De la route aux sentiers: troisième partie

Suite à mon dernier article, Julie, ma partner de la Petite Trotte, m’a souligné que je n’avais pas encore parlé d’un sujet délicat, voire même tabou, mais qui a toute son importance: les besoins naturels.

Effectivement, c’est un élément non-négligeable des courses très longues distances. Mais je n’y avais pas pensé pour la simple et bonne raison que pour un homme, c’est pour ainsi dire pas mal moins compliqué. En effet, qu’on soit sur la route ou dans les sentiers, un buisson, ça demeure un buisson. Et je persiste et signe: même s’il y a des Johnny-on-the-Spot sur quelque course que ce soit, messieurs, faites preuve de galanterie et laissez la place aux dames… si c’est pour un numéro un, bien sûr !

Pour ce qui est des numéros deux, ben… Faut croire que j’ai été très chanceux jusqu’à maintenant car je n’ai jamais eu à m’en « départir » durant une course, même quand j’ai eu à faire plus de 30 heures sur un parcours. Heureusement, parce que contrairement à bien d’autres, mon système a tendance à… Non mais, suis-je vraiment en train de parler de ça, moi là ?  Bref, faire ses « choses » dans la nature, ça fait partie de l’adaptation propre (s’cusez la) à la vie en ultra.

Autre chose que j’ai constatée et dont on parle peu: les catégories d’âge, ça ne veut pas dire grand chose. Ben non. Quand on est 40, 50 ou même 200 sur la ligne de départ, pensez-vous sincèrement que l’échantillonnage soit assez représentatif de la « population » des coureurs ?  Pas vraiment, hein ?

Pour vous donner un exemple, l’an passé à Washington, j’ai terminé premier dans ma catégorie, les hommes de 45-49 ans. Big deal. Je venais tout juste d’avoir 45 ans, alors j’étais borderline dans ma catégorie. En plus, le gars qui a fini devant moi avait 50 ans. Allais-je me pavaner d’avoir « terminé premier » alors qu’un plus vieux m’avait devancé ?  Heu… non.

Autre exemple: lors des trois éditions du 160 kilomètres du Bromont Ultra, le gagnant était un gars dans la quarantaine. En fait, c’est seulement en 2016 que quelqu’un de moins de 40 ans a fini par monter sur le podium. Pas de quoi se vanter « d’avoir gagné » pour les gars dans la vingtaine/trentaine, non ?

À mon humble avis, à moins qu’on fasse une course énorme comme l’UTMB, il y a deux catégories en ultra: les femmes et le classement général. On peut aussi ajouter à ça la catégorie « solo », soit celle qui tient compte de ceux qui font la course sans équipe de support ni pacer. Mon objectif est généralement de terminer dans le top 10% au général et je regarde également où je me trouve par rapport aux meilleures femmes, juste pour donner une idée. Pour le reste…

Maintenant, une affaire que j’ai remarquée au fil des ans: arrivé « crinqué » au départ, ça ne donne rien. L’adrénaline, c’est bien pratique sur 5 km, 10 km ou même un marathon. Mais sur un ultra ?  Ça sert juste à se fatiguer plus vite.

Nous ultramarathoniens sommes souvent affublés de ce surnom de « crinqués ». Pourtant, rien n’est plus loin de la réalité. Vous n’avez qu’à observer les participants sur la ligne de départ d’un ultra: c’est le calme plat. On jase, on rigole, on prend la pose pour les photographes. Quand le départ est donné, c’est en trottinant qu’on quitte les lieux. Il n’y a pas de quoi se presser, la route va être longue de toute manière.

Si j’ai un conseil à donner à quelqu’un qui fait le saut pour la première fois dans ce genre d’épreuve, ce serait de prendre ça relaxe et s’arranger pour suivre un ou plusieurs vieux renards durant les premières heures.

Ok, le gros irritant des ultras par rapport à la course sur route: les foutues loteries. Ha ce que je peux les détester… Pas moyen de s’établir un calendrier de course pour la saison à venir, il faut toujours attendre après les résultats des loteries. Ce qui fait qu’on se retrouve parfois le bec à l’eau.

Je viens justement de le vivre. Suite à une discussion autour d’une (deux, trois…) bière avec les amis ultras, j’hésitais à tenter ma chance encore cette année pour l’UTMB. Puis je me suis dit que finalement, si je n’étais pas pris en 2017, je serais assuré de ma place en 2018, alors j’allais me taper le processus encore cette année. Sauf que le tirage n’aura lieu que le 13 janvier prochain. Et d’ici là, une course à laquelle je voudrais peut-être participer dans le cas où je ne serais pas choisi à l’UTMB pourrait ne plus avoir de disponibilités. L’an passé, je m’étais inscrit à l’Eastern States suite à ma « non-sélection ». Eh bien cette année, ce ne sera pas possible car cette épreuve est déjà remplie à capacité. Super plaisant.

D’autres grandes courses utilisent également des loteries pour sélectionner leurs participants: Massanutten, Western States, Hardrock, etc. C’est probablement la façon la plus équitable (surtout que les probabilités d’être choisi sont souvent basées sur plusieurs critères objectifs et quantifiables) de bâtir un contingent de coureurs, plutôt que de les faire se garrocher sur le site de la course au moment où les inscriptions ouvrent. Mais maudit que c’est gossant…

Je sais que plusieurs grands marathons (New York, Chicago, Berlin, Londres) fonctionnent également par loterie pour déterminer les participants, mais dans ces cas-là, les plans B (Philadelphie, Toronto, Montréal au pire) demeurent très accessibles après que les résultats des tirages soient rendus publics. On ne peut pas dire la même chose en ultra…

En terminant, je dirais que la principale différence entre la route et la course en sentiers, et celle avec laquelle il est le plus facile de s’adapter, c’est la camaraderie. À Bromont cette année, c’en était presque comique. Moi l’antisocial, je me suis retrouvé à connaitre quasiment tout le monde. Nous avions l’air de vieux camarades d’école lors d’un conventum: « Hé salut, comment ça va ? », « Pis, Bigfoot/Eastern States/Tahoe/Vermont/World’s End ? », « Comment va ta cheville/genou/hanche ? ». Pierre nous a surnommés « La Ligue du Vieux Poêle ». Ça faisait image.

Sur la route, nous sommes tous des adversaires. Bien sûr,  il arrive que des liens se tissent un peu au fil des kilomètres. On fait des bouts avec un autre coureur, il nous arrive même de jaser. Mais si l’autre faiblit, on ne pense pas l’attendre une seule seconde. Si quelqu’un est pris de crampes ou s’il tombe ?  On passe tout droit en se disant que si besoin il y a, les spectateurs sont là et les équipes médicales ne sont pas loin. Chacun fait sa petite affaire.

En sentiers par contre… L’aide peut être loin et il est primordial de comprendre que malgré que nous soyons tous des compétiteurs, nous sommes avant tout des frères d’armes. « L’ennemi » à abattre, c’est le parcours et si on veut le vaincre, on peut avoir besoin d’aide. En fait, il peut même arriver que l’apport d’autrui soit nécessaire juste pour hisser le drapeau blanc (ce qui arrive souvent en ultra). Laisser seul un compagnon blessé sur le « champ de bataille » est un manquement grave à notre code d’honneur.

Ce n’est pas pour rien que les arrivées en groupe sont si fréquentes dans ce petit monde. Sprinter pour gagner des places à la fin nous semble tellement futile… De toute façon, entre vous et moi, sprinter quand on a 100 miles dans les jambes, bof…

Une autre tradition des ultras, c’est celle d’attendre les autres une fois la ligne d’arrivée franchie. En fait, c’est presque toujours la première question que je pose après avoir terminé une course: comment vont les autres ? On veut voir nos amis réussir, on veut les savoir en santé. Apprendre qu’un camarade a dû abandonner ou tout simplement le voir habillé « en civil » alors qu’on sait pertinemment qu’il n’était pas devant nous fait toujours un petit pincement au coeur. Je préfère mille fois me faire botter le derrière par un copain que de savoir qu’il a dû se retirer. Et je suis certain que la grande majorité d’entre nous pensons ainsi.

Quand on sait qu’un tel ou un tel est toujours en course et qu’il s’en vient, on veut être là lorsqu’il terminera. Alors on attend tant qu’on peut. Parce qu’il arrive que la fatigue nous fasse grelotter et nous entraîne inexorablement vers le sommeil, alors on doit quitter, un peu à contre-coeur. Mais si on réussit à rester… La joie qu’on lit sur le visage d’un coureur qui termine son premier ultra/50 miles/100 miles: priceless.

De la route aux sentiers: deuxième partie

Ce soir, deuxième partie sur le thème « ce que j’aurais aimé savoir quand j’ai commencé à courir des ultras en sentiers ».

Ok, chose essentielle qu’il faut développer pour bien réussir son ultra: sa facilité d’adaptation. Car entendons-nous bien, sur la route, les courses durent habituellement  moins de 4 heures. Les conditions sont connues au départ et changent peu durant le déroulement de l’épreuve. On peut donc choisir son équipement (c’est-à-dire, son habillement et c’est à peu près tout) en conséquence. En ultra ?  Les courses sont parfois tellement longues qu’on peut souffrir d’hyperthermie et d’hypothermie… durant la même épreuve !  Ce qui fait que des petits détails peuvent créer une énorme différence. Comme choisir un réservoir plus grand pour transporter du liquide. Ou avoir un imperméable avec soi quand la pluie se met à tomber. Car c’est bien beau être en mesure de garder sa chaleur en courant, si ça se met à tomber alors qu’on est dans une section lente…

Il faut dire que les conditions météo viennent jouer un rôle de premier plan en ultra, pas mal plus que sur la route en tout cas. Voyez-vous, en général, les courses sur route (et particulièrement les marathons) sont organisées à des moments de l’année où les conditions sont habituellement favorables à l’effort physique, soient le printemps et l’automne. Bien sûr, il arrive que Dame Nature ait des sursauts et amène des températures chaudes quand on ne s’y attend pas vraiment, mais règle générale, tout est mis en place afin maximiser les chances de bonnes performances de la part des athlètes.

En ultra ?  On dirait que les organisateurs se disent que si on est assez fous pour se taper plus d’un marathon sur nos deux jambes, aussi bien nous rendre ça plus difficile encore. Tant qu’à faire. Ce qui fait que plusieurs courses sont organisées… en plein été. Je me souviendrai toujours, au moment où je suis sorti de la voiture la veille de l’Eastern States,  m’être demandé comment je pourrais bien être en mesure de faire 100 (102.9, en fait) miles sur mes deux pattes alors qu’il faisait 35 degrés avec une humidité avoisinant les 100%. Ben oui, en Pennsylvanie au mois d’août, tu t’attendais à quoi, du con ?

L’adaptation, c’est aussi apprendre à poursuivre malgré certains bobos: ampoules, irritations cutanées causées par le frottement répété (petit conseil messieurs: quand ça atteint les parties intimes, n’essayez pas le Deep Relief), quads détruits par les descentes, problèmes gastriques… Toutes des choses que je ne connaissais pas du temps où je ne faisais que du bitume. J’ai donc dû apprendre, quand c’est possible, à traiter ces bobos avec les moyens du bord. Ou à les endurer. De toute façon, ce sont des épreuves d’endurance, non ?  Mais l’idéal, c’est de les prévenir. Par exemple, en tentant de diminuer la longueur des enjambées dans les descentes pour sauver les quads. Sauf qu’il y aura toujours quelque chose, quelque part qui ne fonctionnera pas comme on l’avait anticipé. Faut vivre avec.

Dans un autre créneau, un grand principe que j’essaie le plus possible d’appliquer : toujours, toujours avancer. Comme ils disent en anglais: keep moving forward. C’est que voyez-vous, contrairement à la route où on attrape un verre au vol en passant en coup de vent aux points d’eau, la tendance est à prendre ça plus relaxe lors des courses en sentiers. On s’arrête, on se change, on regarde le « menu », on rigole avec les copains, on jase avec l’équipe de support. Et on a parfois le don de niaiser, comme on dit en bon français.

