Ultimate XC 2014: en attendant le Vietnam

Dans les jours qui ont suivi l’Ultimate XC de St-Donat, mon travail m’a amené à prendre la direction de Cadillac, un micro-village situé à peu près à-mi-chemin entre Rouyn-Noranda et Val d’Or. Les journées de travail sont longues et les nuits, courtes. Je réussis tant bien que mal à courir à travers ça, mais j’avoue que je me sentais un peu comme un poisson rouge hors de son bocal quand je suis arrivé en courant à Rouyn par la 117 mercredi soir avec mon t-shirt de Boston sur les épaules. C’est durant les allers-retours en avion entre l’Abitibi et Montréal que j’ai concocté la première partie de mon récit, celle m’amenant aux portes du fameux Vietnam.

Départ – Station Nordet (km 12.5) – Ça a beau être un ultra, il y a toujours un genre de précipitation au départ. Aussitôt, j’entends Pat (qui en a vu d’autres, c’est le moins qu’on puisse dire !) qui me glisse à l’oreille « Pars pas trop vite Fred, pas trop vite ». Ce à quoi je réponds : « Argfdtsv… » ou quelque chose du genre. Et bien évidemment, je pars.

Le parcours allongé nous permet de faire un plus long bout sur du terrain relativement plat en partant. Ceci a pour conséquence d’étirer le peloton, ce qui est une bonne affaire. Ça nous permet également de constater que Dan n’exagérait presque pas quand il disait que les sentiers étaient secs. Ils ne le sont peut-être pas complètement, mais par rapport à juin 2013, c’est le Sahara !

Devant, un arbre déraciné qui nous oblige à nous pencher pour passer. Je me pète la fiole dessus. Et d’aplomb à part ça. Ça commence bien. Du con, penche-toi bout de viarge !  Une fille en profite pour me dépasser. Le macho en moi ressort et je lui lance le défi (silencieux) de me suivre dans la première montée qui arrivera bientôt. Je me garde évidemment bien de lui lancer le même défi pour la descente…

Première ascension de la journée. On se met à la marche et je commence à rejoindre du monde. La fille qui m’a dépassé est une de mes premières « victimes », d’autres suivront. Dans la dernière moitié, ça souffle fort autour de moi. Plusieurs me disent « Good job ! » quand je passe à côté d’eux. Ce à quoi je réponds : « On se revoit dans la descente ! ». Mais que vois-je ?  Devant moi, un gars qui porte des… manches longues !  Ils annoncent 28 degrés, qu’est-ce qu’il fout habillé pour l’hiver ?   Il est déjà trempé de sueurs, ho quelle surprise !  Il va trouver la journée longue s’il garde ça sur le dos (je le reverrai éventuellement en camisole, son t-shirt à manches longues attaché à son Camelbak).

Au sommet, je prends le temps d’admirer le paysage (le temps clair nous le permet), puis bascule dans la descente. Elle est beaucoup moins difficile que dans mes souvenirs. Je me fais évidemment reprendre par quelques uns à qui je lance : « Je vous l’avais dit que vous alliez me rejoindre !», mais je ne me débrouille tout de même pas mal. Et je ne me fais pas trop larguer non plus.

En direction de la montagne Grise, un bénévole très enthousiaste nous encourage. Dans la montée, je reprends du terrain sur les gens qui me précèdent, mais au sommet, j’hésite à passer, question de ne pas être dans leur chemin sur l’autre versant. Encore une fois, je m’en vais voir le paysage, à la surprise de celui qui me suit. Il me dit que c’est sa première fois ici et j’en conclus qu’il n’est pas un habitué des ultras en sentiers. Le paysage, ça fait partie de la course en sentiers. Ce n’est pas un 20-30 secondes qui va faire une grosse différence à la fin…

Je fais une descente prudente et arrive finalement à la station Nordet.

Station Nordet – Station L’Appel (km 19) – Sur place, les bénévoles sont à la hauteur de leur réputation: de très bonne humeur et super serviables. Il n’y a pas grand-chose à manger à cette station : chips (à cette heure matinale, vraiment ?), bretzels et bananes. Je prends 2-3 bretzels et une moitié de banane (c’est fou de constater à quel point je suis moins gesteux sur les bananes durant une course), puis repars.

La section qui suit n’est pas tellement accidentée (tout est évidemment relatif), mais plus technique. Un gars avec qui j’ai joué au yoyo depuis le début me rejoint et je lui offre le passage. Il préfère demeurer derrière un moment, vu que je suis un « vétéran ». Il finira par passer.

Je n’avais pas encore eu vraiment l’occasion d’y penser, mais je constate dans un bout roulant que ma périostite se tient à carreau. Ça, c’est une maudite bonne affaire !  Je protège tout de même ma jambe droite en tâchant d’atterrir sur la gauche lorsque je saute par-dessus un arbre mort ou du haut d’une roche. À date, ça fonctionne, en espérant que ça n’entraine pas d’autres problèmes plus tard.

