Ultimate XC 2014: en attendant le Vietnam

Dans les jours qui ont suivi l’Ultimate XC de St-Donat, mon travail m’a amené à prendre la direction de Cadillac, un micro-village situé à peu près à-mi-chemin entre Rouyn-Noranda et Val d’Or. Les journées de travail sont longues et les nuits, courtes. Je réussis tant bien que mal à courir à travers ça, mais j’avoue que je me sentais un peu comme un poisson rouge hors de son bocal quand je suis arrivé en courant à Rouyn par la 117 mercredi soir avec mon t-shirt de Boston sur les épaules. C’est durant les allers-retours en avion entre l’Abitibi et Montréal que j’ai concocté la première partie de mon récit, celle m’amenant aux portes du fameux Vietnam.

Départ – Station Nordet (km 12.5) – Ça a beau être un ultra, il y a toujours un genre de précipitation au départ. Aussitôt, j’entends Pat (qui en a vu d’autres, c’est le moins qu’on puisse dire !) qui me glisse à l’oreille « Pars pas trop vite Fred, pas trop vite ». Ce à quoi je réponds : « Argfdtsv… » ou quelque chose du genre. Et bien évidemment, je pars.

Le parcours allongé nous permet de faire un plus long bout sur du terrain relativement plat en partant. Ceci a pour conséquence d’étirer le peloton, ce qui est une bonne affaire. Ça nous permet également de constater que Dan n’exagérait presque pas quand il disait que les sentiers étaient secs. Ils ne le sont peut-être pas complètement, mais par rapport à juin 2013, c’est le Sahara !

Devant, un arbre déraciné qui nous oblige à nous pencher pour passer. Je me pète la fiole dessus. Et d’aplomb à part ça. Ça commence bien. Du con, penche-toi bout de viarge !  Une fille en profite pour me dépasser. Le macho en moi ressort et je lui lance le défi (silencieux) de me suivre dans la première montée qui arrivera bientôt. Je me garde évidemment bien de lui lancer le même défi pour la descente…

Première ascension de la journée. On se met à la marche et je commence à rejoindre du monde. La fille qui m’a dépassé est une de mes premières « victimes », d’autres suivront. Dans la dernière moitié, ça souffle fort autour de moi. Plusieurs me disent « Good job ! » quand je passe à côté d’eux. Ce à quoi je réponds : « On se revoit dans la descente ! ». Mais que vois-je ?  Devant moi, un gars qui porte des… manches longues !  Ils annoncent 28 degrés, qu’est-ce qu’il fout habillé pour l’hiver ?   Il est déjà trempé de sueurs, ho quelle surprise !  Il va trouver la journée longue s’il garde ça sur le dos (je le reverrai éventuellement en camisole, son t-shirt à manches longues attaché à son Camelbak).

Au sommet, je prends le temps d’admirer le paysage (le temps clair nous le permet), puis bascule dans la descente. Elle est beaucoup moins difficile que dans mes souvenirs. Je me fais évidemment reprendre par quelques uns à qui je lance : « Je vous l’avais dit que vous alliez me rejoindre !», mais je ne me débrouille tout de même pas mal. Et je ne me fais pas trop larguer non plus.

En direction de la montagne Grise, un bénévole très enthousiaste nous encourage. Dans la montée, je reprends du terrain sur les gens qui me précèdent, mais au sommet, j’hésite à passer, question de ne pas être dans leur chemin sur l’autre versant. Encore une fois, je m’en vais voir le paysage, à la surprise de celui qui me suit. Il me dit que c’est sa première fois ici et j’en conclus qu’il n’est pas un habitué des ultras en sentiers. Le paysage, ça fait partie de la course en sentiers. Ce n’est pas un 20-30 secondes qui va faire une grosse différence à la fin…

Je fais une descente prudente et arrive finalement à la station Nordet.

Station Nordet – Station L’Appel (km 19) – Sur place, les bénévoles sont à la hauteur de leur réputation: de très bonne humeur et super serviables. Il n’y a pas grand-chose à manger à cette station : chips (à cette heure matinale, vraiment ?), bretzels et bananes. Je prends 2-3 bretzels et une moitié de banane (c’est fou de constater à quel point je suis moins gesteux sur les bananes durant une course), puis repars.

La section qui suit n’est pas tellement accidentée (tout est évidemment relatif), mais plus technique. Un gars avec qui j’ai joué au yoyo depuis le début me rejoint et je lui offre le passage. Il préfère demeurer derrière un moment, vu que je suis un « vétéran ». Il finira par passer.

Je n’avais pas encore eu vraiment l’occasion d’y penser, mais je constate dans un bout roulant que ma périostite se tient à carreau. Ça, c’est une maudite bonne affaire !  Je protège tout de même ma jambe droite en tâchant d’atterrir sur la gauche lorsque je saute par-dessus un arbre mort ou du haut d’une roche. À date, ça fonctionne, en espérant que ça n’entraine pas d’autres problèmes plus tard.

À la station l’Appel, une femme arrive tout juste après moi et crie : « Je suis la dernière ! ». Tiens, une concurrente du 38 km… Le fermeur de course la suit de près et annonce aux bénévoles qu’il n’y a plus personne. « Hein, plus personne de la JOURNÉE  ?!? » qu’il reçoit comme réponse. Je précise immédiatement que non, il y a quand même pas mal de monde du 60 km derrière moi (il y a pas mal de monde, hein ? ;-)).

Avant de repartir, je prends soin de faire emplir mon sac d’hydratation car on ne peut pas dire que j’économise de ce côté. Et pourtant, toujours pas d’envie pressante de me soulager. Hum… Pour ce qui est de la bouffe, il y a des patates, alors j’en avale (en fait, j’essaie d’en avaler) une et en enfouis deux autres dans mes poches, pour plus tard. Elles seront bienvenues: j’ai le ventre qui commence à gargouiller.

Les bestioles étant bien présentes, je ne m’attarde pas plus longtemps.

Station L’Appel – Station Montagne Noire (km 27.4) – Nous partageons maintenant les sentiers avec les gens du 38 km. Je rejoins très rapidement la dame de dernière place, puis deux autres un peu plus loin. C’est dans une partie technique que je reprends une quatrième personne, une autre femme. Elle me fait part de ses commentaires par rapport à la bouette : elle trouve qu’il y en a pas mal. Je ne peux réprimer un fou rire et lui dis que par rapport à l’année dernière, c’est moins que rien !  Elle se met à me raconter qu’elle était alors inscrite pour le 58 km, mais quand elle a appris qu’elle était enceinte, elle a décidé de laisser tomber.  En m’écoutant lui raconter que je m’étais retrouvé face contre terre (ou contre bouette) une bonne dizaine de fois durant cette journée mémorable, je la sens plus que confortable avec sa décision.

Une fois les retardataires passés, comme la section commençait sur une pente à tendance descendante, j’ai perdu mes comparses du 60 km de vue. Je traverse donc un bout plus roulant complètement seul. Voilà, comme à l’entrainement… Ménageant mes forces pour les heures plus chaudes, j’avance en mode conservation de l’énergie, accompagné du seul bruit de mes pas. Et à ce moment précis, je me sens bien. Ce contact si unique avec la nature, cette si belle journée que je me donne le droit de passer à courir (ou marcher ou grimper ou sautiller…). C’est vrai, à l’entrainement, on a toujours des contraintes de temps : le travail, les millions de bidules à faire avant ou après, etc. Pas ici. C’est MA journée et je vais en profiter pleinement. J’écarte les bras, tourne les yeux vers le ciel en respirant l’air pur… puis m’enfarge dans une roche.

Je rétablis la situation et parviens à éviter le pire. Ok, de retour à nos moutons. Je concède que la course en sentiers, c’est pas mal plus plaisant que la route, mais ça demande une certaine concentration, n’est-ce pas ?

