Ils l’ont attrapé…

J’avais écrit cet article il y a quelques semaines, suite à la capture de l’individu qui avait commis une tentative de meurtre sur une coureuse au mont St-Bruno. Je me suis dit que j’allais laisser un peu le temps passer et voir si, plus tard, j’aurais envier de le publier. Après l’avoir relu, j’ai décidé d’aller de l’avant. Alors le voici pour vous, chers lecteurs, en attendant le récit du Bromont Ultra…

J’éprouve un profond, très profond mépris envers cet individu.

Je veux bien sûr parler de celui qui a attaqué sans aucune raison une pauvre coureuse dans le parc du Mont St-Bruno le 2 septembre dernier. Maintenant que la police a réussi à lui mettre la main au collet, on en sait un peu plus sur ce qui s’est passé.

Je me demandais bien à quel endroit exactement cet acte de barbarie avait bien pu se dérouler, les sentiers du parc, de MON parc, étant pour la plupart assez passants, même les jours de semaine. En plus, comme ils sont dégagés, il est difficile de s’y cacher pour commettre un crime sans se faire voir.

Je n’avais pas pensé à la tour de télécommunications. Elle est située en haut d’une côte assez abrupte qui fait environ 600 mètres, isolée du reste du parc. Au mont St-Bruno, c’est le meilleur endroit pour « faire du dénivelé », comme on dit dans le milieu. Pas énormément utilisée les fins de semaine, je devine que cette bosse est encore plus tranquille le reste du temps. Bref, l’endroit idéal pour laisser aller ses plus bas instincts, surtout que la victime potentielle y arrivera probablement à bout de souffle.

En plus de mépriser cet être ignoble, je lui en veux. Profondément. Car non seulement il a grièvement blessé une femme qui ne faisait absolument rien de mal, bien au contraire, mais il a surtout semé un doute. Un doute dans l’esprit des femmes qui prendront des mois, des années même à se sentir à nouveau en sécurité dans ce lieu normalement si paisible. Certaines n’oseront plus jamais aller y courir seules, d’autres le feront avec une certaine crainte, jetant un regard inquiet à chaque homme ou chaque groupe d’hommes qu’elles rencontreront sur leur chemin.

De mon côté, je n’oserai peut-être plus sourire ou dire bonjour à une coureuse seule, question d’éviter qu’elle pense que, au cas où que…

Cet individu représente ce qui me répugne le plus dans ce monde : la violence, qu’elle soit physique ou psychologique, envers quelqu’un de plus faible, de vulnérable. Il n’en était pas à sa première offense, s’étant déjà attaqué à un enfant. Quelle lâcheté.

Heureusement, la providence ne l’ayant pas doté d’une grande intelligence, il été assez idiot pour s’incriminer. En plus, il a eu la brillante idée d’éparpiller des mégots de cigarettes autour de la scène de son crime, ce qui a permis de prouver sa présence sur les lieux. Mais au fait, quelqu’un pourrait m’expliquer pourquoi les fumeurs ont la maudite manie de garrocher leurs mégots un peu partout au lieu de les jeter dans une poubelle ?!?  Au moins, cette habitude rétrograde aura permis son arrestation.

Par bonheur, la dame a réussi à s’en sortir et elle dit même avoir hâte de retourner au parc pour reprendre son activité préférée. Je ne la connais pas, mais je l’ai probablement déjà croisée sur place. Je lui dirai simplement ceci : un gros, gros bravo, ma chère dame pour votre courage et votre détermination. Vous avez toute mon admiration. Ce serait un honneur de partager ces sentiers avec vous un de ces jours…

Le meilleur ami de l’homme: une question de respect

Lors de ma dernière incartade au mont St-Bruno (c’était avant les Fêtes, alors que la neige nous faisait l’immense privilège de ne pas se montrer le bout du nez), je suis allé aux nouvelles concernant l’avancement du projet-pilote qui devait permettre aux propriétaires de toutous d’amener leur compagnon lors de randonnées dans les sentiers du parc.

Le gentil préposé (ils ne le sont malheureusement pas tous) m’a donné le topo qu’il avait de la situation. Il semblerait que les discussions à ce sujet se poursuivaient, mais que ça ne regardait pas bien (c’était bien avant que cette nouvelle sorte cette semaine: le projet-pilote sera finalement mené dans trois parcs, mais pas dans mon parc). En fait, les responsables auraient entre autres consulté Parcs Canada et se seraient fait dire : « Ne vous lancez pas là-dedans ». En effet, l’expérience dans les parcs fédéraux, où les chiens sont admis depuis belle lurette, serait désastreuse, particulièrement au Québec. Les propriétaires laisseraient souvent leur meilleur ami seul au camping où celui-ci hurle à la lune, ne ramasseraient pas les « dépôts » laissés par leur animal, ne le tiendraient pas en laisse, etc. Bref, il y a des règlements, mais ils ne sont pas respectés.

Et le préposé d’ajouter : « Pour les anglo-saxons, le chien est un membre de la famille. Pour les francophones, c’est un animal de compagnie ».

Honnêtement, je ne pouvais être en désaccord avec ça. Partout où on va à l’extérieur du Québec, les chiens sont admis et ça ne fait aucun problème. Les propriétaires sont respectueux d’autrui, on n’entend jamais un chien hurler parce qu’il est abandonné et ça ne m’est jamais arrivé de me retrouver à avoir à défendre Charlotte contre un chien « qui n’est pas méchant » comme ça arrive si souvent ici quand le cabochon qui laisse son chien libre n’est pas foutu d’avoir le moindre contrôle dessus. Je ne me fâche pas souvent, mais c’est arrivé quelques fois de me mettre en colère contre ledit (ou ladite) cabochon(ne ?).  Car, chacun le sait : il n’y a pas de mauvais chiens, seulement des mauvais maitres.  Je me disais : les anglos, ils l’ont l’affaire.

En effet, ils considèrent leur chien comme un membre de la famille, donc il ne peut pas y avoir de problème, non ?  Ce que je pouvais me tromper. J’avais oublié un léger détail : il arrive que les « enfants » soient mal élevés par leurs « parents »…

Je vous raconte. J’étais avec Pierre, qui me faisait découvrir sa « tournée des trois sommets », qui m’intriguait beaucoup. Avec ma connaissance limitée de la Ville, pour moi, il n’y avait qu’un sommet : celui du Mont Royal. Hé non.

Donc, après nous être envoyés la rue Clarke, un vrai mur digne d’un ultra (les habitués savent de quoi je parle), nous nous sommes dirigés vers le premier sommet, le Westmount Summit. Tout en haut, un parc avec des sentiers enneigés. C’est vraiment chouette comme endroit, une belle place pour amener Charlotte que je me disais.

Un chien sans laisse est venu à notre rencontre. Déjà, les propriétaires avaient perdu un point dans mon esprit. Et je n’aimais pas beaucoup son comportement. J’adore les chiens et je sais généralement reconnaitre ceux qui peuvent potentiellement ne pas être commodes. Il y en a même un que je rencontre régulièrement au Mont Royal qui porte une muselière et pourtant, il se couche à mes pieds quand il me voit.

Mais celui-là… Il est allé voir Pierre en sautillant, puis est venu à moi avec son comportement bizarre, avant de poursuivre son chemin. Bon, fausse alerte, mais bien content de ne pas avoir eu Charlotte avec moi. Nous n’avions même pas fini de parler de son comportement douteux quand nous avons croisé un couple d’environ 70 ans dont le chien était… sans laisse bien sûr. Décidément…

Celui-là semblait plus enjoué qu’autre chose, mais il était tellement « enjoué » qu’il a voulu s’emparer de la mitaine de Pierre. Ou lui mordre la main, ce n’était pas clair. Mon partner a immédiatement perdu son sourire et s’est adressé au couple : « Hey, il m’a mordu vous savez !?! ». Le monsieur tentait de rappeler son chien. Sans succès, bien évidemment. Celui-ci est plutôt revenu à la charge, prenant une autre «joyeuse» mordée dans le postérieur de son nouveau « jouet ». « Hey, il m’a encore mordu !!! »

C’est à cause des gens comme ça que les chiens sont interdits à peu près partout. Ce qui fait que les propriétaires respectueux, comme nous, payons pour les autres. Encore. Nous étions maintenant deux à chialer. Le monsieur et la dame nous regardaient, sans vraiment nous entendre. Après un petit moment, le chien a fini par finir par se rapporter. J’ai cru percevoir un mot d’excuses, mais je n’en suis même pas certain. En fait, j’ai senti que ces gens nous regardaient avec un certain mépris. Comme les parents d’un enfant gâté qui se fait rabrouer par des étrangers.

Nous sommes repartis. Nous n’avions pas fait 10 enjambées que le monsieur s’est remis à rappeler son chien. Malgré l’incident, son incontrôlable cabot n’était toujours pas en laisse et il était reparti à nos trousses. Ils avaient seulement fait semblant de l’attacher. Est-ce que ces imbéciles attendaient qu’il morde un enfant ?  Mon sang n’a fait qu’un tour. Je ne retranscrirai pas ici les mots exacts que j’ai utilisés, car ils n’étaient vraiment pas jolis. Je pense que même le chien a eu peur de se faire mordre.

Heureusement, Pierre n’est pas comme moi : il se défâche assez rapidement et après 5 minutes, nous n’en parlions plus. Nous avons poursuivi notre route et fait les 2 autres sommets, tel que prévu.

N’empêche, j’adore les chiens et ce qui s’est passé m’a mis hors de moi. J’imagine à peine comment se serait sentie une personne qui n’apprécie pas la gente canine. La vie en société est basée sur le respect, une notion qui semble échapper à certaines personnes…

D’autres petites vites de janvier

Le « froid » abitibien, suite et fin – Je sais, j’en fais une obsession. Que voulez-vous, quand on passe des semaines et des semaines dans une région, on finit par trouver que les gens de la place exagèrent un tantinet quand ils parlent de leur coin de pays. Et dans le cas qui me concerne, quand ils font référence au fameux « froid » abitibien. « Il fait frette en Abitibi ! » qu’ils se plaisent à répéter ad nauseam. Ha oui ?

J’en avais déjà parlé, je trouvais que c’était largement exagéré. Mais je me disais que je n’avais pas testé des vraies conditions de janvier. Hé bien voilà, c’est maintenant fait. Mardi de la semaine dernière, coup d’œil à la météo: -22 degrés, -28 degrés ressentis. Ok, ce n’étaient pas les -40 qui font la « fierté » des très sympathiques habitants de la région, mais quand même.

