Annulation du Marathon de Montréal: la bonne décision

Benji Durden.

Ça y est, je vois d’ici l’exaspération sur le visage de ma douce. Elle va encore se demander comment je peux me rappeler du nom d’un gagnant du Marathon de Montréal du début des années 80 et oublier un paquet de choses foutrement plus importantes de la vie courante.

Je ne sais pas, mais je me souviens. Je suis fait de même. À l’époque, « notre » marathon était relativement prestigieux et attirait des athlètes de très haut niveau. C’était télévisé en direct à Radio-Canada et je regardais ça religieusement à chaque année, fasciné.

Je me souviens d’une chose en particulier : cette année-là, il faisait chaud. Très chaud. Feu Jo Malléjac, dès le départ, s’inquiétait des conditions et en faisait part aux téléspectateurs à sa manière si typiquement passionnée. Durden, qui s’entraînait en portant plusieurs couches de survêtements question de mieux habituer son corps à la chaleur, avait fait un long cavalier seul pour triompher, en 2h13 (si ça peut vous rassurer, je ne m’en souvenais pas, j’ai dû aller vérifier; je ne suis tout de même pas Paul Houde…). Quand je dis que le niveau était élevé…

À l’époque, le marathon se courait en juin (celui-là avait eu lieu un 30 mai, mais bon…). Il a été déplacé en septembre par la suite. C’était la chose à faire, puisque jadis, l’été se terminait pour ainsi dire le 25 août.

Les temps ont changé. Malgré ce que peut en penser le supposé homme le plus puissant de la planète, les changements climatiques font sentir leurs effets. Or, chacun sait que la chaleur et l’humidité sont les pires ennemis du coureur. Et il arrive qu’on se retrouve avec des conditions très chaudes à ce moment-ci de l’année.

Je l’ai d’ailleurs appris à la dure lors de mon deuxième marathon, en 2008, couru dans une humidité à couper au couteau. Resté accroché au lapin trop longtemps, j’ai été assailli par les crampes à partir du 28e kilomètre. Le dernier tiers de la course fut un véritable calvaire. J’ai été chanceux d’éviter le coup de chaleur. Et que dire de 2011 ?  Honnêtement, j’ai pensé mourir sous le soleil de plomb dans la montée Pie IX. Je sentais que j’étais vraiment en train d’en perdre des bouts et pourtant, je me suis entêté et ai poursuivi sans ralentir.

Donc oui, il arrive qu’il fasse chaud en septembre et évidemment oui, il se peut que le marathon tombe sur une journée caniculaire. Est-ce suffisant pour justifier l’annulation du marathon ?

À première vue, cette décision me semblait un tantinet prématurée. En effet, contrairement à 1982, Internet régit maintenant nos vies. Mettons qu’on a la panique plus facile. Nous avons accès à des prévisions météo très fiables pour la température à moyen terme (car malgré ce que les gens en pensent, la météo est très précise quand ça concerne la température; c’est quand vient le temps de prédire l’ensoleillement et les précipitations que c’est plus compliqué), il y a les réseaux sociaux, etc. Bref, un paquet de façons de faire grimper notre niveau d’anxiété… et de finir par nous faire envoyer des courriels de désespoir à l’organisation qui cède sous la pression et en arrive à la conclusion qu’elle n’a d’autre choix que d’annuler l’épreuve.

À  mon avis, les coureurs ont une responsabilité. Un marathon, ça se fait dehors (ben, la plupart du temps en tout cas). Les conditions atmosphériques font partie des variables qu’ils ne peuvent pas contrôler et ce n’est pas à l’organisation d’avoir à compenser si ça ne fait pas leur affaire. En ultra, il ne viendrait jamais à l’idée d’un directeur de course d’annuler son épreuve parce qu’il fait trop chaud. Il fait 35 avec un humidex de 45 ?  Pis après ?  C’est pareil pour tout le monde. Si tu veux courir à l’air climatisé Chose, va dans un centre d’entrainement.  T’as juste à te tenir hydraté et ralentir, tu devrais être correct. Au pire, tu marcheras ou  même, tu t’arrêteras. Ce n’est pas la fin du monde. D’ailleurs, le Vermont 50 aura lieu dimanche comme prévu (sans moi, mais bon, c’est une autre histoire), canicule ou pas.

Sauf qu’à la lecture de l’excellent papier d’Yves Boisvert paru dans La Presse hier matin et surtout, suite à une conversation avec un collègue, j’appuie maintenant à 100% cette décision.

Le collègue en question accepte le tout avec philosophie, mais il me parlait d’un autre coureur qui lui est en beau maudit parce qu’il voulait utiliser cette course comme qualification pour Boston.

C’est là où se trouve le problème. En course sur route, une fois qu’on a « fait une distance », on se met à se fixer des objectifs. On « vise un temps », on veut « faire Boston », on veut battre son record personnel. On s’entraîne pendant des semaines, on fait des courses préparatoires avec cet objectif en tête. Et quand le jour J approche, même si les conditions s’annoncent difficiles, il est à peu près impossible de se convaincre de laisser tomber, de prendre ça cool et se dire qu’on se reprendra la prochaine fois. On veut réussir, atteindre l’Objectif. Là, maintenant. La mantra « C’est pas icitte que je vais crever » n’existe pas vraiment. En tout cas, pas pour tout le monde. Je le sais: been there, done that.

L’organisation s’est donc retrouvée à jouer le rôle de l’arbitre qui arrête un combat alors qu’un boxeur est en train de se faire tabasser: ce dernier a beau dire (et même hurler) qu’il était en mesure de poursuivre, l’arbitre avait le devoir de le protéger. Et il vaut mieux arrêter un combat trop tôt que trop tard. Même chose pour un marathon : vaut mieux l’annuler avant et se retrouver avec des conditions finalement pas si mal qu’arrêter la course 3h30 après le départ comme à Chicago en 2007 où ça a été l’hécatombe.

Ajoutez à ça l’implication sociale (imaginez 200 transports en ambulance à cause des malaises subis durant le marathon, ça fait 200 transports de moins de disponibles pour la population en général) et la décision se prend d’elle-même.

Ceci dit, un départ à 7 heures pour le marathon, séparé du demi, comme ça se fait à plusieurs endroits dans le monde, ce ne serait vraiment pas une mauvaise idée. Ha, ça fait des photos moins spectaculaires, mais…

Des parcours et des marathons

De retour après une longue pause, conséquence d’un classique manque de temps. J’ai bien quelques articles en préparation, mais aucun de « final ». À suivre, chers lecteurs.

En attendant, comme nous sommes dans la semaine du Marathon de Boston, j’ai pensé vous faire part d’une certaine réflexion, réflexion qui a pris sa source dans une conversation à bâtons rompus avec mon partner de course. Car comme vous le savez, quand on court, on a le temps de penser (quand on est seul) et de jaser (quand on est seul ou plusieurs)…

Or donc, quand j’ai commencé à courir, il n’y avait pour ainsi dire que trois marathons au Québec : Rimouski, celui des Deux Rives à Québec et évidemment, Montréal. À l’époque, je déplorais l’absence de courses intermédiaires entre le traditionnel demi-marathon et celle que je considérais comme l’épreuve reine.

Depuis, on a vu apparaître des courses de 30 kilomètres qui permettent aux futurs marathoniens de tester leur progression ou qui peuvent servir de course de préparation aux marathoniens expérimentés. Et c’est très bien ainsi.

Par contre, à ce phénomène s’en ajoute un autre : la multiplication des marathons. Ainsi, celui de Magog a vu le jour il y a quelques années. Puis cette année naîtront deux petits nouveaux : celui de Longueuil et celui des Érables. Il y en a bien d’autres, mais je ne vais m’attarder qu’à ceux-là. Car qu’ont de commun  ces marathons ?  Ils ne sont pas ce que j’appelle de « vrais » marathons. Je dirais plus qu’ils sont des marathons « patentés ».

Je m’explique. Tout marathonien vous le dira, faire 42.2 kilomètres, particulièrement sur la route, c’est difficile. Surtout quand on veut « faire un temps ». Et nous passons tous à peu près par les mêmes phases : euphorie du début, première moitié qui passe plutôt bien « parce qu’on ne va pas trop vite », petit blues après le demi, les craintes qui commencent à s’installer entre les 25e et 30e kilomètres, puis… là ça dépend. Quand ça va bien, les 12-15 derniers kilomètres ne passent pas si mal: on serre les dents, on prie pour que ça tienne, on s’accroche.

Mais quand ça va mal, que les crampes s’installent, que la machine dérape, c’est à ce moment que le mental doit prendre le dessus. Et pour ça, surtout quand on n’a pas beaucoup d’expérience, on a besoin d’un environnement qui a le moindrement de l’allure.

Or, certains « marathons » sont bourrés d’allers-retours (voir le parcours du marathon des Érables ci-bas). Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus décourageant que d’avoir à se taper une loooongue ligne droite pour se rendre à un vulgaire cône orange pour avoir à revenir sur ses pas ?  Qui n’a pas « rêvé » de croiser à l’aller le gars qui lui est sur son retour et avec qui on a couru durant la première partie de la course ?  Lui qui a l’air tout frais alors qu’on se sent comme de la merde…

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Le parcours du marathon des Érables. Ouch !

Et que dire des courses qui offrent des boucles ?  Les coureurs du demi en font une, ceux du marathon en font deux (comme à Longueuil). Wow, quelle imagination !

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Longueuil: à faire deux fois pour les marathoniens…

Je comprends très bien qu’avec toute la logistique impliquée dans l’organisation d’une course sur route (sécurité, fermetures de rues, etc.), c’est plus simple d’instaurer des allers-retours et/ou faire plusieurs boucles. Mais les « vrais » marathons, eux, offrent des parcours intéressants ou à tout le moins, variés aux coureurs. Pas un collage de détours-pour-faire-la-distance, de chemins déjà parcourus et/ou d’allers-retours coupe-jambes.

Ainsi donc, ayant couru 14 marathons officiels, j’ai eu la (mal)chance de m’attaquer à 8 parcours différents. Je vous présente aujourd’hui mon palmarès d’appréciation desdits parcours.

1- Boston (2013 et 2014)

Boston

Le célèbre parcours…

En fait, il devrait plutôt s’appeler le Marathon de la banlieue de Boston car en réalité, les coureurs ne font seulement qu’environ 2 kilomètres dans la ville même. Le départ est donné à Hopkinton et son superbe parcours traverse une pléiade d’autres charmantes petites villes du même style liées entre elles par un chemin de campagne qui nous fait remettre en question l’organisation : allons-nous vraiment à Boston ?  Surtout que le voyage pour se rendre au départ en autobus jaune semble prendre une éternité…

Ondulé, très ondulé même, il en offre pour son argent au marathonien qui est forcément aguerri… car il faut se qualifier d’abord !  On y retrouve plusieurs points de repères qui sont devenus célèbres au fil des ans : le scream tunnel de Wellesley, Charles River, la caserne des pompiers de Newton, la fameuse Heartbreak Hill, etc.