Parlant de concentration, il me semble que ça fait un bout de temps que je n’ai pas vu des petits rubans roses. Je suis dans un chemin de quad, ça roule bien, mais pas de rubans roses. Shit… Je poursuis, inquiet. Merde, suis-je en train de m’éloigner du parcours ?  Je m’arrête, scrute le chemin devant, puis derrière. Rien. Personne non plus qui me rejoint, ni personne du 38 km devant. Merde, merde, merde !  Je fais quoi là ?  Je continue, risquant de m’éloigner encore plus ou je rebrousse chemin, quitte à perdre un peu de temps ?  Je décide de prendre le risque de poursuivre et au bout d’une éternité, j’aperçois finalement un petit ruban par terre. OUF !!!

Arrive finalement la montagne Noire, le Tourmalet  de l’Ultimate XC. Rapidement, je suis sur les talons de deux femmes sympathiques (je suis vraiment sur le bon chemin !) qui ont l’air de bien s’amuser. Nous échangeons quelques plaisanteries puis je passe. Deux ou trois autres dépassements plus tard, j’ai maintenant trois comparses du 60 km en point de mire. Arrivé sur eux, je demeure derrière. Laurent, un des trois, est définitivement plus fort que moi, alors je préfère qu’il reste devant moi. J’en profite pour récupérer un peu.

Je me promène littéralement en queue de peloton. Bon sang, si les descentes et le technique me semblaient un tant soit peu aussi faciles… Je me prends à rêver qu’il existe un classement pour les meilleurs grimpeurs, comme à vélo. Mais bon, ça n’avance vraiment pas… Devrais-je demander le passage ?  Le sentier est très étroit et aucun moyen de dépasser sans que l’autre ne se tasse. Sauf que je crains qu’après le prochain virage, je me retrouve devant un sentier plat et technique et que ceux que je trouvais trop lents se mettent à souffler dans mon cou. Je prends donc mon « mal » en patience et attends le sommet.

Finalement arrivés, la station d’aide est fort occupée. Plusieurs reprennent leur souffle, dont un très fort contingent de participant(e)s du 38 km. C’est le temps de faire le plein, autant en solide qu’en liquide. Les bénévoles s’affairent et sont tous serviables et efficaces. Tous ?  Non. Il y en a un qui résiste. Il est confortablement assis en retrait et tout ce qu’il fait est donner de fausses informations à tous. Il ne cesse de répéter qu’il reste 21.7 km à faire à tout le monde alors que c’est entièrement faux. Premièrement, le parcours pour rejoindre la prochaine station sera plus long pour nous du 60 km que pour ceux faisant le 38 km. De plus, il nous reste pas mal plus que 21.7 km à faire : on n’est même pas rendus à la moitié !

J’argumente avec le monsieur, il s’entête à répéter qu’il ne reste que 21.7 km à tout le monde. Heureusement, il y a des feuilles sur une table montrant les différentes stations et la distance qui sépare chacune d’elles de l’arrivée. Un de mes compagnons d’ascension me demande comment pourrons-nous savoir quel chemin emprunter vu que nous ne ferons pas le même trajet que ceux du 38 km sur cette section (on dirait bien que c’est moi qu’il croit et non pas l’autre). Je le rassure en lui disant que des bénévoles (qui espérons-le seront mieux renseignés) nous indiqueront par où passer selon la couleur de notre dossard. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

Sur ce, je fais encore le  plein (maudit que c’est compliqué de verser du GU Brew dans la poche de ma veste !) liquide et solide, puis reprends les sentiers.

Station Montagne Noire – Station Inter-Centre (km 38.3) – Dès le début de la descente, j’ai un petit sourire: il y a 12 mois, c’est ici que j’avais été assailli par ma première crampe. Là, toujours rien. La fatigue commence bien à s’installer, mais sans plus.

Après une partie très technique, la descente devient roulante. Pour protéger ma jambe (et éviter de me casser la marboulette), je n’y vais pas à fond. Sauf que ça descend pas à peu près !  Finalement, ça se stabilise un peu et j’atteins l’intersection où les deux parcours se séparent temporairement. Ensuite, c’est toujours roulant et je suis surpris d’apercevoir un concurrent devant. Il n’avance vraiment pas très vite et je me demande même si ce n’est quelqu’un qui aurait été mal dirigé. Qu’à cela ne tienne, le sentier est large et je passe sans trop me poser de questions.

J’ai commencé à ressentir la chaleur au sommet de la Noire, mais là, comme je suis à découvert, je sens le soleil qui commence à joyeusement plomber. Et surtout, je relâche un tantinet ma concentration. Résultat : une autre roche m’envoie valser et cette fois-ci, pas moyen de m’en sauver : je me retrouve à plat ventre par terre.

Première chose à vérifier : tout est ok ?  Check. Deuxième chose à vérifier : le gars que je viens de dépasser m’a vu ? Non. Good, l’honneur est sauf.  Je ne perds pas trop de temps et me remets en marche. Arrive une longue section boisée que j’avais courue avec Rachel et sa gang en 2013. Aujourd’hui, je suis vraiment seul. Heureusement qu’il y a des petits rubans roses, sinon je me remettrais à douter…

Dans cette partie boisée, je sens monter les premières crampes, à l’intérieur des cuisses. Je profite de ma première pause-pipi (qui est de couleur claire, hourrah !) pour me masser un peu, histoire de les faire passer. Ouais, autour de 28 km à faire, ce n’est pas l’idéal de commencer à cramper… Après mon physique, c’est maintenant mon moral qui est atteint. Cette section, si plaisante dans mes souvenirs, semble s’éterniser. J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai à faire ainsi sur ce que je ne devrai surtout pas oublier à la prochaine station: faire (encore) le plein d’eau et de bouffe. Comment Joan fait pour courir entre les stations sans prendre d’eau ?  Et par une telle chaleur ???

Finalement, j’entrevois la lumière au bout du tunnel : c’est la montée qui m’amènera à la station Inter-Centre. Enfin ! Petite gorgée de Gu Brew pour célébrer ça… Surprise : je siphonne du vide. J’ai englouti 2 litres de liquide depuis le sommet de la Noire, faut le faire. Vivement la station !

La montée ressemble beaucoup à celle de la tour de télécommunications au mont St-Bruno, à un détail près cependant : celle-ci ne semble pas avoir de fin !  Je la gravis, mètre par mètre, sous un soleil à son zénith. Pour la rendre encore plus difficile, personne devant que je pourrais essayer de rattraper. Je me retourne : personne derrière. C’est au moins ça… Comme seule compagnie, j’ai les mouches à chevreuil qui ont le don de venir prendre un morceau de viande à même la petite partie à découvert de mon cuir chevelu. Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus insultant que se faire piquer le derrière de la tête ?

Finalement, j’entends des bruits : le ravitaillement est proche !  Première chose à faire : me vider 2-3 verres d’eau sur la tête. Haaaaa… Puis j’emplis tous mes réservoirs bien comme il faut et prends mes renseignements pour la suite : est-ce vrai que le parcours a été modifié parce que le Vietnam était trop magané ?  Le bénévole me répond en riant, l’air de vouloir dire : « Dream on ! ». Bon…

Comme je suis pour quitter, j’aperçois Luc qui arrive à la station. Dans le monde d’aujourd’hui, nous nous connaissons très bien: amis Facebook, contacts LinkIn, chacun est follower sur le blogue de l’autre. Et pourtant, c’est la première fois qu’on se parle !  Comme il est un trailer aguerri et qu’il a terminé 20 minutes avant moi en 2013, je m’attendais à ce qu’il soit devant. Je lui dis que cette situation ne devrait pas durer tellement longtemps et me lance vers le Vietnam.

Je me sens d’attaque, malgré la chaleur. Ma montre indique 5 heures de course. Sera-t-il possible de descendre sous les 8 heures ?

Sur le pont de la Concorde…

J’étais à la fin d’un intervalle. Je venais de passer devant Habitat 67 et je finissais la petite montée menant au pont de la Concorde. À cet endroit, la piste cyclable était (encore) sur fond glacé et en y ajoutant de l’eau provenant de la neige fondue, Dame Nature présentait un combo périlleux au coureur qui osait s’y aventurer (je n’ose penser quoi ça doit voir l’air avec ce qui nous est tombé dessus hier !).