Comme par défi, j’ai décidé de m’habiller pour l’équivalent de -15 ou -17 degrés à Montréal. Premier constat : je me demande bien comment on peut « ressentir » 6 degrés de moins que la température réelle quand le vent ne souffle même pas assez fort pour savoir de quelle direction il provient !  Deuxième constat : après 3 minutes, je me suis rendu à l’évidence: deux épaisseurs au niveau des mains, c’est définitivement trop: j’avais chaud ! J’ai donc poursuivi avec une simple épaisseur, faisant même des bouts les mains à découvert, moi qui gèle très facilement de cette partie du corps (de d’autres parties aussi, mais ça, c’est une autre histoire ! :-)).

De retour à l’hôtel, le préposé à l’accueil m’a demandé si ce n’était pas trop froid pour courir. Trop froid ?  Pfff !!!

(Note: c’est ce soir-là qu’un propriétaire de dépanneur de Rouyn-Noranda a fait feu sur des jeunes qui tentaient de voler son commerce. Par chance, je n’ai pas couru dans ce quartier ce soir-là, le trouvant trop monotone. Mais je suis souvent passé devant ledit dépanneur…)

On n’a plus les préparations qu’on avait – En préparation d’un marathon, j’avais jadis l’habitude de faire le demi Scotiabank et parfois les 20 km du Tour du Lac Brome. Ça me permettait de me tester côté vitesse et de voir si la fatigue commençait à se pointer le bout du nez une fois rendu à l’équivalent de la mi-distance.

Arrive 2015, j’ai deux 100 miles au programme. Pas pour commencer ma saison avec une telle course drette en partant, comme on dit. Il y a bien les 50 miles de Bear Mountain, un classique pour les coureurs d’ici, mais à deux semaines de Massanutten, je trouvais ça un peu serré. J’ai donc jeté mon dévolu sur une autre course de la série The North Face Endurance Challenge, soit celle de Washington. Quatre semaines avant le premier grand rendez-vous de la saison, je trouvais que cette épreuve était vraiment bien placée dans le calendrier. En plus, ça va nous donner l’occasion de visiter une ville qui nous est inconnue.

Une fois l’inscription complétée, je me suis rendu compte du ridicule de la situation : après avoir fait une seule fois un 100 miles dans ma vie, je considère maintenant 50 miles (ce sont 80 foutus kilomètres ça !) comme une « préparation »… alors que je n’ai finalement fait cette distance que deux fois !   Calv… On n’a plus les préparations qu’on avait !

Le grand retour – Dimanche, température froide, vent à écorner un boeuf. Vraiment, mais vraiment pas le goût de me taper les rues en zigzagant pour « contourner » le maudit vent. Disons que je commence à en avoir soupé des petites rues toujours recouvertes du verglas qui nous est tombé dessus au début du mois.

Je sais que Pat ne comprend comment je peux faire pour courir aussi longtemps là-bas en hiver, mais j’ai décidé d’effectuer un grand retour dans mon terrain de jeux: le mont St-Bruno. Ok, il n’y a que 2 pistes totalisant 6 km d’ouvertes pour la course. Ajoutez à ça un 7-8 kilomètres pour aller faire le tour du lac Seigneurial et bon, il faut tout de même repasser à quelques reprises aux mêmes endroits si on veut accumuler une distance appréciable.

Mais je m’en fous. J’étais dans le bois, à l’abri du vent. Je pouvais enfin recommencer à faire quelques montées-descentes, travailler mon jeu de pied pour contourner les arbres, respirer l’air pur. Haaaaa…

Le vidéo, quelques semaines plus tard – Pour ceux qui ne l’auraient pas déjà vu, voici le très beau vidéo officiel de la fin de semaine du dernier Bromont Ultra. Mon bout préféré ?  À 00 :57, quand un père souhaite bonne chance à son fils peu avant le départ de la plus belle course de sa vie. Avertissement cependant: ne clignez pas des yeux, vous risquez de le manquer !

 

Bromont Ultra: la première grand boucle

Suite à la course, un coureur bien connu m’a demandé (je ne suis pas certain que c’était à la blague :-)) combien de tomes aurait le récit. Je m’étais promis d’être plus concis dans mon histoire. Mais que voulez-vous, quand on a du Paul houde dans le nez… Voici donc la première partie de mon premier 100 miles, le Bromont Ultra.

Sections 1 et 2 : départ à ravito 2 (Versant du Lac, 13k)

Le départ est donné. Voilà, c’est parti : devant moi, le plus grand défi de ma « carrière » de coureur. 160 kilomètres, 100 miles à pied. On dirait que c’est trop gros pour que je me donne la peine de le réaliser.

Après un petit bout dans l’herbe détrempée du matin (on a déjà les pieds mouillés, ça commence bien), nous rejoignons le sentier C1 qui fait pour ainsi dire le tour de la montagne. Je me tiens dans le dernier tiers du mini-peloton et malgré tout, le premier kilomètre est parcouru en 5:10. Devant, Jeff s’est déjà envolé et je devine Joan pas loin derrière lui.

Assez rapidement, on se tape une plutôt longue montée. Je m’étonne de voir presque tout le monde la faire en courant. Malgré mes pulsions compétitives, je m’astreins à la marche. Pas question de brûler des cartouches si tôt dans la journée. De toute façon, je recolle dans la descente juste avant d’entrer dans le premier single track.

Comme on n’est pas nombreux (31 au départ), l’étroitesse du sentier ne pose pas problème. En tout cas, pas pour nous. Je ne dirais pas la même chose des vélos de montagne qu’on croise, par contre. Eux se demandent sérieusement s’ils vont être capables de pratiquer leur sport favori aujourd’hui. C’est que… on n’est pas beaucoup, mais on risque d’être là pour un petit bout, par contre !

Côté alimentation, vu que ça avait très fonctionné à Harricana, j’ai décidé d’utiliser la même stratégie ici : un gel à toutes les 30 minutes ou à peu près. Sans caféine pour les premières heures, avec caféine à partir de la tombée de la nuit. Je compte compléter le tout avec ce que je pourrai trouver dans les stations d’aide : patates bouillies, bretzels, bananes et éventuellement, des sandwichs… si le cœur m’en dit. Car il semblerait qu’à un moment ou un autre, c’est immanquable : le système digestif lâche et on n’a plus le goût de rien. Ça, c’est dans le meilleur des cas. Dans le pire, on retourne la marchandise.  Et vous me demandez pourquoi je fais des ultras ? Heu…

La course se décante et je me retrouve à partager les sentiers avec Pat, Louis et Pierre-Olivier, un tout jeune homme qui court avec le coupe-vent orange-flashant de Boston et abhorre même un tatouage du logo du plus vieux marathon du monde sur un mollet. Et quand je dis jeune, je n’exagère pas : il a seulement 22 ans !  Louis, qui en a 39 (mais qui semble en avoir 10 de moins), taquine Pat en disant qu’il est deux fois plus vieux que notre compagnon de course. C’est que moi aussi, j’ai le double de son âge !  Merde, je cours avec un gars qui pourrait littéralement être mon fils !  Ça y est, le poids des années me tombe dessus, avant même que la première heure de mon premier 100 miles soit complétée. Ouch !!!

On jase de nos courses précédentes, de nos lieux d’entrainement. Louis et Pat sont des vétérans aguerris, j’ai bien l’intention de demeurer avec eux un petit bout. Quant à Pierre-Olivier, il est un coureur rapide sur route (duh !), ayant fait 2h57 pour se qualifier pour Boston. Par contre, c’est un néophyte dans le monde des ultras : c’est son premier. Hiiiiii, 22 ans, premier ultra et il fait un 100 miles ?  Bonne chance mon gars !

Louis raconte à Pierre-Olivier qu’il devrait connaitre Pat parce qu’il est acteur et qu’il a joué dans plusieurs séries télévisées. Notre jeune compagnon répond qu’il n’écoute pas la télé. Pat ajoute : « Moi non plus ! », ce qui nous fait bien rire. Je ne peux m’empêcher d’ajouter mon grain de sel : « Moi, je n’écoutais pas Destinées, mais j’ai vu La marraine… C’était justement la marraine que je trouvais intéressante». Bon, on dirait que Louis non plus n’a pas vu La marraine…

Premier relais (Cercle des Cantons, kilomètre 7), un petit chapiteau et une table vide nous attendent. Aucune âme qui vive, pas la moindre goutte d’eau. Bof, on s’en fout un peu. On croise toutefois deux personnes qui courent en sens inverse dans le sentier une centaine de mètres plus loin. Seraient-ce les bénévoles qui sont en retard ?

Arrive la première montée d’une pente de ski. Pat nous laisse aller. Louis, qui le connaît très bien, nous dit que c’est souvent comme ça : ils font les premiers kilomètres ensemble, puis il se détache. Pat finit par le rejoindre une dizaine d’heures plus tard, ils font un autre bout ensemble… jusqu’à ce qu’il parte et finisse devant lui. Ça ne m’étonne pas. La fois où on a couru ensemble, Pat m’a impressionné par sa régularité. Un vrai métronome… qui disait bonjour à tout le monde qu’on croisait. Je m’attends donc à le revoir.

Dans la section nous amenant au premier ravito complet, Louis nous raconte ses expériences : Virgil Crest, Bighorn, Wasatch, Rocky Racoon. Il lui est déjà arrivé de lire dans un guide des coureurs ce qu’il fallait faire en cas de morsure par un serpent à sonnette. Il lui est aussi déjà arrivé de passer une nuit entière à craindre qu’un cougar lui saute sur la nuque. Personnellement, je trouve ça super intéressant, mais je me demande ce que notre jeune ami en pense. On dirait qu’il a l’air intimidé…

Sections 3 et 4: ravito 2 (Versant du Lac, 13k) à ravito 4 (Ironhill, 24k)

En quittant le ravito, nous savons ce qui nous attend. En fait, les deux vieux routiers le savent, mais le jeune, pas certain… Devant nous, des montées infernales. Techniques, abruptes au possible. « Un parcours qui peut se faire en courant » qu’ils disaient. Yeah right !  Comment courir dans une face de cochon, voulez-vous bien me dire ?  Quand on doit tirer sur les racines des arbres (oui, sur les racines !) pour réussir tant bien que mal à se hisser en haut… Je n’ose m’imaginer ce que ça aura l’air la nuit. Bah, on verra plus tard, une chose à la fois comme on dit.

S’ensuit une descente, hyper technique comme il se doit. Puis, un petit bout plus roulant. Bah, pas si pire finalement. C’était ça, votre fameuse « lobotomie » ?  Bof… Louis sort le parcours de ses affaires. Il s’avère que nous venons de nous farcir les hors-d’œuvre. Le plat de résistance est à venir.