En 2014, quand je suis revenu de Boston, mon patron m’a demandé si, comme je venais du Québec, je ne ressentais pas une certaine animosité de la part des gens là-bas. « Tu sais, Canadien-Boston »…

Il ne pouvait pas être plus dans le champ. Tout d’abord, à Boston, le hockey passe loin, très loin derrière le football, le baseball et le basket. Et puis, le marathon, c’est une grande fête là-bas. Alors le Canadien de Montréal, les gens s’en balancent complètement. Tout au long du parcours,  on sent l’enthousiasme des spectateurs ainsi que l’hospitalité typique de la Nouvelle-Angleterre avec qui nous, les Québécois, avons beaucoup d’affinités d’ailleurs.

J’ai beau avoir souffert les deux fois que je l’ai fait et m’être promis de ne jamais y retourner, c’est un must absolu à vivre au moins une fois si on a la chance de se qualifier.

2- New York (2013)

New York

C’est New York, oui, mais le vrai New York, pas celui qu’on montre aux touristes. Le parcours prend son envol à Staten Island et rejoint Brooklyn via le pont Verrezano-Narrows, offrant une vue spectaculaire sur Manhattan. Après Brooklyn, c’est le Queens, puis Manhattan direction Bronx par la première avenue. Les coureurs reviennent ensuite vers Manhattan pour finir le tout en beauté dans Central Park.

Tout au long du parcours, la foule est très dense. Dans le dernier kilomètre, les cris sont tout simplement assourdissants. Une expérience unique. Son coût prohibitif m’empêchera de recommencer, mais j’en garderai toujours un souvenir impérissable.

3- Ottawa (nouveau parcours, 2012 et 2014)

Ottawa

Le plus grand week-end de course au pays, une organisation hors pair. Quant au parcours, il amène les coureurs dans plusieurs racoins de la capitale. Quelques endroits sont plus difficiles mentalement : l’aller-retour au milieu de nulle part le long de la rivière des Outaouais, la petite virée dans Gatineau ainsi que le petit bout où les coureurs doivent partager la chaussée avec la circulation en étant protégés seulement par des cônes.

Mais le canal Rideau ainsi que le passage dans le centre-ville rattrapent le tout. Je me souviendrai toujours de la réponse de la foule quand je leur ai demandé du bruit. J’en ai encore les frissons.

4- Philadelphie (2012)

Philadelphie

Ce parcours réussit l’exploit de nous faire oublier une ville somme toute bien ordinaire en nous montrant ses plus beaux attraits. L’aller-retour de la deuxième partie pourrait être difficile à supporter, mais la vue sur la rivière ainsi que sur les cavernes réussissent à sauver (un peu) la mise. Une arrivée devant les fameuses « marches à Rocky » agrémentée d’un high five au maire font de ce marathon une destination de choix pour l’automne.

5- Ottawa (ancien parcours, 2010)

Pas tellement différent du nouveau parcours, il avait la particularité de « perdre » les coureurs dans un endroit isolé dans les kilomètres les plus difficiles. Au 35e kilomètre, ça tombait comme des mouches. Ça prenait le retour dans le portrait du canal Rideau pour remonter le moral.

Personnellement, je m’en suis sorti, mais ce n’est pas le cas pour tous…

6- Montréal (ancien parcours, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011)

J’ai souvent, et avec raison, déblatéré contre l’ancien parcours de notre marathon local. La première partie était plutôt bien, avec le départ sur le pont Jacques-Cartier, le tour du circuit Gilles-Villeneuve, le passage devant Habitat 67 et la traversée du Vieux.

Ça se gâchait sur Ste-Catherine avec le détour qui semblait obligé dans l’est de la ville et par un retour sur le très monotone boulevard Maisonneuve. La côte Berri suivie du parc Lafontaine et du Plateau annonçaient des kilomètres intéressants.

Erreur. Après un long faux-plat qui coupait les jambes, les coureurs devaient se taper St-Laurent dans son plus moche suivi du suprême casse-moral : la rue des Carrières, une horreur sans nom. Les survivants devaient par la suite se taper l’interminable rue Rachel qui ne donne pas sa place côté laideur elle non plus.

Le tour du parc Maisonneuve venait rattraper un peu les choses, surtout une fois que la montée Pie IX avait été complétée. Mais c’est là que j’ai cru que j’allais mourir, dans la fournaise de 2011.

L’arrivée dans le stade avait quelque chose de magique et quand ce dernier est devenu trop petit pour la taille de l’événement, le parc Maisonneuve a offert une belle alternative.

Ceci dit, le gros, gros problème à Montréal, c’est la foule : il n’y en a tout simplement pas. Pas un foutu chat pour lancer un encouragement au moment opportun. Rien. Comme si le marathon était un emmerdement pour la population. Ça faisait un peu pitié.

7- Mississauga (2011)

Mississauga

Départ dans une cour de centre d’achats (ça ne s’invente pas), un aller-retour dans un quartier industriel moche au possible, des détours placés çà et là pour essayer de nous faire faire la distance et tellement pas de monde que celui qui a franchi la ligne le premier avait justement court-circuité un de ces détours sans le savoir.

L’arrivée est située sur les bords du lac Ontario et s’il avait fait beau, probablement que je serais moins sévère. Mais je suis tombé sur une fin de semaine de pluie…

8- Montréal (nouveau, 2015))

Montreal

Il garde les qualités de l’ancien parcours dans sa première moitié et épargne même les coureurs de la partie déprimante dans l’est de la ville.

Mais une fois la mi-parcours franchie, c’est le désastre. Un chemin de croix, un vrai de vrai, composé non pas de un, mais bien de trois allers-retours. Toujours pas un chat sur le parcours, des bands qui jouent sans conviction et qui finissent par tomber sur les nerfs…

On dirait que toute l’emphase est mise sur le demi-marathon et pour ceux qui font le marathon, hé bien il y a cette merde-là si vous y tenez tant que ça. Honnêtement, ça fait dur.

Heureusement, ceux qui s’aligneront au départ à Hopkinton lundi prochain n’auront pas à vivre ça, bien au contraire. Petit conseil: profitez de chaque instant, même si le parcours est difficile. Car c’est le plus beau marathon du monde !

Le porteur de bière

Rue du parc Lafontaine, déjà plus de 20 kilomètres de parcourus. L’ambiance est bonne, la température parfaite. Les demi-marathoniens y vont d’un dernier effort, Sylvain et moi courons côte à côte, à un rythme qui me semble idéal pour le reste de la course.

« Ma bandelette est en train de jammer, va peut-être falloir que j’arrête… »

Hein ?  De quessé ?  Ça allait bien, non ?  Je me dis que ça va passer. Si ça ne passe pas et qu’il doit abandonner, je fais quoi ?  Je continue ?  À quelle vitesse ?  Heu, je suis un ti peu fourré, moi là… Ça va passer, ça va passer.

La foule est dense et bruyante sur Rachel à l’approche de l’entrée du parc. Ce genre de cris me donne toujours une dose d’adrénaline et cette fois ne fait pas exception. Puis, nous prenons la gauche sur De la Roche direction nord et c’est maintenant le désert. Plus personne, plus rien.

« Il faut que j’arrête. »

Ainsi, tout juste avant la marque du demi-marathon, Sylvain s’immobilise, s’assoit sur le trottoir et commence à se masser la cuisse, au niveau de la bandelette. Et là, je me sens vraiment, mais vraiment inutile. On fait quoi pour encourager un gars qui est blessé ?  Au lieu de dire des niaiseries ou des banalités, je choisis le silence.

La gang de la Maison de la course passe. Patrick s’inquiète de voir Sylvain ainsi, ce dernier le rassure : après le massage, il devrait être bon pour repartir. Ce qu’il fera, 3-4 minutes plus tard, nous amenant à la pancarte du demi-marathon en 2 heures. Pourra-t-on faire 4 heures ?  Rien n’est moins certain. Quand un malaise comme ça se présente en course, c’est rarement pour s’en aller par après.

Sur papier, la deuxième partie du marathon est vraiment poche. Constituée de trois allers-retours formant une croix (dans le genre chemin de croix…), elle risque d’être difficile sur le moral des participants. Et quand nous empruntons St-Joseph vers l’ouest, ça me frappe de plein fouet: je vois des participants qui reviennent, d’autres qui partent vers le nord. Tout le monde a l’air de faire de la distance pour faire de la distance, un véritable calvaire (pour demeurer dans le thème). Ajoutez à ça une partie du boulevard qui est en construction, puis un petit détour cucul où le seul spectateur présent nous applaudit à partir de son balcon au deuxième étage… C’est la grande joie, il n’y a pas à dire. Et Sylvain qui ne va pas mieux…

Peu après avoir quitté St-Joseph pour prendre la direction du nord, tout juste avant le 25e kilomètre, nous arrivons aux abords du parc Laurier. Qui est là ?  Maggie, bien sûr !  Sa sœur Caroline, avec qui nous avions fait un long bout à Ottawa l’an passé est maintenant avec elle, accompagnée de son fils. Sylvain en profite pour prendre une pause et les mettre au courant de ses malheurs. Tant qu’à faire, j’applique du Voltaren sur ma cheville, pour voir si ça lui fait un effet ou pas. Un autre test.

Pendant que je badigeonne mon articulation, j’entends mon protégé parler que ça va lui prendre de la bière pour terminer et que ce sera ma prochaine mission quand on sera rendus au 27e kilomètre.

Je crois bien sûr qu’il blague. Je lui ai glissé en début de course que j’avais eu un grand regret quand j’avais accompagné Maggie: ne pas avoir trainé un bon vieux 2$ sur moi qui m’aurait permis de lui acheter un Mr Freeze quand elle aurait tant aimé pouvoir en manger un. J’ai donc pris un 5$ avant de partir, au cas où.

Quand nous reprenons la route, il persiste: je vais vraiment avoir à arrêter dans un dépanneur pour acheter de la bière. Nah, il me niaise, c’est certain… Jouant le jeu, je lui dis qu’il va devoir choisir sa sorte et que je n’arrêterai certainement pas pour de la Laurentides ou de la O’Keefe (est-ce que ça existe encore, ces « bières »-là ?). Il acquiesce et après quelques échanges, arrête son choix sur de la bière plus douce, genre Stella Artois ou Heineken. Merde, c’est qu’il a vraiment l’air sérieux…

Cette petite discussion semble le distraire un peu, mais ne l’empêche pas d’être obligé de prendre une autre pause, au point d’eau situé 1.5 km plus loin. Me sentant toujours aussi inutile, je demande aux bénévoles s’il n’y aurait pas de l’aide médicale. Peut-être qu’un physio pourrait donner un coup de main, non ?

En voulant bien faire, je déclenche un mini-mouvement de panique. Le bénévole à qui je m’adresse se met dans tous ses états et se lance dans un chiâlage en règle contre le personnel médical « qui n’est jamais là quand il y a une urgence » pour ensuite courir à leur recherche comme si c’était une question de vie ou de mort. Heu, il n’est pas tombé raide par terre, il a juste mal à la cuisse !

D’autres bénévoles inquiets s’approchent alors du « patient » qui tente de les rassurer. Puis arrivent les filles de l’équipe médicale, qui, heureusement, sont plus calmes et comprennent bien la situation quand on la leur explique. La journée semble tranquille, elles en profitent pour jaser un peu. C’est nous qui leur apprenons que seuls les marathoniens passent par là. Quand même un peu surprenant.