Je m’arrête donc à chaque fois que je passe là depuis quelque de temps, question de faire ce petit passage en marchant car je désire demeurer en vie. Petite différence en cette fin de jeudi après-midi cependant: deux gars qui n’avaient vraiment pas rapport à cet endroit (ils étaient habillés comme des gens ordinaires, duh !) s’en venaient en sens inverse. Quand l’un d’eux m’a abordé (en anglais), j’ai tout de suite su qu’ils ne venaient pas du coin.

Ils voulaient savoir s’il y avait un McDonald proche (ils ne venaient définitivement pas du coin). Première chose qui m’est venue à l’idée: “Si tu avais l’idée de te partir un McDo, mon chum, le ferais-tu ici, en plein milieu du fleuve ?!?”. Mais bon, ils ne pouvaient pas savoir… J’ai regardé ma Garmin et sachant qu’il y en a un dans le Vieux, tout près de l’endroit où je m’étais élancé, je leur ai annoncé: “Il y en a un à 3.75 km”.

“Ça prend combien de temps, ça ?”. Évidemment, je me suis senti obligé de leur répondre par une niaiserie: “15 minutes si vous courez”. Ma Garmin indiquait exactement 15 minutes (je vous rappelle que je terminais un intervalle, je ne vais pas si vite habituellement !). Et l’autre de me répliquer qu’il ne court pas, il a un trop gros surpoids (ça, c’est le McDo, mon ami). Sur le coup, je l’ai trouvée drôle, puis je me suis rendu compte qu’il m’avait évidemment pris au premier degré. Here we go again

Son compagnon, qui semblait moins pressé à s’empiffrer de junk food (il était plus mince aussi), s’est mis à me poser des questions. “Pourquoi tu cours ?  Pour maigrir ?”. Et moi de répondre: “Yeah !” avec un grand sourire. C’est plus fort que moi. On dirait que le second degré, ça fait autant partie de ma nature profonde que la course. “Tu sais, ce n’est pas bon être trop maigre…”. Bon, encore une de mes blagues qui tombe à plat. Décidément, je n’apprendrai jamais… Heille le smatte, est-ce que j’ai l’air d’un anorexique ?  As-tu une idée de la quantité de calories que je peux absorber dans une semaine ?  Sur l’heure du midi, mes lunchs prennent toujours deux fois plus de temps que ceux de mes compagnons de travail à chauffer. Ce n’est certainement pas parce que j’aime manger ma bouffe plus chaude…

Question suivante: “Tu cours quelle distance ?”. À peu près 16 km aujourd’hui (j’ai laissé tomber l’idée de faire leur éducation sur le travail de vitesse, les intervalles, les côtes, etc.). “C’est jusque où ça ?  Jusqu’au casino ?”. Ils ne connaissent vraiment rien à rien, il n’y a pas à dire: le casino est environ à 1.5 km d’où nous étions !  Je me suis mis à leur expliquer que je me rendais à mon auto, qui était garée sur la rive sud. Pour ce faire, je devais passer par le pont Jacques-Cartier (que j’ai pointé du doigt), le traverser, puis faire un petit bout par après. J’allais me taper 3 boucles du chemin de l’Isle (sur l’île Ste-Hélène) question de faire des côtes avant de traverser, mais ça, ils n’avaient pas à le savoir.

Voyant où est situé le pont, ils n’en revenaient pas. “Tu vas courir jusque là ?!?”. Ben heu, oui. “Tu vas courir sans arrêt ?”. Merde, ce n’est même pas 3 km pour se rendre !  Je vais courir sans arrêt, sauf si je pogne des plaques de glace comme ici, si je dois sauter une clôture, si je tombe sur deux hurluberlus qui me posent des questions bizarres, etc. Ils n’en démordaient pas. “Tu vas vraiment courir sans arrêt ?  Combien de temps tu cours ?”.  Entre 1h05 et 1h10, dépendant du vent, des côtes, des conditions quoi. J’ai cru qu’ils allaient tomber dans les pommes. Un marathon, vous connaissez ?  Ça prend un petit peu plus de temps que ça, vous savez…

Nous nous sommes quittés après avoir jasé un peu plus de poids et de malbouffe. Ils semblaient vraiment vouloir aller chez McDo car ils ont poursuivi leur chemin vers le Vieux Port. Je me demande où ils ont fini par aboutir…

Marshall Ulrich – Running On Empty

C’était un cadeau d’anniversaire de la part de mes beaux-parents. Mais vue sa nature, je savais que c’était ma tendre moitié qui en avait fait l’achat: c’était un livre de course. En fait non, c’était un livre à propos d’un être humain qui court, nuance très importante. Quand je l’ai vu, je suis parti à rire. J’ai lui ai demandé si elle savait qui était Marshall Ulrich, l’auteur. Elle l’ignorait.

RunningOnEMpty

Qui est Marshall Ulrich ?  C’est tout simplement Monsieur Badwater. Il détient le record pour le nombre de participations (21, et il y sera encore à la mi-juillet), le nombre de courses complétées (18) ainsi que le temps le plus rapide sur le parcours original, celui de 146 milles (il a été ramené à “seulement” 135 milles il y a plusieurs années). Sachant qu’elle craint comme la peste que je décide de me lancer dans cette folle aventure un jour, j’ai trouvé très drôle qu’elle me procure un livre écrit par le grand maître de cette épreuve.

Parmi les autres exploits d’Ulrich, on compte le “Badwater Quad”, c’est-à-dire DEUX allers-retours de ce parcours infernal, un Badwater en mode pleinement autonome (soit sans aucune aide externe, il transportait lui-même tout ce dont il avait besoin: eau, nourriture, vêtements, etc.), l’ascension des plus hauts sommets de tous les continents et plein d’autres.

Dans Running on Empty, il nous raconte ce qu’il identifie comme ce qu’il a vécu de plus difficile au niveau performance athlétique: sa traversée des États-Unis à la course… à l’âge de 57 ans. Traverser le continent à pied, c’est déjà un exploit en soit. Mais le but initial n’était pas seulement “de le faire”. Nah, ça aurait été trop facile. Il fallait battre le record du monde, rien de moins… Le record à ce moment-là était de 46 jours, 8 heures et 36 minutes, soit une moyenne de 66.1 milles (106 kilomètres) par jour. Officiellement, Ulrich visait les records “Maîtres” (40 ans et plus) et “Grands Maîtres” (50 ans et plus), mais dans son for intérieur, il voulait le record absolu.

Charlie Engle, un (futur ex-) ami, et lui se sont lancés dans cette aventure un peu folle le 13 septembre 2008, quand ils sont partis de l’Hôtel de Ville de San Francisco direction New York dans la bonne humeur, avec comme objectif de faire 70 milles (113 km !) par jour. Rapidement, les deux compagnons se sont séparés, chacun y allant à son rythme.

La cadence infernale des premiers jours fit son oeuvre. Les deux athlètes devaient passer de très longues heures à avancer sur la route, combattant la chaleur et le vent. Les nuits de sommeil étaient courtes et le moral descendait lentement mais sûrement. Les blessures se mirent à faire leur apparition. Charlie dut abandonner après seulement 17 jours. Quant à Marshall, il fut terrassé par LA blessure qui fait trembler tous les coureurs: la fameuse fascite plantaire (ce petit vidéo montre assez bien ce que nos deux comparses ont dû subir).

Pendant que le temps continuait à avancer,  il passa une imagerie par résonance magnétique. Évidemment, le médecin lui suggéra de tout arrêter. Évidemment Ulrich, qui avait “diminué” la cadence à 60 milles par jour, demanda s’il ne pouvait pas se limiter à 40 milles à la place. Il continua ainsi, les bobos s’accumulant, mais la fascite se tenant à l’écart. Progressivement, il réussit à retourner à son rythme de 60 milles par jour. Et arriva finalement à New York, en 52 jours et 12 heures, battant au passage les records chez les Maîtres et bien évidemment, les Grands Maîtres.