La montée suivante est tout simplement infernale. À certains endroits, je doute même être capable de me hisser tellement c’est dur. On fait de l’escalade ou quoi ?  Celle-là, elle est de notre compagnon qui commence à la trouver moins drôle, on dirait. « Pis, les côtes à Boston, est-ce qu’elles étaient si dures que ça ? » que je lui lance. Pas de réponse.

Après une ou deux éternités, nous arrivons entre les deux oreilles du cochon. Maintenant, je vais comprendre pourquoi ils appellent la prochaine descente la lobotomie: quelqu’un qui fait ça en courant est forcément passé chez son neurochirurgien récemment. Je suis constamment sur les freins, craignant un emballement et une éventuelle rencontre avec un arbre. Ou une roche. Ou les deux. À certains endroits, c’est mon postérieur qui sert d’équipement de glisse. Mes compagnons, bien que plus habiles que moi, n’avancent pas tellement plus vite. Finalement, les descentes très difficiles m’avantagent peut-être car elles ont effet de nivellement par le bas. Je ne m’en plaindrai certainement pas.

Juste avant d’aboutir (enfin !) sur un chemin de terre, Thibault, équipé de bâtons de marche, nous rejoint et c’est à quatre que nous arrivons au relais rue Knowlton (18e kilomètre) qui est constitué d’une table, d’un petit chapiteau et de trois cruches de 5 gallons de type Coleman. That’s it. Je m’accroupis et avale quelques gorgées d’eau à même la champlure. À la guerre comme à la guerre.

Devant nous, 19 kilomètres de chemins de campagne.  J’avoue que ça ne me fera pas pleurer d’enfiler un peu les kilomètres. Des fois, c’est décourageant de ne pas avancer quand on est dans le technique jusqu’au cou, alors un peu de route fera du bien. C’est en nous suivant sans vraiment nous suivre que nous évoluons tous sur cette route bien dégagée.

Dans une montée, Louis se met à la marche. Pierre-Olivier fait de même, mais se fait distancer peu à peu. Je le rejoins et une fois arrivé à sa hauteur, il me glisse : « Vous marchez vite !». Bon, première affaire le jeune : j’espère que le « vous » s’adresse à Louis et moi, parce qu’il y a des limites à se faire traiter de vieux !  Et de deux, qu’est-ce que tu veux que je te dise ?  Cours si tu trouves qu’on marche trop vite !

Ben non, je ne suis pas méchant à ce point-là… Je ne fais que lui dire que c’est comme autre chose, ça vient avec la pratique. Et effectivement, Louis marche vraiment vite !

Le ravito Ironhill (kilomètre 24) est installé dans le garage d’un particulier qui a eu l’immense gentillesse d’offrir sa propriété à l’organisation. J’entendrai même dire plus tard qu’il était sur place durant la nuit pour prêter main forte aux bénévoles. Comment peut-on être aussi gentil et ne pas être canonisé ?

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Le vétéran amène les deux recrues au ravito Ironhill, kilomètre 24

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La « recrue » de 44 ans qui a encore le sourire…

Mon père est sur place (je lui avais dit de laisser faire pour le ravito du 13e kilomètre, je ne prévoyais pas avoir besoin de quoi que ce soit), je vais pouvoir remplir mon réservoir pour la première fois.

Plus facile à dire qu’à faire. Prenez un homme qui a un bras dans le plâtre (mon père) et mettez-le en équipe avec un autre qui a les mains pleines de pouces et qui ne sait plus lesquels utiliser (ça, c’est moi). Bref, le gazon se retrouve engraissé de quelques onces de GU Brew, mais au final, j’ai à nouveau deux litres dans mon dos, près pour un autre bout.

Sections 5 et 6 : ravito 4 (Ironhill, 24k) à ravito 6 (Parking 7, 38k)

En sortant du garage, nous sommes dirigés vers l’arrière de la propriété, puis dans un sentier tracé en pleine forêt. Et ledit sentier est bouetteux à souhait. Mais c’est quoi cette affaire-là ?  On n’était pas supposés faire de la route pendant 19 kilomètres ?  Elle est où, notre belle route en terre ?!?

Je n’ai même pas terminé de chiâler que je la retrouve, ma route en terre. Louis et Pierre-Olivier sont devant moi, ayant quitté le ravito plus rapidement. Mais quand je vois Louis s’éclipser dans le fossé, pas besoin d’un dessin pour comprendre ce qui lui arrive !  😉

Le chemin est vallonné, les paysages seraient magnifiques… si les nuages n’étaient pas si menaçants. Un qui ne semble pas trop apprécier le paysage, c’est notre jeune ami bostonnais. Je le rejoins au creux d’un vallon et comme je passe à côté de lui, il me confie qu’il va prendre ça relaxe. C’est qu’on est dans un bout roulant, il devrait nous bouffer tout cru, vue sa pointe de vitesse. Et pourtant non. Preuve qu’un ultra et un marathon, ce sont deux choses bien différentes. Je commence à sérieusement mettre en doute ses chances de terminer.

Semblant totalement immunisé contre la fatigue, Thibault poursuit son petit bonhomme de chemin. Je joue un peu au yoyo avec lui, mais au bout d’un certain temps, je me résigne à le laisser aller. Il semble si « facile », je ne suis définitivement pas dans sa classe aujourd’hui.

Après un ou deux kilomètres sur l’asphalte, je me retrouve au relais du kilomètre 33 situé sur les bords du lac Bromont, où Barbara et mon père m’attendent. Encore un relais avec des 5 gallons sous des petits abris. Et heureusement qu’on les a, ces abris, car il pleut maintenant. Est-ce ma douce moitié qui a amené la pluie, comme pour nous rappeler ce merveilleux souvenir du Vermont 50 2012, mon premier ultra ?  Ça ne m’empêche pas de lui faire mon plus beau des sourires et de l’embrasser avant de repartir avec Louis qui m’a rejoint (et qui est définitivement plus rapide que moi pour « faire le vide ») !).

À la fin d’une montée assez corsée, nous nous retrouvons à l’intersection du chemin de Irlandais et O’Connor. Je me demande bien de quelle origine étaient ceux qui se sont établis ici… 😉  Dans le genre cliché, c’est dur à battre !  Pourquoi pas une intersection chemin des Écossais et MacLoed ?  Chemin des Vietnamiens et Nguyen ?  Chemin des Suédois et Johansson ? (Vous avez compris le concept…)

Je garde toutefois mes observations pour moi, mon partner ne me connaissant pas vraiment, il pourrait croire que je suis en train de délirer. En fait, peut-être que je délire tout le temps, qui sait ?  Toujours est-il que nous entrons ensemble dans une section qui ressemble beaucoup au mont St-Bruno : c’est large, roulant. Vraiment plaisant. Malheureusement, Louis est pris d’une autre attaque intestinale et doit encore s’arrêter. Je le plains, c’est tellement déplaisant quand ça nous prend…

Arrivé près la base des pentes de ski, j’aperçois un coureur au loin qui semble avoir raté un virage. Je crie à des passants de lui indiquer qu’il s’est trompé, ils me répondent qu’il est déjà entré dans le bois. Bah, tant pis. Peut-être se retrouvera-t-il. Je ne suis tout de même par pour courir après lui…

Je m’enfonce donc seul dans une petite section technique et juste assez rock’n’roll avec la traversée d’un ruisseau, des sentiers étroits et des enchaînements montées-descentes très plaisants. La course en sentiers à son plus pur.

Mon équipe m’attend à la station de ski (kilomètre 38). Il tombe maintenant des cordes et mon humeur s’en ressent. Dans le bois, c’était correct, mais là… Courir sous la pluie en plein été, pas de problème. Mais aujourd’hui ?  Pas sûr. Les risques d’hypothermie sont bien réels et en plus, une pluie soutenue rendrait certains sentiers impraticables. Pour ajouter la cerise sur le sundae, j’aperçois le gars qui s’était « perdu » plus tôt en train de monter la pente sous les télésièges à la sortie du poste de ravitaillement.

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En arrivant au ravito Parking 7, l’humeur devient maussade. Si ce n’était de la présence de mon père en arrière-plan, on ne devinerait pas la pluie. Et pourtant, elle tombe…

Ha ben sacrament !  Le gars a pris un raccourci. Que ce soit volontaire ou non (je doute que ce le soit), la seule raison pourquoi il est devant moi est qu’il a fait moins de chemin que moi, un point c’est tout. Et pendant que je rumine, un autre coureur arrive par le mauvais côté, mon père l’accueillant avec un « Tiens, un autre qui arrive du mauvais bord ! ». Un autre qui a pris un short cut, ouais !

J’engloutis quelques bananes et prends la direction des pentes de ski derrière Louis (qui est réapparu vêtu d’un sac à poubelle), des patates plein les mains. Mon père me dit de prendre ça relaxe, de les laisser aller, qu’il n’y a pas de presse. Oui mais, tu ne comprends pas que le gars en haut ne devrait justement pas être rendu là ?  Il devrait être derrière moi et je compte bien sur la montée pour que l’ordre soit rétabli.

Sections 7 et 8 : ravito 6 (Parking 7, 38k) à ravito 8 (Camp de base, 55k)

C’est dans ce merveilleux état d’esprit que j’entame ce que Gilles m’avait décrit comme la partie la plus difficile de tout le parcours : 17 kilomètres très techniques, beaucoup de montées, autant de descentes. Tout ça sans voir personne. Sous la pluie qui tombe maintenant comme une vache qui pisse. La joie.

Je me résous à enfiler mon imperméable de secours, dernier rempart entre l’hypothermie et moi. S’il s’avérait ne pas être suffisant…  De son côté, Louis, qui en a vu d’autres, prend le tout avec philosophie. Il lâche même des « WHOOO-HOOOO !!! » de temps à autre, comme pour défier les éléments. J’avoue que je l’envie un peu maintenant.

Tout en montant, je me rappelle les paroles de Joan lors de sa conférence: les organisateurs d’ultras finissent toujours par nous faire monter une pente de ski. Ici, j’ai l’impression qu’on se tape toutes les pentes. En montée et en descente. On aboutit sur une double-diamond à grimper. La pluie a ralenti, je sens que mes jambes poussent mieux. Lentement, mais sûrement, je gagne du terrain sur celui que je poursuis et distance Louis peu à peu.

Arrivé à ce qui semble être le sommet, je suis les petits fanions et me retrouve… parmi un groupe de coureurs, dont Pierre et Thibault, qui cherchent leur chemin. De quessé ?  Ils ont identifié le « dernier fanion », puis plus rien. Ils ont fait une tentative dans une piste, mais ont dû rebrousser chemin et remonter, étant incapables de trouver d’autres indicateurs. Je suis découragé pour eux.

