En direction du parc Lafontaine

« C’est me fait tout drôle de te parler au lieu de te lire. C’est un honneur de rencontrer un gars comme toi ! »

Ces mots, ils viennent de la bouche de Patrick, un compagnon d’entrainement de Sylvain, mon ami et ancien collègue que je m’apprête à accompagner pour son premier marathon. Patrick aussi en sera à son premier et il dit être un fan fini de mes écrits qui l’inspirent beaucoup. J’en suis très, très flatté et lui promets qu’il fera partie du prochain récit. Hé bien voilà, promesse tenue ! 🙂

Sylvain me présente également Daniel que je crois bien reconnaitre. En fait, c’est un collègue qui faisait partie de mon ancienne équipe, mais qui travaillait à partir d’un autre bureau. Or, le hasard a fait que ces deux-là travaillent ensemble sur un projet et voilà qu’on se rencontre à nouveau. Le monde est bien petit.

Accompagnés de Maggie, nous quittons la station du métro Longueuil (je ne me ferai jamais à l’idée d’ajouter « Université de Sherbrooke » à son nom, elle est à Sherbrooke, cette université-là, bon !) pour nous diriger vers le pont, les autres compagnons d’entrainement de Sylvain ne s’étant pas encore pointés au rendez-vous et comme l’heure du départ approche…

Je me dirige vers les superbes autobus jaunes qui amèneront nos affaires à l’arrivée, soit au parc Lafontaine. Comme je cherche celui associé à mon numéro de dossard, je reçois une taloche sur l’épaule. Je me tourne, me demandant bien qui peut être là aujourd’hui. Pierre ? C’est possible, il m’a dit qu’il ferait le marathon avec les Étudiants dans la course.

Hé non, c’est Pat, tout sourire. Habillé d’un t-shirt mauve de Team in Training, il est ici pour faire le demi, dernière longue sortie avant son super défi de 24 heures qu’il fera pour la Fondation du Centre jeunesse de la Montérégie. Il ne visera pas un record personnel (il a établi le sien lors de la même course que moi, au Scotiabank 2012), mais juste une course pour le fun. « Tu fais le marathon ?!? », s’étonne-t-il en voyant mon dossard rouge. Je lui explique que je le fais en pacer, pour un ami. Et je teste également ma cheville. Si elle ne fait pas la route… Puis on parle de son défi. Il va probablement demander à nos amis ultrarunners de l’accompagner durant la nuit. Malheureusement, je serai à l’extérieur de la ville à ce moment-là, alors je ne pourrai pas participer. Une prochaine fois…

Après être retourné à ma petite gang, nous reprenons la montée du pont en direction du départ. À voir le grand nombre de toilettes sur le pont, on peut dire que l’organisation a bien fait ses devoirs suite aux ratés de l’édition 2013. Il y en a en quantités industrielles. Mais bon, les files semblent tout de même trop longues pour Sylvain qui décide de se trouver un coin plus reculé pour s’exécuter. Il y a toujours des coins reculés pour faire ça, suffit de les trouver !

Mon ami entame ensuite une longue série d’échauffements. Heu, c’est que l’heure approche un peu, beaucoup… D’ailleurs, Daniel est nerveux et nous met de la pression pour que nous nous rendions à nos couloirs. Mais Sylvain est imperturbable, il ne courra pas s’il n’a pas fait ses échauffements, point à la ligne. Bah, moi je suis ici pour lui, ça fait que…

À 5 minutes du coup de départ, nous commençons à remonter le long peloton (qui serait quand même constitué de 23000 coureurs au total, demi et marathon confondus) pour atteindre le couloir numéro 6, le nôtre. Or, ça commence à 27, alors disons que le nôtre est plutôt loin.

Le premier départ est donné avant même notre arrivée dans le peloton. Ce qui nous amène à nous retrouver derrière le 10e couloir. Personnellement, ça me ferait royalement ch…, car j’ai horreur d’être pris derrière des coureurs plus lents en début de course. Mais Sylvain n’a pas l’air de s’en faire outre mesure.

Tout en attendant que la série de mini-vagues (il y en a à toutes les 1 ou 2 minutes) de départs arrive à nous, Stéphan, un autre collègue (et lecteur !), apparait derrière nous. Lui fera le demi et vise 1h55. On risque donc de passer du temps ensemble sur le parcours. Petite jasette pour tuer le temps et finalement, nous nous rendons compte que le dernier départ donné sera le bon et nous sommes partis.