J’essaie donc de ne pas perdre trop de temps, autant aux ravitos qu’ailleurs. Les selfies et les vidéos en course, ce n’est pas le genre de la maison. Bien évidemment, quand je dois remplir mon réservoir ou changer de vêtements/chaussures, je prends le temps qu’il faut, mais j’essaie le plus possible de ne pas m’attarder. Je dois manger ?  Je prends des choses avec moi et je mange le tout en marchant. 5 minutes d’arrêt à chaque poste de ravitaillement, s’il y a 20 postes sur le parcours, ça fait 100 minutes au final. Si je peux en sauver ici et là…

Pour ce faire, il faut savoir se préparer avant d’arriver à un ravito. Donc, quand j’approche, j’essaie de faire une liste mentale des choses que j’aurai à faire. Ai-je besoin d’un remplissage ?  Qu’est-ce que j’ai le goût de manger ?  Est-ce que je prends un coupe-vent ?  Ou mes lampes frontales ?  Le but étant de ne pas perdre de temps inutilement tout en prenant soin de ne rien oublier dans la précipitation.

Évidemment, ce n’est pas infaillible et il m’arrive encore (trop) souvent de zigonner devant une table à ne pas savoir quoi prendre, puis de repartir en oubliant des trucs. Ça arrive surtout la nuit, quand on est fatigué et que le cerveau commence à se laisser aller.

Ha, la nuit… La belle affaire !  Quand elle se présente à nous, on a habituellement entre 12 et 16 heures de course dans les jambes et ce, après avoir peu dormi la veille. Bref, la fatigue commence à nous envahir. Ce qui fait que le cerveau devient… moins fiable, disons.

À la lueur des lampes frontales, les arbres et plantes de la forêt prennent des allures bizarres et produisent des jeux d’ombres… étonnants, je dirais. On finit par s’y habituer, à savoir que ce qu’on voit n’est pas vraiment la réalité, mais on y porte tout de même attention. Et on n’avance pas, Dieu qu’on n’avance pas !  Sur les portions de route, ce n’est pas si mal, mais dans les sentiers, surtout s’ils sont le moindrement techniques…

Le manque de sommeil, vous demandez ?  Pour ma part, c’est très variable. À Bromont, les deux fois j’ai traversé mes nuits sans avoir à combattre. Mais il m’est aussi arrivé d’avancer comme un zombie, luttant de toutes mes forces pour demeurer réveillé. Le pire que j’ai vécu s’est produit à Eastern States où je me sentais comme dans un cours de philo jadis: ça m’a pris tout mon petit change pour ne pas littéralement tomber endormi en plein milieu du sentier.

Quant à la peur du noir, ça dépend des gens. Un ultramarathonien m’a déjà confié qu’il avait abandonné son premier 100 miles parce qu’il avait eu la peur de sa vie durant la nuit. Moi, on dirait que je redeviens un adolescent et suis inconscient du danger potentiel. Les ours ?  Bah, les autres devant les auront certainement fait partir !  Un serpent à sonnette ?  Il doit être parti avec les ours…  Une blessure en pleine nuit ?  On trouvera bien un moyen…

Certains se demandent comment on peut bien faire pour demeurer en course aussi longtemps. Avant de le vivre, je ne comprenais pas moi non plus. Je me souviens m’être levé un beau samedi matin et être allé voir comment mes amis se débrouillaient à Virgil Crest, qu’ils avaient débuté quelques heures plus tôt. Je suis allé faire ma course matinale et suis revenu. Mes amis couraient encore. J’ai fait mes étirements, dîné, vaqué à mes occupations. Ils couraient encore. Le souper, la petite marche avec le chien, la douche, le petit film avant d’aller se coucher. Hé oui, ils couraient encore ! Et quand je me suis levé le lendemain matin, ils venaient à peine de terminer. Je n’en revenais tout simplement pas.

Eh bien voilà ce que j’ai appris depuis : quand on est dedans, ce n’est vraiment pas si pire que ça. On trouve même ça « normal ». On a une « job » à faire, on la fait, c’est tout. Et quand on fait quelque chose qu’on aime, le temps passe tellement vite, c’est fou.

Ça ne doit pas être la même chose pour les équipes de support. Dans le cadre des courses sur route, nos proches viennent parfois assister à nos « exploits » en tant que spectateurs, rien de plus. Ha, il arrive qu’on leur laisse un cossin ou deux en passant, mais à part ça… Il en est tout autre quand on fait un ultra. En effet, pour ceux qui ont la chance d’en avoir une, l’équipe de support peut jouer un rôle déterminant dans le déroulement d’une épreuve. Car non seulement sa présence nous permet de découper mentalement le parcours en sections plus courtes, mais elle nous assure également qu’on pourra disposer de toutes nos affaires à plusieurs endroits prédéterminés. Ceci permet au coureur de profiter de sa saveur de boisson sportive préférée tout au long de l’épreuve ou que s’il se produit un pépin, il n’aura pas à faire trop long avant de pouvoir régler son problème. Et ça, c’est très rassurant.

Mais ce que ça doit être long… Il m’arrive de quitter un ravito et de dire à mon équipe qu’on devrait se revoir « dans trois heures ». C’est presque la durée d’un marathon !  Si on compte un maximum de 30 minutes pour trouver le ravito suivant, ça fait quand même 2 heures et demi à tuer… J’avoue que ça m’impressionne et ça me met un peu mal à l’aise. Mais à chaque fois, les membres de mon équipe m’ont assuré avoir adoré l’expérience et bon, si mon père a toujours été de la partie, je me dis qu’à quelque part, il doit aimer ça !

Et si on n’a pas d’équipe de support, on fait quoi ? On doit utiliser des sacs d’appoint ou drop bags. Ça, c’est la planification à l’état pur puisque non seulement on doit prévoir ce dont on aura besoin durant la course, mais on doit également prévoir où on en aura besoin. En effet, ces sacs sont laissés à des endroits pré-déterminés et ne « suivent » pas le coureur de ravito en ravito.

Personnellement, je ne m’en suis servi qu’une seule fois, lors de la Petite Trotte en juin, et ça s’est plutôt bien passé. Mais bon, les conditions de course ont été pas mal uniformes ce jour-là, alors…

Quant aux pacers, il semblerait qu’on les retrouve seulement de ce côté-ci de l’océan. Si j’ai déjà joué le rôle à deux reprises, je n’ai pas encore pu profiter de la présence de quelqu’un qui me changerait les idées durant les longues heures de fin de course. Comme je dis souvent à la blague quand on me demande en cours de route si j’aurai un pacer plus tard: je n’ai pas assez d’amis pour ça !  😉

Il faut dire qu’il est recommandé d’être accompagné par quelqu’un de proche et idéalement, de son calibre ou à peu près. Car à la fin d’une longue épreuve, on peut devenir un véritable trou du c… et perdre facilement patience pour des niaiseries. D’où l’idée que la personne accompagnatrice connaisse suffisamment son coureur pour ne pas lui en tenir rigueur.

J’ai entendu des histoires de coureurs qui s’engueulaient littéralement avec leur pacer, entrainant des « congédiements » et/ou « démissions » sur le champ. Je dois avouer que j’éprouverais probablement un plaisir coupable à assister à un tel spectacle… Non mais, deux zigotos qui s’enguirlandent en pleine nuit, dans le milieu de nulle part, ça doit être surréaliste.

Je reviendrai justement sur la partie plus « humaine » de notre sport très prochainement.

La transition de la route aux sentiers: première partie

Un gentil lecteur m’a récemment proposé de parler d’un sujet que je n’avais pas encore vraiment abordé, soit le « passage » de la course sur route à la course en sentiers. Il aimerait savoir à quoi s’attendre, qu’est-ce que je savais, qu’est-ce que j’aurais aimé savoir, etc.

Comme je ne peux (presque) rien refuser à un lecteur, je me suis lancé à fond la caisse dans le sujet. Ce qui fait que, même si j’avais l’impression de seulement effleurer quelques aspects, j’étais parti pour écrire une encyclopédie. J’ai donc décidé de rendre la bouchée moins difficile à avaler en morcelant le tout. Première partie aujourd’hui, la(les ?) suite(s ?) très bientôt.

Tout d’abord, je voudrais vous dire que vu que je n’ai à peu près pas d’expérience dans les courses en sentiers plus courtes (je n’en ai seulement fait qu’une, le 28 kilomètres à Harricana), ces billets seront orientés vers les ultramarathons en général. Également, vous reconnaitrez probablement certains aspects qui sont particuliers aux très longues courses (100 miles, genre).

Ok, la première chose que j’ai apprise, c’est qu’il faut regarder où on va. Ça peut sembler une évidence, mais quand ça fait des années qu’on court sur la route en demeurant dans sa bulle, on peut être déstabilisé au début. En sentiers, si on ne porte pas attention aux petits obstacles, eh bien on s’enfarge (souvent) et on se retrouve (parfois) face contre terre. Ça m’arrive encore. Régulièrement. D’ailleurs, suivant les conseils de mon ami Pierre, je me suis même mis à courir avec des gants de vélo, question de prévenir les blessures dites « défensives » qui se produisent quand on essaie (souvent en vain) d’amortir sa chute avec les mains.

Aussi, dans un cadre plus large, si on n’est pas assez attentif, on rate des virages et on peut se retrouver à perdre la trace du parcours. Eh oui, ça aussi ça arrive. Dans le bois, il n’y a pas de barrières, pas de spectateurs, pas de ligne bleue tracée à même le sol pour nous indiquer le chemin à suivre. Il y a seulement des petits rubans et parfois, des pancartes. C’est tout. On doit donc être toujours aux aguets et croyez-moi, ce n’est pas jojo d’avoir à revenir sur ses pas parce qu’on avait la tête ailleurs !  La quantité d’insultes qu’on peut se balancer chemin faisant…

La deuxième chose que j’ai apprise (et que je n’ai pas encore tout à fait assimilée, je dois l’avouer), c’est que la cadence, en sentiers, ça ne veut pas dire grand-chose. On peut aller très vite même si on ne va qu’à 8:00/km et on peut être lent à 4:00/km. Pourquoi ?  Tout simplement parce que non seulement le relief est très variable, mais le sol sur lequel on avance l’est tout autant. Courir dans un chemin de terre ou un beau sentier lisse, ça se fait bien, mais quand il y a un enchevêtrement infini de racines et de roches, hou la la…

Bizarrement, ce fut seulement à mon deuxième ultra que cette « dure » réalité m’a frappé. J’avais commencé ça smooth avec le Vermont 50, qui est constitué d’enchainements de très beaux sentiers et de chemins de terre. Mais quand je suis arrivé à St-Donat, ouch !  La pluie avait rendu presque impraticables des sentiers déjà très difficiles. En fait, je ne sais même pas si le terme « sentiers » pouvait encore s’appliquer. J’ai passé plus de 8 heures à sacrer et ai juré qu’on ne m’y reprendrait plus.

Vous connaissez la suite : j’y suis retourné trois fois. Car ça aussi, je ne le savais pas quand je me suis lancé là-dedans : on passe son temps à se faire des promesses qu’on ne tient pas.

Ceci dit, même dans les cas où les sentiers sont relativement faciles à courir, on peut se retrouver à ne pas avancer à cause des nombreux virages très serrés (qu’on appelle switchbacks dans notre jargon). Sur la route, on ne ralentit pas vraiment quand ça tourne, mais dans les bois…

Ça, je l’ai bien vu au Vermont jadis. Mais ce que j’ai surtout vu cette fois-là, ce sont des côtes que je considérais comme monstrueuses. Je me souviens encore de m’être mis à rire à gorge déployée à la vue d’une autre montée en face de cochon en quittant une station d’aide. Je ne pouvais pas croire que le parcours réussissait à nous en sortir encore ! Donc, si vous décidez de tenter l’expérience d’un ultra, attendez-vous à une chose : monter et descendre. Longtemps. Souvent.

Plusieurs font grand état du très accidenté parcours du Marathon de Boston. Il l’est, effectivement… pour une course sur route. Mais il est pour ainsi dire plat comme une crêpe si on le compare à ce qu’on voit dans les monde des ultras. Pour vous donner une idée, vous savez, les gens qui vont « monter une montagne » par une belle journée d’automne ?  Ils font leur randonnée, pique-niquent au sommet, redescendent en souriant et retournent à la maison satisfaits de leur journée. Et avec raison.