Bon, on fait quoi là ?  On appelle l’organisation ?  À partir du dernier petit fanion, il n’y a rien. Rien de rien. Derrière, Louis termine son ascension et voyant qu’on est en train de se chercher, nous pointe rapidement l’endroit où on aurait dû tourner pour entrer dans le bois. Mon cerveau analyse la situation et en vient à la conclusion suivante: le fameux « dernier fanion » était de trop. Nous l’avons repéré, nous sommes dirigés vers lui et avons passé devant le virage sans le voir.  Ha, la damnée vision-tunnel… Je demande à Pierre d’enlever ce fanion, question de ne pas nuire aux autres coureurs. Il semblerait que nous n’avons pas été les seuls à nous faire tromper par lui.

C’est donc en groupe que nous entamons la descente, dans la bonne humeur (ça change vite durant un ultra…). Je laisse passer les descendeurs (Thibault, Pierre et un homme dont j’oublie le nom), puis me mets à les suivre. Louis et le gars du short cut (que je ne reverrai plus) sont derrière. À part décider où je mets les pieds, j’ai un autre problème à gérer: quoi faire avec mon foutu imperméable ?  J’ai croisé une poubelle en arrivant au sommet, mais n’ai pas osé le jeter, au cas où… Sauf que maintenant, je suis pogné avec. J’essaie de le replier, mais c’est peine perdue : je me retrouve avec une grosse boule de plastique à transporter.

Je la mets où ?  Je fais un bout avec en la tenant dans une main, mais après un certain temps, je me rends compte que j’ai besoin de mes deux mains, particulièrement dans les virages serrés ou les descentes un peu raides. Je décide de l’enfouir dans mon t-shirt. Ouais, pas confo. Sans compter le look femme enceinte… C’est finalement dans mes shorts qu’elle terminera la première boucle de 55 kilomètres.

C’est que ça semble sans fin, ces sentiers-là !  J’entends des voix devant, peut-être est-ce le relais Deltaplane (kilomètre 48) ?  Hé non. Juste des gars qui sont là à jaser. Ils font quoi, au juste ?  Jaser ?  Ici ?  2 ou 3 kilomètres plus loin, nous y parvenons enfin. C’est un relais réduit à sa plus simple expression : 3 5-gallons posés par terre, un point c’est tout. Pas de table, pas de chapiteau, encore moins de bénévoles. Bon ben, on ne niaisera pas trop longtemps ici…

Gilles m’avait dit que c’était en descente tout le long à partir de là. Hé bien non !  Ce sont encore et toujours des enchaînements, à tendance descendante toutefois. D’ailleurs, dans une partie particulièrement ardue, Pierre m’entend sacrer et me demande si je vais bien. Oui Pierre, je vais bien, c’est juste que les maudites descentes, j’HAÏS ça !!!

Il ne le sait pas, mais il m’est d’un très grand secours durant cette partie. Il en est à son 5e 100 miles et je sais pertinemment qu’il est plus rapide que moi sur la route. Je me fie donc sur lui pour la cadence dans les parties plus roulantes. Je sais que chacun doit faire sa course, mais il n’y a pas de mal à s’inspirer des experts, non ?

Alleluia, la sortie du bois et un chemin carossable !  J’anticipe le parc équestre bientôt, surtout que la Garmin indique que j’approche les 55 kilomètres. Je n’apprendrai donc jamais… En ultra, quand on s’attend à ce que quelque chose finisse bientôt, on se trompe immanquablement. Il reste encore du technique. Ha, pas si pire, mais du technique quand même.

Puis, après 7 heures de course (j’en espérais 6), j’entrevois la fin de la première boucle de 55 (56 selon Sainte-Garmin) kilomètres. Sur place, Barbara, mon père, ma petite sœur (qui vient de terminer sa première course organisée, le 6 km; bravo Élise !), notre amie Marie-Claude et sa fille Marie-Pier.

Pour plusieurs, c’est une première expérience en tant que spectatrices d’un ultra et elles n’en reviennent pas de me voir souriant après 55 kilomètres de course. Heu, c’est que je n’ai que le tiers de fait, s’il fallait que je tombe de fatigue…  Je ne dirais pas que je suis à mon meilleur, mais je me sens d’attaque pour la suite.

Vue l’heure, je sais que j’ai le temps de faire la boucle du lac Gale (18 km) avant la tombée de la nuit. Je décide donc de ne pas prendre mes frontales tout de suite. Après quelques photos de circonstance, je me dirige, la bouche pleine, vers ma prochaine destination. Au passage, je croise Élise. On se félicite mutuellement, on se donne un gros câlin. Ma sœur et moi sommes pas mal différents, mais nous partageons une grande affection mutuelle. Ça ne m’empêche toutefois pas de penser de lui demander un autre imperméable de secours vu que j’ai réussi à faire de l’espace dans mes shorts en me débarrassant de ma boule de plastique.

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Après 55 kilomètres, j’ai retrouvé mon monde… et le sourire ! 🙂

Ce bel intermède où j’ai pu voir mon monde m’a fait un grand bien. Maintenant, back to business. 55 down, 105 to go !

Bromont Ultra: l’avant-course

Pour le Bromont Ultra, l’avant-course ne commence pas seulement quelques heures avant la course mais bien plusieurs jours avant (ça y est, je vois déjà ma douce rouler les yeux en se disant : « Ça va être long… »).

C’est que voyez-vous, je sortais vraiment de ma zone de confort avec cette course-là. Mon amie Chantale m’avait mis au défi de le faire en m’inscrivant à un 5 km, j’ai  plutôt opté pour l’autre extrémité du spectre, le 100 miles.

Dire que j’étais nerveux serait un euphémisme. Car non seulement j’allais me lancer dans l’inconnu, mais ma levée de fonds avait été un véritable succès. En effet, 575 $ avaient été amassés en mon nom, soit 3 fois et demi l’objectif initial. Or, en aucune façon je ne voulais laisser tomber les gens qui m’avaient appuyé. C’était une question d’honneur pour moi.

Heureusement, mon amie Maryse a le don de trouver les mots et le ton pour à la fois me rassurer et me brasser le derrière. Son courriel m’a fait rire et m’a fait me rendre compte que finalement, c’était juste une course. Une grosse course, mais juste une course quand même.

Autre coup de chance : je n’étais pas en essais de mise en service durant la semaine précédant l’événement, alors j’ai pu avoir une vie « normale » et non me taper de grosses heures de travail en chantier. J’ai donc fait mes deux petites sorties de 10 km en mode facile mardi et jeudi et pu prendre une partie du sommeil nécessaire à l’épreuve qui m’attendait.

Arrive vendredi. Je me présente au camp de base du Bromont Ultra, le parc équestre. Le cadre est enchanteur, ça augure bien. Quand j’arrive, la fourmilière est à l’œuvre. Tout semble terriblement bien organisé, comme si ça faisait des années que ces gens-là faisaient ça. Et pourtant, c’est la première édition.

Je reconnais Allister, un coureur d’élite ici, mais surtout, le concepteur du parcours. Je me présente et quand il apprend que je ferai le 160k, il me dit : « I’m sorry… ». J’éclate de rire. Est-ce que son parcours est si difficile ?  En tout cas, j’aime bien son sens de l’humour !

Aux tables des dossards, Gilles m’accueille. Tout sourire (il a le visage d’un homme qui sourit tout le temps), il se présente, me présente Ahmed et Thibault, qui tout comme moi, en serons à leur premier 100 miles. Il me parle du parcours, attire mon attention sur les 17 derniers kilomètres de la boucle de 55 km qui sont particulièrement difficiles et au cours desquels nous ne verrons aucune âme qui vive, mis à part les autres concurrents, bien évidemment, et peut-être des ours aussi. J’en prends bonne note (pas les ours, la longueur et la difficulté de la section).

Je récupère mon dossard : numéro 17. Gulp !  Un petit numéro. C’est comme si ça venait de me frapper : je vrais vraiment faire la plus grosse course de cette fin de semaine…

Avant de quitter, je demande où je dois me faire peser. Mini-panique du côté d’Audrey, la directrice de course : elle ne sait pas ni où ni quand on se fait peser. C’est que sur le site de l’événement, c’est écrit qu’on se fait peser la veille…

Dan DesRosiers, entendant les questions à ce sujet, aboie une réponse tellement typique de sa part : « Ben voyons donc, la pesée, c’est demain avant la course ! On ne pèse pas le monde la veille ! ». Comme si c’était l’évidence même, dans le même ordre que 2 et 2 font 4. D’accord, mais si le Vermont 100 le fait et que c’est écrit sur le site, me semble que… Enfin.

Une fois bien informé, je quitte les lieux, non sans avoir bien enregistré le dernier conseil de Gilles : « Repose-toi bien ce soir ! ». Ouais, je vais essayer…

Après une nuit de sommeil somme toute fort convenable et un solide déjeuner, c’est accompagné de mon père que je prends la route direction Bromont. Le RAV4 est rempli de trucs dont je risque d’avoir besoin: gels en quantités industrielles, barres énergétiques, gaufres, lampes frontales, piles de rechange, vêtements pour faire face à n’importe quelles conditions météo, 12 litres de GU Brew pré-mélangé, etc. Le tout bien classé dans des bacs à tiroirs faciles d’accès. Nous avons aussi installé un sac de couchage pour les longues heures d’attente.

Le plan est bien établi. Mon père agira comme équipe de support, me suivant de station en station (quand c’est possible) durant les premières heures de course. En début d’après-midi, Barbara viendra le rejoindre. À deux, s’il y en a un qui est fatigué, l’autre pourra prendre la relève. Il ne faut pas oublier que Barbara est atteinte d’arthrite rhumatoïde et que mon père vient tout de même d’avoir 68 ans…

La température est fraîche, un peu comme à Harricana, alors je compte partir vêtu exactement de la même façon : shorts, t-shirt, casquette, arm warmers et gants. C’est fou l’éventail de températures que je peux affronter avec cet accoutrement. Je porterai également ma fidèle veste Alpha UltraSpire, mais le vieux Camelbak est dans l’auto, au cas où.

Le site est animé par la même fourmilière que la veille. On sent une certaine nervosité chez les membres de l’organisation. Mais c’est une belle nervosité. Je me rends à la pesée et après avoir ajusté l’instrument de mesure (c’est une bonne vieille balance qui se désajuste à chaque utilisation, dans le genre imprécis…), mon poids de départ est déterminé à 148 livres. Avec des souliers, après un gros déjeuner ?  Ouais, c’est vrai qu’il n’est pas gros, le monsieur…

Nous sommes conviés à la tente tout près du lieu où nous arriverons, espérons-le, demain matin. Les ultras au Québec, c’est une petite communauté, alors même moi je connais presque tout le monde. Petite jasette avec Joan et Mélanie, sa femme. Je ne peux m’empêcher de dire au grand favori que si je le rattrape, je lui botte le derrière, ce qui fait bien rire sa douce moitié.

