Discussion avec un collègue qui travaille sur le même étage que moi. Marathonien, coureur rapide (il m’a mis 9 pleines minutes dans la tronche à Boston, puis il a fait sous les 3 heures à Détroit), il me parlait des programmes qu’il avait essayés et surtout, de la méthode qui lui a permis de s’améliorer énormément, celle des frères Hanson.
Quand j’ai entendu ça, j’ai tout de suite pensé aux frères du même nom qu’on a pu voir évoluer dans Slapshot. J’avais juste envie de rire à m’imaginer les trois frérots du film pondre un programme d’entrainement pour marathoniens avec leurs grosses lunettes et leurs coiffures dignes des hippies… Mais bon, mon collègue étant pas mal plus jeune, je me suis dit qu’il ne connaissait certainement pas ce grand classique de série B des années ’70, alors j’ai omis de lui en faire part.
Toujours est-il que ladite méthode m’a intrigué et je me suis dit que si un jour je me consacrais à nouveau seulement à la route, peut-être que je lui donnerais un essai. Mais comme c’est loin d’être le cas pour le moment…
La conversation s’est ensuite tournée vers les ultras. Pour un coureur dont la distance-fétiche oscille entre le 10k et le demi-marathon, les ultramarathons demeurent un mystère. Il a lu les livres de Dean Karnazes et ça le fascine. Il me demanda donc quel genre de programme d’entrainement je suivais quand je me préparais en vue d’un ultra.
Un programme ? Quel programme ? De quessé ? J’étais bien embêté de lui répondre.
Car, bien que mes sorties aient une certaine structure, je ne suis aucun programme en particulier. Mise à part la longue sortie du dimanche qui peut aller jusqu’à 50 km (ce qui arrive très rarement), heu… Les lundis et vendredis sont habituellement des journées de repos. En été, quand je suis dans la civilisation, je vais à la montagne les mardis et jeudis (car ce sont les jours où on peut se stationner des deux côtés de la rue) avant de me rendre au travail. Les mercredis sont pour la sortie relaxe. Les samedis ? Heu… intervalles ? Tempo ? Fartlek ? Ça dépend comment je me sens, ce qui me tente. J’y vais un peu à la « va comme je te pousse ». En hiver ? Heu… Il m’arrive de me rendre en ville ou au métro en courant. Et je spinne dans la neige, comme tout le monde.
Il existe bien des programmes pour les ultras, mais je ne connais personne qui en suit un ! Ou en tout cas, ça ne se discute jamais entre ultramarathoniens comme que ça se discute entre coureurs sur route.
J’en parlais avec ma tendre moitié et elle a émis une hypothèse fort plausible. Elle qui me suit depuis mes premiers balbutiements sur deux pattes, elle a remarqué que lors des événements de courses en sentiers, les coureurs avaient l’air de « vivre » la course au lieu de la « subir » comme ce qu’on voit souvent sur la route. Pour elle, les ultras sont la place où les gens font ce qu’ils aiment, point. Il y a évidemment une compétition, mais c’est bien secondaire.
Elle a même ajouté que le mot « entrainement » ne s’applique pas vraiment aux ultramarathoniens. Selon elle, « entrainement » sous-entendrait « obligation ». Comme quelqu’un qui irait au gym pour maigrir. Or, elle a remarqué qu’il ne ressortait justement aucun sentiment d’obligation durant un ultra. Les coureurs font leur petite affaire, arrivent avec le sourire aux lèvres, bouffent des trucs, jasent un peu, puis repartent… s’ils en ont envie. Ils sont écoeurés, n’ont plus de plaisir ? Ils s’arrêtent.
Le même principe s’applique hors compétition. Si je me lève aux petites heures pour aller courir avant de me rendre au travail, ce n’est pas par obligation, pas pour « m’entrainer ». C’est parce que je le veux bien. Le jour où je n’aurai plus envie de le faire, je ne le ferai plus, un point c’est tout. Bien évidemment, je ne dis pas que je trépigne d’impatience à l’idée de sortir de mon lit alors qu’il fait encore noir et que je sais qu’il fait -20 degrés dehors. Mais je sais qu’après, je vais me sentir mieux qu’avant.
Alors un programme ? C’est trop dur. Je laisse ça aux marathoniens ! 😉
Je te comprends, pour moi c’est pareille. L’autre jour je me disais, il faudrait bien que je fasse des intervalles. Cependant le simple fait de penser qu’il le faudrait, m’enlève toute motivation de le faire, Alors j’y vais comme ça me tente. Je n’ai jamais eu d’intérêt pour aucun “programme” d’entraînement. C’est peut-être une des multiples raisons pourquoi je me suis sentie tout à fait bien au sein de la communauté des “trailrunner”. J’adore cette philosophie conviviale et inclusive, peu importe les distances parcourues et les vitesses de chacun, tout le monde fait partie de la même grande famille.
Effectivement, la communauté des trailrunners est comme une grande famille, une famille très accueillante. Il n’est pas rare de voir plusieurs coureurs faire un long bout de chemin ensemble, juste pour échanger. Tout le contraire de la route où quand on rejoint quelqu’un, on veut juste le semer par après !
L’analyse de ta tendre moitié est très à point. Je ne fais pas d’ultras mais je cours en sentiers en solitaire depuis une trentaine d’années (et en minimaliste depuis quelques années). Il m’est arrivé quelques fois d’aller faire des sorties d’une quarantaine de km seul (et en sandales) pour voir de quoi ça avait l’air. Un collègue Ironman qui suit un programme quasi militaire n’en revient pas qu’on fasse cela sans programme spécifique et sans support d’une organisation. Ma réponse est que lui a une approche rigoureuse et « scientifique » alors que moi c’est plutôt « artisanal » et pour le plaisir. Sans avoir de statistiques, mon observation est qu’il y a probablement plus de ces « rigoureux » qui finissent par tout abandonner dans la quarantaine ou la cinquantaine que d’artisans qui comme moi ont pour but de pouvoir courir au moins une heure en sentier quand je serai septuagénaire dans une quinzaine d’années.
Toujours un plaisir de te lire,
Mario
Merci Mario !
J’aime bien le terme que tu emploies: militaire. Les « rigoureux », comme tu dis, semblent très mal à l’aise à déroger de leur régime. Et, pour l’avoir vécu, il n’y a pas grand chose de plus décevant que s’astreindre audit régime pour tomber sur une mauvaise journée ou une chaleur tropicale une fois arrivé le jour de la course. À ce moment-là, le « temps » visé n,est pas accessible et on est pris avec un découragement total. Et oui, l’idée de tout abandonner à ce moment-là est assez fort merci !
Je compte bien demeurer « artisanal », en majeure partie du moins, pour plusieurs années. 🙂
Ta tendre moitié a parfaitement résumé l’affaire ! Pour moi, même pour le marathon je ne suis plus de plan. En fait, ça doit être l’esprit « finisher » qui prend le pas sur le côté compétition… J’y trouve bien plus de plaisir, y compris et surtout dans mes « préparations ».
À te lire, effectivement, je ne sais pas s’il y a quelqu’un qui semble autant s’amuser à courir que toi. Un bel exemple à suivre ! 🙂
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