Eh bien dans le cadre d’un ultra, vous allez la monter et le descendre à plusieurs reprises, ladite montagne. S’il y a un centre de ski alpin dans les environs, ne vous inquiétez surtout pas, les organisateurs vont s’arranger pour vous le faire visiter. Par tous ses versants si possible. Et pas seulement au début de la course, ce serait trop facile.

Il faut donc savoir grimper sans dépenser trop d’énergie. Pour l’immense majorité d’entre nous, ça veut dire marcher. Car pour la différence de vitesse que le fait de courir amène, le gain ne vaut vraiment pas la dépense supplémentaire d’énergie requise. De plus, une fois arrivé en haut, on peut reprendre une cadence de course normale plus rapidement si on ne s’est pas mis à bout de souffle dans la montée.

Pour ma part, étant relativement léger, je me débrouille fort bien dans les parties ascendantes. Mais dans l’autre sens… Mes lecteurs en savent quelque chose.

C’est fou le temps qu’un bon descendeur peut réussir à gagner par rapport à un mauvais (lire: pathétique) comme moi. Mais bon, descendre, c’est un art. On aura beau peindre et peindre pendant des années, n’est pas van Gogh qui veut. Ça prend un talent, talent que je ne possède pas. Mais on peut devenir un descendeur potable avec de la pratique. À ce qu’il parait…

Ceci dit, je ne suis pas si pire car tout coureur en sentiers vous le dira: la plupart des coureurs sur route ne savent tout simplement pas descendre. Pourquoi je dis ça ?  Parce qu’ils freinent !  Sur une belle descente, à 6-7%, sur l’asphalte, on les voit avoir peur de perdre le contrôle. Ils feraient quoi dans des sentiers très techniques ?  Dans des pentes bordées par des arbres dépassant les 15% ?

Par contre, trop se laisser aller dans les descentes peut avoir un effet pervers: la « destruction » des quadriceps. J’y reviendrai très bientôt.

Bromont Ultra 2016, première partie

Le récit de mon dernier Bromont Ultra aurait pu tenir en un seul « morceau », mais j’ai préféré le scinder en deux, question de ne pas vous endormir avant la fin. Aujourd’hui, la première partie. La suite dans quelques jours… 

Tu me niaises…

Cette phrase que je laisse tomber, je ne l’adresse à personne en particulier. Elle exprime toutefois un certain découragement. Non, plutôt une exaspération. C’est ça, oui, une exaspération.

Devant moi, un ruban rose tendu entre deux arbres, à la hauteur de ma taille. Le parcours est marqué par des petits rubans roses attachés un peu partout ainsi que par des fanions de la même couleur plantés à même sol. À ça s’ajoutent parfois des pancartes avec des flèches noires sur fond jaune pour nous indiquer les virages et aussi, des longs rubans roses (vous voyez le thème sous-jacent) tendus à une certaine hauteur pour nous indiquer clairement un endroit où il ne faut pas aller.

Je me trouve face à un de ces rubans. Pas de problème direz-vous, j’ai juste à ne pas le franchir. Sauf que les petits fanions que je devrais normalement suivre pour me guider se trouvent de l’autre côté dudit ruban, ce qui veut dire que j’arrive d’un sentier où je ne devrais normalement pas me trouver. Doh !

Surprise, je me suis perdu. Encore. C’est la deuxième fois que ça m’arrive depuis que j’ai entamé cette section relativement bénigne dans l’érablière du mont des Pins (érablière, mont des Pins, je ne vois pas vraiment le rapport, mais bon…). Tabar…

Évidemment, l’option de traverser le ruban et poursuivre sur le « droit chemin » s’offre à moi. Mais comment je pourrais vivre avec ma conscience au cours des prochaines heures, hein ?  Et puis, admettons que je court-circuite une bonne partie du parcours et que je me retrouve par le fait même à dépasser des coureurs qui sont devant, j’aurais l’air de quoi en arrivant au ravito avant eux ?  De toute façon, de un, je ne peux pas être absolument certain que je ne suis pas déjà passé là et de deux, comment savoir de quel côté aller ?  Il n’y a pas de flèches pour aider les tricheurs. Bref, je dois rebrousser chemin.

Je le sentais pourtant. Ça faisait un petit bout que je n’avais pas vu de petits rubans roses. Mais j’étais sur un chemin de quads, ça descendait et j’avais fini par sortir du brouillard, alors je pouvais enfin courir. Je m’étais laissé aller. Erreur.

Comment on peut manquer un virage, vous me demandez ?  Facile. J’ai 109 kilomètres dans le pattes, ça fait 16 heures que mes amis et moi nous sommes élancés dans la bonne humeur, sous un ciel gris. Dire que je commence à être fatigué et être moins attentif serait un euphémisme. Ajoutez à ça le brouillard qui m’oblige à utiliser ma frontale à la main comme une lampe de poche. C’est d’ailleurs une autre affaire que je ne comprends pas : comment il peut y avoir du brouillard alors qu’il vente tout de même considérablement ?  Seule explication possible : les nuages couvrent le sommet de la montagne.

avantdepart

Avec Pierre, Louis et Stéphane, avant le départ

Bref, quand je fais passer ma frontale de mon front (duh !) à ma main, je perds le parcours de vue quelques secondes et comme le chemin de quads est très invitant, c’est facile de poursuivre dessus sans se casser la tête.

Je songe à ça en remontant péniblement la pente que je viens de descendre d’un pas si léger. Je scrute l’obscurité des yeux, à l’affût d’une lumière indiquant l’arrivée imminente d’un poursuivant. Rien. Pourtant, quand j’ai quitté le ravito P5 (kilomètre 95) plus tôt, quelqu’un arrivait. Bizarre.

Dire que je comptais sur cette section pour, peut-être, reprendre du terrain… Car, pour une raison que j’ignore, je suis en quatrième position. Malgré le fait que depuis le début de la course, j’ai l’impression de ne pas avancer, même dans les (rares) sections roulantes où mes jambes me réclament des repos. Repos que je leur accorde parfois.

Que dire des sections techniques ?  Pathétique. J’ai atteint les bas-fonds dans la descente qui suit la désormais célèbre montée Lieutenant Dan. La pente y est très abrupte et la pluie qui nous est tombée dessus pendant quelques heures l’a rendue quasi-impraticable… si on avait évolué à la lumière du jour. Imaginez de nuit…

Glissant, vous dites ?  L’enfer (en supposant que l’enfer puisse être glissant). Une première fois, j’ai perdu pied et me suis retrouvé sur mon postérieur. J’ai laissé échapper quelques jurons, puis suis reparti. Quelques mètres plus bas, à la vue d’un autre mur semblable, j’ai décidé de le descendre sur les fesses. Comme ça, je serais safe, non ?

Nope. Mes deux pieds ont perdu prise simultanément et je me suis mis à glisser sur le dos comme si j’étais en crazy carpet. J’ai tenté de m’agripper de mon mieux avec mes mains, rien à faire, pas moyen de m’arrêter. L’image qui me traversa l’esprit à ce moment ?  Celle que j’allais finir ma descente le coccyx bien étampé sur une roche. Ou avec une jambe de chaque côté d’un arbre.

Rien de tout ça ne s’est produit et après m’être arrêté sans savoir comment, j’ai crié, non, j’ai hurlé ma frustration. Je vous épargne le chapelet de mots religieux qui est sorti de ma bouche. Je me demande s’ils m’ont entendu au ravito, un peu plus bas…

Aussitôt, j’ai pensé à Stéphane. Ha Stéphane, le métronome. Au départ, il était parmi ceux qui faisaient que je n’avais pas trop d’illusions à propos de mes chances de répéter mon « exploit » de terminer deuxième comme en 2014. Déjà, Florent faisait bande à part. Ajoutez Pierre, qui m’avait mis presque 4 heures à Massanutten. Bruno, deuxième l’an passé, avait la réputation lui aussi d’être un métronome. Sans compter Louis, et tous les autres au pedigree impressionnant. Et évidemment Stéphane, qui m’avait devancé lors de des dernières courses que nous avions faites ensemble, le Vermont et Massanutten. Comme Bromont se trouve à être un « hybride » entre ces deux-là, ben…

Il était parti fort et bien que je l’avais rejoint à la fin de la première montée de la Lieutenant Dan après environ 12 kilomètres, il m’avait ensuite déposé sur place et je ne l’avais revu qu’à la mi-parcours, alors qu’il se préparait pour la nuit. Profitant du fait que j’ai une équipe de support (mon indestructible papa) pour faire un arrêt court, j’avais réussi à repartir pas trop loin derrière et espérais, encore une fois, le rejoindre dans la Lieutenant Dan.

Mais dans la longue descente juste avant, son cri avait déchiré la nuit. Nous descendions une pente de ski pas trop difficile, il était en contre-bas. Arrivé à sa hauteur, il m’a appris la mauvaise nouvelle : il s’était retourné une cheville. Et d’aplomb à part ça. Il a essayé de poursuivre, mais rien à faire, il peinait juste à marcher. Il m’a dit de continuer, que ça allait bien mes affaires, de ne pas perdre de temps. Il allait s’arrêter au prochain ravito.

Du coup, je me retrouvais en troisième position. Je n’aime vraiment pas gagner des places de cette manière, particulièrement quand c’est un ami qui en fait les frais. Et puis merde, le prochain ravito était sans bénévole, il n’y aurait personne pour l’aider. Et pas question pour lui de se taper la Lieutenant Dan et la descente qui suit dans de telles conditions. Que faire ?

J’ai poursuivi la descente à la marche et empoigné mon cellulaire. Mon père était probablement déjà rendu au P5, il pourrait demander aux bénévoles d’envoyer quelqu’un prendre Stéphane. Pendant que je faisais ça, Ian, un très fort jeunot (je lui concède un « passif » de 20 ans) qui en était à son premier 100 miles, m’a dépassé. Je m’en balançais royalement, la sécurité passant bien avant ma course.

Une fois que j’ai eu la certitude qu’un lift se pointerait le nez, j’ai voulu m’assurer que Stéphane soit mis au courant de ma démarche. S’il avait fallu qu’il poursuive son chemin avant l’arrivée de l’aide…

J’ai donc attendu au ravito. Au bout de 5 minutes, inquiet, je suis reparti en sens inverse, l’appelant en criant dans la nuit. Finalement, nous sommes parvenus à communiquer et, la conscience tranquille, j’ai pu reprendre la course.

Je sors de mes pensées en apercevant l’endroit où je me suis fourvoyé. Il faudrait bien que je tâche de demeurer l’œil ouvert, au moins pour ce qui reste de la nuit. Ma Suunto m’indiquera que je me suis rallongé d’environ 800 mètres. Comme si le parcours n’était déjà pas assez long comme ça…

C’est frustrant parce que je devrais normalement être avantagé ici. En effet, dans ma tête, le parcours de ce Bromont Ultra se divise en quatre parties majeures. La première, qui fait 15 kilomètres, est très difficile et technique avec ses trois longues montées et ses descentes se faisant en bonne partie dans du single track, question de les rendre encore plus difficiles. D’ailleurs, nous avons dû partager les sentiers avec les vélos montagne du Raid, en début de course. Expérience pas tellement plaisante parce que contrairement à ce que j’avais vécu au Vermont 50, les gens qui chevauchaient une monture étaient loin d’être respectueux et n’annonçaient pas leurs couleurs quand ils fonçaient sur nous à vive allure. En plus, il n’y en a pas un sacrament qui a eu la gentillesse de me remercier de lui avoir laissé le passage. J’étais très heureux de ne plus les revoir après être passé pour la première fois à P5 (kilomètre 15).

Ensuite, partie plus facile qui commence par du terrain presque plat sur 8 kilomètres, puis enchaîne avec l’érablière du mont des Pins (où je me trouve), la section de route qui passe par Chez Bob (kilomètres 32 et 112) et se termine au lac Bromont (kilomètres 41 et 121). Les 5 kilomètres qui nous amènent à P7 (kilomètres 46 et 126) m’avantagent également car peu techniques en partant, ils se terminent par une montée très abrupte. C’est sur ces 31 kilomètres que je devrais faire un move et au lieu de ça, je m’amuse à m’égarer dans les bois.