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En compagnie de Joan avant le départ. Dans un peu plus de 24 heures, nous serons à nouveau encore réunis…

Je croise Pierre, que j’adore. Toujours de bonne humeur, la bonté dans la voix, les yeux et les gestes, il incarne à lui seul l’esprit de la course en sentiers. Évidemment, Pat est un incontournable. Il me salue avec un clin d’œil, me demande si je suis prêt. J’espère, je le saurai bien assez vite… Sinon, ben ce sera de sa faute ! 😉

Denis, celui qui m’a tant encouragé à Sherbrooke en janvier, est ici pour son premier ultra en sentiers (il a par contre fait énormément de courses contre le temps, dont des 24 heures). Coureur rapide sur route (il a un PB de 2h51 sur marathon), il a commencé cette année à faire des sentiers. Son terrain de jeux: le mont Orford. Un plus gros défi que mon petit mont St-Bruno, mettons… Il me présente à Marie, sa charmante épouse et à son petit bonhomme qui est venu voir son papa courir. Toute la famille porte des tuques de course super originales, fort probablement des créations de Marie. Je sais où je vais faire mes prochains achats…

On prend ensuite une photo de groupe du style « pendant qu’on a encore le sourire », puis c’est le briefing (à moins que le briefing ait lieu avant ?  Je ne sais plus…) d’avant-course. Audrey nous donne les instructions de base: suivre les fanions et rubans roses, porter attention aux flèches noires sur fond jaune qui indiquent les virages. Le classique. Elle nous rappelle le code du coureur en sentiers: toujours, toujours porter assistance à un autre dans le besoin et ne rien jeter dans les sentiers. C’est à peu tout. Ou du moins, c’est tout ce que j’écoute.

Nous nous rendons ensuite en haut de la colline d’où sera donné le départ. Je fais le chemin en joggant, feignant un essoufflement incontrôlable. Ça y est, mon rythme cardiaque est déjà rendu à 200 (sans blague, je ne porte même pas de bidule pour vérifier ça) !  Je ne sais pas si c’est par politesse, mais certains rient comme je passe à côté d’eux.

Dans l’herbe mouillé et la fraicheur matinale, j’égrène les dernières minutes avant 9h en jasant avec Denis de tout et de rien. En fait, je jase beaucoup de Boston et après avoir utilisé à quelques reprises des termes un peu crus (mes choix de mots étaient borderline bûcheron par bouts, il m’arrive de me faire honte à moi-même) pour exprimer ce que je pense du parcours, je me rends compte qu’il y a un petit homme de 8 ans avec nous. Oups, pas fort. Vraiment pas fort. J’espère que Marie ne m’en voudra pas trop…

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Le bûcheron avec Denis, Marie et leur fils

Juste avant que le départ soit donné, Jeff fait le tour du groupe et se donne la peine de souhaiter bonne chance à tout le monde. Co-vainqueur avec Florent du 80k à Harricana, ces deux-là feront la course à relais aujourd’hui: Jeff fera la première boucle, Florent, la deuxième. Juste pour le plaisir.

Quand il arrive à moi, je lui dis, non sans une certaine pointe d’ironie: « On va essayer de te suivre ! ». Comme il ne me connait pas, je vois à sa réaction qu’il se demande si je suis sérieux. Principe numéro un avec Fred: il n’est jamais sérieux ! 🙂

Voilà, plus que quelques secondes et le départ sera donné. J’ai été nerveux cette semaine, mais je ne le suis plus. Advienne que pourra. Je sais que je vais avoir du plaisir pour au moins la première moitié de course. Après, on avisera.

80k UT Harricana: le premier marathon

Départ à ravito Geai bleu (8k)

L’obscurité est encore totale quand le départ est donné au son des hurlements. Car il semblerait que nous sommes une meute de loups, alors certains s’en donnent à cœur joie. Pour ma part, je n’ai jamais ressenti (ni même compris) ce besoin de faire monter l’adrénaline en début de course. Ce n’est pas un 100 mètres qui nous attend, c’est 800 fois plus !  Je considère que j’aurai besoin de chaque once d’énergie pour ce long périple. Mais bon, à chacun sa façon de faire, n’est-ce pas ?

Après une centaine de mètres dans le stationnement, nous nous engouffrons dans des sentiers de type « SÉPAQ » : le revêtement est en petit gravier et ils sont assez larges pour accommoder 2 ou 3 personnes. Ça me fait énormément penser au Mont St-Bruno. C’est donc roulant à souhait, mais avec la foule, le rythme est relativement lent. Ça fait bien mon affaire, je ne voulais pas partir trop vite de toute façon.

Cette cadence me donne l’occasion d’admirer la beauté du moment : 300 personnes qui courent ensemble dans la nature, leurs pas guidés par la seule lumière des lampes frontales. Ce que j’aimerais prendre un instantané… si j’avais le moindre talent et/ou intérêt pour la photographie. Autre beauté : la rivière, juste à côté. Je ne peux pas la voir, mais je l’entends. Dans la pénombre, je distingue la vallée, rien d’autre. Je laisse aller mon imagination et « admire » ce paysage pourtant invisible.

J’aperçois un premier panneau kilométrique : il en reste 62 avant l’arrivée… de la course de 65 kilomètres (qui en fait 64, en réalité) !  Après une belle descente, nous traversons la rivière, ce qui annonce une première montée. J’avais prévu marcher toutes les parties ascendantes, mais comme tout le monde court, je fais de même tout en prenant soin de demeurer bien « en dedans ». Je rejoins une fille qui est à bout de souffle. Vraiment, mais vraiment pas une bonne idée de se mettre dans cet état si tôt dans la course. Sait-elle seulement qu’il lui reste presque un marathon et demi à faire avant de terminer ?

Après l’obstacle, le peloton s’est étiré et je peux courir plus librement. Autour du 6e bip de ma Garmin, j’avale un premier gel. En effet, j’ai décidé de faire un essai aujourd’hui: un gel à toutes les 30 minutes pour voir où ça va me mener. Si Hal Koerner et Pat le font, pourquoi pas moi ?  Ok, je vous entends d’ici: ce n’est pas une bonne idée de tester de nouvelles affaires en compétition, et patati et patata… Ben j’ai décidé de prendre la chance, au risque de me planter. Ce n’est tout de même pas la première fois que je prends des gels. Je ne fais qu’augmenter la fréquence, c’est tout.

Côté température, mon choix de vêtements semble avoir été le bon. Mon corps s’est réchauffé rapidement, au point où je dois enlever mes gants. Mais quoi faire avec ? J’ai les poches pleines, plus un centimètre cube d’espace dans ma veste. Bon ben, à la guerre comme à la guerre, ils termineront le voyage dans mes shorts !  Je n’envisage pas les prêter à quelqu’un d’autre de toute façon, pas vrai ?

Au ravito, il n’y a que de l’eau de disponible. Et l’eau est froide en tab… !!! Que voulez-vous, elle est à la température de la pièce…  Mettons qu’on la sent très bien passer à travers les différents boyaux, un peu comme une lampée de gin à cochon. Pas tellement agréable.

Ravito Geai bleu (8k) à ravito Coyota Honda (28k)

Rapidement, on entre dans le vif du sujet : du technique, du vrai. Le sentier est étroit, le sol pas vraiment (et parfois, vraiment pas) dégagé, des racines, des roches, de la boue, des changements de direction brusques et fréquents, alouette. Je me retrouve derrière deux gars qui avancent à un rythme que je trouve convenable, parfait pour mes limitations dans le domaine.

Sauf que je sens assez vite un souffle dans mon cou. Toujours courtois, j’offre le passage. Erreur ! Une longue filée de monde passe, au moins 15 à 20 concurrents. Bout de viarge, ne venez pas me faire croire que tout ce monde-là est plus rapide que moi !  Je décide de m’insérer au travers la lignée. Non mais, il y a des limites !  À être trop gentil, on finit par passer pour niaiseux !

Le pire, c’est que ça ne leur a absolument rien donné : ça n’avance plus. On se suit tous à la queue-leu-leu, lentement. Trop lentement. « Vous devrez vous armer de patience » qu’ils disaient. Ouais ouais, facile à dire. Je suis tenté de me mettre à dépasser du monde, mais ça ne donnerait finalement pas grand-chose. Peut-être si ça se met à monter pour de vrai…

Justement, une petite montée qui se pointe. Et qu’est-ce que le gars qui est 4-5 positions devant moi fait ? Il sort ses bâtons de marche !  Pardon ?  Ici, pour cette petit côte de moumoune-là, il pense avoir besoin de ses bâtons ?  Il va faire quoi en arrivant au mont Grand-Fonds ?  Prendre le chair-lift ?  On n’est pas dans les Alpes, bout de sacrament !

Comme vous pouvez le constater, je ne me suis pas tellement bien armé côté patience. Déjà que ça n’avance pas à mon goût, ce gars-là va réussir à nous ralentir encore plus tout en élargissant l’espace qu’il prend pour se déplacer, réussissant l’exploit de rendre les dépassements encore plus difficiles. Bravo champion !

Je finis par trouver une faille et le laisser derrière… pour me retrouver encore une fois dans le derrière d’une longue filée. Grrrr ! Le coupable ?  Un autre zigoto avec ses bâtons de marche. Je me demande même pourquoi l’organisation les permet. Ils sont interdits à l’Ultimate XC de St-Donat, ils devraient l’être encore plus ici, le parcours étant plus facile côté. En plus, non seulement ses bâtons retardent le gars en question, mais il est également chaussé de souliers de route. Décidément…

Je grogne intérieurement. On ne devrait pas partir en ensemble, les courses de 65 et 80 kilomètres. 300 personnes en même temps sur ce minuscule single track, c’est une mauvaise idée. Ou à tout le moins, il faudrait mettre une sérieuse emphase sur l’étiquette à adopter en sentiers : quand un ou des coureurs plus rapides suivent de près depuis un bout et que c’est dégagé devant soi, on laisse le passage. Le gars devant ne semble même pas se rendre compte qu’il nous bloque. Et comme pour ajouter une couche à ma frustration, le rythme ralenti a fait baisser la température de mon corps et je commence à avoir froid. Non mais, est-ce que ça va avancer un jour ?!?

Un gars finit par en avoir ras le pompon et se met à shifter tout le monde. Je décide de le suivre à la trace. Une fois le retardataire-aux-bâtons dépassé, le champ est libre devant. Ha… Celui qui s’est impatienté demande à son partner s’il le suit. Heu non, c’est moi qui te suis. Le partner en question étant derrière moi, je le laisse passer pour constater… qu’il s’agit de mon sympathique voisin !  Hé oui, je retrouve les deux gars à qui j’ai donné un lift plus tôt. Le monde est petit, il n’y a pas à dire.