Par je ne sais quel subterfuge (l’accès y est bloqué pour les non-coureurs), Maggie a réussi à se faufiler sur le pont et au moment où nous nous préparons à entamer la descente vers l’île Ste-Hélène, je l’entends crier ses encouragements pour le père de ses enfants. Pis moi ?  Je suis quoi, moi ?  😉

Tradition et nervosité obligent, les buissons qu’on trouve à la sortie du pont se voient, comme à chaque année, assaillis par les coureurs (et même les coureuses !) pris par une autre envie pressante de se soulager. Sylvain m’annonce qu’il va se joindre au troupeau, n’ayant jamais vécu une telle « pression » en début de course. Pas de problème, quand il le faut, il le faut. J’avais fait de même à mon premier marathon.

En bas de la descente initiale, tout juste après le premier kilomètre, un band joue. C’est la série rock ‘n’ roll, après tout… Honnêtement, j’ai un sentiment mitigé envers la présence de bands sur le parcours. J’y reviendrai à un autre moment donné.

Le début du parcours est identique à ce qu’il offrait jadis, quand j’étais un habitué de l’épreuve (j’en suis tout de même à mon sixième Marathon de Montréal). C’est donc dire que c’est moche. Moi, aller dans le fin fond de la Ronde, puis revenir, bof… Mais au moins, la route est large, ce qui n’est pas une mauvaise chose, vu le nombre très important de coureurs.

Sylvain, qui a oublié son GPS chez lui, me demande de lui faire un update de notre cadence. Depuis la pause-nature, la cadence moyenne a progressivement accéléré pour atteindre une moyenne de 5:17/km, ce qui serait à peu près la bonne vitesse à maintenir pour atteindre l’objectif initial de 3h45. Mais il reste beaucoup, beaucoup de chemin à parcourir.

Tout juste avant le 4e kilomètre, nous rejoignons la gang de la Maison de la Course. Patrick semble très étonné de nous voir là, vu que nous sommes supposés être partis devant. Que voulez-vous, quand un gars a besoin de faire son cérémonial de réchauffements avant de partir, il en a besoin, alors…

Nous faisons un bout avec eux, ce qui a pour effet de nous ralentir, sans que ça ne semble déranger pour le moins du monde mon marathonien en herbes. Et si ça ne le dérange pas, ça ne me dérange pas non plus. J’en profite donc pour placoter avec Patrick et aussi avec la propriétaire de la Maison, une coureuse aguerrie.

Passage au 5e kilomètre en 27:26. Oups. Je me rends compte que ma Garmin est très optimiste sur la distance (sans compter que je me suis peut-être tapé un léger détour pour aller dans les buissons), alors notre véritable cadence est pas mal plus lente que ce qu’elle indique. C’est bon à savoir.

Après être passés encore une fois devant Maggie qui s’était pour ainsi dire téléportée, nous nous dirigeons vers le circuit Gilles-Villeneuve. Peu après, nous commençons à nous détacher du groupe pour finalement rejoindre celui du lapin (en fait, c’est une lapine) de 2 heures. C’est toujours drôle de voir le groupe qui entoure un lapin de cadence. La plupart des coureurs se tiennent autour, mais certains courent littéralement collés dessus, comme s’ils voulaient être certains de ne pas la perdre. Hé, ne vous en faites pas, elle ne s’envolera pas !

Pour ma part, j’essaie de voir comment les oreilles sont installées sur sa caquette, question d’avoir un système plus fiable lors de ma prochaine expérience. À première vue, ça ne semble pas tellement différent de ce que j’avais fait pour la Course des 7… C’est alors que Sylvain se met en frais de faire mon éducation sur les types de papier/carton que je pourrais utiliser. Ha, du papier-construction, ça ne suffit pas ?  Il en existe d’autres sortes ?  Il va falloir que je me tape un voyage au Dollarama avant la prochaine fois ?  Moi, magasiner ailleurs qu’à la Cordée ?  Vraiment ?  Misère…

Le 10e kilomètre est franchi en plus de 55 minutes, ce qui, je l’avoue, me stresse un petit peu. À ce rythme, c’est certain que l’objectif initial va être raté. Mais je me demande si je dois sonner l’alarme ou laisser Sylvain continuer en mode « c’est mon premier marathon et rien d’autre n’est important ». Va-t-il le regretter s’il termine en un temps « décevant » avec le réservoir à moitié plein ?  Je décide de ne pas lui faire part de mes craintes. Quand bien même qu’il ferait 5-6 minutes plus lent…