La troisième partie fait 19 kilomètres, entre P7 et le lac Gale (kilomètres 65 et 145). Très difficile, elle est également très lente parce qu’après une longue montée, suit une interminable section composée d’une quantité infinie de lacets techniques. Avec mon agilité légendaire, je vous laisse deviner comment je m’en tire. J’y ai définitivement perdu Bruno de vue lors du premier passage et Ian n’est pas demeuré en reste. Pas l’endroit idéal pour compter les rejoindre, mettons.

Toutefois, autour du 60e kilomètre, après m’être fait shifter par deux jeunes femmes (non, je dirai pas qu’elles étaient jolies, non, je ne le dirai pas) qui faisaient le relais, j’ai commencé à apercevoir un gars qui avançait lentement, plus lentement que moi en tout cas. Son allure générale ne laissait aucun doute : c’était un coureur du 160k. Il s’agissait de celui qui avait tenté de s’accrocher à Florent. Mal lui en prit, il s’était épuisé et voilà, je fondais sur lui. Autant je n’apprécie guère reprendre un coureur blessé (même si je sais bien que ça fait partie du jeu), autant dépasser quelqu’un qui a fait une erreur de gestion de course me satisfait. Je lui ai bien glissé quelques mots d’encouragement au passage, mais dans mon for intérieur, je n’ai pu réprimer un « Tiens toé !!! ».

La quatrième et dernière partie, ce sont 15 kilomètres relativement faciles entre le lac Gale et la mi-parcours/arrivée (kilomètres 80 et 160) avec au passage, une boucle de 6 kilomètres dans les spaghettis du mont Oak.

Partie facile, oui, mais j’y ai tout de même vécu une bonne baisse de régime lors de ma première boucle. Le classique blues de l’avant mi-parcours, quand la fatigue s’installe bien comme il faut alors que la moitié du chemin n’est même pas encore franchie. J’avoue avoir douté de terminer alors que je grimpais le mont Gale. La journée s’achevait, la pluie tombait depuis un bon moment, la nuit s’annonçait froide. Ouais… Il me semble que 80 kilomètres aujourd’hui, ça aurait été suffisant.

Surtout que des crampes ont commencé à se manifester sur la route menant au camp de base. 73 kilomètres, déjà des crampes. Ça augurait bien pour la suite…

Comme par miracle, les crampes ont disparu et la section-spaghetti a bien passé. À la pesée de la mi-parcours, j’ai fait osciller la balance à 144 livres, soit 4 livres de déficit par rapport au départ. « Tu te sens bien ? » de me demander la si gentille Guylaine, responsable de tout ce qui a trait au médical. Heu… oui, en autant qu’on peut se sentir bien après avoir couru 80 kilomètres. Comme elle sait que je suis un coureur d’expérience, je n’ai pas senti le besoin de lui cacher mes troubles de crampes, lui glissant que c’était probablement causé par un léger déficit au niveau de l’hydratation (confirmé par la perte de poids ). Elle n’en a pas fait de cas et m’a demandé : « Tu repars ? ». De quessé ?  Ben sûr que j’allais repartir, j’en étais juste rendu à la moitié !

Tout ça me semble bien loin alors que je reprends le « droit chemin » en direction de Chez Bob (kilomètre 112). Je passe assez rapidement devant le ruban qui m’a barré le chemin un peu plus tôt, puis poursuis ma route, satisfait de ma décision de suivre les règles. Le sol est gorgé d’eau et la faible lueur de ma frontale ne me permet pas de voir clairement les endroits plus « potables » où je pourrais passer. Ce qui fait que j’enfile les trous de boue les uns après les autres. Vivement le ravito pour que je puisse changer de souliers.

La route, enfin ! Toujours personne derrière et évidemment, personne devant. Je suis seul. Quand je me présente chez Bob, c’est l’accueil royal : tout le monde est après moi, m’offre de la soupe, des boissons chaudes, etc. Toutefois, une seule chose m’importe : mes maudits souliers !

Depuis le départ, je porte le dernier venu de la grande famille Skechers, le Gotrail Ultra à semelle (plus) mince. Je n’ai absolument rien à leur reprocher, bien au contraire, ils sont même excellents dans de telles conditions. Mais bon, la pluie ayant fait son œuvre, je dois maintenant me résoudre à faire appel au modèle plus heavy duty pour le reste de la course.

Avant toute chose, dernière pesée qui donne un résultat… nébuleux. Les balances utilisées sont du type que ma grand-mère avait dans sa salle de bain avait jadis. Vous savez, le genre de machin qui se dérègle à chaque fois que quelqu’un embarque dessus ?  D’ailleurs, avant de monter, j’avertis les bénévoles qu’il y a un offset de 10 livres sur celle-là. Et c’est avec ça qu’ils comptent surveiller les coureurs ?

Bon, retour à mes pieds. Comme c’est souvent le cas en ultra, j’en profite pour m’asseoir pour une première fois depuis le départ. Ho, que la levée du corps va être pénible… Juste enlever les souliers demande un effort considérable (il faut quand même que je me rende à mes pieds, déjà que ça tient de l’exploit en temps normal…). Je constate les dégâts. Tiens, c’est bizarre : une seule ampoule, tout autour de l’ongle du troisième orteil du pied droit. J’ai eu ça une fois dans ma vie, ici même en 2014. Faut croire que c’est le parcours qui me fait cet effet-là. Vraiment bizarre…

Je n’ai pas encore terminé de me changer que Xavier se pointe dans le garage où nous sommes tous à l’abri. Bout de viarge, il arrive d’où ?  Je termine de me préparer en vitesse et retourne à l’extérieur question d’essayer de le distancer un peu. Je ne le reverrai plus.

À suire…

Bromont Ultra, presque six semaines plus tard

J’avais mis la touche finale à ce billet jeudi dernier et avais prévu le publier vendredi soir ou durant la fin de semaine. Or, ça me semblait tellement futile suite aux événements de Paris que je ne voyais vraiment pas pourquoi je le ferais. Maintenant, je tente, tant bien que mal, de revenir à la « normale ». Amis français, si ce billet peut vous changer un tant soit peu les idées, vous m’en verrez plus que ravi. Mon coeur est avec vous, plus que jamais.

Cheville tendre oblige, je suis passé d’un rôle principal à celui de soutien au dernier Bromont Ultra qui s’est déroulé les 10 et 11 octobre derniers. Je dois avouer que l’expérience m’a ouvert les yeux sur la somme colossale de travail qui est requise pour mener à bien une telle entreprise. J’avais beau le savoir dans mon for intérieur, ce n’est jamais la même chose quand on le vit.

Récit d’une fin de semaine en trois actes.

Acte I : le montage

J’ai reçu un courriel me demandant de participer au montage quelques jours avant la date prévue. Comme je savais déjà que j’allais faire les quarts de travail de 16h à 20h le samedi, puis de minuit à 8h le dimanche au ravito principal, j’ai été un peu surpris de voir qu’on réclamait ma présence pour d’autres tâches. Mais bon, j’avais donné des disponibilités pour le vendredi en après-midi, alors je n’étais pas pour me défiler.

Ce qu’il y a de plaisant dans de telles circonstances, c’est que lorsqu’il n’y a plus de travail à faire, hé bien on s’en va, un point c’est tout. Donc, après avoir marqué le stationnement avec des piquets et des cordes, installé des pancartes, monté et déplacé des tentes, tout ça sous la pluie, mes deux compagnons et moi nous sommes retrouvés à ne rien faire. Il faut dire qu’il y avait beaucoup, beaucoup de monde sur place et la fourmilière était vraiment efficace. Déjà, à seulement sa deuxième année d’existence, l’organisation ne donne pas sa place côté logistique. Donc, après avoir erré un peu sur le chemin menant à l’arrivée, me rappelant la dernière fois où j’y avais posé les pieds 12 mois auparavant, je suis retourné à la maison. Deux grosses journées m’attendaient.

Acte II : le ravito

Cours ou cours pas ?  C’était la question existentielle en ce samedi matin. Comme j’aurais à pacer Fanny sur une trentaine de kilomètres le dimanche matin, la raison me commandait de me tenir tranquille. Mais il faisait si beau…

Peine perdue, je suis allé faire un tour. 10-12 km maximum, mais il fallait que je courre. Mon équilibre mental en dépendait.

Puis, coup d’œil aux résultats préliminaires avant de partir: Seb était passé en tête au 35e kilomètre. Et qui suivaient, 20 minutes derrière ?  Mes amis Louis, Pierre et Martin. J’aurais pu être là. J’aurais être là. Quelle torture !

Ce que j’ai vu sur la route de Bromont ne m’a fait aucunement regretter mon choix de courir. Le soleil était éclatant, les couleurs de l’automne, à leur apogée. Les montagnes m’appelaient, s’il avait fallu que je sois « à jeun »…

À mon arrivée, je me suis rendu au ravito principal où Pat et Joan fixaient au loin, attendant (im)patiemment le premier passage de Seb, au kilomètre 72. Je me suis joint à eux et ai découvert ce qui allait être ma réalité pour les prochaines heures: l’attente. Comme d’autres courses se déroulaient en même temps, c’était difficile de savoir si c’était bien lui qui arrivait quand quelqu’un se présentait tout en haut de la butte qui surplombe le parc équestre.

Puis, il est arrivé. C’était comme l’euphorie dans notre petite troupe. Il est passé en coup de vent et honnêtement, s’il n’avait pas eu à se soumettre à la pesée, pas certain qu’il se serait arrêté. En fait, il est passé tellement vite que François (son équipe de support au grand complet) l’a tout simplement raté.

Recommença ensuite l’attente. Comme mes amis avaient 20 minutes de retard au 35e kilomètre, je m’attendais à au moins 45 minutes de retard ici, sinon une heure. Je piaffais d’impatience, j’avais trop hâte de les voir. Je voulais, je devais savoir s’ils allaient bien. Après un certain temps, n’en pouvant plus, je suis parti en sens inverse à leur rencontre.

Après une éternité, Pierre et Martin se sont présentés au bas du chemin de terre arrivant du lac Gale. Louis les suivait, pas trop loin derrière. J’étais énervé comme un gamin. Comment ça va ?

« Comme après 70 kilomètres » me répondit Pierre qui n’avait pas son sourire habituel. C’est vrai qu’ils étaient dans la partie la plus difficile d’un ultra, soit celle où on commence à accuser le coup sans être rendu à la moitié.

Après leur avoir demandé de quoi ils pensaient avoir besoin, je suis parti à pleine vitesse pour retourner au ravito, question d’essayer de leur préparer le tout. J’avais un sentiment d’urgence, je tenais absolument à me rendre utile. À ce moment-là, j’ai compris pourquoi les bénévoles dans les ultras sont si dévoués : ils attendent des heures avant qu’un coureur daigne se pointer le nez, alors quand il y en a un qui arrive, on veut tout faire pour lui faciliter la vie, comme si on voulait se « racheter » pour le temps qu’on a passé à ne rien faire.

Par la suite, ça a été un peu plus rock’n’roll. Les coureurs se sont mis à arriver plus regroupés et naturellement, les tâches se sont séparées. Julia, la fille de Pat, prenait en note les heures d’arrivée. Pat et Joan s’affairaient aux drop bags et moi, je me suis retrouvé à transporter des chaises, à couper patates et bananes ainsi qu’à diriger les coureurs.

Sauf qu’à un moment donné, avec les équipes de soutien (sans compter l’équipe médicale), on commençait à joyeusement se piler sur les pieds. Pour certains accompagnateurs, ça paraissait qu’ils en étaient à leur première expérience: disons que l’efficacité n’était pas vraiment au rendez-vous. Beaucoup de conversations pas tellement pertinentes se déroulaient, auxquelles s’ajoutaient les coureurs du relais qui venaient piger dans les victuailles réservées aux coureurs des 80 et 160 kilomètres. Bref, c’était le bordel, au point où, à un moment donné, Pat a dû élever la voix et demander à tous ceux qui n’avaient pas d’affaire là de sortir, limitant le nombre de membres d’une équipe de support à une personne. Disons que ça a fait effet.

J’ai aussi été à même de constater une chose: moi qui croyais que j’étais lent aux ravitos, j’ai pu me consoler en observant les autres agir. Et j’en suis venu à la conclusion qu’en règle générale, plus un coureur est lent, plus il prend du temps à un ravito. Certains sont demeurés là une bonne quinzaine de minutes, ce qui est beaucoup trop long. Nous avons même dû en insister pour que quelques-uns finissent par partir, leur rappelant que plus ils tardaient, moins ils auraient le goût de relancer la machine.