Rapidement, nous formons un petit groupe de 5 ou 6 et tout aussi rapidement, je me fais larguer. Ha, moi et mes aptitudes techniques ! J’ai beau les avoir travaillées dans le sentier Rock Garden près de Whiteface, ledit sentier ne faisait que 800 mètres de long. Ici, j’en aurai pour presque 20 kilomètres… Les seuls moments où je rejoins du monde, c’est quand ils s’arrêtent pour se prendre en photo devant un des nombreux magnifiques paysages que nous avons l’occasion de croiser en cours de route, paysages que le soleil levé depuis peu nous permet enfin de voir.

Je finis toutefois par reprendre un gars avant d’arriver au relais (20k). On échange quelques mots, sans plus. On joue au yoyo, mais je sens que dès que ça va monter, je vais le perdre derrière. Au relais, je transmets mon admiration et ma gratitude aux bénévoles qui se les gèlent pour nous. L’un d’eux répond qu’il préfère donner de l’eau que se taper ce qu’on se tape. Je sens par contre que l’autre aimerait bien pouvoir en courir un petit bout.

Je croise la pancarte annonçant qu’il reste 42 kilomètres à faire : plus qu’un marathon… avant d’avoir le droit de parcourir 16 autres kilomètres !  Mais ce qui est foutrement bizarre c’est que ça ne m’impressionne pas du tout. Je les prends un à la fois, sans me soucier du reste. J’ai toute la journée devant moi.

J’arrive au ravito avec un plan bien précis en tête : manger un peu et repartir sans niaiser. Comme j’arrive, je remarque que mes voisins quittent les lieux. Je vais devoir travailler pour les rattraper. Mais la course est encore jeune. D’autres sont arrêtés et ne semble vraiment pas pressés de repartir. Autant de gens qui étaient devant moi et repartiront derrière.

Dans mon plan, j’avais oublié un détail : remplir mon réservoir. Heureusement, le bénévole m’y fait penser. Non mais, tu parles d’une erreur de débutant ! Avec une section de 13 kilomètres devant, je n’aurais fort probablement pas eu assez de réserve pour la compléter. La manœuvre s’avère plutôt complexe, avec le GU Brew et tout, mais à deux, on y parvient. Je me demande comment on pourrait faire une course sans ces chers bénévoles…

Après avoir englouti des bananes et un pita, je décolle.

Ravito Coyota Honda (28k) à ravito Castor Info-Comm (41k)

C’est le ventre bien rempli que je commence cette section qui commence par une longue montée. Ha enfin, ça monte ! Une belle occasion pour rattraper du monde et devancer d’éventuels poursuivants. Détail cependant : elle ne monte pas assez à mon goût. Je passe mon temps à me demander si je dois la courir ou la marcher. Ou alterner entre les deux, je ne sais plus.

Je parviens tout de même à rejoindre certains coureurs que je laisse aussitôt sur place. À la fin d’une partie très rocailleuse (on dirait carrément le fond d’un ruisseau asséché), je croise un gars en vélo de montagne qui me dit qu’il ne reste que 4-5 kilomètres avant le prochain ravito. Ben oui Chose !  Je sais qu’il en reste au moins 8, peut-être 10. À vélo, ça ne change peut-être pas grand-chose, mais à pied… T’aurais pas le goût de descendre de ta monture et venir en faire un petit bout avec moi, question de voir s’il ne reste vraiment que 4 ou 5 kilomètres ?

Une fois rendu en haut, je sors du bois et tombe… sur du monde en habit de camouflage !? Ils font quoi, au juste ?  Et pourquoi sont-ils habillés comme ça ?  Pourrait-il s’agir de policiers en moyens de pression ?  En tout cas, sont bien gentils mais je préfère ne pas trop m’attarder. On ne sait jamais… 😉

Arrive un chemin de terre. Large, en descente et très roulant. Ho yeah, on va pouvoir avancer un peu ! Devant moi, ma première cible : une femme. En tâchant de ne pas trop appuyer, je la rejoins. Deuxième cible : une autre coureuse, à une cinquantaine de mètres. J’ai comme l’impression que les deux se suivent sans vraiment se suivre. Toujours est-il que pour éviter de me retrouver au milieu d’une bataille de chattes, je poursuis ma progression. Définitivement que le terrain est à mon avantage.

Sauf que je trouve que ça va peut-être un tantinet trop bien. Je vois passer un kilomètre en 4:42. Trop vite. Bah, ça descendait tout de même un peu… Kilomètre suivant : encore 4:42. Merde, celui-là était ondulé, autant en montée qu’en descente ! Je vais définitivement trop vite, j’ai encore plus d’un marathon qui m’attend devant…

Je décide donc de calquer ma cadence sur celle de deux gars qui me précèdent. Ça fonctionne un certain temps… jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent. Deux choix se présentent à moi: faire semblant de pisser juste pour demeurer derrière ou passer devant. Je passe. Après qu’ils aient recommencé à courir, alors que j’ai 20-30 mètres d’avance sur eux, j’entends : « Heille !  Salut voisin !!! ».

Ha ben, ça parle au maudit ! Encore mes voisins, que je n’ai pas reconnus une fois de plus !   « Ça a l’air de bien aller, ton affaire ! ». Je réponds que oui, mais que j’essaie de me retenir. Constatant que le plus silencieux des deux semble en arracher, je préfère ne pas demeurer avec eux et poursuis mon chemin. Trop vite, bien évidemment.

Arrive le buffet. Car c’est comme ça que je décrirais le ravitaillement Castor Info Comm (est-ce que les ravitos sont commandités ? On dirait bien !). Car en plus des traditionnelles patates et bananes, on y retrouve entre autres des œufs, de la soupe et du lait au chocolat et plein d’autres patentes que la bénévole me fait l’éventail. C’est quand elle arrive aux œufs que je l’arrête, citant la tendance de mes intestins à transformer cette denrée en gaz odorant. De toute façon, comme je n’ai jamais fait d’essai à l’entrainement, je préfère demeurer conservateur (je sais, une belle contradiction  par rapport à ce que j’ai dit tantôt).

Pendant que j’engloutis une banane, je jette un œil autour. On dirait presque l’infirmerie d’un champ de bataille. Plusieurs se réchauffent autour du feu, D’autres sont confortablement installés sur des chaises. On constate les dommages causés pas la distance parcourue et surtout celle qui reste à faire. Le psychologique commence à jouer. Malgré moi, mon côté compétitif se réveille. Ces gens-là étaient tous sur place avant que j’arrive et ils repartiront (s’ils repartent) bien après moi. GOTCHA !

Aussitôt, je regrette cette pensée. Car quand on crache en l’air…

Ultimate XC 2014: en attendant le Vietnam

Dans les jours qui ont suivi l’Ultimate XC de St-Donat, mon travail m’a amené à prendre la direction de Cadillac, un micro-village situé à peu près à-mi-chemin entre Rouyn-Noranda et Val d’Or. Les journées de travail sont longues et les nuits, courtes. Je réussis tant bien que mal à courir à travers ça, mais j’avoue que je me sentais un peu comme un poisson rouge hors de son bocal quand je suis arrivé en courant à Rouyn par la 117 mercredi soir avec mon t-shirt de Boston sur les épaules. C’est durant les allers-retours en avion entre l’Abitibi et Montréal que j’ai concocté la première partie de mon récit, celle m’amenant aux portes du fameux Vietnam.

Départ – Station Nordet (km 12.5) – Ça a beau être un ultra, il y a toujours un genre de précipitation au départ. Aussitôt, j’entends Pat (qui en a vu d’autres, c’est le moins qu’on puisse dire !) qui me glisse à l’oreille « Pars pas trop vite Fred, pas trop vite ». Ce à quoi je réponds : « Argfdtsv… » ou quelque chose du genre. Et bien évidemment, je pars.

Le parcours allongé nous permet de faire un plus long bout sur du terrain relativement plat en partant. Ceci a pour conséquence d’étirer le peloton, ce qui est une bonne affaire. Ça nous permet également de constater que Dan n’exagérait presque pas quand il disait que les sentiers étaient secs. Ils ne le sont peut-être pas complètement, mais par rapport à juin 2013, c’est le Sahara !

Devant, un arbre déraciné qui nous oblige à nous pencher pour passer. Je me pète la fiole dessus. Et d’aplomb à part ça. Ça commence bien. Du con, penche-toi bout de viarge !  Une fille en profite pour me dépasser. Le macho en moi ressort et je lui lance le défi (silencieux) de me suivre dans la première montée qui arrivera bientôt. Je me garde évidemment bien de lui lancer le même défi pour la descente…

Première ascension de la journée. On se met à la marche et je commence à rejoindre du monde. La fille qui m’a dépassé est une de mes premières « victimes », d’autres suivront. Dans la dernière moitié, ça souffle fort autour de moi. Plusieurs me disent « Good job ! » quand je passe à côté d’eux. Ce à quoi je réponds : « On se revoit dans la descente ! ». Mais que vois-je ?  Devant moi, un gars qui porte des… manches longues !  Ils annoncent 28 degrés, qu’est-ce qu’il fout habillé pour l’hiver ?   Il est déjà trempé de sueurs, ho quelle surprise !  Il va trouver la journée longue s’il garde ça sur le dos (je le reverrai éventuellement en camisole, son t-shirt à manches longues attaché à son Camelbak).

Au sommet, je prends le temps d’admirer le paysage (le temps clair nous le permet), puis bascule dans la descente. Elle est beaucoup moins difficile que dans mes souvenirs. Je me fais évidemment reprendre par quelques uns à qui je lance : « Je vous l’avais dit que vous alliez me rejoindre !», mais je ne me débrouille tout de même pas mal. Et je ne me fais pas trop larguer non plus.

En direction de la montagne Grise, un bénévole très enthousiaste nous encourage. Dans la montée, je reprends du terrain sur les gens qui me précèdent, mais au sommet, j’hésite à passer, question de ne pas être dans leur chemin sur l’autre versant. Encore une fois, je m’en vais voir le paysage, à la surprise de celui qui me suit. Il me dit que c’est sa première fois ici et j’en conclus qu’il n’est pas un habitué des ultras en sentiers. Le paysage, ça fait partie de la course en sentiers. Ce n’est pas un 20-30 secondes qui va faire une grosse différence à la fin…

Je fais une descente prudente et arrive finalement à la station Nordet.