Son récit nous raconte les coulisses de cet exploit. Il nous parle de toute la logistique nécessaire à la réussite, des tensions qui ne pouvaient faire autrement que de se développer entre les divers intervenants. Car il ne faut pas se leurrer, une grosse équipe de soutien est tout simplement indispensable pour que l’athlète puisse continuer à avancer, encore et toujours. Et au fil des jours, des semaines, les membres de cette équipe se sont épuisés à la tâche, faisant éclater les conflits.

L’aspect monétaire était évidemment non-négligeable. Cette aventure avait été financée par une compagnie de production de films qui en retour, reçut la permission de filmer les deux coureurs pour en faire un documentaire, Running America  (nos voisins du sud peuvent être tellement originaux quand ils s’y mettent… On peut visionner le trailer ici). Or, comme c’était Charlie qui avait réussi à obtenir le financement et qu’il a dû quitter, chaque dollar dépensé par la suite par Ulrich et son groupe fut scruté à la loupe. Et quand des amis commencent à se quereller à propos d’argent…

Ulrich nous raconte aussi ses états d’âme, les difficultés qu’il a eu à surmonter, autant physiques que psychologiques ou émotionnelles, pour se rendre à destination. À tous les jours, il voulait arrêter. À tous les jours, sa femme, qui était à ses côtés durant toute la “course”, voulait qu’il arrête. Mais ils ne s’en sont jamais parlé et il a continué. Sans vraiment en avoir la prétention, ce livre est finalement une belle histoire d’amour.

Bien qu’inspirant à bien des égards, ce bouquin m’a amené la conclusion suivante: “Jamais de la vie !”. À chaque page, on sent la souffrance et quand il arrive à New York, un seul sentiment ressort: le soulagement, ce qu’on peut constater en regardant le trailer d’ailleurs. Pas la joie d’avoir accompli quelque chose de grandiose, juste un gros “Enfin, c’est fini !”. Pas de quoi donner le goût de faire de même…  Bref, si (je dis bien si) l’idée me prend un jour de traverser le pays à la course, ce ne sera pas avec l’idée de battre des records. C’était beaucoup trop dur juste à le lire, alors j’imagine à peine ce que ça peut être le vivre…

Un autre élément que j’ai retenu dans tout ça: l’alimentation. Contrairement à Scott Jurek, Marshall Ulrich croit que l’être humain est omnivore. Et il a avalé à peu près n’importe quoi durant son périple: fruits, légumes, viande, desserts, fast food, barres énergétiques, boissons gazeuses, Red Bull, café, etc. Tout sauf… de l’eau !  Pourquoi ?  Pour la simple et bonne raison qu’il voulait que tout ce qu’il avale contienne des calories.

Au final, une lecture très intéressante et aussi, très instructive. C’est un must absolu pour tout coureur qui désirerait “essayer ça un jour”. Je la recommanderais à tous les coureurs longue distance, question de se rassurer un peu: non, vous n’êtes pas les seuls “fous” sur cette terre !  Quant aux gens “normaux”, pas certain qu’ils comprendraient pourquoi un être humain s’inflige une telle torture, malgré toutes les belles explications…

Le numéro deux

Dès qu’elle va lire les premières lignes de ce billet, je sens que ma douce va rouler les yeux en soupirant, puis se tourner vers moi et me dire tout doucement: “Dis-moi que tu n’as pas écrit là-dessus…”.

Hé oui mon amour, j’en ai déjà glissé un mot, mais aujourd’hui, j’aborde le sujet de front. Peut-être suis-je dans les derniers relents de ma phase anale ou je ne sais pas trop, mais il fallait bien que j’en parle un jour tellement ça a influencé mes entrainements. Je parle bien sûr du numéro deux, du human waste ou pour être plus clair, de caca. Pourquoi ?  Parce que quand j’avais ce problème, j’aurais bien aimé trouver un endroit où on en parlait. Je ne pouvais pas croire que j’étais le seul au monde à devoir composer avec ça. Alors si ça peut aider quelqu’un…

Les non-sportifs ou ceux qui ne souffrent pas de ce mal vraiment désagréable trouvent ça très comique et multiplient les blagues faciles à ce sujet. Mais quand ça nous empêche de pratiquer notre sport préféré, on la trouve moins drôle. Pendant des années, j’ai été affligé par la diarrhée du coureur. Ça a même commencé avant que je me mette à la course: j’étais pris avec la version cycliste de ce fléau. Dès que je faisais plus de 40-50 km à vélo, ou bien je devais m’arrêter en chemin, ou bien je revenais rapidement à la maison. Dans les meilleurs cas, ça me prenait quelques heures après mon arrivée. Mais c’était immanquable, ça m’arrivait à chaque fois.

J’en ai glissé un mot à mon voisin, fervent cyclotouriste et il m’a suggéré que ça pouvait être un problème de déshydratation. Hum, pas bête… Je me faisais un “honneur” de boire peu quand je faisais du vélo, me contentant de quelques gorgées seulement quand j’avais soif, ce qui n’était pas tellement intelligent. Lors d’une randonnée d’une centaine de kilomètres faite en sa compagnie, j’ai bu à chaque fois qu’il buvait et magie magie, aucun problème intestinal. Coïncidence ?  Lors de mes sorties subséquentes à vélo, j’ai appliqué le même principe et je n’ai plus jamais eu de problèmes de ce côté.

Quand je me suis mis à la course, je n’ai pas pris de chance, je me suis immédiatement procuré une ceinture d’hydratation. Et la plus grosse, celle à 6 bouteilles. Jamais je ne pars courir sans une telle ceinture (j’en suis à ma troisième) ou un Camelbak. Ça me surprend à chaque fois de constater la très grande quantité de coureurs qui pratiquent ce sport sans le moindre accessoire pour l’hydratation. Comment font-ils ?   Même en course, malgré les nombreux points d’eau, j’ai toujours ma ceinture. C’est la meilleure façon de savoir ce que j’ingurgite. Au demi Scotia Bank, on m’a déjà “servi” de l’eau du robinet: j’ai eu l’impression d’avaler une tasse de chlore.

Ceci dit, malgré ce que je considérais être une très bonne discipline côté hydratation, mes problèmes intestinaux se sont rapidement chargés de me rappeler qu’ils étaient bien vivants. Habituellement, quand ça me prenait, c’était après une quarantaine de minutes de course. Mais ça arrivait que ça prenne plus de temps. Ou moins. Mon record ?  3 kilomètres, soit à peine 13 minutes. Par un jour de grande canicule, je suis parti en me disant que je ferais un petit 7 km. Après 3, je cherchais désespérément une toilette. Car à peu près tous les coureurs vont vous le confirmer: ils savent où sont les endroits stratégiques dans un rayon de 10-15 km de chez eux. En été, avec l’ouverture des blocs sanitaires dans les parcs publics, c’est plus facile. Mais en hiver…

Moi qui étais un anti-cellulaire, j’avoue bien candidement que ma diarrhée du coureur est la raison principale pour laquelle je m’en suis procuré un. Je ne compte plus le nombre de fois où ma tendre moitié est accourue pour venir cueillir son mari désespéré. Et que dire des endroits hétéroclites où j’ai dû me résigner à laisser aller la pression ?  Dans un boisé près de Métis-sur-Mer, dans une toilette perdue du sous-sol d’un building municipal de Baie-St-Paul (elle ne semblait pas avoir d’eau), dans les toilettes d’une aire de pique-nique abandonnée à Niagara Falls… Embêtant vous dites ?

J’ai fait quelques recherches, mais n’ai pas trouvé grand chose sur le sujet à l’époque (Kmag a publié un article très instructif dans son numéro du printemps, ça m’aurait été bien utile !). Des discussions sur un forum et c’est à peu près tout. Pourtant, je me répétais que je n’étais certainement pas le seul à souffrir, parce que c’est vraiment le bon mot pour décrire ce que je vivais…  Si le grand Lasse Viren avait été foudroyé en plein marathon des Jeux de Moscou en 1980, il devait bien y en avoir d’autres, non ?  Étions-nous les seuls au monde ?