Ça n’a pas été le cas de Fanny, celle que j’allais pacer plus tard, et avec qui j’ai fait connaissance alors qu’elle embarquait sur la balance. Après un petit câlin, elle a pris quelques trucs et s’est envolée. Je n’ai malheureusement pas pu la revoir au 80e kilomètre car mon capitaine, sentant que le rush achevait, m’a envoyé au dodo, ajoutant au passage que vu que la nuit serait tranquille, je n’avais pas à me dépêcher pour revenir.

Ainsi donc, après avoir mangé un peu, je me suis retrouvé dans mon sac de couchage que j’avais déroulé dans le RAV4. Étonnamment, j’étais foutrement bien, mis à part le fait que pour la première fois de ma vie, j’aurais vraiment souhaité mesurer 5 pouces de moins. Pas évident de dormir quand on est obligé de toujours garder ses jambes repliées. Mais j’ai tout de même réussi à perdre la carte 2 ou 3 heures.

De retour au ravito vers 2h, c’était le calme plat. Tout le monde était évidemment passé depuis belle lurette et mise à part la progression de Seb en tête de course, il n’y avait pas grand-chose d’autre que le suivi des coureurs à faire. Car, dans la nuit froide, il était important de ne pas les « perdre » et de savoir qui était toujours en course et qui avait dû quitter.

On me raconta d’ailleurs l’anecdote d’un coureur qui avait débuté sa deuxième boucle les yeux dans le vide, en chancelant. Joan avait prédit « qu’il ne ferait pas long » et effectivement, des gens l’ont retrouvé quelques centaines de mètres plus loin, couché dans le sentier. Évanoui ou endormi, on ne le sait pas trop, mais avec la froideur de la nuit, heureusement que quelqu’un était là car c’est l’hypothermie qui l’attendait.

Nous avons donc passé ce qui m’a semblé de longues heures à attendre. Il y a eu le départ du 80 kilomètres à 3h qui nous a un peu changé les idées, départ suivi de près par l’abandon de Vincent (après 4 kilomètres de course !) sur cheville foulée. Aussi, un coureur que nous avions « perdu » s’est présenté. Il s’était égaré, en avait ras le pompon et avait fini par retrouver le camp de base. Il s’est emparé de ses affaires et est parti sans dire un mot ou presque. Le parcours avait eu raison de lui.

Puis, ce furent les spéculations autour de l’arrivée de Seb. Son équipe, maintenant composée de François et de la blonde son pacer (dont j’oublie les noms) attendaient avec nous sous la tente. Après une éternité à voir passer sporadiquement des coureurs qui faisaient le relais, nous avons vu deux lampes frontales se pointer au loin.

C’étaient eux !  Branle-bas de combat, Seb s’en venait !  Après des heures, nous aurions enfin quelque chose d’utile à faire !!! Et que fit Seb en arrivant dans la tente ? « Du Coke !!! ». Il voulait du Coke. Il en a calé 2 ou 3 verres, puis est reparti en trombe pour sa dernière boucle de 8-9 km. Son pacer, qui venait à peine de s’asseoir, a laissé échapper un léger soupir de découragement, ayant l’air de dire : « Déjà ?!? ». Et voilà, après toute cette anticipation, nous avions une autre heure à tuer avant qu’il se passe à nouveau quelque chose.

Je l’ai pour ainsi dire passée à jaser avec son équipe de soutien et aussi, à me préparer pour ma matinée. Car j’anticipais le moment où Fanny allait m’appeler pour que j’aille la rejoindre au kilomètre 124. J’avais vraiment hâte.

Tout comme Joan l’an passé, Seb a eu droit à une haie d’honneur pour son arrivée, après un peu plus de 21 heures passées dans les sentiers. Tous les bénévoles et spectateurs présents se sont massés pour l’accueillir. C’est vraiment cool comme façon d’accueillir le grand gagnant. Son plus proche poursuivant allait arriver presque 5 heures plus tard…

Tout sourire et l’air pas trop fatigué comme c’est son habitude, il donnera quelques entrevues avant d’aller prendre une douche bien méritée. Comme on dit dans le milieu: great job !

Une fois la commotion terminée, j’ai commencé à sérieusement m’inquiéter pour Fanny dont je n’avais aucune nouvelle. Finalement, après avoir multiplié les contacts par radio, Pat a fini par apprendre qu’elle poursuivait son petit bonhomme de chemin, lentement mais sûrement.

Autre inquiétude: alors que Seb avait terminé depuis belle lurette, on nous apprenait que Bruno venait de quitter le ravito Balnéa (kilomètre 143). Or, pas de nouvelles de Martin et Pierre. Je me doutais que Louis en arrachait après l’avoir vu quitter péniblement pour son deuxième tour, mais les deux autres ?  Selon mes calculs et les temps de passage à la mi-parcours, ils auraient dû être passés depuis un bout de temps… J’étais persuadé qu’ils s’étaient perdus, surtout qu’ils n’étaient plus en deuxième place, eux les ultramarathoniens aguerris. Pour moi, ça n’avait pas de sens.

À force d’argumenter, mon raisonnement a fini pas faire son chemin dans la tête de Pat et Guylaine et voilà, j’avais semé un mini-vent de panique dans l’équipe. Fallait les retrouver !

Finalement, mes amis se sont effectivement perdus quelques minutes, mais ils ont surtout poursuivi en mode plus relaxe et quand Bruno les a rattrapés, ils n’ont pas poussé la note pour le suivre. Cette idée de nous inquiéter de même, aussi…  😉

À 6h, je reçus un appel de Fanny qui approchait du ravito « Chez Bob ». Elle prévoyait arriver au kilomètre 124 à 8 heures, je l’ai assurée que je serais là bien avant, au cas où…

Acte III: le pacing

J’étais bien sûr au Lac Bromont avant 8 heures. Le soleil se levait doucement sur une autre belle journée, j’allais faire une trentaine de kilomètres dans des sentiers, que pouvais-je demander de plus à la vie ?

Je me préparais tranquillement en jetant parfois un oeil à la route, d’où arrivaient les coureurs. À chaque fois qu’il y en avait un qui se présentait, j’espérais que ce soit elle, mais non. Un en particulier, Patrice (ben non, pas celui que vous connaissez…) est arrivé en boitant lourdement. La cheville complètement fichue, ce serait son dernier arrêt. Tout de suite, je lui ai offert de s’intaller dans le RAV4, question de ne pas frigorifier en attendant que sa douce moitié vienne le chercher. Je me suis également occupé d’avertir l’organisation de son DNF. Il était tellement reconnaissant que ça en était gênant…

Un autre coureur était là depuis un bout, sa blonde étant arrivée (elle allait le pacer) en même temps que lui. Elle avait pris le temps de se changer, de s’échauffer et de le masser. Quand je dis que ce n’est pas tout le monde qui passe en coup de vent à un ravito…

Fanny est arrivée comme ils partaient. M’attendant à ce qu’elle prenne 4-5 minutes, je terminais d’ajuster mes affaires et j’étais en train d’annoncer à Patrice que malheureusement, je devais l’évincer (j’avoue que ça me fendait le coeur de le faire et par après, je me suis dit que j’aurais pu juste lui demander de verrouiller les portes du RAV4 avant de partir, du con…) quand je l’ai entendue me lancer: « Je repars tout de suite, je ne veux pas manquer le cut-off ! ».

Hein ?  Déjà ?  Wo-ho, elle ne niaise pas avec le puck celle-là !  Je sens que je vais l’aimer…

Je suis donc parti à sa poursuite, un peu tout croche et ma Suunto neuve (que je ne connaissais pour ainsi dire pas du tout) pas encore prête pour l’action.

Pat m’avait dit: « Elle n’est peut-être pas la plus rapide, mais elle est vraiment tough ! ». Je dois avouer qu’il n’avait pas tort, bien au contraire. Pendant près de 6 heures, ce petit bout de femme qui mesure 5 pieds et pèse 100 livres, qui n’avait pas dormi depuis plus de 30 heures, avançait, encore et toujours, sans jamais se plaindre. Toute une force de caractère !

À la voir progresser, il était évident qu’elle avait mal. « Une ampoule » qu’elle me disait. À part ça, rien. Une vraie de vraie. On a jasé de tout et de rien. De course, évidemment, mais de la vie aussi. Quand elle m’a appris qu’elle était végétalienne, ma curiosité était piquée. Pour la première fois, j’allais avoir l’occasion de savoir c’était quoi, la vie d’un végétalien. Elle pensait peut-être que j’entretenais seulement la conversation pour la distraire, mais non, ça m’intéresse vraiment. C’est bien beau lire Scott Jurek, mais ce n’est pas comme échanger ouvertement sur le sujet.

Je dois avouer que j’ai appris bien des choses intéressantes et comme je le pensais, ce qu’elle trouve le plus difficile, c’est la partie « sociale » de ce mode de vie qui est la plus problématique. En effet, quand les parents et amis ne sont pas végétaliens, on fait quoi quand on est invité à souper ?

Quant au « pourquoi », je dois avouer que son argumentaire était solide et je ne pouvais rien lui opposer. À part que merde, c’est bon, de la viande et du fromage…

Nos discussions n’ont pas empêché le parcours de se dresser devant nous tel un véritable mur. À plusieurs reprises, je me suis dit: « Ha oui, cette partie-là… ». Les gens « normaux » et même les coureurs sur route ne peuvent imaginer ce que les ultramarathoniens doivent affronter comme terrain. J’avais envie de rire, quelques heures plus tôt, quand l’ami de Seb s’était étonné de voir que ce dernier avait pris 2 heures pour parcourir une section de 13 kilomètres. Hé oui, même Seb doit marcher par bouts… 🙂

Malheureusement pour Fanny, le chili absorbé au souper avait décidé de littéralement se transformer en courant d’air intestinal. Moi qui suis déjà plutôt actif de ce côté en temps normal, la fréquence de mes backfires était hallucinante. Au point où elle a fini par me lancer: « Je n’ai jamais vu quelqu’un qui pète comme toi ! ». Heu, comme première impression, on a déjà vu mieux, pas vrai ?  😉

Par contre, je m’arrangeais toujours pour être derrière elle quand ça se produisait. En fait, j’ai passé le plus clair du temps derrière, sauf quand le sentier était assez large pour qu’on puisse évoluer côte à côte. Je ne sais toujours pas si c’était la bonne chose à faire, mais je ne voulais pas qu’elle sente de la pression pour avancer et qu’elle risque une blessure à essayer de me suivre si je tentais de lui donner un rythme plus rapide devant.

Petit à petit, des coureurs du 80 km se sont mis à nous rattraper. À les voir aller, je me disais que dans mes meilleurs jours, j’aurais pu finir dans les 3 premiers. Puis, dans la section autour du mont Gale, ce fut au tour de ceux du 25 km. Et dans ce cas-là, pas question d’un top 3, ni même d’un top 10: de véritables fusées sont passées à côté de nous !  Je suis vraiment fait pour les longues distances, il n’y a pas à dire…

Le seul endroit où elle a perdu un peu de temps a été au ravito du Balnéa où elle a pris le temps d’aller aux toilettes. J’en ai profité pour m’empiffrer de wraps au poulet (ben quoi, je suis omnivore, j’ai le droit !) qui étaient écoeurants comme on dit si bien ici. Fanny, tu manques quand même quelque chose…  🙂

Par la suite, même si c’était la troisième fois que je me tapais cette partie de parcours, j’ai commis l’ultime erreur du pacer: encourager faussement ma coureuse en lui disant que la montée du mont Gale achevait. En fait, ça ne finissait tout simplement plus et à la fin, je ne me croyais plus moi-même quand je pensais que le sommet approchait. À me rappeler l’an prochain: le mont Gale ne finit pas, le mont Gale ne finit pas, le mont Gale ne finit pas…

Une fois rendus en haut, ce fut la longue descente et finalement, le chemin nous ramenant au camp de base. J’essayais de courir pour l’inciter à faire de même, mais après plus de 30 heures de course, il y a des limites à ce que le corps puisse accomplir.