Pendant ce temps, je garde un œil sur un dépanneur tout près. Était-il vraiment sérieux ? Le 27e kilomètre est juste là…

Autre reprise de la course, ça va mieux, on dirait. Le paysage sur Christophe-Colomb n’est pas si mal, nous reprenons les coureurs qui nous ont dépassés pendant le dernier arrêt et il semble avoir oublié son idée saugrenue, puis repaf, ça jamme encore.

Ha, si j’étais physio ou quelque chose du genre, je servirais à quelque chose. Au lieu de ça, mon ami doit s’astreindre à faire la cigogne ou une version verticale de la danse du bacon, je ne sais pas trop, pour tenter d’étirer le muscle récalcitrant.  Le lapin de 4 heures se pointe, nous lançant des encouragements au passage. Il n’est pas épuisé, il est blessé !

Peu après avoir recommencé à avancer, nous parvenons à Jarry pour ensuite emprunter de la Roche direction sud, question de revenir vers le Plateau. À la vue d’un dépanneur, je reçois l’ordre officiel: ma mission est d’y entrer et d’en ressortir avec deux petites canettes de bière. Il était vraiment sérieux.

Je m’exécute donc. Entrer dans un dépanneur pendant un marathon, avec le dossard et tout le kit, faut quand même le faire !

Celui que j’ai « choisi » est une insulte pour tous les trous que j’ai pu rencontrer dans ma vie. Sale, les tablettes à moitié vides sur lesquelles la marchandise semble crouler sous la poussière, déprimant au possible. Mais tout au fond, un réfrigérateur à bière. Je m’y dirige au pas de course. Je cherche, cherche, cherche. Mes yeux ne voient seulement que des grosses bouteilles (genre pour alcoolos) et des grosses canettes. Rien en petit format, mis à part les six-packs et autres caisses de 12 et 24. Je ne suis tout de même pas pour acheter un six-pack ! De toute façon, je n’ai que 5$.

Je ressors donc les mains vides à la même vitesse à laquelle je suis entré, sous le regard en point d’interrogation du proprio de l’endroit, et retrouve le parcours. Installé sous la pancarte du 30e kilomètre, mon alcoolique anonyme est encore pris à se masser.

« Il y a juste des grosses ! » que je crie en arrivant, comme si je venais de sortir du Café Cléopâtre. « On va se rapprocher du Plateau, il va ben y avoir des petites plus loin… » que je reçois comme réponse. Puis, il y a ajustement dans les instructions: la prochaine fois, je ressors avec ce qu’il y a, grosse ou petite. C’est qu’il n’en démord pas…

Donc, un kilomètre plus loin, autre dépanneur, autre entrée en catastrophe en risquant de tout casser. Au moins, l’endroit est un peu mieux… Mais toujours la même variété au niveau des formats. J’arrête donc mon choix sur une grosse Heineken. En fait, c’est une très grosse: elle me semble pas mal plus imposante que celles de 500 mL qu’on voit souvent. Une 710 ou 750 mL, peut-être ?

Enfin, assez perdu de temps. Je cours vers la sortie et garroche au passage mon billet de 5$ sur le comptoir sans attendre le change. La commis, toute surprise, me dit « Ho… Thank you ! » en souriant.

Cette fois-ci, Sylvain ne s’est pas arrêté et je ne le vois même plus. Je me mets donc en frais de le rattraper. Vous vous imaginez ce qui peut passer par la tête des pauvres coureurs qui me voient les dépasser à pleine vitesse une grosse canette de bière à la main ?  Non mais, il s’en  va où, ce con-là ?  Et comme pour en ajouter, je ne peux m’empêcher de rire tout en courant. Qui a dit que la course, c’était « plate » ?

Chemin faisant, un léger détail me vient à l’idée: il est interdit de boire de l’alcool sur la place publique.  Je peux toujours faire le fanfaron et courir avec ça tant qu’elle n’est pas ouverte, mais si on en boit… Il y a quand même pas mal de policiers, ce serait vraiment con de se faire coller une contravention.

Finalement arrivé à sa hauteur, je tends mon butin à mon « chef ». Il me laisse les honneurs. Et je me fais avoir: en l’ouvrant, je suis aspergé. Ben oui, beau nono, à courir de même…

J’avoue que ça fait très bizarre de boire de la bière en courant. Pas certain d’aimer ça, mais on a beaucoup de plaisir à le faire. Nous n’oublions évidemment pas notre vieux chum Chris au passage, qui aurait certainement approuvé.

En nous voyant arriver, Maggie est découragée: « Ha non, vous l’avez vraiment fait ! ». Heu oui. Pas le choix, les ordres sont les ordres. Mais bon, c’était un peu pour dire qu’on l’avait fait. Après quelques photos, on lui donne ce qu’il reste, puis on repart. Plus que 10 kilomètres. « Il reste juste 45 minutes !» que j’annonce, sachant que c’est le temps que prend habituellement Sylvain pour couvrir cette distance. Évidemment, il sait que je ne suis pas sérieux. En fait, je m’attends à ce que ça prenne 1 heure.

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Chris aurait certainement approuvé !

Avant de décoller, je confirme que je serai à Bromont. Pas question de jouer à la moumoune avec un petit malaise comme celui-là. Maggie s’étonne : « Tu vas vraiment faire 160 kilomètres en étant blessé ?!? ». Ben… tant qu’à être blessé de toute façon, aussi bien l’être en partant, non ?

À peine 100 mètres plus loin, autre arrêt-massage. Tant et si bien que Maggie et Caroline nous rejoignent et j’en profite pour prendre une dernière gorgée. Hé, il n’en reste presque plus !  « C’est parce que je n’ai pas le droit de boire de l’alcool en public, ça fait que je veux m’en débarrasser au plus vite ! ». La belle excuse…

Au passage sous la bannière de départ du 10 km, je vérifie le chrono : 3h16. Sylvain est maintenant en souffrance permanente et a de la difficulté à avancer. C’est certain qu’on ne fera pas sous les 4 heures. Il décide sur le champ de ne plus arrêter car c’est pire par après: ça le fait figer.

De retour sur St-Joseph, pour un looooong aller-retour, le dernier. Nous croisons des coureurs qui vont à toute vitesse en sens inverse, pompés par l’odeur de l’arrivée qui approche… pour eux !  Après un certain temps, je remarque un groupe portant des t-shirts rouges faciles à reconnaitre : ce sont des Étudiants dans la course. Nous en en avons vu quelques-uns depuis le départ et à chaque fois, je vérifiais si Pierre était parmi eux.  Négatif. Mais cette fois-ci…

Hé oui, c’est bien lui !  Je ne fais ni une, ni deux et traverse le terre-plein pour aller à sa rencontre. « Hey, Partner !!! ». La surprise suivie d’un large sourire marquent son visage si expressif. « Comment ça va ? ». Je lui explique un peu les problèmes de mon protégé (les siens semblent très bien aller), puis on se donne rendez-vous à l’arrivée.

De retour à mon « mouton » qui poursuit son chemin de croix juste à la force du mental. Un entraineur de la Maison de la course le reconnait et fait un bout avec nous. Malheureusement, ça ne lui donne pas les ailes escomptées. Puis, comme nous n’avançons pas trop vite, je décide de me donner le luxe d’arrêter aux toilettes au point d’eau du 35e kilomètre.

En sortant, surprise : Sylvain est très loin devant. J’enclenche la vitesse supérieure pour le rattraper. Vraiment, mais vraiment pas facile quand ça fait des heures qu’on garde un rythme plus lent. Il me semble que ça allait mieux avec une bière à la main… Je finis par le rejoindre, au prix de longs efforts. Comme quoi avancer, toujours avancer, c’est ça qui est payant. Je vais m’en rappeler lors de mon prochain ultra. Keep moving forward.

Juste avant Pie IX, nous devons nous taper une (autre) petite boucle merdique pour revenir sur St-Joseph. Le nouveau parcours, bien que moins emmerdant que l’ancien, offre lui aussi son lot de passages difficiles pour le moral. Je plains honnêtement mon ami de souffrir ici.

Puis, comme pour faire écho à mes pensées, ma cheville fait un beau « Couick ! ». La douleur me déséquilibre pour 2-3 enjambées, un peu comme le ferait une crampe. Ouch ! Maintenant, je la sens à chaque enjambée. Ho, elle n’est pas drôle, celle-là !  C’est endurable, mais limite, comme on dit.

Ok, pas vraiment le moment de me plaindre, je ne suis pas ici pour ça, mais bien pour soutenir mon poulain. Sur Pie IX, j’essaie de le distraire en lui offrant de la bouffe (je fais des tests de ce côté en vue de Bromont, quoi que finalement…), mais il la refuse. Puis, l’air dans mes intestins tenant à tout prix à sortir, je ne peux faire autrement que le laisser aller, et… Deux dames à côté sourient quand je dis « C’est lui ! », mais bon, les blagues pipi-caca, ça a ses limites…

5 kilomètres à faire. Sylvain me demande si j’ai déjà vécu des douleurs à ce point d’un marathon (ho que oui !) et comment j’ai fait pour passer au travers. Bon, je ne peux pas savoir à quel point il souffre, mais je lui raconte mes pires : Montréal 2008 et 2011 (la fois où j’ai cru que j’allais mourir; sur Pie IX, justement), Boston 2013. Mais il m’est aussi arrivé de terminer « juste fatigué », lors de mes deux meilleures courses, entre autres. Bref, je lui dis que quand ça fait mal, on serre les dents et on endure en priant pour ça finisse au plus sacrant !

Au kilomètre 38, je lui suggère un exercice pour se donner de petits objectifs : dédier chacun des kilomètres restants à quelqu’un de cher. Ma proposition : un pour Maggie, un pour chacun de leurs 2 enfants et le dernier pour notre ami Chris qui nous regarde, là-haut. Tentative de faire passer son cerveau en mode « émotif », question de lui faire oublier le mal. J’avoue que les résultats seront assez mitigés. J’aurai essayé.

Tiens, notre tata à moto qui nous redépasse. Il ne klaxonne plus, vu qu’il a de la place en masse pour passer. Mais il roule vite pas à peu près. Il va facilement à 50-60, peut-être même plus. Est-ce qu’il sait qu’il est aux commandes d’un engin lourd et puissant au travers de coureurs qui sont sur la fin d’un marathon et qui pourraient se mettre à tituber ou changer de direction à tout moment ?  Si au moins c’était un jeune adulte, je dirais que c’est un problème de lobe frontal sous-développé, mais non, c’est un bonhomme dans la cinquantaine/soixantaine. Une seule conclusion s’impose alors : c’est un maudit sans-dessein et il n’a pas d’affaire dans un tel événement. Problème de cerveau au complet sous-développé, peut-être ?