Ma mère m’a suggéré un produit naturel, une espèce de pilule de “charbon” qu’elle disait. Pour elle, ça faisait des miracles. Je l’ai essayée. À ma deuxième sortie sous l’influence de cette pilule, retour obligé à la maison. Ma mère a insisté pour que j’essaie encore, mais pour moi, ça ne pouvait pas marcher: si une fois ça n’avait pas fait le travail, comment pourrais-je m’y fier ?

Puis, un jour où elle avait (encore) été obligée de venir me chercher en vitesse, Barbara m’a fait part d’une grande observation: “As-tu remarqué que ça t’arrive presque toujours le samedi, et jamais quand tu cours le soir ?”.  Heu, ha oui ?  Vrai que ça ne m’était jamais arrivé en compétition (Dieu merci !). Mais le samedi… Et le matin ?  Qu’est-ce qui se passait de spécial les samedis matins ?

Premièrement, fatigue accumulée de la semaine. J’avais d’ailleurs remarqué que lorsque j’étais en vacances, ces troubles disparaissaient. Et deuxièmement, le déjeuner. Il y avait forcément quelque chose qui ne fonctionnait pas au déjeuner. Je ne bois pas de café, alors ce n’était pas ça. J’ai essayé de remplacer le jus d’oranges par du lait. Et vice-versa. Toujours le même résultat. Les rôties (des bonnes vielles toasts) ont été remplacées par des bagels, plus faciles à digérer. Je suis passé au beurre d’arachides naturel. J’ai coupé tous les fruits riches en fibres au déjeuner pour me tourner vers les bananes et le yogourt qui, selon mes souvenirs d’une visite chez le médecin durant mon enfance, aidaient dans les cas de diarrhée. Les confitures ?  Coupées. Et à la fin, le lait a été enlevé à son tour, pour être remplacé par de l’eau.

Eureka !  J’ai finalement réussi à trouver une combinaison presque parfaite. Je dis “presque” parce que ça m’est encore arrivé récemment, pour la première fois depuis plus d’un an. J’ai toutefois mis la faute sur un dîner dans un restaurant asiatique la veille. Heureusement, je n’avais pas perdu mes réflexes et avais identifié un endroit approprié sur mon trajet, au cas où…

Vous devinez les complications qu’un tel “régime alimentaire” peut amener lorsque je fais des courses à l’extérieur… Déjeuner au resto ?  Vraiment pas question (à Niagara…). Alors nous devons trimballer le nécessaire pour que je puisse nourrir mon corps capricieux convenablement. Trainer le grille-pain dans un hôtel du centre-ville de Philadelphie, ça faisait un peu bizarre…

Ceci dit, j’ai réussi à trouver une combinaison qui fonctionne pour moi. Malheureusement, nous sommes tous différents, alors je suggère à ceux qui sont pris avec un tel va-vite du (et qui veulent s’en débarrasser !) de faire des tests et peut-être réussirez-vous comme moi à trouver une combinaison qui fera que vous pourrez courir l’esprit en paix. Croyez-moi, c’est très agréable !

Marathon de Boston: de Wellesley College à l’arrivée

Note: j’ai écrit le récit qui suit, tout comme celui de la première moitié, en tentant de me remettre dans le même état d’esprit que celui dans lequel je me retrouvais durant la course et juste après. Les événements qui ont suivi ont toutefois altéré ma perspective par rapport à ma performance, qui est bien secondaire maintenant…  Je reprends donc la course où je l’avais laissée, soit à Wellesley College.

“Awesome !  Awsome !”

C’est le gars qui court à côté de moi. Nous venons de terminer la traversée du scream tunnel et nous sommes revigorés. Et en plus, ça descend (vu que ça ne monte pas), alors nous y allons gaiement. Et moi de lancer: “Already done ?”. Ben quoi…

Ok, revenons aux choses sérieuses. Je passe le demi en 1:33:13, un peu mieux qu’à Philadelphie. Mais je sais pertinemment que je ne pourrai pas faire mieux dans la deuxième moitié du parcours, à cause des côtes. Mais un 1h35 pour un temps dans les 3h08 est envisageable. Surtout que j’ai un plan pour les 3 prochains milles. Il est simple: ralentir. Le but: me garder du jus pour les fameuses Newton Hills et puis ensuite, profiter de mon expérience en ultra pour regagner du temps dans les descentes.

Sauf qu’il y a un premier hic à tout ça: je me rends compte que je n’ai rien mangé depuis le départ, à part deux gels. Shit, je dois prévoir le mur, c’est impératif. Je commence donc à fouiller dans mes poches pour prendre un morceau de Power Bar. Après m’être battu avec le foutu ziploc cheap, je réussis à en prendre un et à l’avaler. Puis j’en prends un autre. Aussitôt l’opération complétée, je sens mon estomac plein: en fin de compte, je n’avais pas besoin de manger.

J’essaie de prendre un verre d’eau pour faire passer le tout: je me sens encore plus plein. Merde !  Ok, ça va descendre, ça va descendre… Pas tellement plus loin, je sens un reflux gastrique. Et là, mon esprit se met à imaginer toute la nourriture que j’ai engloutie depuis ce matin qui trempe dans l’acide de mon estomac, avec les bubulles, les émanations et tout le tralala. Merveilleux comme pensée durant un marathon, il n’y a pas à dire.

Au point d’eau suivant, je ne prends même pas d’eau. Au 15e mille, je regarde ma cadence: je n’ai pas ralenti, trop préoccupé par mon système digestif. On aurait pu croire que ça aurait pu, que ça aurait dû me ralentir, mais non, j’ai conservé la même vitesse. Donc, pas suivi le plan. Et je me sens un peu juste, surtout avec les côtes à venir.

Descente vers Charles River et j’atteins la pancarte du 16e mille. Ok, plus que 10, soit 16 km. J’essaie de me convaincre qu’il ne me reste plus qu’une sortie de semaine à faire, sans les intervalles. Mais mes jambes ne sont jamais fatiguées à ce point quand je pars courir la semaine. En plus, mes pieds ont commencé à enfler et je me sens trop serré dans mes souliers. Pas le temps de m’arrêter, je dois endurer car j’ai un ennemi à abattre: le chronomètre. Le maudit chronomètre. Au moins, mon estomac semble s’être replacé.

Arrivée à Newton: le party commence. Et ça monte, ça monte. Définitivement la côte la plus difficile du parcours jusqu’à présent. Pourtant, je suis perplexe. Dans un petit vidéo sur YouTube, Bill Rodgers, 4 fois vainqueur de l’épreuve (je plains le patient qui va vouloir me faire courir ce marathon-là 4 fois !  Quoique la dernière étudiante de Wellesley…  ;-)), nous faisait faire une petite reconnaissance de ces fameuses côtes. Or, selon ma mémoire, il nous disait que tout commençait à la caserne des pompiers de la ville (en fait, il le dit clairement: c’est la deuxième côte qui se présente après ladite caserne; moi et ma mémoire…). C’est que je n’ai jamais vu de caserne, moi… Et ça monte toujours !  Ne me dites pas que cette côte-là ne fait pas partie du lot ?  Ça en ferait 5 ?  Bande de sadiques !

Suite à mes (pas tellement efficaces) devoirs d’avant-course, j’avais prévu perdre une seconde sur ma moyenne globable à chaque côte. J’arrive en haut de ce que j’espère être la première Newton Hill (elle était vraiment longue !) avec une moyenne globale de 4:25/km. Comme prévu, j’ai perdu 1 seconde. Pas de dommage par ailleurs. So far, so good.

Je continue de chercher la fameuse caserne du regard, profitant du plat relatif avant la suite des choses. Finalement, à la hauteur du 17e mille, la fameuse caserne. Mais au moins, je suis certain qu’il ne reste plus que 3 montées, car je suis rendu trop loin. Je pousse un ouf relatif. Nous tournons sur Commonwealth Avenue et la voilà, devant nous, la deuxième. Shit, elle semble assez abrupte merci… Celle-là me rentre un peu plus dans les jambes. Vive les ultras où on se donne le droit de monter en marchant. Au moins, elle est plus courte et comme prévu, j’arrive en haut à 4:26 de moyenne globale.