En arrivant au centre équestre, tout de suite après la descente, sa famille l’attendait. L’ayant reconnue au loin, ils se sont tous mis à crier et elle m’a avoué: « Je vais me mettre à devenir émotive s’ils n’arrêtent pas ». Je lui ai donné un « câlin de côté », comme pour lui dire qu’elle pouvait se laisser aller un peu, elle en avait bien le droit.

Mais, bien que mon travail de pacer s’arrêtait là (sa cousine allait l’accompagner pour la dernière boucle de 8-9 km), ce n’était pas fini pour elle et elle est retournée en mode « finissons la job ». Pendant qu’elle était aux toilettes, je vérifiais le contenu de son sac d’hydratation et avant même que je m’en rende compte, elle était repartie. Ouais, c’est une vraie de vraie !

Je ne sais pas combien de temps ça lui a pris pour faire ladite boucle, mais ça m’a semblé très long. Heureusement que je la savais accompagnée, parce sinon, je me serais vraiment inquiété. Et comme j’étais retourné chercher mon auto (à la course, c’étaient deux petits kilomètres par la route) entre-temps, j’avais perdu contact avec sa famille, alors j’étais seul pour l’attendre à une centaine de mètre de l’arrivée…

Puis, au loin, je l’ai reconnue. Les membres de sa famille s’étaient rendus à sa rencontre, au moins 500 mètres avant l’arrivée. Je me suis précipité à leur rencontre et c’est en groupe que nous l’avons accompagnée jusqu’au fil, ses parents insistant pour que je termine à côté d’elle. C’est après 33 heures et 5 minutes d’effort, 55 minutes avant la coupure qu’elle franchira la ligne, en 16e position, deuxième femme à réussir le 160 kilomètres du Bromont Ultra.

Ça terminait de belle façon une fin de semaine vraiment pas comme les autres…

Mes impressions au final ?  Être de « l’autre bord » nous permet d’apprécier et de comprendre le travail incroyable que doivent se taper les membres de l’organisation. Ça nous permet également voir les dessous de ce qui se passe durant une telle épreuve. En plus, comme j’ai eu la chance de jouer de double rôle de pacer et de bénévole, je dois avouer que c’est très gratifiant de savoir qu’on a pu aider de quelconque façon des gens à réussir un tel défi. Immanquablement, des liens se créent. Juste la petite conversation que j’ai eue avec Benjamin, qui était sur un nuage après avoir complété son premier 100 miles valait la courte nuit et les heures passées à attendre.

Je compte bien récidiver un jour… mais je préfère courir !  🙂

Vivant ? Oui, vivant !

Je parlais avec une amie au téléphone. Avant de raccrocher, elle me dit : « C’est carrément débile de te pousser à ce point-là. Tu devrais ralentir et un faire un peu plus attention à toi… ». Ma réponse ?  Je ne me sens jamais aussi vivant que dans les pires moments d’un ultra.  « Vivant ?!? » qu’elle me demande, interloquée. Oui, vivant.

Ceux qui ont lu ses livres reconnaitront probablement les idées de Dean Karnazes dans ce qui suit et, bien que je trouve qu’il en beurre épais (et parfois, TRÈS épais), je ne peux pas dire qu’il ait tort sur certains points, bien au contraire.

Je m’explique. Comme lui, je pense que tout dans le monde moderne est conçu pour nous faciliter la vie. Et souvent, trop nous la faciliter. Il fait froid ?  On monte le chauffage. Il fait chaud ?  On démarre la climatisation. Ce qui fait que nous vivons en permanence (ou presque) dans un environnement contrôlé dont la température oscille entre 20 et 23 degrés, hiver comme été.

D’autres exemples ?  On veut monter plusieurs étages ?  On appuie sur un bouton et l’ascenseur va nous y mener. Et si c’est le moindrement long…  Dans nos voitures, les vitres sont électriques et l’air climatisé n’est presque plus une option. La télé ?  Ça fait des décennies que nous n’avons même plus besoin de nous lever pour changer de chaîne ou jouer avec le volume; on peut faire ça en bougeant à peine le petit doigt. On cherche un renseignement quelconque ?  La réponse est au bout des doigts, sur le téléphone dit intelligent ou la tablette électronique.

Ce qui fait que nous vivons dans un monde où nous n’avons plus à « travailler » pour obtenir quelque chose car tout est à la portée de la main. Tout est pensé pour nous faciliter la vie.

Le même principe s’applique dans le sport d’endurance. Au début, les marathons se couraient à des dates aléatoires, sur des parcours d’une distance standard de 42.195 km, avec départs en milieu/fin d’avant-midi. Puis, oups, les organisateurs se sont rendu compte qu’il arrivait qu’il fasse chaud en milieu de journée, particulièrement en été. Et hou la la, les côtes, ce n’est pas facile. En plus, ce n’est pas bon pour « faire un temps »…

Ainsi donc, on a commencé à déplacer les départs en tout début de journée. Les marathons n’ont plus lieu qu’au printemps et à l’automne et si le parcours peut être « rapide », c’est encore mieux. Les athlètes d’élite ont suivi la parade (à moins qu’ils l’aient tout simplement devancée) et des marathons très faciles comme de Londres, Berlin ou Chicago (il arrive toutefois que la chaleur vienne changer la donne à Chicago) sont devenus des incontournables. Les organisateurs du Marathon de Toronto se sont vus obligés de changer leur épreuve de date suite à l’entrée en scène d’un concurrent, le Toronto Waterfront, presque totalement plat et plus rapide, donc plus populaire.

Le monde des triathlons ne demeure pas en reste, bien au contraire. Selon une de mes sources (qui est très impliquée dans le milieu) une « tolérance » de 10% sur les distances serait acceptée, bien des fois au nom de la sécurité. Ce qui fait que si les organisateurs d’un triathlon offrent des parcours où les distances annoncées sont exactes, les performances qui y seront réalisées seront évidemment moins « bonnes » et dès lors, le niveau de participation risque de diminuer au cours des prochaines années.

Reste à savoir si les grands triathlons suivent cette « règle » ou s’ils sont plus stricts sur les distances affichées. J’ose espérer que les championnats du monde et les jeux olympiques se déroulent sur des parcours dont les distances sont celles annoncées…

Bref, je suis d’avis que tous ces efforts pour aplanir les difficultés, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le sport, finissent par avoir un effet néfaste sur nous. L’être humain (tout comme les autres espèces du règne animal d’ailleurs) est fait pour avoir à travailler dur pour obtenir ce dont il a besoin. Et quand il ne le fait pas, il lui manque quelque chose.

D’où le besoin de dépassement de soi. Un marathon, c’est difficile. Très difficile, même. J’en ai 13 au compteur, alors je pense en avoir une petite idée. Mais quand on a réussi à en compléter un, puis qu’on s’est qualifié pour Boston, c’est quoi la prochaine étape ?  Améliorer son temps ?  Ok, mais à un moment donné, courir après des secondes… On finit par « tricher » en cherchant la course au parcours plus facile, bien située dans le calendrier, etc.

Quand j’ai fait mon premier ultra, j’ai eu un choc. Jamais de toute ma vie je n’avais vu autant de côtes. Et je n’avais jamais parcouru une aussi longue distance. Il pleuvait, c’était vraiment une journée affreuse. « Sont malades !!! » que je disais à chaque fois qu’un nouveau mur se dressait devant moi.

Hé bien, je ne me suis jamais senti aussi fier de moi que lorsque j’ai franchi la ligne, dans un relatif anonymat. J’avais réussi, j’avais surmonté tous les obstacles. Et que dire de Massanutten ?  Cette fois-là, j’ai puisé dans des réserves que je ne croyais même pas posséder. Complètement vidé, le système digestif hors d’usage, les pieds meurtris, je me suis tout de même présenté à l’arrivée en compagnie de Pierre en courant, le sourire aux lèvres. J’étais passé au travers, j’étais allé au fond de moi-même. J’en étais venu à bout. Le parcours m’avait envoyé au plancher, mais je m’étais relevé. La casquette « MMT100 finisher » et le buckle, j’ai vraiment l’impression de les avoir mérités.

Certains diront peut-être que c’est « inutile » de faire ça. Eh bien, je ne suis pas d’accord. Plié en deux, en train de me vomir les tripes au milieu de nulle part, en pleine nuit, il n’y avait rien qui pouvait me faciliter la vie. Il fallait que je m’en sorte par moi-même (et avec l’aide de mon partner, bien sûr), avec mes propres ressources. J’étais à la limite. C’est quand on approche cette limite qu’on se rend compte qui on est vraiment. Et qu’on se sent vivant, plus que jamais.

Ultimate XC St-Donat 2015: l’avant-course

Quand on veut participer à l’Ultimate XC de St-Donat, il y a un incontournable : on doit se taper le trafic des Montréalais qui fuient la grande ville le vendredi pour aller passer la fin de semaine dans le nord. Peu importe l’heure de l’après-midi, on ne s’en sort pas: il faut s’armer de patience et attendre que ça finisse.

Ce qui fait qu’il est autour de 17h20 (mon GPS me prédisait une arrivée à 16h10 au départ de chez moi) quand je me pointe à l’hôtel de ville pour ramasser mon dossard. Bah, ce ne sera pas long, il n’y a jamais d’attente quand on vient chercher son dossard ici. Dans 5 minutes, je serai reparti et avant 18 heures, je serai dans ma super (comme dans « Super 8 ») chambre d’hôtel à Ste-Agathe.

J’ai cependant oublié un léger détail dans mon équation : il est fini le temps où en attendant l’autobus le matin de la course, un inconnu aux cheveux longs et à l’accent franco-québécois m’avait demandé si je savais où il y avait des toilettes dans le coin. Sur le coup, j’avais trouvé qu’il semblait un peu « différent », mais son allure trahissait quelqu’un de très fort. Il allait certainement me planter ce jour-là (ce qu’il a fait, d’ailleurs)…

Aujourd’hui, je connais plutôt bien Joan et on peut dire qu’il ne m’est plus vraiment inconnu ! Un peu grâce à ce blogue, je connais également plusieurs autres personnes dans la communauté des coureurs en sentiers et bon, bien que je ne sois pas la personne la plus sociable sur cette terre, je me sens toujours à l’aise dans cette gang-là.

Je tombe donc sur Pat en arrivant. Et il placote avec qui ?  Pierre, mon inséparable compagnon de route de Massanutten. Trop content de les revoir, on parle-parle, jase-jase. Des vraies mémères. Pat nous parle entre autres du Western States, où son nom a été pigé lors du tirage, mais auquel il ne peut pas participer. Il a averti l’organisation et quelle a été leur réponse ?  Merci de nous tenir au courant. Votre paiement ?  Ha non, impossible de vous rembourser… La grande classe. Il nous fait également une mise à jour sur sa blessure qui l’a tenu à l’écart ce printemps, l’obligeant à rater Massanutten et Ottawa. Il fera le 38 km ici et devrait être en mesure de compléter son 5e Vermont 100 dans 3 semaines.

Quant à Pierre, il accompagnera un autre Frédéric pour cette course: son frère, qui en sera à son premier ultra. Athlète accompli, il a deux Iromen derrière la ceinture, mais ne semble pas trop confiant à l’idée d’avoir à affronter 60 km de racines, de roches, de boue et de montagnes…

Puis je sens que quelqu’un me pince dans le milieu du dos. Mais qui est-ce ?  C’est Julie, mon amie blogueuse hyper-sympa qui a commencé à courir il y a peu de temps (2, 3 ans maximum) et qui peut se proclamer ultramarathonienne depuis Bear Mountain. Ici, elle fera le 38 km, mais je ne doute aucunement en ses capacités à faire le 60. Mais elle y va progressif, ayant couru le 22 km ici l’an dernier. On ne peut pas lui reprocher une telle façon de faire !

Toujours est-il que ça n’arrange pas la malformation qui se développe au niveau de ma mâchoire et l’empêche de fermer quand ça concerne la course. Il faut donc que mon estomac commence à crier famine pour me rappeler que je dois y aller à un moment donné…

Je prends alors mon dossard (numéro 895, ce que je trouve un peu bizarre; ne devrait-on pas avoir un petit numéro ?), mon drop bag et emprunte la route vers Ste-Agathe, non sans avoir au préalable redonné à Julie la serviette qu’elle m’avait si gentiment prêtée… à Bromont !