Ok, j’avoue que ma mauvaise humeur est aussi causée par l’état de ma cheville. Depuis qu’elle a craqué, chaque foulée est douloureuse. Ça court toujours, je ne songe pas une seconde à arrêter. Mais serai-je capable de tenir le coup sur 160 kilomètres à Bromont ? Bah, en y allant lentement…

Puis, j’ai un flash : Washington. Dans les 15 derniers miles, j’y ai couru à pleine vitesse, en serrant les dents. C’était dur, mais je tenais le coup, reprenant au passage plusieurs coureurs. Serais-je capable de faire ça, ici et maintenant ?  La réponse est évidente : non. Pourtant, j’ai « seulement » 39 kilomètres relativement faciles de parcourus alors que là-bas, j’en avais plus de 60. Même après 75 kilomètres, je tenais encore le coup, alors…

Nous recroisons l’entraineur de la Maison de la course. Je profite du fait que Sylvain soit momentanément accompagné pour me lancer à pleine vitesse dans une descente. Un dernier test, pour voir… Je dois me rendre à l’évidence : je ne serai jamais en mesure de faire un 100 miles dans trois semaines. Merde.

St-Joseph, tel que prévu, dure une éternité. Ce parcours est vraiment, mais vraiment à ch… Puis, au 41e kilomètre, rue Brébeuf. Enfin !!!  Tout au bout, le parc Lafontaine et son arrivée.

Et qui retrouve-t-on sur Brébeuf ?  La petite troupe à Maggie ! Sylvain veut s’arrêter pour les saluer, je le pousse à poursuivre. Il ne faut pas que sa jambe fige si près du but…

À 500 mètres de l’arrivée, je le serre par les épaules. Tu l’as, mon ami, tu l’as : tu es un marathonien. Ça, personne ne pourra jamais te l’enlever. Je pointe les index en direction du ciel, regarde Chris qui est certainement en train de prendre une (autre) bière à notre santé là-haut, son sourire si caractéristique lui fendant le visage. Salut mon ami !

En bon pacer, je laisse la place à mon protégé. Il ne veut rien savoir et insiste pour qu’on termine ensemble. Nous le ferons donc, en 4:18:39.

Un nouveau membre vient d’entrer dans la confrérie. Bienvenue, mon chum ! 🙂

En direction du parc Lafontaine

« C’est me fait tout drôle de te parler au lieu de te lire. C’est un honneur de rencontrer un gars comme toi ! »

Ces mots, ils viennent de la bouche de Patrick, un compagnon d’entrainement de Sylvain, mon ami et ancien collègue que je m’apprête à accompagner pour son premier marathon. Patrick aussi en sera à son premier et il dit être un fan fini de mes écrits qui l’inspirent beaucoup. J’en suis très, très flatté et lui promets qu’il fera partie du prochain récit. Hé bien voilà, promesse tenue ! 🙂

Sylvain me présente également Daniel que je crois bien reconnaitre. En fait, c’est un collègue qui faisait partie de mon ancienne équipe, mais qui travaillait à partir d’un autre bureau. Or, le hasard a fait que ces deux-là travaillent ensemble sur un projet et voilà qu’on se rencontre à nouveau. Le monde est bien petit.

Accompagnés de Maggie, nous quittons la station du métro Longueuil (je ne me ferai jamais à l’idée d’ajouter « Université de Sherbrooke » à son nom, elle est à Sherbrooke, cette université-là, bon !) pour nous diriger vers le pont, les autres compagnons d’entrainement de Sylvain ne s’étant pas encore pointés au rendez-vous et comme l’heure du départ approche…

Je me dirige vers les superbes autobus jaunes qui amèneront nos affaires à l’arrivée, soit au parc Lafontaine. Comme je cherche celui associé à mon numéro de dossard, je reçois une taloche sur l’épaule. Je me tourne, me demandant bien qui peut être là aujourd’hui. Pierre ? C’est possible, il m’a dit qu’il ferait le marathon avec les Étudiants dans la course.

Hé non, c’est Pat, tout sourire. Habillé d’un t-shirt mauve de Team in Training, il est ici pour faire le demi, dernière longue sortie avant son super défi de 24 heures qu’il fera pour la Fondation du Centre jeunesse de la Montérégie. Il ne visera pas un record personnel (il a établi le sien lors de la même course que moi, au Scotiabank 2012), mais juste une course pour le fun. « Tu fais le marathon ?!? », s’étonne-t-il en voyant mon dossard rouge. Je lui explique que je le fais en pacer, pour un ami. Et je teste également ma cheville. Si elle ne fait pas la route… Puis on parle de son défi. Il va probablement demander à nos amis ultrarunners de l’accompagner durant la nuit. Malheureusement, je serai à l’extérieur de la ville à ce moment-là, alors je ne pourrai pas participer. Une prochaine fois…

Après être retourné à ma petite gang, nous reprenons la montée du pont en direction du départ. À voir le grand nombre de toilettes sur le pont, on peut dire que l’organisation a bien fait ses devoirs suite aux ratés de l’édition 2013. Il y en a en quantités industrielles. Mais bon, les files semblent tout de même trop longues pour Sylvain qui décide de se trouver un coin plus reculé pour s’exécuter. Il y a toujours des coins reculés pour faire ça, suffit de les trouver !

Mon ami entame ensuite une longue série d’échauffements. Heu, c’est que l’heure approche un peu, beaucoup… D’ailleurs, Daniel est nerveux et nous met de la pression pour que nous nous rendions à nos couloirs. Mais Sylvain est imperturbable, il ne courra pas s’il n’a pas fait ses échauffements, point à la ligne. Bah, moi je suis ici pour lui, ça fait que…

À 5 minutes du coup de départ, nous commençons à remonter le long peloton (qui serait quand même constitué de 23000 coureurs au total, demi et marathon confondus) pour atteindre le couloir numéro 6, le nôtre. Or, ça commence à 27, alors disons que le nôtre est plutôt loin.

Le premier départ est donné avant même notre arrivée dans le peloton. Ce qui nous amène à nous retrouver derrière le 10e couloir. Personnellement, ça me ferait royalement ch…, car j’ai horreur d’être pris derrière des coureurs plus lents en début de course. Mais Sylvain n’a pas l’air de s’en faire outre mesure.

Tout en attendant que la série de mini-vagues (il y en a à toutes les 1 ou 2 minutes) de départs arrive à nous, Stéphan, un autre collègue (et lecteur !), apparait derrière nous. Lui fera le demi et vise 1h55. On risque donc de passer du temps ensemble sur le parcours. Petite jasette pour tuer le temps et finalement, nous nous rendons compte que le dernier départ donné sera le bon et nous sommes partis.

Par je ne sais quel subterfuge (l’accès y est bloqué pour les non-coureurs), Maggie a réussi à se faufiler sur le pont et au moment où nous nous préparons à entamer la descente vers l’île Ste-Hélène, je l’entends crier ses encouragements pour le père de ses enfants. Pis moi ?  Je suis quoi, moi ?  😉

Tradition et nervosité obligent, les buissons qu’on trouve à la sortie du pont se voient, comme à chaque année, assaillis par les coureurs (et même les coureuses !) pris par une autre envie pressante de se soulager. Sylvain m’annonce qu’il va se joindre au troupeau, n’ayant jamais vécu une telle « pression » en début de course. Pas de problème, quand il le faut, il le faut. J’avais fait de même à mon premier marathon.

En bas de la descente initiale, tout juste après le premier kilomètre, un band joue. C’est la série rock ‘n’ roll, après tout… Honnêtement, j’ai un sentiment mitigé envers la présence de bands sur le parcours. J’y reviendrai à un autre moment donné.

Le début du parcours est identique à ce qu’il offrait jadis, quand j’étais un habitué de l’épreuve (j’en suis tout de même à mon sixième Marathon de Montréal). C’est donc dire que c’est moche. Moi, aller dans le fin fond de la Ronde, puis revenir, bof… Mais au moins, la route est large, ce qui n’est pas une mauvaise chose, vu le nombre très important de coureurs.

Sylvain, qui a oublié son GPS chez lui, me demande de lui faire un update de notre cadence. Depuis la pause-nature, la cadence moyenne a progressivement accéléré pour atteindre une moyenne de 5:17/km, ce qui serait à peu près la bonne vitesse à maintenir pour atteindre l’objectif initial de 3h45. Mais il reste beaucoup, beaucoup de chemin à parcourir.

Tout juste avant le 4e kilomètre, nous rejoignons la gang de la Maison de la Course. Patrick semble très étonné de nous voir là, vu que nous sommes supposés être partis devant. Que voulez-vous, quand un gars a besoin de faire son cérémonial de réchauffements avant de partir, il en a besoin, alors…

Nous faisons un bout avec eux, ce qui a pour effet de nous ralentir, sans que ça ne semble déranger pour le moins du monde mon marathonien en herbes. Et si ça ne le dérange pas, ça ne me dérange pas non plus. J’en profite donc pour placoter avec Patrick et aussi avec la propriétaire de la Maison, une coureuse aguerrie.

Passage au 5e kilomètre en 27:26. Oups. Je me rends compte que ma Garmin est très optimiste sur la distance (sans compter que je me suis peut-être tapé un léger détour pour aller dans les buissons), alors notre véritable cadence est pas mal plus lente que ce qu’elle indique. C’est bon à savoir.

Après être passés encore une fois devant Maggie qui s’était pour ainsi dire téléportée, nous nous dirigeons vers le circuit Gilles-Villeneuve. Peu après, nous commençons à nous détacher du groupe pour finalement rejoindre celui du lapin (en fait, c’est une lapine) de 2 heures. C’est toujours drôle de voir le groupe qui entoure un lapin de cadence. La plupart des coureurs se tiennent autour, mais certains courent littéralement collés dessus, comme s’ils voulaient être certains de ne pas la perdre. Hé, ne vous en faites pas, elle ne s’envolera pas !

Pour ma part, j’essaie de voir comment les oreilles sont installées sur sa caquette, question d’avoir un système plus fiable lors de ma prochaine expérience. À première vue, ça ne semble pas tellement différent de ce que j’avais fait pour la Course des 7… C’est alors que Sylvain se met en frais de faire mon éducation sur les types de papier/carton que je pourrais utiliser. Ha, du papier-construction, ça ne suffit pas ?  Il en existe d’autres sortes ?  Il va falloir que je me tape un voyage au Dollarama avant la prochaine fois ?  Moi, magasiner ailleurs qu’à la Cordée ?  Vraiment ?  Misère…

Le 10e kilomètre est franchi en plus de 55 minutes, ce qui, je l’avoue, me stresse un petit peu. À ce rythme, c’est certain que l’objectif initial va être raté. Mais je me demande si je dois sonner l’alarme ou laisser Sylvain continuer en mode « c’est mon premier marathon et rien d’autre n’est important ». Va-t-il le regretter s’il termine en un temps « décevant » avec le réservoir à moitié plein ?  Je décide de ne pas lui faire part de mes craintes. Quand bien même qu’il ferait 5-6 minutes plus lent…

Sous le pont de la Concorde, point d’eau. Un bonhomme s’arrête brusquement à une table et, ne trouvant pas ce qu’il cherche (joual vert, il y a juste de l’eau et du pseudo-Gatorade, tu cherches quoi, Chose ?), traverse la piste en marchant sans regarder. Je réussis à l’éviter de justesse et honnêtement, si j’étais allé à ma pleine vitesse, je l’aurais frappé de plein fouet. Non mais, qu’est-ce que tu fais là, du con ?  C’est ce que je déteste quand on se retrouve coureurs du demi et du marathon ensemble. Les marathoniens ne commencent pas à faire des conneries parce qu’ils sont fatigués après 10 kilomètres…

Autre irritant : le goulot d’étranglement que constitue le pont de la Concorde où, pour une raison que j’ignore, les coureurs sont confinés sur la piste cyclable et le trottoir qui la borde. Question existentielle : POURQUOI ?  Le pont est très large et ne venez pas me faire croire que la circulation en direction du casino y est si dense à cette heure, un dimanche matin ! Déjà que jadis, quand nous étions seulement les marathoniens, c’était serré à cet endroit, ajoutez à ça les coureurs du demi et on se pile carrément sur les pieds.

