Ultimate XC 2014: en attendant le Vietnam

Dans les jours qui ont suivi l’Ultimate XC de St-Donat, mon travail m’a amené à prendre la direction de Cadillac, un micro-village situé à peu près à-mi-chemin entre Rouyn-Noranda et Val d’Or. Les journées de travail sont longues et les nuits, courtes. Je réussis tant bien que mal à courir à travers ça, mais j’avoue que je me sentais un peu comme un poisson rouge hors de son bocal quand je suis arrivé en courant à Rouyn par la 117 mercredi soir avec mon t-shirt de Boston sur les épaules. C’est durant les allers-retours en avion entre l’Abitibi et Montréal que j’ai concocté la première partie de mon récit, celle m’amenant aux portes du fameux Vietnam.

Départ – Station Nordet (km 12.5) – Ça a beau être un ultra, il y a toujours un genre de précipitation au départ. Aussitôt, j’entends Pat (qui en a vu d’autres, c’est le moins qu’on puisse dire !) qui me glisse à l’oreille « Pars pas trop vite Fred, pas trop vite ». Ce à quoi je réponds : « Argfdtsv… » ou quelque chose du genre. Et bien évidemment, je pars.

Le parcours allongé nous permet de faire un plus long bout sur du terrain relativement plat en partant. Ceci a pour conséquence d’étirer le peloton, ce qui est une bonne affaire. Ça nous permet également de constater que Dan n’exagérait presque pas quand il disait que les sentiers étaient secs. Ils ne le sont peut-être pas complètement, mais par rapport à juin 2013, c’est le Sahara !

Devant, un arbre déraciné qui nous oblige à nous pencher pour passer. Je me pète la fiole dessus. Et d’aplomb à part ça. Ça commence bien. Du con, penche-toi bout de viarge !  Une fille en profite pour me dépasser. Le macho en moi ressort et je lui lance le défi (silencieux) de me suivre dans la première montée qui arrivera bientôt. Je me garde évidemment bien de lui lancer le même défi pour la descente…

Première ascension de la journée. On se met à la marche et je commence à rejoindre du monde. La fille qui m’a dépassé est une de mes premières « victimes », d’autres suivront. Dans la dernière moitié, ça souffle fort autour de moi. Plusieurs me disent « Good job ! » quand je passe à côté d’eux. Ce à quoi je réponds : « On se revoit dans la descente ! ». Mais que vois-je ?  Devant moi, un gars qui porte des… manches longues !  Ils annoncent 28 degrés, qu’est-ce qu’il fout habillé pour l’hiver ?   Il est déjà trempé de sueurs, ho quelle surprise !  Il va trouver la journée longue s’il garde ça sur le dos (je le reverrai éventuellement en camisole, son t-shirt à manches longues attaché à son Camelbak).

Au sommet, je prends le temps d’admirer le paysage (le temps clair nous le permet), puis bascule dans la descente. Elle est beaucoup moins difficile que dans mes souvenirs. Je me fais évidemment reprendre par quelques uns à qui je lance : « Je vous l’avais dit que vous alliez me rejoindre !», mais je ne me débrouille tout de même pas mal. Et je ne me fais pas trop larguer non plus.

En direction de la montagne Grise, un bénévole très enthousiaste nous encourage. Dans la montée, je reprends du terrain sur les gens qui me précèdent, mais au sommet, j’hésite à passer, question de ne pas être dans leur chemin sur l’autre versant. Encore une fois, je m’en vais voir le paysage, à la surprise de celui qui me suit. Il me dit que c’est sa première fois ici et j’en conclus qu’il n’est pas un habitué des ultras en sentiers. Le paysage, ça fait partie de la course en sentiers. Ce n’est pas un 20-30 secondes qui va faire une grosse différence à la fin…

Je fais une descente prudente et arrive finalement à la station Nordet.

Station Nordet – Station L’Appel (km 19) – Sur place, les bénévoles sont à la hauteur de leur réputation: de très bonne humeur et super serviables. Il n’y a pas grand-chose à manger à cette station : chips (à cette heure matinale, vraiment ?), bretzels et bananes. Je prends 2-3 bretzels et une moitié de banane (c’est fou de constater à quel point je suis moins gesteux sur les bananes durant une course), puis repars.