Le parcours nous donne un certain répit en nous offrant une descente en douceur avant la suite des choses. J’entends d’autres coureurs se plaindre que les descentes sont difficiles pour les jambes. Vous ne savez pas c’est quoi, des descentes, vous autres !  Malheureusement, je ne peux toutefois pas me laisser aller comme je l’aimerais, mes jambes me réclamant une certaine récupération.

30e kilomètre en 2:13:41. Plus que 12. Allez, t’es rendu !  Je calcule qu’à 5 minutes du kilomètre, je me requalifie. C’est déjà ça de pris. Sauf que le simple fait que je me rassure avec ce calcul m’inquiète. Mon subconscient saurait-il des choses que j’ignore ?

19 mille: troisième Newton Hill. À peu près identique à la précédente. Celle-là fait mal. Ce que j’aimerais que ce soit la dernière !  Il fait beau, il vente légèrement, la température est fraiche, nous sommes tous des coureurs expérimentés. Et pourtant, le parcours fait des victimes. Certains marchent. Je tiens le coup, mais ce n’est pas facile. Moyenne en haut: 4:27.

20e mille, le fameux 20e mille. C’est ici que le mur peut commencer à se dresser. Je ne crois pas que ça va m’arriver, j’ai fait mes devoirs de ce côté. 6 sorties de 32 km et plus, quelques gels durant la course, un estomac bien rempli, mes réserves devraient être suffisantes. Mais le reste ?

Une autre montée se pointe. Est-ce Heartbreak Hill ?  Ça doit être Heartbreak Hill. Il FAUT que ce soit Heartbreak Hill !   Les autres autour de moi se posent la même question. Ils ne pourraient pas l’indiquer clairement, question de nous encourager ?  J’ai l’impression de ne plus avancer. Tant qu’à faire, je pourrais bien marcher, comme en ultra ?  C’est aussi efficace et moins fatigant. Je regarde mon GPS pour voir… Ma cadence est encore largement sous les 6 minutes/km, malgré la montée. Merde, si je marche, ça va vraiment me ralentir, je dois continuer à courir. Plusieurs marchent, s’arrêtent sur les côtés. Ce n’est plus que la volonté qui me permet de continuer de courir. Si on peut appeler ça courir…

Comme la pente comence enfin à s’adoucir, je jette un oeil à ma moyenne: 4:28. Cool !  J’ai tenu le coup. Mais la joie est de très courte durée. J’ai à peine baissé mon bras que ma jambe droite en entier, du mollet jusqu’à l’ischio, est terrassée par une crampe, me faisant perdre l’équilibre. J’en ai pour 3 ou 4 foulées à tituber avant de me redresser. “Shit, merde, fuck, TABARNAK !!!” (désolé pour la vulgarité, mais c’est comme ça que c’est sorti). Au même moment, j’entends un son très caractéristique: un gars est accoté sur une clôture, en train de se vomir les tripes. Je l’envie presque. Si j’étais pris comme lui, j’aurais une excuse pour arrêter…

J’essaie de reprendre mes esprits. 21e mille, plus que 5. Ok, c’était certainement HeartBreak Hill. Maintenant, ça descend jusqu’à l’arrivée. Un petit 8 km, t’es capable ! Sauf que je suis maintenant en mode damage control. Je n’ai pas le choix, je dois avancer à petites enjambées et ralentir le rythme, sinon les crampes vont revenir, plus fortes et plus rapprochées. Et cette descente qui se présente, elle est si belle !  Je devrais la faire à 4:00/km, j’en suis réduit à 4:30-4:40. En descente !

À partir de maintenant, je ne pense qu’à une seule chose: finir. Je ne vois plus le parcours, plus les spectateurs. Je sais qu’il y en a maintenant des milliers, mais je ne les vois pas, ou à peine. Chaque mille dure une éternité (vive les kilomètres !). Je dépasse certains coureurs plus maganés que moi, mais je me fais dépasser beaucoup. J’ai horreur de cette sensation: ne pas m’être ménagé assez et me faire dépasser par des gens qui ont mieux géré la course que moi. J’aime terminer en force et là, je suis en damage control. Maudit que j’haïs ça !

23e mille. Cout’ donc, elle est où, votre ville ?  On est encore en banlieue. Ce n’est pas supposé être le marathon de Boston ? À un certain moment, je sens que ma jambe a récupéré, alors j’y vais un peu plus fort. Aussitôt, la crampe revient. Merde !  J’ai l’impression de ne plus avancer, ce que confirme mon GPS: 4:46-4:48/km, ma moyenne est maintenant rendue à 4:29. Je risque de ne pas être en mesure de battre mon temps d’Ottawa…

24e mille. Plus que deux et des poussières. 3.5 km et tout sera fini. Moyenne à 4:30/km. Re-merde. Ça vas-tu finir par finir ?  Plus jamais Boston, plus jamais !  Comme pour nous rappeler que nous sommes toujours en train de faire le Marathon de Boston, il y a une petite côte pour nous avant d’atteindre le 25 mille.  Elle est probablement insignifiante, mais dans l’état où je me trouve…

RuesBoston1

La souffrance des derniers milles…

Enfin la pancarte “One mile to go !!!”. Moyenne à 4:31/km. Pendant une éternité, je pense à ce blogue et me demande si je suis bel et bien dans le dernier kilomètre. En tout cas, je vis la course en microcosme: c’est dur, je souffre, j’ai hâte que ça finisse et me promets encore une fois de ne plus jamais revenir !

Puis, c’est Boylston Street. Et à l’autre bout du monde, l’arrivée. On la voit de loin, de très loin. Je bloque mon regard dessus et avance, une mini-foulée à la fois. Je n’entends ni ne vois la foule. La ligne semble s’éloigner. Maudit que c’est dur !

Finalement, j’atteins l’arrivée. J’aperçois 3:16 sur le chrono officiel. J’arrête mon GPS: 3:12:26. Je suis vidé, complètement brûlé. Sur mes 10 marathons, je le classerais 3e au niveau de la souffrance. Côté performance, je le classerais 2e, mieux qu’à Ottawa où j’avais été une quarantaine de secondes plus rapide, mais sur un parcours tellement plus facile que je n’ose même pas comparer.

La nuée de bénévoles se met alors à l’oeuvre autour de moi. Aussitôt la ligne d’arrivée franchie, on me couvre d’une couverture de survie. Il y a même des bénévoles attitrés à coller un morceau de ruban gommé pour l’aider à tenir en place. Je reçois ma médaille. Ho, très class, je dois dire !  Jamais je n’ai autant senti avoir mérité ma médaille à l’arrivée d’un marathon !

ApresArrivee

Heureux d’avoir terminé, après une performance tout de même pas si mal

Commence alors le long processus qui m’amènera à la sortie. On nous donne de l’eau, du Gatorade, des Power Bar, un petit lunch. Pendant que j’attends en ligne, je me permets enfin de regarder autour de moi. Je regarde la ville, si belle. Et je me dis: “Wow, tu viens de terminer Boston !”. La souffrance se  transforme subtilement en émotion. Je me sens envoûté par ce qui se passe autour de moi. Ça me prend tout mon petit change pour retenir mes larmes. Si Barbara était là, juste à côté, je m’effondrerais dans ses bras, c’est certain.

Ok, un peu de retenue, je me laisserai aller tantôt… Je poursuis ma lente progression vers la sortie. Les indications sont claires, les bénévoles tout autant. Sur une affiche, je vois les temps des premiers. Ça s’est gagné en 2:10:22 ?  Il me semble que c’est lent, non  (ok, j’adorerais être « lent » comme ça) ?  Ça m’encourage un peu, par rapport à ma relative contre-performance.