Sous le pont de la Concorde, point d’eau. Un bonhomme s’arrête brusquement à une table et, ne trouvant pas ce qu’il cherche (joual vert, il y a juste de l’eau et du pseudo-Gatorade, tu cherches quoi, Chose ?), traverse la piste en marchant sans regarder. Je réussis à l’éviter de justesse et honnêtement, si j’étais allé à ma pleine vitesse, je l’aurais frappé de plein fouet. Non mais, qu’est-ce que tu fais là, du con ?  C’est ce que je déteste quand on se retrouve coureurs du demi et du marathon ensemble. Les marathoniens ne commencent pas à faire des conneries parce qu’ils sont fatigués après 10 kilomètres…

Autre irritant : le goulot d’étranglement que constitue le pont de la Concorde où, pour une raison que j’ignore, les coureurs sont confinés sur la piste cyclable et le trottoir qui la borde. Question existentielle : POURQUOI ?  Le pont est très large et ne venez pas me faire croire que la circulation en direction du casino y est si dense à cette heure, un dimanche matin ! Déjà que jadis, quand nous étions seulement les marathoniens, c’était serré à cet endroit, ajoutez à ça les coureurs du demi et on se pile carrément sur les pieds.

Comble de bonheur, ça klaxonne derrière. Au début, je pensais que c’était une voiture qui encourageait les coureurs en roulant lentement. Hé non, c’est une moto de l’organisation qui essaie de se frayer un chemin à travers les coureurs. Le chauffeur ne lésine vraiment pas sur le klaxon, au point où ça prend tout mon petit change pour ne pas l’envoyer paître quand il passe à ma hauteur. Et lui de pester contre les coureurs qui ont des écouteurs et qui n’entendent pas son foutu klaxon.  Pis toi, le sans-génie, tu n’aurais pas pu emprunter la route, juste à côté des barrières en béton ?!?  Ha, Môssieur se justifie en disant qu’il fait partie de l’équipe médicale… Ben continue de même, mon homme et tu vas justement causer un accident !  Non mais…

Je commence à peine à me calmer qu’un autre bonhomme me donne une petite poussée juste avant la descente du pont, comme si j’étais dans son chemin. Ha ben calv… !  Je t’avertis : le dernier gars qui m’a fait chier dans une course s’est retrouvé à se faire tourner autour pendant plusieurs minutes à se demander ce que j’allais lui faire. Une autre poussée et tu vas subir le même sort…

Cout’ donc, je suis ben chiâleux, moi…  Je suis ici pour supporter mon ami et voilà que depuis quelques minutes, tout ce que je fais, c’est me mettre en tabar… pour toutes sortes de raisons. Heureusement, je ne vocalise pas mes états d’âme et Sylvain semble très bien s’adapter aux aléas de la situation. Vrai qu’il a couru beaucoup de 10 km, alors du monde qui font des niaiseries, il en a vu de toutes les sortes. Moi…

Attentif à ce qui se passe autour, il remarque Habitat 67 au passage (car, bien qu’il soit difficile à manquer, je ne le « vois » plus depuis belle lurette). Il faut dire que c’est toute une construction, je serais vraiment curieux de visiter un de ces appartements un jour.

Oups, ma cheville qui commence à se lamenter… Merde !  Va-t-elle tenir jusqu’à la fin ?  Ce serait tellement poche de ne pas finir. Vous imaginez, un premier DNF en « carrière » alors que je joue au pacer ?  Looooser !

Sylvain semble bien aller et me dit qu’il aimerait qu’on passe au demi en 1h50. Heu… Je lui dis ou pas ?  Car pour ce faire, il faudrait qu’on fasse sous les 5:00/km d’ici là et ce, avec deux montées en chemin. Pas impossible mais… Je me contente de lui dire que ce sera difficile. « Bah, ça peut être 1h52 ou 1h53, c’est pas ben ben grave… ». Ouais, attendons-nous plutôt à 1h55…

Ha, le « musée de horreurs » du marathon qui s’annonce. Tout d’abord, le passage sous l’autoroute Bonaventure, cette réplique de l’horrible autoroute métropolitaine qui amène les automobilistes au centre-ville. C’était l’époque où on foutait du béton partout, sans se soucier de ce que ça avait l’air. Puis, c’est l’usine Five Roses, juste à côté. Mais bon, c’est une usine, on ne peut pas trop en demander côté esthétisme. En plus, des travailleurs sont dehors et donnent des high fives aux coureurs qui passent. Je trouve ça vraiment sympa.

Arrive le Vieux, on va pouvoir se reposer la vue un peu. « Ce n’est pas Ottawa » me glisse mon partner. Effectivement. Dans un quartier touristique comme celui-là, à Ottawa, les rues seraient remplies de spectateurs. Ici ?  Il n’y a que les familles des coureurs, point. Quoi qu’on en dise, Montréal ne sera jamais Ottawa côté ambiance. Jamais.