La section qui suit n’est pas tellement accidentée (tout est évidemment relatif), mais plus technique. Un gars avec qui j’ai joué au yoyo depuis le début me rejoint et je lui offre le passage. Il préfère demeurer derrière un moment, vu que je suis un « vétéran ». Il finira par passer.

Je n’avais pas encore eu vraiment l’occasion d’y penser, mais je constate dans un bout roulant que ma périostite se tient à carreau. Ça, c’est une maudite bonne affaire !  Je protège tout de même ma jambe droite en tâchant d’atterrir sur la gauche lorsque je saute par-dessus un arbre mort ou du haut d’une roche. À date, ça fonctionne, en espérant que ça n’entraine pas d’autres problèmes plus tard.

À la station l’Appel, une femme arrive tout juste après moi et crie : « Je suis la dernière ! ». Tiens, une concurrente du 38 km… Le fermeur de course la suit de près et annonce aux bénévoles qu’il n’y a plus personne. « Hein, plus personne de la JOURNÉE  ?!? » qu’il reçoit comme réponse. Je précise immédiatement que non, il y a quand même pas mal de monde du 60 km derrière moi (il y a pas mal de monde, hein ? ;-)).

Avant de repartir, je prends soin de faire emplir mon sac d’hydratation car on ne peut pas dire que j’économise de ce côté. Et pourtant, toujours pas d’envie pressante de me soulager. Hum… Pour ce qui est de la bouffe, il y a des patates, alors j’en avale (en fait, j’essaie d’en avaler) une et en enfouis deux autres dans mes poches, pour plus tard. Elles seront bienvenues: j’ai le ventre qui commence à gargouiller.

Les bestioles étant bien présentes, je ne m’attarde pas plus longtemps.

Station L’Appel – Station Montagne Noire (km 27.4) – Nous partageons maintenant les sentiers avec les gens du 38 km. Je rejoins très rapidement la dame de dernière place, puis deux autres un peu plus loin. C’est dans une partie technique que je reprends une quatrième personne, une autre femme. Elle me fait part de ses commentaires par rapport à la bouette : elle trouve qu’il y en a pas mal. Je ne peux réprimer un fou rire et lui dis que par rapport à l’année dernière, c’est moins que rien !  Elle se met à me raconter qu’elle était alors inscrite pour le 58 km, mais quand elle a appris qu’elle était enceinte, elle a décidé de laisser tomber.  En m’écoutant lui raconter que je m’étais retrouvé face contre terre (ou contre bouette) une bonne dizaine de fois durant cette journée mémorable, je la sens plus que confortable avec sa décision.

Une fois les retardataires passés, comme la section commençait sur une pente à tendance descendante, j’ai perdu mes comparses du 60 km de vue. Je traverse donc un bout plus roulant complètement seul. Voilà, comme à l’entrainement… Ménageant mes forces pour les heures plus chaudes, j’avance en mode conservation de l’énergie, accompagné du seul bruit de mes pas. Et à ce moment précis, je me sens bien. Ce contact si unique avec la nature, cette si belle journée que je me donne le droit de passer à courir (ou marcher ou grimper ou sautiller…). C’est vrai, à l’entrainement, on a toujours des contraintes de temps : le travail, les millions de bidules à faire avant ou après, etc. Pas ici. C’est MA journée et je vais en profiter pleinement. J’écarte les bras, tourne les yeux vers le ciel en respirant l’air pur… puis m’enfarge dans une roche.

Je rétablis la situation et parviens à éviter le pire. Ok, de retour à nos moutons. Je concède que la course en sentiers, c’est pas mal plus plaisant que la route, mais ça demande une certaine concentration, n’est-ce pas ?