J’arrive à l’autobus qui est supposé avoir ramené le sac jaune contenant mes affaires que j’avais laissé en consigne avant le départ. Je me place en file devant la fenêtre où il devrait normalement se trouver et j’attends. La bénévole à l’intérieur est tout simplement incapable de trouver un sac, alors c’est long, c’est long… Les gens s’impatientent, commencent à crier leur numéro. Quand elle finit pas sortir un sac, trois numéros sont criés en même temps. Un gars à côté de moi a la bonne idée de tout simplement brandir son dossard dans les airs. Je fais de même et après une ou deux années, je revois enfin mon gros machin jaune identifié 6883.

Les longues minutes resté planté sur place, alors qu’i ne fait pas tellement chaud, ont contribué à faire figer mes muscles. J’ai les mains pleines, il y a du monde partout, mais je dois enfiler quelque chose de plus chaud: je suis vraiment en train de figer. Finalement, je me dirige vers le devant de l’autobus et dépose mes choses dans l’escalier (le sol est vraiment trop bas) , question de pouvoir me changer sans avoir à me pencher. Je réussis à enfiler un chandail avant de me faire gentiment “expulser” de l’entrée de l’autobus.

Direction aire des familles maintenant. Je cherche du regard la lettre “G” et vois tout de suite Barbara qui m’envoie la main. J’envoie la main à mon tour. Et belle surprise: ma mère est là !  Hier, elle avait manqué le souper à cause d’une migraine et nous craignions tous qu’elle ne puisse pas être présente aujourd’hui. Mais elle est là !

Je titube jusqu’à eux et me jette dans les bras de Barbara, tout heureux d’enfin la voir. Mais beaucoup de temps s’est écoulé depuis mon arrivée et la vague d’émotion s’est dissipée. Je sers ensuite ma mère et mon père dans mes bras. Je sens leur fierté. Merci à tous d’être là pour partager ce moment avec moi. Je vous aime…

Retrouvailles1

Avec ma tendre moitié, celle qui réussit si bien à s’adapter à mes horaires parfois bizarres… Merci mon amour !

Retrouvailles2

Le fou et son équipe de soutien

En tapering… et suite sur la logistique

Plus que deux semaines avant le Jour J. Ce qui devait être fait ayant (supposément) été fait, je suis maintenant dans la phase de tapering. Il ne me reste qu’à diminuer progressivement la charge d’entrainement, question de laisser mon corps récupérer tout en conservant la forme. En cette fin de semaine de Pâques, je lui ai fait subir un 16 km tempo au mont St-Bruno samedi et un 25 km race pace hier, dans le vent. Après mon 20 km très rapide de jeudi matin, ça en faisait pas mal pour mes jambes à ce temps-ci de l’année. Disons que j’étais content de seulement aller promener Charlotte ce matin !  🙂

Pour les jours à venir, ce sera probablement des 14 km avec intervalles ou en terrain accidenté cette semaine, des petites sorties de 13 et 16 km en fin de semaine, puis deux petits 10 km la semaine prochaine. Je ne peux pas croire qu’il ne me reste que 6 sorties avant le marathon…

Petit update sur la logistique maintenant. J’ai fait mon essai-nutrition hier: ça a bien fonctionné. Une banane, un bagel et quelques bretzels au beurre d’arachides avalés 4 heures après le lever et 90 minutes avant de commencer à courir ont fait le travail. Ça faisait juste bizarre de faire autre chose pour passer le temps avant d’aller courir, moi qui donne toujours la priorité de ma journée à la course… Car tout le monde sait bien que le ménage, les autos, le gazon, l’épicerie, ça peut TOUJOURS attendre. Mais pas la course !  :-).

Pour ce qui est du reste, même si je n’avais pas besoin d’avoir une autre indication que le Marathon de Boston n’est vraiment pas une épreuve comme les autres, j’en ai tout de même eu une cette semaine. Par le courrier, j’ai reçu un beau petit guide ainsi que mon passeport personnalisé de la part de l’organisation.

Comptant 28 pages, le guide contient tous, mais tous les renseignements utiles et moins utiles qu’un participant peut avoir besoin. On y retrouve entre autres:

  • des informations sur l’expo-marathon avec en prime, un plan du plancher nous montrant la disposition des kiosques
  • toutes les informations concernant le souper d’avant-course, avec indications pour le stationnement ce soir-là
  • les adresses d’une vingtaine de restaurants suggérés
  • la cédule de tous les événements
  • des informations pour le stationnement autant au départ qu’à l’arrivée
  • l’horaire des navettes (qu’il est FORTEMENT  recommandé d’utiliser)
  • des recommandations par rapport à l’hydratation, à l’alimentation, aux vêtements à porter s’il fait froid ou s’il fait chaud (il ne faut tout de même pas oublier que les participants sont généralement des coureurs expérimentés…)
  • un plan du parcours accompagné du très utile graphique des dénivelés
  • des cartes montrant clairement où se trouveront les lieux importants pour le jour de la course
  • des informations sur les services médicaux disponibles
  • etc.

Quant au passeport personnalisé, il représente un petit condensé du guide du participant. Et pour faciliter la cueillette du dossard, il est pourvu d’une partie détachable avec mon nom, mon temps de qualification (ça ne sert pas à grand chose, mais bon…) et mon numéro de dossard. Je n’aurai qu’à donner cette partie au préposé à l’expo-marathon et je pourrai recevoir le précieux dossard. Aussi à l’intérieur, on retrouve un billet pour le souper d’avant-course avec une heure de réservation. Pas que ça me sera très utile, vu que je m’arrange pour toujours manger maison la veille, mais quand même…

Impressionné vous dites ?  Wow, de la grande, de la très grande classe ! J’ai peine à imaginer l’ordre de grandeur des frais qui sont engagés dans l’organisation de cette course. En tout cas, jusqu’à maintenant, ça vaut largement les 200 $ que l’inscription m’a coûté. Et je n’ai même pas encore vécu l’ambiance…

Un dommage collatéral du conclave

“En tout cas, ça me ferait vraiment chier que tu aies décidé de faire le Marathon de Rome cette année…”.  C’était hier soir, durant l’heure au cours de laquelle on se permet de regarder la télé. Les manchettes du jour parlaient, ho surprise, du conclave qui allait finalement débuter aujourd’hui (non mais, ils niaisaient quoi depuis tout ce temps, au juste ?).

Heu… de quessé ?  Puis j’ai allumé: le Marathon de Rome, ça se court à ce temps-ci, il me semble… En tout cas, elle s’en rappelait, elle. Petite vérification sur le site de l’événement: c’est dimanche !  Holly (excusez-la) shit, effectivement, dans le genre mauvais timing, c’est plutôt difficile à battre. Car juste à avoir un aperçu de ce qui se passe présentement dans la capitale italienne, ça doit être le bordel total. Des milliers de journalistes qui feront le pied de grue au cours des prochains jours dans l’attente de la fameuse fumée blanche, des centaines de milliers de pèlerins/fidèles/touristes/curieux qui sont là pour le grand jour… Vous imaginez les hôtels, les restaurants, les marchés ?  Ça doit être rempli à craquer, du monde partout.

Et tant qu’à faire le voyage, aussi bien faire un peu de tourisme aussi, non ?   Sauf que je présume qu’il doit être assez difficile de visiter St-Pierre de Rome par les temps qui courent (un autre jeu de mots, un vrai Guy Mongrain !)…  Et la chapelle Sixtine ?  Désolé, les cardinaux en auront besoin pendant quelques jours pour décider qui succédera à Benoit XVI. Ouais, ça a l’air que ça prend tout ce temps pour choisir un cardinal parmi la centaine présents. Pas moyen de faire comme dans une course à la chefferie d’un parti politique ?  Premier tour, si on n’a pas de majorité absolue, on élimine celui qui a reçu le moins de votes et tous ceux qui n’en ont pas reçu et on passe au tour suivant. À 120 personnes, il me semble que ça prendrait 2-3 heures et l’affaire serait réglée, non ?  Ben non, pour être élu, le pape doit avoir obtenu les deux tiers de votes. Ils font quoi s’il n’en reste que deux et qu’ils sont 50-50 ?  Pile ou face ?  Enfin…

Bon, ça c’est pour les dérangements au niveau touristique. Au niveau sportif maintenant. Hé bien on apprend sur le site de l’événement que si le nouveau pape devait être couronné dimanche, jour de la course, le départ de celle-ci serait retardé jusqu’en après-midi et le parcours serait modifié.