Station Nordet – Station L’Appel (km 19) – Sur place, les bénévoles sont à la hauteur de leur réputation: de très bonne humeur et super serviables. Il n’y a pas grand-chose à manger à cette station : chips (à cette heure matinale, vraiment ?), bretzels et bananes. Je prends 2-3 bretzels et une moitié de banane (c’est fou de constater à quel point je suis moins gesteux sur les bananes durant une course), puis repars.

La section qui suit n’est pas tellement accidentée (tout est évidemment relatif), mais plus technique. Un gars avec qui j’ai joué au yoyo depuis le début me rejoint et je lui offre le passage. Il préfère demeurer derrière un moment, vu que je suis un « vétéran ». Il finira par passer.

Je n’avais pas encore eu vraiment l’occasion d’y penser, mais je constate dans un bout roulant que ma périostite se tient à carreau. Ça, c’est une maudite bonne affaire !  Je protège tout de même ma jambe droite en tâchant d’atterrir sur la gauche lorsque je saute par-dessus un arbre mort ou du haut d’une roche. À date, ça fonctionne, en espérant que ça n’entraine pas d’autres problèmes plus tard.

À la station l’Appel, une femme arrive tout juste après moi et crie : « Je suis la dernière ! ». Tiens, une concurrente du 38 km… Le fermeur de course la suit de près et annonce aux bénévoles qu’il n’y a plus personne. « Hein, plus personne de la JOURNÉE  ?!? » qu’il reçoit comme réponse. Je précise immédiatement que non, il y a quand même pas mal de monde du 60 km derrière moi (il y a pas mal de monde, hein ? ;-)).

Avant de repartir, je prends soin de faire emplir mon sac d’hydratation car on ne peut pas dire que j’économise de ce côté. Et pourtant, toujours pas d’envie pressante de me soulager. Hum… Pour ce qui est de la bouffe, il y a des patates, alors j’en avale (en fait, j’essaie d’en avaler) une et en enfouis deux autres dans mes poches, pour plus tard. Elles seront bienvenues: j’ai le ventre qui commence à gargouiller.

Les bestioles étant bien présentes, je ne m’attarde pas plus longtemps.

Station L’Appel – Station Montagne Noire (km 27.4) – Nous partageons maintenant les sentiers avec les gens du 38 km. Je rejoins très rapidement la dame de dernière place, puis deux autres un peu plus loin. C’est dans une partie technique que je reprends une quatrième personne, une autre femme. Elle me fait part de ses commentaires par rapport à la bouette : elle trouve qu’il y en a pas mal. Je ne peux réprimer un fou rire et lui dis que par rapport à l’année dernière, c’est moins que rien !  Elle se met à me raconter qu’elle était alors inscrite pour le 58 km, mais quand elle a appris qu’elle était enceinte, elle a décidé de laisser tomber.  En m’écoutant lui raconter que je m’étais retrouvé face contre terre (ou contre bouette) une bonne dizaine de fois durant cette journée mémorable, je la sens plus que confortable avec sa décision.

Une fois les retardataires passés, comme la section commençait sur une pente à tendance descendante, j’ai perdu mes comparses du 60 km de vue. Je traverse donc un bout plus roulant complètement seul. Voilà, comme à l’entrainement… Ménageant mes forces pour les heures plus chaudes, j’avance en mode conservation de l’énergie, accompagné du seul bruit de mes pas. Et à ce moment précis, je me sens bien. Ce contact si unique avec la nature, cette si belle journée que je me donne le droit de passer à courir (ou marcher ou grimper ou sautiller…). C’est vrai, à l’entrainement, on a toujours des contraintes de temps : le travail, les millions de bidules à faire avant ou après, etc. Pas ici. C’est MA journée et je vais en profiter pleinement. J’écarte les bras, tourne les yeux vers le ciel en respirant l’air pur… puis m’enfarge dans une roche.

Je rétablis la situation et parviens à éviter le pire. Ok, de retour à nos moutons. Je concède que la course en sentiers, c’est pas mal plus plaisant que la route, mais ça demande une certaine concentration, n’est-ce pas ?

Parlant de concentration, il me semble que ça fait un bout de temps que je n’ai pas vu des petits rubans roses. Je suis dans un chemin de quad, ça roule bien, mais pas de rubans roses. Shit… Je poursuis, inquiet. Merde, suis-je en train de m’éloigner du parcours ?  Je m’arrête, scrute le chemin devant, puis derrière. Rien. Personne non plus qui me rejoint, ni personne du 38 km devant. Merde, merde, merde !  Je fais quoi là ?  Je continue, risquant de m’éloigner encore plus ou je rebrousse chemin, quitte à perdre un peu de temps ?  Je décide de prendre le risque de poursuivre et au bout d’une éternité, j’aperçois finalement un petit ruban par terre. OUF !!!

Arrive finalement la montagne Noire, le Tourmalet  de l’Ultimate XC. Rapidement, je suis sur les talons de deux femmes sympathiques (je suis vraiment sur le bon chemin !) qui ont l’air de bien s’amuser. Nous échangeons quelques plaisanteries puis je passe. Deux ou trois autres dépassements plus tard, j’ai maintenant trois comparses du 60 km en point de mire. Arrivé sur eux, je demeure derrière. Laurent, un des trois, est définitivement plus fort que moi, alors je préfère qu’il reste devant moi. J’en profite pour récupérer un peu.

Je me promène littéralement en queue de peloton. Bon sang, si les descentes et le technique me semblaient un tant soit peu aussi faciles… Je me prends à rêver qu’il existe un classement pour les meilleurs grimpeurs, comme à vélo. Mais bon, ça n’avance vraiment pas… Devrais-je demander le passage ?  Le sentier est très étroit et aucun moyen de dépasser sans que l’autre ne se tasse. Sauf que je crains qu’après le prochain virage, je me retrouve devant un sentier plat et technique et que ceux que je trouvais trop lents se mettent à souffler dans mon cou. Je prends donc mon « mal » en patience et attends le sommet.

Finalement arrivés, la station d’aide est fort occupée. Plusieurs reprennent leur souffle, dont un très fort contingent de participant(e)s du 38 km. C’est le temps de faire le plein, autant en solide qu’en liquide. Les bénévoles s’affairent et sont tous serviables et efficaces. Tous ?  Non. Il y en a un qui résiste. Il est confortablement assis en retrait et tout ce qu’il fait est donner de fausses informations à tous. Il ne cesse de répéter qu’il reste 21.7 km à faire à tout le monde alors que c’est entièrement faux. Premièrement, le parcours pour rejoindre la prochaine station sera plus long pour nous du 60 km que pour ceux faisant le 38 km. De plus, il nous reste pas mal plus que 21.7 km à faire : on n’est même pas rendus à la moitié !

J’argumente avec le monsieur, il s’entête à répéter qu’il ne reste que 21.7 km à tout le monde. Heureusement, il y a des feuilles sur une table montrant les différentes stations et la distance qui sépare chacune d’elles de l’arrivée. Un de mes compagnons d’ascension me demande comment pourrons-nous savoir quel chemin emprunter vu que nous ne ferons pas le même trajet que ceux du 38 km sur cette section (on dirait bien que c’est moi qu’il croit et non pas l’autre). Je le rassure en lui disant que des bénévoles (qui espérons-le seront mieux renseignés) nous indiqueront par où passer selon la couleur de notre dossard. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

Sur ce, je fais encore le  plein (maudit que c’est compliqué de verser du GU Brew dans la poche de ma veste !) liquide et solide, puis reprends les sentiers.

Station Montagne Noire – Station Inter-Centre (km 38.3) – Dès le début de la descente, j’ai un petit sourire: il y a 12 mois, c’est ici que j’avais été assailli par ma première crampe. Là, toujours rien. La fatigue commence bien à s’installer, mais sans plus.

Après une partie très technique, la descente devient roulante. Pour protéger ma jambe (et éviter de me casser la marboulette), je n’y vais pas à fond. Sauf que ça descend pas à peu près !  Finalement, ça se stabilise un peu et j’atteins l’intersection où les deux parcours se séparent temporairement. Ensuite, c’est toujours roulant et je suis surpris d’apercevoir un concurrent devant. Il n’avance vraiment pas très vite et je me demande même si ce n’est quelqu’un qui aurait été mal dirigé. Qu’à cela ne tienne, le sentier est large et je passe sans trop me poser de questions.

J’ai commencé à ressentir la chaleur au sommet de la Noire, mais là, comme je suis à découvert, je sens le soleil qui commence à joyeusement plomber. Et surtout, je relâche un tantinet ma concentration. Résultat : une autre roche m’envoie valser et cette fois-ci, pas moyen de m’en sauver : je me retrouve à plat ventre par terre.

Première chose à vérifier : tout est ok ?  Check. Deuxième chose à vérifier : le gars que je viens de dépasser m’a vu ? Non. Good, l’honneur est sauf.  Je ne perds pas trop de temps et me remets en marche. Arrive une longue section boisée que j’avais courue avec Rachel et sa gang en 2013. Aujourd’hui, je suis vraiment seul. Heureusement qu’il y a des petits rubans roses, sinon je me remettrais à douter…

Dans cette partie boisée, je sens monter les premières crampes, à l’intérieur des cuisses. Je profite de ma première pause-pipi (qui est de couleur claire, hourrah !) pour me masser un peu, histoire de les faire passer. Ouais, autour de 28 km à faire, ce n’est pas l’idéal de commencer à cramper… Après mon physique, c’est maintenant mon moral qui est atteint. Cette section, si plaisante dans mes souvenirs, semble s’éterniser. J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai à faire ainsi sur ce que je ne devrai surtout pas oublier à la prochaine station: faire (encore) le plein d’eau et de bouffe. Comment Joan fait pour courir entre les stations sans prendre d’eau ?  Et par une telle chaleur ???

Finalement, j’entrevois la lumière au bout du tunnel : c’est la montée qui m’amènera à la station Inter-Centre. Enfin ! Petite gorgée de Gu Brew pour célébrer ça… Surprise : je siphonne du vide. J’ai englouti 2 litres de liquide depuis le sommet de la Noire, faut le faire. Vivement la station !

La montée ressemble beaucoup à celle de la tour de télécommunications au mont St-Bruno, à un détail près cependant : celle-ci ne semble pas avoir de fin !  Je la gravis, mètre par mètre, sous un soleil à son zénith. Pour la rendre encore plus difficile, personne devant que je pourrais essayer de rattraper. Je me retourne : personne derrière. C’est au moins ça… Comme seule compagnie, j’ai les mouches à chevreuil qui ont le don de venir prendre un morceau de viande à même la petite partie à découvert de mon cuir chevelu. Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus insultant que se faire piquer le derrière de la tête ?

