde à grimper, ces deux-là devraient faire sous les 5h30, à mon humble avis.
Dan Des Rosiers commence son speech. Bonhomme à la fois sympathique et intense, le directeur de course sait utiliser des formules punchées pour faire image et nous faire rire. Il nous met en garde contre la chaleur et nous enjoint de prévenir les crampes en nous hydratant bien et en prenant des électrolytes. La poutine habituelle pour les habitués, mais les néophytes semblent un peu perdus. Ainsi, quand il parle que des patates bouillies seront disponibles aux ravitos (yes !), un gars à côté de moi se met à rire, croyant à une blague. Heu non mon chum. Je lui dis que c’est très sérieux et qu’il est mieux d’en prendre de temps en temps parce que ça fonctionne plutôt bien… même si ça peut causer certains inconvénients au niveau des sorties d’air au niveau du postérieur ! 😉
Le départ sera donné bientôt. Évidemment, tradition oblige, personne ne se réchauffe. Derrière moi se trouvent Joan et un de ses compagnons qui a décidé de tenter le retour. « Tant qu’à être là… »
Devant nous, le connu et l’inconnu à la fois. Passerons-nous une belle journée ou est-ce que ce sera l’enfer avant le temps ?
C’est toujours agréable de te lire Frédéric, j’ai toujours hâte de voir ce que tu nous as concocté. Merci de nous inspirer. Merci aussi pour tes bons mots à propos de mon article, tes articles me poussent à faire un effort d’écriture pour tenter de créer un récit intéressant à lire.
Wow, merci pour le merveilleux compliment Julie ! Compliment que je te retourne, d’ailleurs, car j’adore te lire. Tu sais, l’inspiration, ça vient des gens qui tentent de se dépasser et toi, tu fais partie de ce lot.
Au plaisir de finir par se croiser un jour ! 🙂
Merci Frédéric, ça me fait plaisir de lire ta réponse.
Est-ce la bonne adresse pour rejoindre le dernier kilomètre?
Merci de m’informer!
jftapp
Le 45 c’était bien moi alors merci pour le compliment. J’étais moins fort en finissant je te jure 😉
Je te partage mon propre récit de course. À une prochaine course,
http://coursedetrail.ca/blog/en-route-vers-lutmb-y-en-aura-pas-de-facile/
J’ai lu ton récit: super intéressant ! C’est rassurant de savoir que même les meilleurs peuvent souffrir . ;-). Toutes mes félicitations pour ton podium !
La suite de mon récit est toujours en gestation: j’ai de l’ouvrage par dessus la tête depuis une dizaine de jours..
À bientôt j’espère !