Pierre m’a bien offert de partager leur condo avec eux, mais la chambre au Super 8 était déjà réservée et payée depuis belle lurette. Et finalement, c’est une chambre bien correcte à laquelle j’ai droit, pas mal mieux que ce que le très vieillissant Manoir des Laurentides a pu m’offrir ces deux dernières années. J’ai suffisamment de place pour étendre mes affaires, une petite table pour avaler mon repas de pâtes et le lit king est vraiment bien. Non, rien à redire.

Après une plutôt bonne nuit de sommeil, c’est sous un épais couvert de brouillard que je reprends la route direction St-Donat. Il fait frais, presque froid : la température indiquée dans l’auto est de 8 degrés. Ouf, Widy a dû trouver la nuit froide !  Une nuit dans les Laurentides, ce n’est pas comme à la TransMartinique, pas vrai Widy ?

Surprise en arrivant aux toilettes portables: il y en a une de prise. Hein ?  Déjà quelqu’un d’arrivé ?  Je constate vite que c’est plutôt un gars, un « vrai », qui a passé la nuit dans son auto. D’ailleurs, dans le stationnement municipal, on retrouve quelques autos qui ont fait de même, ainsi que des motorisés et une roulotte. Mais est-ce légal ?  Aucune idée. Bah, tant que ça ne dérange personne…

C’est bien installé dans l’auto que j’observe la faune arriver, peu à peu. Je songe à mes objectifs. En regardant la liste des engagés, aucun gros nom ne m’a sauté aux yeux, les podiums des dernières éditions ne s’y trouvant pas. Il y a bien Laurent et Benoit qui sont définitivement meilleurs que moi, mais à part ça ?  Ben, il y a Pierre, c’est une évidence, mais il va demeurer derrière, avec son frère. Si je réussissais à faire un 7h30, peut-être pourrais-je me faufiler sur le podium, qui sait ?

Mais c’est plus un rêve qu’autre chose. Les années précédentes, plusieurs coureurs qui m’étaient inconnus m’avaient laissé sur place. Le parcours, très technique, avantage les gens habiles, particulièrement dans les descentes. En plus sa longueur, relativement courte, ne me permet pas de compenser avec mon endurance, comme j’ai pu le faire à Washington en avril.

De toute façon, 7h30, c’est un peu trop optimiste. Avec un 8h12 dans des conditions sèches l’an passé, toute course sous les 8 heures serait la bienvenue. Ajoutez à ça un top 10 et je serai très heureux.

Je finis par me rendre au pick-up qui amènera les drop bags. Comme à chaque année, on nous a avertis que tout sac pesant plus de 5 livres sera rejeté. Et comme à chaque année, les sacs ne sont pas pesés. Ainsi va la vie dans le merveilleux monde des ultras !

J’aperçois Pierre et son frère, prêts à embarquer. Comme j’arrive tout près du superbe autobus jaune, Denis, mon fan numéro un lors du 50k à Sherbrooke (qui peut se vanter d’avoir un fan qui a un PB de 2h51 sur marathon ?  Qui ?) me rejoint. Il semblerait que je suis facile à reconnaitre, étant le seul à porter des genoux pour courir.

On fait le voyage ensemble. Excellent coureur sur route (PB de 2h51, duh !), Denis s’est lancé dans les ultras de style « tourne en rond » contre le temps il y a quelques années. Il s’y débrouille d’ailleurs plutôt bien. Quant à son expérience en sentiers, elle se limite à Bromont, où il n’a finalement pas eu une très bonne journée, ayant à négocier pour ne pas se faire exclure à la mi-parcours pour ensuite devoir abandonner après 93 km de course.

On parle de tout : Boston, Ottawa, nos lieux d’entrainement, nos courses. Notre conversation est toutefois interrompue par un arrêt brutal de l’autobus : un coureur doit faire un pit stop urgent. Je n’ai pas la « chance » d’assister à qui se passe, mais je suppose que c’est le déjeuner qui a décidé de sortir par le chemin où il est entré. Certains disent qu’un ultra n’est pas vraiment commencé tant qu’on n’a pas vomi. Hé bien, pour le gars au sourire gêné qui remonte dans l’autobus sous les applaudissements, on peut dire que la course est déjà partie !

Nous arrivons sur le lieu du départ. Contrairement à l’année passée, personne sur place. C’est donc dire que les concurrents de La petite trotte à Joan sont repartis, mis à part les 4 (sur 13) qui se sont retirés et dont Pierre m’a parlé dans l’autobus. Il semblerait que, si on exclut une équipe de 3 personnes, tout le monde a commis la même erreur que Pierre et sa bande l’an passé, soit emprunter le parcours du 38 km au niveau du lac à l’Appel. Mais selon Dan, notre directeur de course unique et préféré, c’est encore la faute des coureurs qui n’ont pas porté attention et non celle du marquage. Ha, ce cher Dan, on l’aime comme ça !

Aussitôt les portes des autobus ouvertes, tout le monde se garroche dans les buissons pour faire pipi. C’est comme si nous souffrions d’une espèce d’incontinence collective. Denis, peu habitué à ce monde plus « nature », se sent un peu gêné de s’exécuter devant les dames. Tu n’as pas à t’en faire, mon ami, depuis que j’en ai vu une faire ça debout, je ne me gêne surtout pas…

L’arrivée de quelque 60-70 coureurs constitue un véritable buffet pour les insectes de tout acabit. J’ai décidé de ne pas amener de chasse-bibittes, car selon mes souvenirs, je n’en avais pas eu besoin durant la course. Toutefois, la présence des bestioles me rappelle qu’il y a 12 mois, Joan m’avait joyeusement aspergé avant le départ. Shit…

Heureusement, Denis a la gentillesse de m’en offrir. Je lui en serai éternellement reconnaissant.

Dan sort de nulle part et commence immédiatement son discours. Il a l’air sur le Red Bull. En fait, il a toujours l’air sur le Red Bull, mais cette fois-ci, on dirait qu’il est vraiment pressé dans le temps. Bizarre.

Il nous rappelle les règlements de base, nous parle du marquage du parcours « avec des flags roses aux 20 pieds; si vous avez faites plus de 20 pieds sans voir de flag, vous vous êtes trompés de chemin ! ». Oui Dan, on le sait… Quant au Vietnam, il serait marqué « à tous les 6 pouces » et serait divisé en deux parties cette année, à cause du castor qui n’aurait pas construit sa digue à la place habituelle ou je ne sais pas trop.

Pour ce qui est du parcours, Dan nous dit que malgré la pluie du printemps, il n’a jamais été aussi sec. Est-ce que c’est moi ou il nous avait dit exactement la même affaire l’année passée ? Puis, après avoir demandé qui parmi nous en était à sa première expérience ici, il a demandé à nous, les « vétérans », de garder une minute de silence pour les pauvres « recrues ». Ce gars-là va toujours me faire rire !

Coup d’œil à sa montre…

3-2-1, GO !!!

Et c’est comme ça que débute ma troisième aventure ici, moi qui m’étais pourtant juré de ne jamais y revenir…

Ils ne pourraient être plus différents

J’avais prévu faire un mini-récit de l’après-Washington, mais bon, faute de temps, ça ne s’est pas concrétisé. Avec le recul, ça fait bien mon affaire pour la simple et bonne raison que je vais pouvoir en faire un sous forme de comparaison : The North Face Endurance Challenge versus Massanutten.

Hé bien, si on voulait résumer le tout en peu de mots (comme si j’étais capable de faire ça, duh !), je dirais simplement ceci : ces deux événements ne pourraient pas être plus différents. En fait, ils n’ont qu’une seule et unique chose en commun : ce sont des ultramarathons. Un point c’est tout.

Washington, c’était la grosse affaire, avec la machine The North Face toujours dans le portrait: kiosques promotionnels, animation, course des petits, des épreuves sur plusieurs distances et évidemment, la présence de Dean Karnazes. Il y avait même une section « bar » aménagée dans le parc où les coureurs pouvaient aller en boire une petite frette une fois la compétition terminée. Côté course, l’événement offrait un parcours peu technique, de type aller-retour présentant environ 4500 pieds de dénivelés avec plusieurs « boucles » à faire à certains endroits.

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La photo classique avec Dean, qui n’avait pas son sourire habituel. La raison ? Il avait piqué une plonge durant la course et était tombé sur les côtes. Il allait prendre le chemin de l’hôpital immédiatement après avoir pris la pose.

Massanutten, c’est la course en sentiers à sa plus simple expression. Aucun commanditaire affiché, il y avait une grande tente, 8 toilettes installées dans un champ et c’est à peu près tout. Une seule et unique épreuve : la course de 100 (103.7) miles. That’s it. Honnêtement, je me demande comment ils font pour faire leurs frais. Quant au parcours, il est très technique et présente environ 16200 pieds de dénivelés (j’ai lu 19000 à certains endroits) tout en réussissant l’exploit de ne presque jamais repasser deux fois au même endroit.

Bref, il ne pourrait pas y avoir un plus grand contraste entre deux épreuves. Et ça adonne bien, car elles ne s’adressent pas du tout à la même clientèle.

Personnellement, je ne retournerais pas à Washington, même si c’est une course très bien organisée et que j’y ai obtenu une 9e place totalement inattendue (je croyais que j’étais autour de la 20e position). Je la recommanderais à quelqu’un qui veut en faire son premier 50 km ou son premier 50 miles… et qui profiterait de l’occasion pour visiter la ville. Car c’est ce que nous avons fait et nous ne l’avons pas regretté. Washington est une ville chargée d’histoire et en plus, elle est superbe avec son cachet européen. C’est à voir au moins une fois dans sa vie. À ce temps de l’année, la température n’y est pas encore trop étouffante (sauf le jour de la course, bien évidemment) et si elle le devient, il y a tellement de musées tout aussi intéressants que gratuits qu’on peut y passer des jours et des jours.

78- selfie White House

L’inévitable selfie devant la Maison Blanche, le lendemain de la course.

Paradoxalement, ce qui fait la principale difficulté de la course, c’est sa relative facilité. En effet, les 15 derniers miles sont majoritairement sur le plat, ce qui force le coureur à appuyer, encore et toujours, un peu comme dans un marathon. Il faut tenir le coup, serrer les dents. Ce n’est pas évident de faire ça avec 75 kilomètres dans les jambes. Disons que c’est plutôt inhabituel dans le monde des ultras.

À l’inverse, Massanutten est le paradis du « cassage de rythme ». Les meilleurs ne sont pas seulement les plus rapides (ils le sont, bien évidemment), mais aussi les plus habiles, ce qui explique les écarts démentiels entre les concurrents. C’est une épreuve à la fois physique et mentale, la plus difficile que j’ai pu subir. Pierre me l’a d’ailleurs confirmé : c’est même plus difficile qu’à Virgil Crest, où il avait terminé en quatrième position en 2013.

Afin de se prémunir contre les « imposteurs », l’organisation impose des critères de « qualification », soit avoir couru au moins une course de 100 miles au cours des 3 dernières années ou bien avoir couru au moins un 50 miles ET un 50 kilomètres au cours des deux dernières années. Croyez-moi, ces critères sont vérifiés par le directeur de course. En effet, la veille du tirage, il m’a demandé le lien menant aux résultats du Bromont Ultra car il ne le trouvait pas sur UltraSignUp. Comme quoi, rien n’est laissé au hasard.

N’empêche, certaines personnes font de Massanutten leur premier 100 miles. À mon avis, ce n’est une bonne idée. Moi qui en étais à ma deuxième expérience sur la distance, j’en ai sérieusement arraché. Les ravitos ne sont pas nombreux (il y en 15, comparativement à 23 à Bromont et 29 au Vermont) et sont souvent très espacés, autant en distance qu’en temps. J’y ai commis des erreurs au niveau de l’alimentation et de la gestion de course. Sans mes expériences précédentes, je n’aurais peut-être pas réussi à m’en sortir, malgré la présence de mon partner.

La grande question maintenant : est-ce que je la referais ?  Comme tout bon ultramarathonien, avant même la mi-parcours, j’étais prêt à jurer qu’on n’y reprendrait plus. « Plus jamais ! » que je ne cessais de répéter. Et comme le disait si bien Pat, en ultra, « Plus jamais », ça veut souvent dire « À l’année prochaine ! ».