Finalement, j’entends des bruits : le ravitaillement est proche !  Première chose à faire : me vider 2-3 verres d’eau sur la tête. Haaaaa… Puis j’emplis tous mes réservoirs bien comme il faut et prends mes renseignements pour la suite : est-ce vrai que le parcours a été modifié parce que le Vietnam était trop magané ?  Le bénévole me répond en riant, l’air de vouloir dire : « Dream on ! ». Bon…

Comme je suis pour quitter, j’aperçois Luc qui arrive à la station. Dans le monde d’aujourd’hui, nous nous connaissons très bien: amis Facebook, contacts LinkIn, chacun est follower sur le blogue de l’autre. Et pourtant, c’est la première fois qu’on se parle !  Comme il est un trailer aguerri et qu’il a terminé 20 minutes avant moi en 2013, je m’attendais à ce qu’il soit devant. Je lui dis que cette situation ne devrait pas durer tellement longtemps et me lance vers le Vietnam.

Je me sens d’attaque, malgré la chaleur. Ma montre indique 5 heures de course. Sera-t-il possible de descendre sous les 8 heures ?

Quarante-quatre

Quarante-quatre. C’est le nombre de fois que la terre a fait le tour du soleil depuis ma naissance. Le chiffre me semble énorme. C’est deux fois 22. Il y a 22 ans, j’étais à l’université, époque qui ne me semble pourtant pas si lointaine… Le jour de ses 44 ans, Bourassa n’était même plus premier minstre du Québec (pour la première fois en tout cas). Quant à Kennedy, il était déjà à la Maison-Blanche. Wow, ce que je peux être vieux…

Karnazes avait cet âge quand il a fait son 50-50-50, alors inspiré par lui, je me suis dit que j’allais célébrer ça en grande: 44 kilomètres au mont St-Bruno. Au diable les programmes d’entrainement du marathon qui nous limitent à 32 (programmes que je ne suis plus depuis belle lurette de toute façon) !  Il faisait froid ?  Il ventait ?  So fucking what ?  Ça fait plus que trois mois qu’il fait froid et qu’il vente, je n’allais pas me laisser arrêter par ce léger détail.

Comme on dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Après quelques hectomètres, j’ai dû me rendre à l’évidence: la surface n’était peut-être pas adéquate pour y courir plus qu’un marathon. Les températures plus douces des jours précédents avaient transformé la neige tombée mercredi-jeudi en belle slush qui s’était empressée de se métamorphoser en glace lors du retour des froids polaires (bon, j’exagère, je sais…). De la glace très raboteuse et bien dure. J’avais beau porter mes crampons, c’était plutôt casse-gueule. En plus, les chevilles, les genoux et les hanches étaient sollicités comme jamais ils ne le sont sur la route ou même, en sentiers.

Je ne cessais de me répéter la maxime de Seb: “Il faut accepter d’aller moins vite”. En fait, ce n’était pas si difficile si je voulais éviter de me péter la marboulette dans les descentes ou même sur le plat. Je réussissais tout de même à faire monter le compteur. J’étais rendu à 22 quand un préposé du parc m’a arrêté pour une vérification de “titre de transport”.

Non, ce n’était pas mon super conducteur de pick-up préféré… Heu, tu me niaises, Chose ?  Il ne me niaisait pas. Je l’ai, ma petite carte, mais elle est loin, dans ma veste d’hydratation, seul accessoire qui m’accompagne en tout temps quand je viens ici. Sauf que par grand froid, j’enfile ladite veste sous mon coupe-vent, question d’éviter que le tube gèle.

Rien à faire, fallait que je lui montre ma petite carte. Je devais avoir l’air du gars qui essayait d’étirer le temps dans l’espoir que le préposé le croit sur parole… Commence par enlever la Garmin, puis enlève le coupe-vent. Garroche le coupe-vent par terre, entends la Garmin qui démarre. Cherche la Garmin pour l’arrêter. Trouve la Garmin. L’arrête. Enlève la veste d’hydratation (parce que bien sûr, la petite maudite carte n’était pas dans les poches avant, ça aurait été trop simple !). Commentaire du préposé: “C’est vrai qu’elle est loin…”. Ouais et moi je suis trempé de sueurs et en train de congeler au vent parce que je suis en train de me foutre à poil. Criss d’hiver !

Finalement, le Saint Graal était là où je pensais (j’ai douté quelques instants). 15 secondes plus tard, la vérification était faite et on me la remettait. Tout ça pour ça ?  Tabar… !

Mais bon, je ne me suis pas laissé démonter par cet incident et ai poursuivi mon chemin. Oui, il faisait froid et c’était venteux, mais le soleil de mars faisait son oeuvre. En fait, c’était une foutue belle journée !  Autour du 33e, mon genou gauche s’est mis à se lamenter un peu et j’ai décidé d’être sage. Mes jambes avaient assez travaillé pour la journée. Une petite boucle supplémentaire et j’allais plier bagage.

Au début de mon 37e et dernier kilomètre, je courais sur la piste de raquettes, en plein milieu d’un champ. Je sais que ce genre “d’illumination” m’arrive souvent et que je vous ai déjà fait part à plusieurs reprises sur ce blogue, mais ça m’a encore foudroyé: c’était fou à quel point je me sentais bien. Aucune âme qui vive en vue, le silence brisé par le seul bruit de mes pas sur le sol glacé, le soleil printanier qui réchauffait mon visage (après ça, le monde se demande pourquoi je suis bronzé à longueur d’année; duh !). Ça faisait plus de 3 heures que je courais et j’en aurais pris encore. J’ai écarté les bras et fermé les yeux, savourant ces moments magiques. Je n’existais pas, je vivais.

Certains ne voient pas d’autre façon que se saouler la gueule pour souligner le jour de leur anniversaire. D’autres choisissent d’aller se faire dorloter au spa. Pour ma part, je n’arrive vraiment pas à trouver comment j’aurais pu faire quelque chose d’autre qui m’aurait fait autant de bien et m’aurait donné autant de plaisir.

J’aurais donc dû…

J’en ai déjà glissé un mot, je commençais à en avoir vraiment marre de faire mes longues sorties du dimanche matin dans les petites rues pour « déjouer » le vent. Tanné de voir les mêmes quartiers résidentiels, fatigué de faire des interminables allers-retours nord-sud et/ou est-ouest en changeant de rue pour tenter de tromper l’ennui. Au bout de quelques semaines, ça ne marchait plus.

L’hiver québécois a beau s’éterniser, je l’ai envoyé paître hier soir: j’ai décidé que j’allais faire ma longue sortie dans mon terrain de jeux, au Mont St-Bruno. Les pistes de raquettes et de randonnée pédestre étaient probablement encore durcies par le froid et il y a toujours le sentier Seigneurial qui fait 7 km de long et qui est accessible. Je pourrais certainement me débrouiller là-dedans.

Dès les premiers kilomètres, la phrase m’est venue à l’esprit: « J’aurais donc dû… » comme dans « J’aurais donc dû revenir ici avant ! ».  Après ma petite virée au mont Royal jeudi, je retrouvais pour la deuxième fois cette semaine le plaisir de la course en sentiers. Les enchainements montée-descentes, la tranquillité de la course en forêt, l’air pur, le silence brisé seulement par le bruit de mes pas sur le sol. Ha, le bonheur…

Tout en courant, je pensais à Pierre, Pat (qui n’y est finalement pas allé, victime d’une grippe) et Denis qui tournaient en rond quelque part à Vaudreuil, à mon « record » qui était probablement en train de tomber et j’étais plus que convaincu d’avoir pris la bonne décision, soit celle de ne faire qu’une seule course intérieure cet hiver. Car j’étais bien, aux oiseaux même. Quoi que ceux sur place n’ont pas tellement apprécié que je m’arrête pour les observer, une mésange se permettant un avertissement à 2-3 pouces de mon nez. Baveux pour sa grosseur, celui-là !

Au final, 34 km et beaucoup de travail en montée (par contre, les descentes en hiver, bof…). Boston ne me surprendra pas deux fois.

Il faudrait que je fasse de la route…

New York, c’est dans trois semaines. Théoriquement, je devrais y aller à fond de train sur la route, regarder mon pace, faire des intervalles, apporter les légers correctifs à ma posture, tester si je vais courir avec ma ceinture d’hydratation ou pas. Selon les grands principes, j’aurais dû faire une sortie sur la route hier, puis ma dernière vraie longue (32 km) aujourd’hui. Après, ce serait le début du tapering.

Il y a juste un problème: c’est l’automne et il fait tellement beau… Demandez-moi si j’ai le goût de m’ennuyer sur les interminables kilomètres de bitume. Hier, j’avais une excuse: j’avais une virée de prévue au mont St-Hilaire avec les deux amis que j’accompagnerai la semaine prochaine à Orford pour le Xtrail Asics. Une répétition générale en quelque sorte pour Daniel et Sylvain qui n’ont jamais fait de compétition en sentiers. D’ailleurs, Daniel n’a jamais fait de compétition, point. Mais il m’a beaucoup impressionné dans les descentes. Dans les parties roulantes, ça m’aurait pris tout mon petit change au sommet de ma forme pour le suivre (avec mes genoux toujours sur le bord de lâcher, on oublie ça). Et quand les descentes devenaient le moindrement techniques, je me retrouvais irrémédiablement largué. Heureusement, j’avais le plat et les montées pour me reprendre.  Non mais, c’est supposé être moi, le plus rapide des trois, non ?  😉

Nous avons fait tous les sommets, prenant bien soin d’admirer la vue à chaque fois, puis sommes repartis au moment où la cohue s’épaississait. C’est fou la quantité de monde qu’il peut y avoir à cet endroit à ce temps-ci de l’année. Dans la longue filée de voitures qui attendaient pour entrer quand nous avons quitté, il y avait quelqu’un avec une roulotte !  Je ne sais pas ce qu’il avait l’intention de faire avec ça, ni comment il a seulement pu repartir de là, mais ce n’était vraiment pas une bonne idée !

Aujourd’hui par contre, pas d’excuse. Je devais faire de la route. Mais rien à faire, je ne pouvais me motiver à manger de l’asphalte par une telle journée. Qui sait, peut-être n’aurais-je plus l’occasion d’aller faire le tour de mon terrain de jeux cette année ?  Je ne pouvais tout de même pas manquer ça…  Est-ce que ça pouvait me nuire pour New York ?  Je ne crois pas et bien honnêtement, je m’en balançais un peu: j’avais envie de courir à St-Bruno, je courrais à St-Bruno, un point c’est tout.

Ho que je n’ai pas regretté !  Température parfaite, un merveilleux soleil d’automne qui perçait difficilement les feuilles encore dans les arbres, les couleurs toujours présentes. 33 km de pur bonheur.

Définitivement: la route pouvait encore attendre. On va être pognés ensemble tout l’hiver de toute façon…