Comble de bonheur, ça klaxonne derrière. Au début, je pensais que c’était une voiture qui encourageait les coureurs en roulant lentement. Hé non, c’est une moto de l’organisation qui essaie de se frayer un chemin à travers les coureurs. Le chauffeur ne lésine vraiment pas sur le klaxon, au point où ça prend tout mon petit change pour ne pas l’envoyer paître quand il passe à ma hauteur. Et lui de pester contre les coureurs qui ont des écouteurs et qui n’entendent pas son foutu klaxon.  Pis toi, le sans-génie, tu n’aurais pas pu emprunter la route, juste à côté des barrières en béton ?!?  Ha, Môssieur se justifie en disant qu’il fait partie de l’équipe médicale… Ben continue de même, mon homme et tu vas justement causer un accident !  Non mais…

Je commence à peine à me calmer qu’un autre bonhomme me donne une petite poussée juste avant la descente du pont, comme si j’étais dans son chemin. Ha ben calv… !  Je t’avertis : le dernier gars qui m’a fait chier dans une course s’est retrouvé à se faire tourner autour pendant plusieurs minutes à se demander ce que j’allais lui faire. Une autre poussée et tu vas subir le même sort…

Cout’ donc, je suis ben chiâleux, moi…  Je suis ici pour supporter mon ami et voilà que depuis quelques minutes, tout ce que je fais, c’est me mettre en tabar… pour toutes sortes de raisons. Heureusement, je ne vocalise pas mes états d’âme et Sylvain semble très bien s’adapter aux aléas de la situation. Vrai qu’il a couru beaucoup de 10 km, alors du monde qui font des niaiseries, il en a vu de toutes les sortes. Moi…

Attentif à ce qui se passe autour, il remarque Habitat 67 au passage (car, bien qu’il soit difficile à manquer, je ne le « vois » plus depuis belle lurette). Il faut dire que c’est toute une construction, je serais vraiment curieux de visiter un de ces appartements un jour.

Oups, ma cheville qui commence à se lamenter… Merde !  Va-t-elle tenir jusqu’à la fin ?  Ce serait tellement poche de ne pas finir. Vous imaginez, un premier DNF en « carrière » alors que je joue au pacer ?  Looooser !

Sylvain semble bien aller et me dit qu’il aimerait qu’on passe au demi en 1h50. Heu… Je lui dis ou pas ?  Car pour ce faire, il faudrait qu’on fasse sous les 5:00/km d’ici là et ce, avec deux montées en chemin. Pas impossible mais… Je me contente de lui dire que ce sera difficile. « Bah, ça peut être 1h52 ou 1h53, c’est pas ben ben grave… ». Ouais, attendons-nous plutôt à 1h55…

Ha, le « musée de horreurs » du marathon qui s’annonce. Tout d’abord, le passage sous l’autoroute Bonaventure, cette réplique de l’horrible autoroute métropolitaine qui amène les automobilistes au centre-ville. C’était l’époque où on foutait du béton partout, sans se soucier de ce que ça avait l’air. Puis, c’est l’usine Five Roses, juste à côté. Mais bon, c’est une usine, on ne peut pas trop en demander côté esthétisme. En plus, des travailleurs sont dehors et donnent des high fives aux coureurs qui passent. Je trouve ça vraiment sympa.

Arrive le Vieux, on va pouvoir se reposer la vue un peu. « Ce n’est pas Ottawa » me glisse mon partner. Effectivement. Dans un quartier touristique comme celui-là, à Ottawa, les rues seraient remplies de spectateurs. Ici ?  Il n’y a que les familles des coureurs, point. Quoi qu’on en dise, Montréal ne sera jamais Ottawa côté ambiance. Jamais.

Place Jacques-Cartier, première montée de la journée. Déjà, on sent que la fatigue commence à s’installer parmi les coureurs du demi. Fort en montées (le gars habite tout près du mont St-Hilaire depuis Mathusalem), Sylvain dépasse un paquet de monde sans forcer. En haut, sur Notre-Dame, qui est là ?  Hé oui, la fille qui se téléporte: Maggie. Elle devrait peut-être jouer à l’équipe de support dans un ultra, elle serait bonne… Elle encourage encore une fois Sylvain, m’ignorant encore au passage. C’est comme rien, je dois être transparent…  😉

En sortant du Vieux, je fais remarquer que c’est la sixième fois que je passe à cet endroit car jamais en d’autres circonstances que le marathon je ne suis venu ici. Ni à pied, ni à vélo, ni en auto. Ça fait bizarre.

Puis, descente vers Amherst par une petite rue ma foi, plutôt abrupte. C’est fou de constater à quel point les coureurs sur route ne savent pas descendre. Moi, un descendeur médiocre, je me laisse aller légèrement et pourtant, je dépasse plein de gens qui font tous la descente sur les freins. Pourquoi freinez-vous, donc ?  Avez-vous peur de frapper une auto une fois rendus en bas ?  Un mur ? J’avoue ne pas trop comprendre…

La descente ne me fait presque pas souffrir, ce qui est de bon augure. Si ma cheville reste comme ça d’ici à la fin, je serai du départ à Bromont dans trois semaines, c’est certain. Ce n’est un petit bobo cucul qui va m’arrêter…

Sur Amherst, j’allume : j’ai oublié de transmettre le message de bonne chance que Barbara m’avait dit de laisser à Sylvain. Oups. Ben, vaut mieux tard que jamais, non ?  Disons qu’il la trouve drôle. S’ensuit une petite promenade sur Ste-Catherine, direction est. Mais heureusement pour tous, ce segment est beaucoup plus court que jadis, quand il s’allongeait très loin vers l’est, au détriment du moral des pauvres coureurs… car il ne s’y passait crissement rien !

Après Plessis, c’est Maisonneuve vers l’ouest. Et qui dit Maisonneuve, dit côte Berri qui s’en vient. Tout autour de nous, de plus en plus de demi-marathoniens en arrachent. Les quelques spectateurs les encouragent, disant que ça achève. Heu, non… Ça commence !  Je prédis alors à voix haute que dans la côte, ça va tomber comme des mouches. C’est une autre tradition.

Et effectivement, le nombre de coureurs qui se mettent à la marche à un moment ou un autre dans la montée est considérable. Pendant ce temps, ma chèvre de montagne a accéléré, laissant des dizaines « d’adversaires » sur place. Je dois même pousser pour demeurer avec lui et c’est le souffle un peu court que j’arrive en haut. Wow, il serait fort si on faisait une course en côte !

Une foule digne de ce nom nous accueille. Le parc Lafontaine étant tout près, les spectateurs se sont massés ici, où on a une très bonne vue sur les coureurs qui arrivent. Pour la première fois de la journée, je me sens dans un « vrai » marathon.

La mi-parcours est tout près, ça augure bien pour la suite des choses.

Le test

Hier, c’était le grand test. J’avais fait 90 km la semaine dernière, j’y ajoutais une couche en me farcissant le Marathon de Montréal avec mon ami Sylvain qui en était à sa première expérience sur la distance. C’était le moment de vérifier si ma cheville pourrait tenir 160 km dans 3 semaines.

Hé bien, le test n’a pas été concluant. Autour du kilomètre 11 ou 12, elle a commencé à se plaindre. Rien de grave, juste un petit quelque chose d’agaçant. 20 kilomètres plus loin, toujours la même affaire. Bon, pas de quoi écrire à sa mère. Dans ma tête, c’était clair : j’allais être en mesure de découvrir le nouveau parcours d’Alister avec un dossard agrafé sur ma cuisse droite. Je n’étais pas pour m’empêcher d’y retourner pour une petite douleur moumoune de même.

Puis, juste avant Pie IX, ça a fait « couick ». Par après, je courais sur des œufs, craignant à tout moment que ça lâche pour de bon. Comme Sylvain en arrachait, nous avancions autour de 6:00/km. J’ai repensé à Washington où j’y allais à fond la caisse après 75 km de course, je me suis dit que je ne serais pas prêt à refaire le coup, là, maintenant, avec deux fois moins de kilomètres dans les jambes. Dès lors, la décision était prise : pas de BU pour moi cette année.

J’ai envisagé de m’inscrire au 55k juste pour le plaisir. Mais je me connais : si je fais ça, je vais essayer quand même de rester « sharp » jusqu’à la course et tenterai d’y faire une bonne performance au lieu de me laisser le temps de guérir. Je suis comme ça. Je préfère donc m’abstenir… et enfin redonner à la communauté.

Un récit du marathon suivra bientôt. 🙂

Des problèmes avec la gauche

Chers amis, rassurez-vous: malgré ce que le titre de ce billet laisse sous-entendre, je ne parlerai pas de politique. Hé non, je garde mes opinions sur le sujet pour moi… et ma douce moitié.

Non, c’est de mon côté gauche dont je veux parler. Moi le droitier, j’ai remarqué que depuis je cours, c’est toujours mon côté « faible » qui est la cause de mes problèmes. Pourtant, la course est un sport symétrique, non ?

Blessure à l’ischio-jambier droit ?  C’est parce que ma jambe gauche est trop faible (« Elle est morte » m’avait dit Sophie sans passer par quatre chemins). Contracture au mollet droit ?  Même raison.

Cet été ?  J’ai déjà abordé le sujet, c’est un kyste infecté sur l’omoplate qui m’a causé bien des soucis. En fait, il m’a souvent donné l’impression de me faire tout simplement rater mon été: pas de baignade, pas moyen de faire des efforts avec le haut du corps de ce côté (et quand on a ma « charpente », ça ne prend pas grand chose pour avoir à faire des efforts, croyez-moi !), toujours rendu au CLSC pour faire changer le pansement… La grande joie. Heureusement, je pouvais toujours courir, vu que j’étais blessé « au haut du corps », justement. Mais de quel côté ?  Le gauche, bien sûr !

Depuis que l’abcès est guéri, ma gauche, se sentant démunie et abandonnée, m’a réservé une merveilleuse surprise pour la suite des choses: un problème à la cheville.

Celui-là est récurrent. Il s’est manifesté la première fois en 2011, suite à une « petite sortie » de 49 kilomètres qui m’avait amené chez des amis où on allait souper. À l’époque, survolté suite à la lecture d’un livre de Dean Karnazes, je m’étais mis à enfiler les très longues courses (genre distance marathon et plus) à toutes les semaines. Et à un moment donné, ça avait fait crack… Trois semaines d’arrêt complet alors que nous vivions le plus beau mois de décembre que je n’ai jamais connu pour la course. Damn !

