L’ultime ultra

Hier matin 9h, j’ai eu une pensée pour eux. Même chose à 11h, puis à 13h: ils partaient en trois vagues. Eux, ce sont les vrais de vrais, les fous (des folles aussi, il y a des femmes) comme je les appelle. Ils étaient 96 cette année à s’attaquer à la course considérée comme la plus difficile, la plus impitoyable de toutes: le Badwater 135. Le lien vers le site web de cet ultramarathon se retrouve sur cette page, sous la rubrique « Jamais dans 100 ans ».

Pour les non-initiés, cette course débute à 282 pieds sous le niveau de la mer à Badwater Basin, dans Death Valley en Californie et se termine 135 milles plus loin (soit 217 merveilleux kilomètres), au pied du mont Whitney, à une altitude de 8360 pieds. Non seulement ils ne se contentent pas d’organiser cette pure folie à l’endroit même où la température la plus élevée jamais atteinte dans l’hémisphère ouest a été enregistrée, ils le font en plein mois de juillet. Mais les organisateurs sont tout de même cléments: auparavant, la course se terminait au sommet du mont Whitney, 22 milles plus loin. Mais bon, comme cette montagne fait partie d’un parc, les autorités y interdisent désormais la tenue de compétitions. Les participants peuvent toutefois compléter la route s’ils se défont de leur dossard et ont les permis nécessaires. Et oui, il y en a qui le font…

Qui participe à ça ?  Des ultramarathoniens chevronnés, il va sans dire. Très chevronnés, même. Les athlètes désirant subir cette véritable torture doivent répondre à de multiples critères, tous bien décrits sur le site web de la course. Et détail non-négligeable: payer les frais d’inscription qui s’élèvent à 995$ américains.  Si on tient compte du fait que chaque athlète a habituellement deux équipes de support (chacun devant obligatoirement avoir une voiture qui le suit en permanence) et de toute la logistique reliée à la réalisation d’un tel exploit, ça me surprendrait beaucoup que ça revienne à moins de 10000 $ comme promenade dans le désert.

Les prix à gagner ?  Une belle boucle de ceinture à l’effigie de la course pour ceux qui l’ont terminée en moins de 48 heures. Oui, vous avez bien lu: il y en a qui prennent 48 heures pour faire ça. Deux journées complètes. Dans le désert, à plus de 40 degrés à l’ombre (et comme il n’y a pas vraiment d’ombre…). Pour une boucle de ceinture. Et moi qui les admire… Le gagnant ?  La même chose que les autres, à part le prestige d’avoir gagné. Pas un sou de plus.

J’ai lu toutes sortes d’histoires au sujet de l’entrainement que les participants s’imposent pour s’adapter au climat plutôt inhospitalier. Il y a écidemment le classique gars qui s’entraine avec un parka en plein été. Mais il y en a une qui m’a marqué plus que les autres. C’était un Canadien, donc pas vraiment habitué aux hautes températures, qui voulait se préparer pour cette course. Ce qu’il a fait ?  Il s’est construit une serre dans sa cour arrière et y a installé un tapis roulant. L’histoire ne dit pas s’il avait installé un séchoir à cheveux qui, pour imiter le vent désert, lui aurait soufflé de l’air chaud dans le visage. Tant qu’à y être… Quand j’ai raconté cette histoire à ma conjointe, elle s’est empressée de m’aviser que j’aurais droit aux papiers de divorce le jour où je bâtirais une serre chez nous. Un homme averti…

À l’heure d’écrire ces lignes, 25 coureurs ont terminé l’épreuve,  5 ont abandonné et 2 autres ont manqué la « coupure » imposée à 28 heures au mille 72. Ça veut donc dire qu’il reste encore 64 coureurs qui sont sur le parcours depuis… 32 à 36 heures. Je suppose bien qu’ils prennent des pauses de temps en temps, que certains vont probablement même piquer un petit somme, mais quand même… Cette épreuve me laissera toujours bouche bée.

L’homme aux multiples exploits, Dean Karnazes, probablement l’ultramarathonien le plus connu de la planète, était de la partie cette année pour la 10e fois. Il a terminé en 12e position, en 29:57:50. Le gagnant, l’Américain Mike Morton, était quant à lui une « verte recrue »: il a terminé en 22:52:55 à sa première participation. Comment un homme peut-il parcourir 217 kilomètres sur ses deux jambes, dans le désert, en moins d’une journée ?  Ça me dépasse… Ha oui, autre exploit: le bon vieux Marshall Ulrich, 61 ans, qui est encore sur la route. C’est seulement sa 21e expérience à Badwater…

Non chérie, je t’assure que tu n’auras pas à te taper un voyage dans la vallée de la mort un jour…  Pourquoi j’en parle alors ?  Ben, parce que ça me fascine.  J’ai le droit, non ?  🙂

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s