Parlant de concentration, il me semble que ça fait un bout de temps que je n’ai pas vu des petits rubans roses. Je suis dans un chemin de quad, ça roule bien, mais pas de rubans roses. Shit… Je poursuis, inquiet. Merde, suis-je en train de m’éloigner du parcours ?  Je m’arrête, scrute le chemin devant, puis derrière. Rien. Personne non plus qui me rejoint, ni personne du 38 km devant. Merde, merde, merde !  Je fais quoi là ?  Je continue, risquant de m’éloigner encore plus ou je rebrousse chemin, quitte à perdre un peu de temps ?  Je décide de prendre le risque de poursuivre et au bout d’une éternité, j’aperçois finalement un petit ruban par terre. OUF !!!

Arrive finalement la montagne Noire, le Tourmalet  de l’Ultimate XC. Rapidement, je suis sur les talons de deux femmes sympathiques (je suis vraiment sur le bon chemin !) qui ont l’air de bien s’amuser. Nous échangeons quelques plaisanteries puis je passe. Deux ou trois autres dépassements plus tard, j’ai maintenant trois comparses du 60 km en point de mire. Arrivé sur eux, je demeure derrière. Laurent, un des trois, est définitivement plus fort que moi, alors je préfère qu’il reste devant moi. J’en profite pour récupérer un peu.

Je me promène littéralement en queue de peloton. Bon sang, si les descentes et le technique me semblaient un tant soit peu aussi faciles… Je me prends à rêver qu’il existe un classement pour les meilleurs grimpeurs, comme à vélo. Mais bon, ça n’avance vraiment pas… Devrais-je demander le passage ?  Le sentier est très étroit et aucun moyen de dépasser sans que l’autre ne se tasse. Sauf que je crains qu’après le prochain virage, je me retrouve devant un sentier plat et technique et que ceux que je trouvais trop lents se mettent à souffler dans mon cou. Je prends donc mon « mal » en patience et attends le sommet.

Finalement arrivés, la station d’aide est fort occupée. Plusieurs reprennent leur souffle, dont un très fort contingent de participant(e)s du 38 km. C’est le temps de faire le plein, autant en solide qu’en liquide. Les bénévoles s’affairent et sont tous serviables et efficaces. Tous ?  Non. Il y en a un qui résiste. Il est confortablement assis en retrait et tout ce qu’il fait est donner de fausses informations à tous. Il ne cesse de répéter qu’il reste 21.7 km à faire à tout le monde alors que c’est entièrement faux. Premièrement, le parcours pour rejoindre la prochaine station sera plus long pour nous du 60 km que pour ceux faisant le 38 km. De plus, il nous reste pas mal plus que 21.7 km à faire : on n’est même pas rendus à la moitié !

J’argumente avec le monsieur, il s’entête à répéter qu’il ne reste que 21.7 km à tout le monde. Heureusement, il y a des feuilles sur une table montrant les différentes stations et la distance qui sépare chacune d’elles de l’arrivée. Un de mes compagnons d’ascension me demande comment pourrons-nous savoir quel chemin emprunter vu que nous ne ferons pas le même trajet que ceux du 38 km sur cette section (on dirait bien que c’est moi qu’il croit et non pas l’autre). Je le rassure en lui disant que des bénévoles (qui espérons-le seront mieux renseignés) nous indiqueront par où passer selon la couleur de notre dossard. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

Sur ce, je fais encore le  plein (maudit que c’est compliqué de verser du GU Brew dans la poche de ma veste !) liquide et solide, puis reprends les sentiers.

Station Montagne Noire – Station Inter-Centre (km 38.3) – Dès le début de la descente, j’ai un petit sourire: il y a 12 mois, c’est ici que j’avais été assailli par ma première crampe. Là, toujours rien. La fatigue commence bien à s’installer, mais sans plus.

Après une partie très technique, la descente devient roulante. Pour protéger ma jambe (et éviter de me casser la marboulette), je n’y vais pas à fond. Sauf que ça descend pas à peu près !  Finalement, ça se stabilise un peu et j’atteins l’intersection où les deux parcours se séparent temporairement. Ensuite, c’est toujours roulant et je suis surpris d’apercevoir un concurrent devant. Il n’avance vraiment pas très vite et je me demande même si ce n’est quelqu’un qui aurait été mal dirigé. Qu’à cela ne tienne, le sentier est large et je passe sans trop me poser de questions.