Toujours est-il qu’il arrive parfois que je ressente encore cette douleur que je reconnais assez rapidement. Elle était revenue en force durant le Vermont, mais est disparue durant la période de récupération qui a suivi. Comme je ne suis pas intelligent, j’ai repris un entrainement « normal » (c’est-à-dire pas graduel du tout) en vue de Bromont, et après deux semaines complètes, re-crack. Re-damn !

J’ai dû me rendre à l’évidence: fallait que je m’arrête. Encore. Juste avant ma semaine de vacances. Vous imaginez les craintes que ma tendre moitié pouvait avoir ?  Une pleine semaine pognée avec un homme qui ne peut pas courir, est-ce qu’il y a pire souffrance sur cette terre ?  Pas sûr… 😉

Mais, contre toute attente, je me suis retenu… sans chiâler. Oui oui, je le jure ! Enfourchant le vélo, j’ai patienté, bien déterminé à attendre que le mal disparaisse pour reprendre la course. Et après une éternité (une pleine semaine, oui mesdames et messieurs), j’y suis allé graduellement. 10 kilomètres, puis 13 le surlendemain. Ce matin, 21 au mont St-Bruno. So far, so good. Ce n’est pas parfait, mais ça tient.

Vais-je être en mesure de faire Bromont, où selon Gilles, l’absence de Joan fera de moi the heir of the throne (et celui qui se retrouve sur la page couverture du site web !  Voyez de quoi on a l’air quand ça fait 24 heures qu’on s’amuse dans le bois…)?  Rien n’est moins certain. Mais j’y serai, aucun doute là-dessus. Car si je ne suis pas en mesure de courir, j’irai prêter main-forte à Audrey, Gilles, Alister et toute la gang là-bas. Ces gens-là font un travail colossal, on se doit de les aider à la réussite de ce merveilleux événement.

En attendant, le Marathon de Montréal dans 18 jours sera un excellent test. Si ça passe, je me relance dans l’aventure. Si ça casse, quelqu’un a besoin d’aide pour faire des sandwichs ?

Je m’étais pourtant promis…

J’y ai ressenti ma première grande fierté de ma jeune « carrière » de coureur en franchissant sa ligne d’arrivée pour la première fois, du temps qu’il se terminait dans le Stade olympique. Il m’a aussi fait souffrir comme jamais je n’ai souffert. Son horrible rue des Carrières, son interminable rue Rachel, sa « diabolique » (façon de parler) côte Pie IX où, la dernière fois, j’ai même crû que j’allais mourir.

Pour moi, le Marathon de Montréal faisait partie du passé. Bien que très « pratique » car il se déroule tout près de la maison, j’avais décidé de lui tourner définitivement le dos. Après 5 participations, j’avais donné. Je le trouvais prétentieux avec son nombre de coureurs gonflé artificiellement et sa nouvelle organisation, carrément incompétente et seulement intéressée à faire de l’argent. Les nombreux ratés de l’édition 2013 m’avaient convaincu: plus jamais ils ne me reverraient. Je n’allais pas certainement « gaspiller » une autre course en automne pour faire celle-là.

Mais bon, l’eau a coulé sous les ponts depuis. Il semblerait que l’organisation ait appris de ses (nombreuses) erreurs de l’année précédente pour offrir, malgré la chaleur, un événement de qualité en 2014. Et surtout, j’avais une promesse à tenir…

En effet, quand mon ami Sylvain a commencé à me parler qu’il songeait peut-être à envisager une éventuelle (vous voyez le genre) participation à un marathon, j’ai fait un Pat de moi et ai sauté sur l’occasion pour le convaincre qu’il était prêt. Et comme argument de vente, je lui ai dit que s’il le voulait, je serais avec lui pour cette première expérience… en autant que ça ne se fasse pas à l’autre bout du monde. Il faut croire qu’il est maso sur les bords parce que je ne sais pas si ça a pris une demi-heure avant que je reçoive un courriel me confirmant son inscription… à notre marathon local.

Oups, je ne pensais pas que ça se ferait si vite !  J’ai donc fait honneur à ma parole et me suis inscrit à mon tour. Bah, il y a juste les fous qui ne changent pas d’idée… surtout quand on le fait pour un ami.

D’ici là, je me suis donné comme mission d’aller reconnaitre la partie du parcours que je ne connais pas, soit la deuxième moitié qui est complètement différente de l’ancienne. J’espère seulement une chose: qu’elle soit moins déprimante !  Car, bien que plusieurs coureurs retenaient les côtes de l’ancien parcours comme difficulté principale, je suis persuadé que l’environnement dans lequel nous devions évoluer le rendait bien plus difficile à traverser que les petites buttes qui n’avaient rien à voir avec la Heartbreak Hill. Des viaducs décrépis, des immeubles abandonnés, d’interminables sections sans voir le moindre spectateur ou pire, en voir un ou deux seulement… Ça, il fallait être fait fort !

Je vous en redonne des nouvelles en septembre. 🙂

C’est de ta faute, Pat !

J’ai appris qu’il courait en 2008, la semaine avant le Marathon de Montréal. Dans une entrevue accordée à « Salut Bonjour ! », il parlait de cette première pour lui dans la plus longue des distances classiques. Il visait un temps de 4 heures. Pour ma part, comme j’avais fait un 3h43 « en dedans » à ma première expérience l’année précédente, j’étais confiant de pouvoir descendre sous les 3h30. La pluie torrentielle qui était tombée dans les heures précédant la course avait été suivie par une humidité à couper au couteau. Inexpérimenté, j’avais terminé cette course de peine et misère, franchissant la ligne après 3h56 de pure souffrance. Je suppose qu’il a vécu un peu la même chose que moi, une trentaine de minutes derrière.

Je me suis mis à suivre son évolution, comme je le faisais avec d’autres personnes connues qui pratiquent la course. Nous nous croisions de temps en temps dans le cadre d’une course (habituellement au demi Scotia Bank), mais comme je n’avais rien de particulier à lui dire, ce n’était pas parce qu’il était connu que j’étais pour lui parler…

Puis j’ai remarqué qu’il semblait courir moins. À l’époque, je n’avais qu’une seule référence en la matière: SportStats.ca. Je me suis dit qu’il avait probablement ralenti la cadence, faute de temps et/ou de motivation.

Puis un jour, allant faire mon « épicerie » à la boutique Coin des Coureurs du centre-ville, j’ai émis un commentaire sur la grande quantité de gels que j’achetais. L’employé me raconta alors qu’il y avait un monsieur qui était passé et en avait acheté une quantité phénoménale parce qu’il s’en allait faire une course de 100 milles et qu’il préférait « en avoir plus que moins ».

J’avais vaguement entendu parler de ces courses-là. Un jour, j’avais vu un reportage sur le fameux Leadville 100 à la télé américaine, mais je me disais que c’était certainement marginal comme épreuve. Il me semblait toutefois qu’il y avait un 100 milles quelque part dans le Vermont….

Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, mais je me suis mis en frais de trouver le site de l’événement et ensuite, la liste des participants. Qu’est-ce que je cherchais au juste ?  Quelqu’un que je connaissais ?  Toujours est-il qu’en défilant ladite liste, je suis tombé sur son nom. Hein, lui ?  Merde, il est plus lent que moi dans toutes les courses qu’on fait et il va se taper un 100 milles ?  Non, ce n’était pas possible… Peut-être était-ce quelqu’un qui portait le même nom (ben oui Chose, dans le genre coïncidence…) ?

J’ai approfondi mes recherches et j’ai trouvé d’autre références que SportStats (duh !). Il s’était lancé dans les course plus longues que le marathon classique et à ce moment-là (nous étions en 2011), il avait déjà deux Ultimate XC, un Vermont 50 et un Bear Mountain sous la ceinture. Holly shit !

Je me suis mis à m’intéresser à ce monde si particulier des ultras en sentiers. Et plus je lisais sur le sujet, moins je comprenais. Il fallait que j’en parle à quelqu’un. Mais à qui ?  Je ne connaissais personne d’assez fou pour se lancer dans de telles aventures. Il y avait bien des blogues qui en parlaient, mais à part ça… Toutefois, tous étaient unanimes sur un point: la course en sentiers, c’est le plaisir pur et la camaraderie, rien à voir avec la route. J’avais vraiment le goût d’essayer.

J’ai contacté David Le Porho qui m’a recommandé de commencer par des distances plus courtes, question de voir si j’aimais ça ou pas. Puis, quelques mois plus tard, après avoir complété un Marathon d’Ottawa de rêve qui me permettait enfin de m’assurer une place pour Boston, je suis tombé sur Pat par pur hasard.

Je devais être sur un high, je ne sais pas trop, mais cette fois-là, je lui ai parlé. Sans avoir aucune espèce d’idée sur la performance qu’il venait de réaliser, je l’ai félicité sur le champ (il venait d’établir son record personnel). Après quelques phrases typiques d’après-course échangées avec le grand sourire entre coureurs, je lui ai parlé des ultras. En fait, je lui ai dit que j’envisageais le Vermont 50. Il me l’a recommandé chaudement pour un premier ultra, à cause de l’organisation et de son niveau de difficulté technique relativement faible. Je le cite: « Il est vraiment beau, le Vermont 50. Ça monte et ça descend beaucoup, mais il facile techniquement. La place idéale pour commencer ! ». J’avais ma confirmation. Le surlendemain, j’étais inscrit. Le conseil de David ? Heu…

La suite fait partie de l’histoire, comme on dit. Malgré une météo exécrable, j’ai vécu la plus belle course de ma vie. J’étais définitivement accroc.

J’avais prévu acquérir plus d’expérience en ultra en 2013 et me lancer dans les grande aventure du 100 milles pour le Vermont 100 2014, trois ans après avoir « découvert » l’existence même de cette course. Mais j’ai été ralenti par les blessures et n’ai pas pu participer aux courses que j’aurais voulu.

Sauf que…

Quand c’est rendu que le gars que je voyais comme mon modèle dans le domaine me sermonne gentiment pour me dire que je suis plus que prêt… Quand c’est rendu que ma conjointe me dit que je devrais le faire, que pour un premier essai sur LA distance, pouvoir le faire près de chez soi, c’est toute une chance…

Et puis à un moment donné, si j’attends que les conditions idéales soient toutes réunies (travail, conditions météo, entrainement), je ne le ferai jamais. Au pire, si je suis trop fatigué pour le compléter, j’arrêterai en chemin et me reprendrai une autre fois. Ou je finirai à la marche, DFL (dead fucking last !).

Alors voilà, je plonge. C’est fait: je suis inscrit pour le 160 km du Bromont Ultra.

Et ça, c’est de ta faute, Pat !  🙂

Marathon de New York: l’avant-course

Le Marathon de New York est un événement très spécial. Tout comme Boston, il nécessite une bonne dose de patience avant que le départ soit donné. Aujourd’hui, un « petit » récit qui raconte tout ce que j’ai dû me taper avant de finalement m’élancer.

J’ai presque 6 heures de sommeil dans le corps, dont une supplémentaire gracieuseté du retour à l’heure normale. C’est amplement suffisant pour moi la veille d’une course. Quand je mets le nez dehors à 4h10, agréable surprise: il fait relativement doux et le vent annoncé ne s’est pas encore levé. Peut-être le fera-t-il plus tard, mais pour l’instant, on est vraiment bien dehors. Définitivement que le combiné short – t-shirt sera de mise pour la course d’aujourd’hui.