Pardon ?  Un marathon en après-midi ?  C’est quoi cette affaire-là ?  La raison principale pour laquelle les marathons se déroulent le matin est la chaleur. Je ne sais pas de quoi a l’air la température à Rome à la mi-mars, mais au Québec, le soleil est (relativement) fort à ce temps-ci de l’année. Quand il fait 5-6 degrés, ça fait juste du bien, mais avec 20 degrés de plus, ça risque d’être terrible.

Autre détail non négligeable: l’alimentation. On fait quoi avec un marathon en après-midi ?  Est-ce qu’on prend deux repas ?  On mange quoi ?  Des pâtes le matin et l’équivalent de son déjeuner habituel sur l’heure du midi ? Et on fait quoi de son avant-midi ?  On se tourne les pouces à la vitesse grand V ?

Je n’ose même pas imaginer de quoi auront l’air les stations de métro. Et comment retrouver les êtres chers après la course dans un tel fouillis ?

Pour ce qui est du parcours, s’il est modifié, je suppose bien que ce sera pour éviter le plus possible la Cité du Vatican. Le communiqué officiel demeure imprécis à ce sujet. Côté sportif, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, le parcours semblant plutôt plat de toute façon. Mais côté touristique, c’est certain que le cachet que revêt la participation à cet événement serait entaché.

Bref, bien content de ne pas y être. Et si Marc Ouellet devait être élu, je doute qu’il soit du genre à abdiquer son trône. De plus, comme il est relativement jeune et en bonne forme, il devrait y être pour un bon bout de temps. Suffisamment de temps pour que je puisse m’aligner au départ et admirer le Colisée qui sera juste à côté de moi sans avoir à me soucier du reste…

Mes impressions

Petit bilan statistique personnel pour commencer.

Temps officiel: 3:06:10

Ça me donne le 576e rang sur 11635 participants.

Je termine 68e sur 979 dans ma catégorie, les hommes entre 40 et 44 ans.

Et un beau bonus: un deuxième negative split d’affilée. En effet, un deuxième demi plus rapide (1:32:44) que le premier (1:33:26). Pas mal, hein ? 😉  Ha oui, autre bonus: une qualification pour Boston en 2014. Bon, je ne penserais pas y aller, mais ça fait tout de même plaisir. 🙂

Bon, comme c’est maintenant devenu une tradition, je vous offre ce soir, chers lecteurs, mes impressions sur le Marathon de Philadelphie.

Parlons d’abord de tout ce qu’une telle course implique pour le coureur moyen. En premier lieu, l’accessibilité. Pour les gens qui habitent le Québec, se rendre sur place implique forcément un investissement de temps non négligeable. De notre petite banlieue de la rive sud de Montréal jusqu’à Philadelphie, on doit compter 700 kilomètres. Malgré le fait que le tout se fasse à 90% sur des autoroutes (et Dieu sait à quel point les autoroutes américaines sont agréables), on ne peut pas tellement s’en sortir en moins de 8 heures de déplacement. Comme il y a peu de vols directs entre les deux villes, nous n’avons pas vraiment considéré l’avion comme option. De plus, avec les délais impliqués (sécurité, douanes, taxis, etc.) pour se rendre, nous n’aurions pas sauvé beaucoup de temps en bout de ligne, sans compter des dépenses qui auraient été accrues considérablement.

Côté logement, Philadelphie offre un très large éventail d’hôtels. Il y en a beaucoup dans la ville et les principaux ont la particularité très appréciée d’être situés tout près du départ. Donc, aucun transport/stationnement/délai à prévoir avant la course. Un souci de moins. De plus, je ne sais pas si c’était le cas pour tous les hôtels associés au Marathon, mais le nôtre nous a donné l’option de quitter à 14h au lieu de midi comme c’est habituellement la politique. Ces deux heures supplémentaires ont été les bienvenues car elles m’ont permis de prendre une douche et ensuite de m’occuper de la manipulation des bagages, ce que Barbara ne peut pas faire. Un gros “thumb up” au Sonesta !  🙂  Bon, le stationnement coûtait 36$ par jour, mais on ne peut pas tout avoir…

Côté bouffe, il y en a pour tous les goûts. Personnellement, je suis plutôt du genre capricieux avant une course, alors je préfère manger “maison” le plus possible. Aussi, on retrouve au centre-ville plusieurs petits marchés où on peut facilement dénicher quelque chose de frais. Nous n’avons malheureusement pas pu trouver un hôtel avec une petite cuisine ou à tout le moins, un four à micro-ondes, mais nous nous sommes débrouillés. Des pâtes froides la veille d’un marathon, je le confirme: ça marche !

La course en tant que tel maintenant. Mon jugement est peut-être biaisé par ma performance, mais bon… J’ai trouvé l’organisation assez bien rodée merci. Les participants disposaient de beaucoup d’endroits pour les besoins naturels, autant au départ (où les Johnny on the spot étaient très bien distribués sur le site au lieu d’être tous réunis au même endroit) que sur le parcours, les points d’eau étaient nombreux, bien fournis et bien occupés par des bénévoles efficaces et enthousiastes. De plus, on pouvait attraper des gels au passage à quelques endroits déterminés. Les couloirs étaient bien identifiés et les départs par vagues se sont très bien déroulés. La crainte de la grosse foule que j’avais s’est dissipée avant même le départ.

Le parcours maintenant. La première moitié nous fait faire un tour de ville ou à peu près. Les coureurs  peuvent admirer l’architecture et aussi visiter certains quartiers typiques. Le trajet évite les secteurs “pavés” du Vieux Philadelphie et demeure sur l’asphalte en permanence. Un gros plus, car les pavés, bien que pittoresques, sont très durs et surtout, dangereux pour les chevilles. Mis à part le bout sur Columbus, le long du Delaware, le touriste peut se rincer l’oeil à souhait durant les 21 premiers kilomètres.

Par contre, la deuxième moitié, avec son principe “aller-retour”, peut se vivre difficilement côté moral. Je ne suis vraiment pas un fan et me compte chanceux d’avoir eu une bonne course. De plus, les demi-tours finissent par agacer. Mais cette deuxième moitié se déroule tout de même sur les bords d’une rivière, à l’intérieur d’un parc, alors la vue demeure très agréable.

Côté relief, il s’agit indéniablement d’un parcours rapide, peut-être pas autant qu’Ottawa, mais dans la même catégorie. Les quelques obstacles qu’on y retrouve se franchissent sans problème. La course se déroulant à la mi-novembre, avec un départ à 7 heures le matin, la probabilité que la chaleur soit de la partie tend vers zéro. Comme c’est la fin de saison pour la plupart des gens, on peut dire que les éléments y sont réunis pour viser une performance.

Pour ce qui est de l’ambiance, nous avons constaté une chose: la vile est marathon durant toute la fin de semaine. Il y a des affiches partout, la statue de Rocky porte fièrement le t-shirt de l’événement, le maire participe à la fête du début à la fin. J’avais l’impression de faire partie d’un party pour toute la ville, tout comme à Ottawa. Des spectateurs par milliers, un parcours qui arpente les rues principales, que demander de plus ? Tout le contraire de Montréal où on a parfois l’impression de déranger et où les artères majeures sont tout simplement évitées. Les mots du commentateur sportif Jeremy Filosa me viennent encore en tête: “Qu’y fassent donc ça sur le circuit Gilles-Villeneuve, leur marathon, j’ai été pogné dans le trafic !”. Je ne sais même pas si je dois me donner la peine de le traiter d’imbécile ou pas. Oups, je l’ai fait ! 😉  À l’époque, Yves Boisvert avait été un peu plus diplomate que moi… Mais quelle efficacité dans le verbe, vous ne trouvez pas ?

Au final,  je recommande cette épreuve à tous, peu importe votre niveau, peu importe si vous courez le demi ou le marathon. C’est définitivement à vivre une fois dans sa vie de coureur !  🙂