Place Jacques-Cartier, première montée de la journée. Déjà, on sent que la fatigue commence à s’installer parmi les coureurs du demi. Fort en montées (le gars habite tout près du mont St-Hilaire depuis Mathusalem), Sylvain dépasse un paquet de monde sans forcer. En haut, sur Notre-Dame, qui est là ?  Hé oui, la fille qui se téléporte: Maggie. Elle devrait peut-être jouer à l’équipe de support dans un ultra, elle serait bonne… Elle encourage encore une fois Sylvain, m’ignorant encore au passage. C’est comme rien, je dois être transparent…  😉

En sortant du Vieux, je fais remarquer que c’est la sixième fois que je passe à cet endroit car jamais en d’autres circonstances que le marathon je ne suis venu ici. Ni à pied, ni à vélo, ni en auto. Ça fait bizarre.

Puis, descente vers Amherst par une petite rue ma foi, plutôt abrupte. C’est fou de constater à quel point les coureurs sur route ne savent pas descendre. Moi, un descendeur médiocre, je me laisse aller légèrement et pourtant, je dépasse plein de gens qui font tous la descente sur les freins. Pourquoi freinez-vous, donc ?  Avez-vous peur de frapper une auto une fois rendus en bas ?  Un mur ? J’avoue ne pas trop comprendre…

La descente ne me fait presque pas souffrir, ce qui est de bon augure. Si ma cheville reste comme ça d’ici à la fin, je serai du départ à Bromont dans trois semaines, c’est certain. Ce n’est un petit bobo cucul qui va m’arrêter…

Sur Amherst, j’allume : j’ai oublié de transmettre le message de bonne chance que Barbara m’avait dit de laisser à Sylvain. Oups. Ben, vaut mieux tard que jamais, non ?  Disons qu’il la trouve drôle. S’ensuit une petite promenade sur Ste-Catherine, direction est. Mais heureusement pour tous, ce segment est beaucoup plus court que jadis, quand il s’allongeait très loin vers l’est, au détriment du moral des pauvres coureurs… car il ne s’y passait crissement rien !

Après Plessis, c’est Maisonneuve vers l’ouest. Et qui dit Maisonneuve, dit côte Berri qui s’en vient. Tout autour de nous, de plus en plus de demi-marathoniens en arrachent. Les quelques spectateurs les encouragent, disant que ça achève. Heu, non… Ça commence !  Je prédis alors à voix haute que dans la côte, ça va tomber comme des mouches. C’est une autre tradition.

Et effectivement, le nombre de coureurs qui se mettent à la marche à un moment ou un autre dans la montée est considérable. Pendant ce temps, ma chèvre de montagne a accéléré, laissant des dizaines « d’adversaires » sur place. Je dois même pousser pour demeurer avec lui et c’est le souffle un peu court que j’arrive en haut. Wow, il serait fort si on faisait une course en côte !

Une foule digne de ce nom nous accueille. Le parc Lafontaine étant tout près, les spectateurs se sont massés ici, où on a une très bonne vue sur les coureurs qui arrivent. Pour la première fois de la journée, je me sens dans un « vrai » marathon.

La mi-parcours est tout près, ça augure bien pour la suite des choses.

6 avis sur « En direction du parc Lafontaine »

  1. Salut Fred! Toujours aussi divertissant tes récits, j’ai hâte de lire la suite! J’y étais également pour mon 2ième marathon ce qui rend ton récit encore plus intéressant à lire. J’aurais bien aimé te saluer mais malheureusement, je n’ai pas vu personne avec des genoux protégés de bandages comme ceux qui te caractérisent si bien! 🙂 Je te souhaite une guérison rapide afin de profiter au maximum de l’automne et de la température parfaite pour la course à pied!

    • Merci François et… toutes mes félicitations pour ta super performance ! Wow, sous les 3h à ton 2e marathon, tu as un talent assez évident merci ! Envisages-tu Boston ?
      La suite du récit est en préparation et elle est disons… différente. 🙂
      Quant au reste de ma saison, je vais voir. Je serai à Bromont pour jouer au pacer, puis ce sera l’Italie pour deux semaines. J’espère bien être rétabli à mon retour. À voir ! 🙂

      • Effectivement, je serai au prochain marathon de Boston l’an prochain. D’ici là, je me prépare pour la marathon de Philadelphie. Bref, je suis tes traces! Qui sait, peut-être qu’un jour je tenterai l’aventure d’un Ultra… on verra bien!
        Bon voyage en Italie! 🙂

      • Ha, Philadelphie… Mon PB 7 semaines après mon premier ultra… J’étais foutrement rapide, dans le temps. En fait, tu m’aurais battu seulement par 10 minutes ! 😉
        Bonne course !

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