En fait, je ne sais pas si j’ai envie d’y retourner l’an prochain, mais je n’ai pas non plus le goût de laisser ça comme ça. Un peu comme à St-Donat la première fois, j’aimerais y vivre une expérience plus agréable. En sachant à quoi m’attendre, peut-être que ça irait mieux, qui sait ?

Disons que j’ai encore quelques mois pour y penser…

The North Face Endurance Challenge, DC: l’avant-course

« It seems a little bit unfair to me ! »

Le douanier avait une bouille sympathique, j’ai tout de même sorti mon arme favorite avec lui pour finir de l’amadouer: faire une blague sur les femmes et le magasinage, ce concept qui semble universel. Donc, à la question « Why are you going to Washington », j’avais répondu « I will run a 50-mile foot race and my wife will do some shopping ». D’où la boutade accompagnée d’un sourire. 30 secondes plus tard, nous reprenions la route. Et le pire, c’est que ma douce moitié n’est vraiment pas portée sur le magasinage, mais ça, comment pouvait-il le savoir ?

Se rendre à Washington par la route, c’est long. Mais nous avons été relativement chanceux : aucune entrave routière avant d’atteindre sa banlieue, où la circulation est tout simplement infernale, malgré les 4 à 5 voies de l’autoroute de contournement.

Hier, j’ai fait du repérage pour bien évaluer le temps nécessaire pour me rendre aux navettes. J’ai ensuite pris possession de mon dossard dans une des deux boutiques The North Face où on pouvait le faire (est-ce que deux exemplaires de chaque dossard ont été produits ?  On dirait bien que oui…). Le reste de la journée, je l’ai passée à faire exactement ce qu’il ne faut pas faire la veille d’une course soit visiter la ville en marchant pendant de longues heures et prendre une bonne bière au dîner. Tout ça par une belle journée chaude.

Je ne suis pas allé assister au briefing des coureurs du directeur de course et aux conférences données par Jordan McDougal, multiple vainqueur ici et à Bear Mountain, et l’incontournable (lors des événements The North Face en tout cas) Dean Karnazes. La raison ?  Ça avait lieu à la boutique de Georgetown, qui est située en ville tout en étant loin des stations de métro (bizarre, je sais). En plus, ça commençait à 18h30 (donc 19h – 19h30). Non mais, c’est quoi l’idée de donner des conférences à peine quelques heures avant le moment où on doit se lever ?  Ils ne dorment pas, ces gens-là ?

La nuit a tout de même été très courte, mais je ne me fais pas de souci. Non, ce qui me commence à me faire paniquer à ce moment-ci, alors que je suis dans un « quartier » qui m’est totalement inconnu situé dans une banlieue anonyme de la Virginie, c’est que je ne vois pas l’ombre de ce qui pourrait ressembler à un endroit de départ de navettes.

Mon GPS m’a amené ici, ça semble être la bonne adresse. Or, je fais le tour des différents bâtiments abritant des bureaux et je ne vois ni autobus, ni toilette, ni indication, ni attroupement. Rien. Rien de rien.

Je fais quoi ?  Il est 3 heures, la course débute à 5. Je n’ai aucune carte de la ville, je n’ai pas amené le guide de course qui pourrait m’indiquer d’autres endroits que je pourrais chercher, dont le parc où sera donné le départ. L’appart que nous avons loué est à 30 minutes, j’aurais le temps d’aller chercher ces infos. Qu’est-ce que je fais : je retourne ou je continue à tourner en rond ?  Je dois me décider. Vite.

Finalement, alors que mon rythme cardiaque commence à augmenter dangereusement, un miracle se produit : j’aperçois des autobus jaunes et un petit groupe de personnes. Eureka !

Après une petite ride tranquille en autobus, nous arrivons dans ce qui semble être un joli parc familial sur les bords du Potomac. Je dis bien « semble » parce que vu qu’il fait noir, on n’y voit pas grand-chose.

En fait, on voit une affaire : The North Face. Ils réussissent à rendre « big » un événement de course en sentiers, avec la musique, l’animation, les kiosques. Ha, il y a bien ces choses-là ailleurs aussi, mais on dirait qu’ici, c’est bigger.

Il fait humide et tout de même assez frais, au point où je dois enfiler un t-shirt à manches longues en plus de mon imperméable jetable en attendant le départ. J’envisagerai même d’amorcer la course avec mes arm warmers, malgré la chaleur annoncée.

Parlons-en, de la chaleur. J’en ai fait mention ad nauseam, l’hiver a été atrocement froid au Québec. Environ 25 journées sous les -20 degrés, du jamais vu. J’ai tout de même couru, beaucoup couru, dont un « record » personnel de 484 kilomètres en mars. Mais jamais à la chaleur. Mon corps n’y est donc tout simplement plus adapté, bien au contraire. Les 26-27 degrés prévus ne sont donc pas pour me rassurer…

Ajoutez à ça aucune sortie en sentiers depuis Bromont et très peu de côtes (mises à part les routes dans la campagne des Cantons de l’Est) et ça devrait donner un gars qui n’est pas trop trop rassuré avant de prendre le départ de son premier ultra à être couru au sortir de l’hiver. Disons que ça va me changer de Boston où j’étais ces deux dernières années à pareille date.

Et pourtant, je me sens calme. Confiant même. Je regarde les autres, de véritables paquets de nerfs et j’ai envie de rire. Les nerfs, les boys, on en a pour des heures et des heures, ça ne donne absolument rien de s’énerver. Ce sentiment de vieux lion qui en a vu d’autres, je commence l’apprécier de plus en plus.

En observant le monde autour, je remarque une autre chose: c’est le paradis des Hoka. Personnellement, je ne cours pas minimaliste. J’aimerais bien, mais ma technique de course ne me le permet vraiment pas et bon, bien que j’essaie de la modifier, les derniers essais m’ont laissé avec une blessure au tendon d’Achille qui ne finit plus de finir de guérir, alors je continue de courir avec des souliers offrant un certain coussinage. Mais jamais je n’irais jusqu’à courir avec des machins comme ça !  La semelle est tellement épaisse qu’on dirait qu’il s’agit de souliers plate-forme. Ça doit être pesant et encombrant, non ?  En tout cas, le look « coureuse » que je trouve habituellement très reposant pour la vue en prend pour son rhume quand il est altéré par de telles échasses…

Après une longue attente, je laisse mes sacs en consigne et me dirige vers la ligne de départ car je fais partie de la première vague (ne me demandez pas comment ils ont déterminé ça, je n’en ai aucune idée). Le directeur de course nous donne ses dernières instructions, je retiens surtout celle concernant les serpents. Hein, des serpents ici ?  Quel genre de serpents ?  Des petites couleuvres moumounes ou des serpents à sonnette ?  Pas des foutus des mambas noirs toujours ? Bah, connaissant le goût prononcé de nos voisins du Sud pour l’exagération, ça doit être la version couleuvre qui nous attend. De toute façon, avec 300 personnes qui feront trembler le sol, les serpents devraient nous laisser le chemin libre.

Puis, il nous présente Dean en nous énumérant ses différents exploits pour ensuite nous faire part de son défi pour 2016: faire un marathon dans chaque pays membre des Nations Unies. Ouais, 198 marathons dans autant de pays la même année ! Vous vous imaginez la logistique ?  Et combien ça va coûter ?  Sapré Dean, on ne le changera pas !

Toujours est-il que c’est lui qui empoigne le micro pour nous donner un dernier pep-talk avant de se joindre à nous pour la course. Ça me fait bizarre de voir et entendre le célèbre Ultramaratonman dans un contexte plutôt intimiste, dans l’obscurité, entouré d’environ 400 personnes. Je n’écoute pas vraiment ce qu’il dit, sauf quand il demande combien parmi nous n’ont jamais fait un 50 miles. Constatant qu’environ 50% des coureurs de la première vague lèvent la main, j’ai un petit sourire et me dit: « Vous allez vous amuser ».

Quand l’horloge située près de la ligne affichera 5:00:00, le départ sera donné. J’ai hâte.

Un programme ? Quel programme ?

Discussion avec un collègue qui travaille sur le même étage que moi. Marathonien, coureur rapide (il m’a mis 9 pleines minutes dans la tronche à Boston, puis il a fait sous les 3 heures à Détroit), il me parlait des programmes qu’il avait essayés et surtout, de la méthode qui lui a permis de s’améliorer énormément, celle des frères Hanson.

Quand j’ai entendu ça, j’ai tout de suite pensé aux frères du même nom qu’on a pu voir évoluer dans Slapshot. J’avais juste envie de rire à m’imaginer les trois frérots du film pondre un programme d’entrainement pour marathoniens avec leurs grosses lunettes et leurs coiffures dignes des hippies… Mais bon, mon collègue étant pas mal plus jeune, je me suis dit qu’il ne connaissait certainement pas ce grand classique de série B des années ’70, alors j’ai omis de lui en faire part.

Toujours est-il que ladite méthode m’a intrigué et je me suis dit que si un jour je me consacrais à nouveau seulement à la route, peut-être que je lui donnerais un essai. Mais comme c’est loin d’être le cas pour le moment…

La conversation s’est ensuite tournée vers les ultras. Pour un coureur dont la distance-fétiche oscille entre le 10k et le demi-marathon, les ultramarathons demeurent un mystère. Il a lu les livres de Dean Karnazes et ça le fascine. Il me demanda donc quel genre de programme d’entrainement je suivais quand je me préparais en vue d’un ultra.

Un programme ?  Quel programme ?  De quessé ?  J’étais bien embêté de lui répondre.

Car, bien que mes sorties aient une certaine structure, je ne suis aucun programme en particulier. Mise à part la longue sortie du dimanche qui peut aller jusqu’à 50 km (ce qui arrive très rarement), heu… Les lundis et vendredis sont habituellement des journées de repos. En été, quand je suis dans la civilisation, je vais à la montagne les mardis et jeudis (car ce sont les jours où on peut se stationner des deux côtés de la rue) avant de me rendre au travail. Les mercredis sont pour la sortie relaxe. Les samedis ? Heu… intervalles ? Tempo ?  Fartlek ? Ça dépend comment je me sens, ce qui me tente. J’y vais un peu à la « va comme je te pousse ». En hiver ?  Heu… Il m’arrive de me rendre en ville ou au métro en courant. Et je spinne dans la neige, comme tout le monde.

Il existe bien des programmes pour les ultras, mais je ne connais personne qui en suit un !  Ou en tout cas, ça ne se discute jamais entre ultramarathoniens comme que ça se discute entre coureurs sur route.

J’en parlais avec ma tendre moitié et elle a émis une hypothèse fort plausible. Elle qui me suit depuis mes premiers balbutiements sur deux pattes, elle a remarqué que lors des événements de courses en sentiers, les coureurs avaient l’air de « vivre » la course au lieu de la « subir » comme ce qu’on voit souvent sur la route. Pour elle, les ultras sont la place où les gens font ce qu’ils aiment, point. Il y a évidemment une compétition, mais c’est bien secondaire.

Elle a même ajouté que le mot « entrainement » ne s’applique pas vraiment aux ultramarathoniens. Selon elle, « entrainement » sous-entendrait « obligation ». Comme quelqu’un qui irait au gym pour maigrir. Or, elle a remarqué qu’il ne ressortait justement aucun sentiment d’obligation durant un ultra. Les coureurs font leur petite affaire, arrivent avec le sourire aux lèvres, bouffent des trucs, jasent un peu, puis repartent… s’ils en ont envie. Ils sont écoeurés, n’ont plus de plaisir ?  Ils s’arrêtent.

Le même principe s’applique hors compétition. Si je me lève aux petites heures pour aller courir avant de me rendre au travail, ce n’est pas par obligation, pas pour « m’entrainer ». C’est parce que je le veux bien. Le jour où je n’aurai plus envie de le faire, je ne le ferai plus, un point c’est tout. Bien évidemment, je ne dis pas que je trépigne d’impatience à l’idée de sortir de mon lit alors qu’il fait encore noir et que je sais qu’il fait -20 degrés dehors. Mais je sais qu’après, je vais me sentir mieux qu’avant.

Alors un programme ?  C’est trop dur. Je laisse ça aux marathoniens ! 😉