15-20 minutes de marche sur les bords du Propect Park me séparent de la station où j’emprunterai le métro en direction du quartier des affaires, d’où je prendrai le traversier pour Staten Island. Comme le métro de New York fonctionne 24 heures par jour, pas de souci à se faire malgré l’heure. Ils disent que New York est la ville qui ne dort jamais. Hé bien, on ne peut pas dire ça de tous ses quartiers car ce matin, à Brooklyn, je la trouve assez engourdie merci.

Chemin faisant, je passe devant un bonhomme en tenue de nuit, confortablement installé sur un banc de parc, une tasse de café à la main. Dans son regard, je lis qu’il pense la même chose que moi: “Mais qu’est-ce qu’il fout là, lui ?”.

Arrivé au métro, agréable surprise: comme nous sommes encore la nuit, la ligne m’amenant à la station Bowling Green s’arrête à la station où je suis (le métro de New York est parfois compliqué). Donc, pas de transfert à faire. Par contre, le prochain train arrivera en gare dans… 19 minutes. J’ai le temps de m’asseoir, je pense. Un marathonien est déjà arrivé, il reste debout et tourne en rond pour tuer le temps. Tu te fatigues pour rien, mon chum… En plus, il est en short et ne semble pas avoir beaucoup de vêtements dans son sac. Si le vent se lève, j’en connais un qui va geler tantôt, moi…. Quand le train daignera finalement par se présenter, nous serons 5 ou 6 marathoniens à le prendre.

À Bowling Green, il y a définitivement beaucoup plus de monde. Et tous vont vers le traversier. Je me dirige vers l’aire d’attente et j’ai un bel aperçu de la journée: des policiers armés et accompagnés de chiens renifleurs nous barrent le chemin. Un policier me demande de déposer mon sac qui contient mes cossins par terre, question que le gentil toutou puisse faire son travail. On dirait que les bananes et les bagels ne l’intéressent pas car il le sent et passe rapidement à autre chose.

L’aire d’attente quant à elle est bondée de monde. Je fais le tour, essayant de me trouver un endroit pour m’installer. Pas moyen de trouver une place. Finalement, je réussis à dénicher un petit coin, le long des fenêtres.  À côté de moi, deux jeunes hommes. Ils ne sont pas des coureurs, alors ils sont très impressionnés par la quantité de gens qui sont assez fous pour se taper une telle course. Et moi, je suis très impressionné par le fait que deux gars pas rapport puissent se trouver ici à 5h20 un dimanche matin !

Nous entamons la conversation. Ils sont vraiment sympathiques, me posent un tas de questions. Quand ils apprennent que j’en suis à mon onzième marathon et que je suis de la première vague, c’est l’avalanche de compliments. “You’re an inspiration, man !”. Bien que je trouve ça un tantinet exagéré, ça fait toujours plaisir à entendre. Je fais exprès pour ajouter que j’ai fait mon premier marathon à 37 ans, question de leur faire comprendre qu’à leur âge (ils ont 30 ans), je ne courais pas non plus. J’ai peut-être semé une graine à quelque part…

Finalement, le départ du traversier de 5h30 est annoncé. Je suis supposé prendre celui de 6h, mais tant qu’à sécher ici…  En plus, ils ne vérifient pas ce détail, le traversier étant ouvert à tous. Je m’installe sur un banc du pont inférieur et essaie de trouver une position confortable. Le bateau a à peine quitté le port que je constate que je me suis assis du mauvais côté: je ne pourrai pas voir la ville. Bah, tant pis. Le vieux lion qui en a vu d’autres ferme les yeux et commence à perdre la carte… jusqu’à ce que la voix d’un bénévole le sorte de sa torpeur.

La raison ?  On nous annonce que nos choses doivent absolument être transportées dans un sac transparent pour avoir le droit de pénétrer dans le village des athlètes. Donc, pour ceux qui seraient pris avec un sac opaque, ils en fournissent qui sont « légaux ». Wow, on peut dire qu’ils n’ont pas oublié grand chose dans l’organisation… Je regarde tout autour, observe les gens. Certains sont nerveux et jasent beaucoup, d’autres cognent des clous comme moi. Côté habillement, certains portent l’ensemble plastifié qui était vendu 10$ à l’expo-marathon, mais la plupart ont fait comme moi et ont apporté leurs choses pour se protéger du froid durant l’attente.

La traversée dure quoi 20, 30 minutes ?  Je ne sais pas trop. À la sortie du bateau, la cohue se dirige vers la sortie. Partout on voit des policiers, des agents de sécurité et des bénévoles. Nous passons devant une fille complètement ivre qui engueule un policier. Personne n’y porte attention, comme si c’était normal. À la sortie, j’ai une autre indication que l’organisation n’a rien laissé au hasard: une très, très longue lignée de toilettes nous attend. Je mettrais ma main au feu qu’il y a plus de toilettes juste ici qu’au départ du Marathon de Montréal.

Nous arrivons aux navettes. Il y a des autobus à perte de vue. Celui que j’emprunte n’est pas aussitôt rempli qu’il s’ébranle, comme si nous étions si pressés. Commence alors un long viraillage sur Staten Island que je ne connais pas du tout. Au bout de 10 minutes, je crois reconnaitre un endroit. C’est certain: nous sommes revenus au point de départ, tout près de l’arrivée du traversier !  Hiiii, pas rassurant !  Va-t-on arriver au village des athlètes pour 9h40 ?

Le soleil commence à se lever tranquillement, mais le ciel est couvert. Pour la course, ça ne me dérange vraiment pas, mais j’aurais volontiers accepté du soleil pour l’interminable attente.

Pendant le trajet, comme je n’ai rien d’autre à faire, je regarde dehors. Je n’ose imaginer les frais en temps supplémentaire que cette journée peut coûter au NYPD. Des policiers, des policiers, encore des policiers. Et que dire des résidents qui sont pognés avec toutes ces rues fermées… seulement pour laisser passer les navettes. Ça doit être l’enfer pour eux.

L’autobus s’arrête, le monde se lève, les portes ouvrent… et personne ne sort. En fait, ça sort extrêmement lentement. La raison: une autre fouille et, une première pour moi à l’extérieur d’un aéroport, le détecteur de métal. Chaque coureur, un à un, est passé au détecteur. On ne lésine vraiment pas sur la sécurité. J’espère qu’ils vont laisser faire pour la fouille à nu. J’ai beau ne pas être pudique, il me semble que ce serait un petit peu exagéré…

Une fois passé la sécurité, constatation brutale: le vent s’est levé et il fait maintenant un froid de canard. Je regarde l’heure: 6h30. Ha ben bout de viarge: il me reste autant de temps à attendre la course que sa durée ! Par ce froid ?  Ça va être tellement plaisant… Heureusement, je n’ai pas lésiné sur les vêtements supplémentaires.

J’arrive au village des athlètes. “Village”, je devrais plutôt dire “ville”, ouais !  Je suis assigné au village Alberto Salazar (il a gagné 3 fois ici), le bleu (il y en a un vert et un autre orangé). Dès que j’y entre, je commence à entendre des annonces qui guident les coureurs. Et ces annonces se font en plusieurs langues, dont le français. Je ne peux pas parler pour les autres, mais le français utilisé y est impeccable. Peut-être ont-ils engagé des traducteurs de l’ONU ?  En tout cas, c’est la grande classe !

À ma droite, que vois-je ?  Hé oui, encore une longue rangée de toilettes, gracieuseté de la compagnie “Royal Flush” (ça ne s’invente pas !). Et personne qui attend. Pourtant, il y a énormément de monde déjà arrivé. J’en profite donc pour aller faire mon numéro deux d’avant-course. En entrant, je constate une chose: mon cabinet n’a de royal que le nom: je situerais son état entre le quelconque et le douteux. On voit qu’il a beaucoup servi: le siège n’a plus de lustre et l’urinoir est usé (oui, oui, usé) à force d’avoir reçu des offrandes. Mais bon, vaut mieux une vielle toilette libre qu’une toilette toute neuve et occupée avec 100 personnes qui attendent, pas vrai ?

Quand je ressors, je me dirige vers l’un des chapiteaux tout près. Les côtés sont refermés par de grands plastiques pour protéger du vent les gens qui se trouvent à l’intérieur. Regard furtif à l’intérieur: pas un pouce carré de libre. Bon, va falloir trouver un autre spot. Juste à côté, on retrouve un véritable convoi de camions UPS. Ce sont eux qui se chargeront de ramener nos affaires à l’arrivée. Je regarde l’horaire: pour la première vague, le dépôt de sac commence à 8h10 et se termine à 8h40. Quoi ?  Il faut laisser nos affaires une heure avant le départ ?!?  Et nous, on va geler comme des cretons pendant tout ce temps ? Sont malades ou quoi ?

Bon, il me reste tout de même énormément de temps, alors aussi bien essayer de se trouver un endroit à l’abri du vent pour commencer la véritable attente. Je continue donc ma progression dans le village pour tomber, ho surprise, sur une autre forêt de toilettes. Tiens, des gens de Dunkin’ Donuts qui distribuent des tuques, bonne idée. Elles sont laides (aux couleurs de Dunkin’ Donuts…), mais ça risque d’être pratique. Je me trouve un espace libre dans l’herbe et m’installe, la tuque me servant de protection comme la fraicheur du sol.

Fort de l’expérience de Boston, j’ai prévu le coup: j’ai amené un livre. Je commence donc ma lecture en mâchouillant un bagel. C’est que le froid commence vraiment à s’installer… J’enfile ma dernière pelure, un chandail laid au possible. Mais au bout d’un certain temps, ça ne suffit plus, alors je me dis que je vais continuer à déambuler, question de me réchauffer un peu. Quitte même à passer quelques minutes dans une toilette. Après tout, il n’y a pas meilleur abri.

En faisant ma tournée, je remarque une chose: il n’y a personne aux kiosques de bouffe et d’eau, mis à part celui de Dunkin’ Donuts qui distribue du café. À celui-là, je ne sais pas pourquoi, mais il y a une longue file d’attente…  😉

J’arrive au couloir de départ. C’est véritablement un couloir, barricadé des deux côtés avec plusieurs entrées distinctes qui sont surveillées par des gens de la sécurité. Je cherche mon entrée, soit celle qui accueillera les coureurs dont les numéros sont compris entre 7000 et 8999. Autre surprise: pour les coureurs de la première vague, il ouvre à 8h20 et ferme à 8h55. Quoi ?  On devra être rentrés dans le couloir 45 minutes avant la course ?  C’est quoi cette affaire-là ?  Quand on pense que dans la grande majorité des courses, personne n’est même arrivé 45 minutes avant le départ…

Après m’être réchauffé quelques minutes dans une toilette (ben quoi, les gens ne pouvaient pas savoir ce que je faisais et il n’y avait personne qui attendait de toute façon) je me sens mieux: j’ai arrêté de grelotter. J’entends les annonceurs nous dire que les camions UPS sont maintenant ouverts, alors je décide d’y aller. Chemin faisant, je songe à mon habillement pour la course. Il fait définitivement trop froid pour le kit de base short – t-shirt, alors je vais faire comme à Philadelphie: porter mon fidèle coupe-vent rouge par-dessus et enlever les manches en cours de route au besoin. Ça avait marché dans le temps, pourquoi pas aujourd’hui ?