J’ai commencé à ressentir la chaleur au sommet de la Noire, mais là, comme je suis à découvert, je sens le soleil qui commence à joyeusement plomber. Et surtout, je relâche un tantinet ma concentration. Résultat : une autre roche m’envoie valser et cette fois-ci, pas moyen de m’en sauver : je me retrouve à plat ventre par terre.

Première chose à vérifier : tout est ok ?  Check. Deuxième chose à vérifier : le gars que je viens de dépasser m’a vu ? Non. Good, l’honneur est sauf.  Je ne perds pas trop de temps et me remets en marche. Arrive une longue section boisée que j’avais courue avec Rachel et sa gang en 2013. Aujourd’hui, je suis vraiment seul. Heureusement qu’il y a des petits rubans roses, sinon je me remettrais à douter…

Dans cette partie boisée, je sens monter les premières crampes, à l’intérieur des cuisses. Je profite de ma première pause-pipi (qui est de couleur claire, hourrah !) pour me masser un peu, histoire de les faire passer. Ouais, autour de 28 km à faire, ce n’est pas l’idéal de commencer à cramper… Après mon physique, c’est maintenant mon moral qui est atteint. Cette section, si plaisante dans mes souvenirs, semble s’éterniser. J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai à faire ainsi sur ce que je ne devrai surtout pas oublier à la prochaine station: faire (encore) le plein d’eau et de bouffe. Comment Joan fait pour courir entre les stations sans prendre d’eau ?  Et par une telle chaleur ???

Finalement, j’entrevois la lumière au bout du tunnel : c’est la montée qui m’amènera à la station Inter-Centre. Enfin ! Petite gorgée de Gu Brew pour célébrer ça… Surprise : je siphonne du vide. J’ai englouti 2 litres de liquide depuis le sommet de la Noire, faut le faire. Vivement la station !

La montée ressemble beaucoup à celle de la tour de télécommunications au mont St-Bruno, à un détail près cependant : celle-ci ne semble pas avoir de fin !  Je la gravis, mètre par mètre, sous un soleil à son zénith. Pour la rendre encore plus difficile, personne devant que je pourrais essayer de rattraper. Je me retourne : personne derrière. C’est au moins ça… Comme seule compagnie, j’ai les mouches à chevreuil qui ont le don de venir prendre un morceau de viande à même la petite partie à découvert de mon cuir chevelu. Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus insultant que se faire piquer le derrière de la tête ?

Finalement, j’entends des bruits : le ravitaillement est proche !  Première chose à faire : me vider 2-3 verres d’eau sur la tête. Haaaaa… Puis j’emplis tous mes réservoirs bien comme il faut et prends mes renseignements pour la suite : est-ce vrai que le parcours a été modifié parce que le Vietnam était trop magané ?  Le bénévole me répond en riant, l’air de vouloir dire : « Dream on ! ». Bon…

Comme je suis pour quitter, j’aperçois Luc qui arrive à la station. Dans le monde d’aujourd’hui, nous nous connaissons très bien: amis Facebook, contacts LinkIn, chacun est follower sur le blogue de l’autre. Et pourtant, c’est la première fois qu’on se parle !  Comme il est un trailer aguerri et qu’il a terminé 20 minutes avant moi en 2013, je m’attendais à ce qu’il soit devant. Je lui dis que cette situation ne devrait pas durer tellement longtemps et me lance vers le Vietnam.

Je me sens d’attaque, malgré la chaleur. Ma montre indique 5 heures de course. Sera-t-il possible de descendre sous les 8 heures ?

2 avis sur « Ultimate XC 2014: en attendant le Vietnam »

    • Ouais, c’est un point de vue… Mais on est tous différents, ce n’est pas tout le monde qui s’adapte de la même façon. Ceci dit, faudrait bien que j’essaie pour en avoir le cœur net.
      Fais tout de même attention au coup de chaleur samedi prochain, ok ?

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