On annonce l’ouverture des couloirs. Bon ben, va falloir y aller. En plus, comme il y a des toiles, peut-être sera-t-on à l’abri, qui sait ?  Car à part mon imperméable jetable, je serai habillé comme durant la course pour les 75 prochaines minutes…

Une photo avant de partir ?  Pourquoi pas, pendant qu’on a encore le sourire…

NewYorkAvantDepart

Photo prise avant que je décide d’envoyer promener la règle qui demande que le dossard soit apposé sur le torse. Il fera la course sur ma cuisse gauche, là où je préfère qu’il soit.

Miracle, je ne me fais pas fouiller avant d’entrer dans le couloir, j’ai seulement à présenter mon dossard. Une fois à “l’intérieur”, qu’est-ce qu’on retrouve ?  Hé oui, encore des toilettes. Décidément…  En plus, ils ont tout prévu: il y a même des paquets de 16 rouleaux un peu partout, question que personne ne manque de choses essentielles. Ils n’ont vraiment lésiné sur aucun détail.

Je réussis à trouver un endroit pour m’asseoir et… attendre. J’essaie de tuer le temps en observant les gens. Il y en a qui tournent en rond, s’échauffent (une heure avant la course, vraiment ?). Certains parlent, rient. Et d’autres, comme moi, ne font rien. Les plus faciles à remarquer dans notre groupe sont définitivement les trois amis français qui portent tous un chapeau sur lequel est monté une Tour Eiffel tricolore en peluche. Ils semblent avoir beaucoup de plaisir: ils prennent des photos, cherchent des concurrents aux couleurs d’autres pays, rient beaucoup.

Après un certain temps, l’un d’eux fait remarquer aux autres qu’ils sont les seuls à avoir utilisé l’astuce pour les lacets. Je regarde et effectivement, leurs lacets semblent tenir avec un bidule étrange. Je demande à Jean-Yves (son prénom est écrit sur son chapeau) de quoi il s’agit. Au départ, il semble étonné que je parle français (son expression me laisse croire qu’il se demande s’il n’a pas fait des blagues à mon sujet sans savoir que je comprenais), puis se met à m’expliquer que ce sont des bidules qui se trouvent dans n’importe quel magasin de tissus ou sinon, sur les “caoués”.

Des caoués ?  De quessé ?  “Oui, vous savez, les manteaux de sport…”. Hein ? Des caoués ?  Puis j’allume: des K-way !!!  Effectivement, c’est le genre de bidule à ressort qui pourrait très bien servir à serrer des lacets rapidement. Hum, intéressant. Puis mon nouvel ami se met à me raconter que pour les gels, il les met dans une bouteille et y ajoute de l’eau, question qu’ils puissent s’avaler plus facilement. Ouais, bonne idée… Je vais essayer ça à la maison. D’autres trucs ? Pas pour le moment, il semblerait.

Depuis quelques minutes, les messages qui passent en boucle semblent avoir changé. On nous dit maintenant de faire tous nos besoins avant de partir (je sais, quand on fait de la course, on revient vraiment à la base et ça devient une véritable obsession) car « uriner sur le pont est non seulement désagréable (ils semblent ignorer que tout le monde sait tout de même comment se placer par rapport au vent, surtout les coureurs), mais dangereux pour les autres concurrents ». Dangereux, vraiment ?  C’est comme les pluies acides ? Faudrait pas exagérer ! « Les gens de l’organisation ont le droit de disqualifier toute personne ne respectant pas cette règle ». Ha oui ?  Je plains le pauvre chrétien qui va essayer de m’enlever mon dossard. Ça coûte 358 $ juste en inscription, on doit attendre des heures avant de partir et on se ferait disqualifier pour un petit pipi ?  J’aimerais bien voir ça.

Un coureur passe et demande à la blague si nous sommes Français. Je lui réponds qu’eux le sont, mais moi, je suis Canadien (je laisse tomber l’histoire de Québécois-qui-parle-français, c’est un peu compliqué pour nos voisins du sud). Réponse: “Ho yeah, Canadians are everywhere…”. Heu, ça veut dire quoi, ça ?  Pas certain que je veux avoir la réponse…

Tiens, l’équipe de pacing de 3h15 qui arrive. Car oui, ils sont deux, pas un seul. Comme ça, s’il arrive un pépin à l’un des deux, l’autre pourra finir. Ils ne laissent vraiment rien au hasard, ma parole. 8h55, les portes du couloir se ferment puis peu après, les banderoles entres les différentes sections sont enlevées et nous commençons à avancer. 45 minutes avant le départ ? Déjà ?  Se pourrait-il que nous partions plus tôt que prévu ?

J’allume mon GPS. Il demeure à la “page d’ouverture”. Ben voyons, pourquoi ne cherches-tu pas tes satellites, du con ?  J’attends. Rien. Je l’éteins, puis le rallume. Toujours rien. Merde, est-ce qu’il a choisi ce moment pour me laisser tomber ?  Je recommence le même manège, toujours rien. Et puis, va donc chier, maudit machin à la con !!!  Je le laisse allumé, au cas où il se réveillerait. Au fur et à mesure que nous nous dirigeons vers le Verrazano-Narrows Bridge, je commence à me faire à l’idée que je vais faire cette course “tout nu”, sans chrono. Et puis, ce ne serait peut-être pas la fin du monde après tout ?  Y aller juste au feeling. De toute façon, si je suis le(s) lapin(s), pas de souci, n’est-ce pas ?

Je me défais de mes dernières affaires dans les bacs prévus à cet effet, puis suis la marche vers le départ, 500 mètres plus loin. Nous nous arrêtons tout juste devant les cabines servant pour le péage à la sortie du pont. Nous partirons dans l’autre sens, en direction de Brooklyn. Des autobus à deux étages sont stationnés tout près, ce qui est parfait: ils nous serviront pour nous abriter du vent. Je ne sais pas qui sont les gens qui se retrouvent à l’étage supérieur. Des journalistes ?  Des dignitaires ?  Aucune idée.

L’annonceur nous apprend que le départ des élites femmes sera donné sous peu. Nous avons droit à un petit discours du maire Bloomberg, puis le départ est donné. Malheureusement, il y a trop de monde et je ne les vois pas partir. Dommage.

Bon plus « que » 30 minutes à attendre. La nervosité commence à se faire sentir tout autour et certains prennent le risque de se faire disqualifier en se soulageant là où ils peuvent, soit entre deux autobus. Oui, sous les yeux du chauffeur qui sourit à pleines dents. Il faut ce qu’il faut… À un moment donné, il se forme même une certaine file d’attente pour cet endroit, ça en est presque comique.

Le minutes durent maintenant des éternités. Ça vas-tu finir par finir, cette maudite attente-là ?  Le maire se lance dans un autre discours que je n’écoute pas, puis on nous présente les principaux concurrents. J’en connais quelques uns, dont le Kenyan Geoffrey Mutai, le champion en titre et l’Américain Meb Keflezighi, le gagnant de 2009. Je me demande si ce monde-là sèche ici comme nous depuis plus de 3 heures…  Au fait, comment sont-ils arrivés ici ?

Après tout le bla-bla, comme nous sommes dans les très patriotiques USA, une chorale d’enfants entame l’hymne national américain. Et le petit garçon qui chante le bout en solo tente de monter un petit peu trop haut pour son registre vocal et les fausses notes se mettent à se bousculer dans les haut-parleurs. Ouf, difficile pour mon oreille.

Bon ça y est, il est 9h40. Mon GPS a fini par se réveiller, ce qui fait bien mon affaire. Dans quelques instants, ce sera enfin vrai. Il me semble tellement loin ce jour de mars 2010 où, pour la première fois, je me suis inscrit à la loterie afin de participer à ce fameux marathon. À l’époque, mon record personnel était de 3h38 et je pensais sérieusement que c’était ma meilleure chance de prendre part un jour à un grand marathon car Boston me semblait si loin… On peut dire qu’il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts depuis.

L’annonceur égrène maintenant les secondes pendant que je fixe le fameux Verrazano-Narrows Bridge…

Vraiment cheap

Avertissement: ce billet contient encore des propos négatifs concernant un événement d’importance au Québec. Nous préférons vous en avertir.

J’ai sursauté en lisant ceci ce matin: les 12 coureurs et coureuses qui se sont mérité une bourse lors des différentes épreuves du Marathon de Montréal n’ont pas encore reçu un sou de la part de Competitor Group, la compagnie américaine propriétaire de l’événement.

En effet, en date d’aujourd’hui, aucun chèque n’a encore été émis. Dans le genre faire « ti-coune », c’est dur à battre. Il n’y a pas à dire, ces gens-là ont un véritable talent: ils réussissent à faire parler en mal d’eux même si ça fait plusieurs semaines que la course est chose du passé. Avouez qu’il faut le faire ! Déjà que lesdites bourses avaient été réduites à des montants dérisoires, ils ont maintenant le culot de retarder les paiements. Émettre des chèques, est-ce si compliqué ?  S’ils sont assez gratteux pour ne pas les donner sur place, la moindre des choses serait de les envoyer par la poste. Ne venez pas me dire qu’ils n’ont pas les adresses des gagnants, chaque coureur doit fournir la sienne avec son inscription.

Selon l’article, le journaliste de La Presse a contacté un représentant de Competitor Group qui a dit qu’il allait vérifier la cause des délais. On dirait que ça a fait bouger les choses car une quarantaine de minutes plus tard, les boursiers recevaient par courriel un formulaire à remplir pour de pouvoir recevoir leur bourse. Quoi, un formulaire pour recevoir une bourse ?  Est-ce vraiment nécessaire ?

Pourtant, le tout se fait en trois étapes faciles: faire un chèque, le mettre dans une enveloppe, poster l’enveloppe. Si l’organisation du Vermont 50 l’a fait pour moi, cette grosse boîte à siphonner de l’argent est bien capable de le faire pour les 12 personnes concernées.

Ce soir, j’ai entendu David Savard-Gagnon, le gagnant du marathon,  à la radio. Pas très loquace, le gars. Pas du genre à crier haut et fort pour revendiquer ce qu’on lui doit. Mais il nous a tout de même appris une chose qu’on ne retrouve pas dans l’article: le gagnant de 2012 a dû attendre jusqu’en juillet 2013 avant de recevoir son argent. 10 mois de délais !

Vous devinerez que je trouve une telle situation scandaleuse. Et ce n’est pas pour améliorer la réputation de notre marathon. Après avoir écoeuré l’élite internationale « B » ou « C », ces gens-là se permettent maintenant de faire de même avec l’élite locale. Savard-Gagnon ou les autres n’attendent évidemment pas après cet argent pour vivre. Mais cette compagnie-là n’a-t-elle pas d’honneur ?  Le jour où le marathon se gagnera en plus de 3 heures parce que les meilleurs d’ici préfèrent aller se faire voir ailleurs, ils vont avoir l’air de quoi ?

Retenir les bourses dans l’espoir qu’elles ne soient pas réclamées (parce que ça ressemble vraiment à ça), je ne sais pas si j’ai déjà vu plus cheap de toute ma vie.