À la station l’Appel, une femme arrive tout juste après moi et crie : « Je suis la dernière ! ». Tiens, une concurrente du 38 km… Le fermeur de course la suit de près et annonce aux bénévoles qu’il n’y a plus personne. « Hein, plus personne de la JOURNÉE  ?!? » qu’il reçoit comme réponse. Je précise immédiatement que non, il y a quand même pas mal de monde du 60 km derrière moi (il y a pas mal de monde, hein ? ;-)).

Avant de repartir, je prends soin de faire emplir mon sac d’hydratation car on ne peut pas dire que j’économise de ce côté. Et pourtant, toujours pas d’envie pressante de me soulager. Hum… Pour ce qui est de la bouffe, il y a des patates, alors j’en avale (en fait, j’essaie d’en avaler) une et en enfouis deux autres dans mes poches, pour plus tard. Elles seront bienvenues: j’ai le ventre qui commence à gargouiller.

Les bestioles étant bien présentes, je ne m’attarde pas plus longtemps.

Station L’Appel – Station Montagne Noire (km 27.4) – Nous partageons maintenant les sentiers avec les gens du 38 km. Je rejoins très rapidement la dame de dernière place, puis deux autres un peu plus loin. C’est dans une partie technique que je reprends une quatrième personne, une autre femme. Elle me fait part de ses commentaires par rapport à la bouette : elle trouve qu’il y en a pas mal. Je ne peux réprimer un fou rire et lui dis que par rapport à l’année dernière, c’est moins que rien !  Elle se met à me raconter qu’elle était alors inscrite pour le 58 km, mais quand elle a appris qu’elle était enceinte, elle a décidé de laisser tomber.  En m’écoutant lui raconter que je m’étais retrouvé face contre terre (ou contre bouette) une bonne dizaine de fois durant cette journée mémorable, je la sens plus que confortable avec sa décision.

Une fois les retardataires passés, comme la section commençait sur une pente à tendance descendante, j’ai perdu mes comparses du 60 km de vue. Je traverse donc un bout plus roulant complètement seul. Voilà, comme à l’entrainement… Ménageant mes forces pour les heures plus chaudes, j’avance en mode conservation de l’énergie, accompagné du seul bruit de mes pas. Et à ce moment précis, je me sens bien. Ce contact si unique avec la nature, cette si belle journée que je me donne le droit de passer à courir (ou marcher ou grimper ou sautiller…). C’est vrai, à l’entrainement, on a toujours des contraintes de temps : le travail, les millions de bidules à faire avant ou après, etc. Pas ici. C’est MA journée et je vais en profiter pleinement. J’écarte les bras, tourne les yeux vers le ciel en respirant l’air pur… puis m’enfarge dans une roche.

Je rétablis la situation et parviens à éviter le pire. Ok, de retour à nos moutons. Je concède que la course en sentiers, c’est pas mal plus plaisant que la route, mais ça demande une certaine concentration, n’est-ce pas ?

Parlant de concentration, il me semble que ça fait un bout de temps que je n’ai pas vu des petits rubans roses. Je suis dans un chemin de quad, ça roule bien, mais pas de rubans roses. Shit… Je poursuis, inquiet. Merde, suis-je en train de m’éloigner du parcours ?  Je m’arrête, scrute le chemin devant, puis derrière. Rien. Personne non plus qui me rejoint, ni personne du 38 km devant. Merde, merde, merde !  Je fais quoi là ?  Je continue, risquant de m’éloigner encore plus ou je rebrousse chemin, quitte à perdre un peu de temps ?  Je décide de prendre le risque de poursuivre et au bout d’une éternité, j’aperçois finalement un petit ruban par terre. OUF !!!

Arrive finalement la montagne Noire, le Tourmalet  de l’Ultimate XC. Rapidement, je suis sur les talons de deux femmes sympathiques (je suis vraiment sur le bon chemin !) qui ont l’air de bien s’amuser. Nous échangeons quelques plaisanteries puis je passe. Deux ou trois autres dépassements plus tard, j’ai maintenant trois comparses du 60 km en point de mire. Arrivé sur eux, je demeure derrière. Laurent, un des trois, est définitivement plus fort que moi, alors je préfère qu’il reste devant moi. J’en profite pour récupérer un peu.

Je me promène littéralement en queue de peloton. Bon sang, si les descentes et le technique me semblaient un tant soit peu aussi faciles… Je me prends à rêver qu’il existe un classement pour les meilleurs grimpeurs, comme à vélo. Mais bon, ça n’avance vraiment pas… Devrais-je demander le passage ?  Le sentier est très étroit et aucun moyen de dépasser sans que l’autre ne se tasse. Sauf que je crains qu’après le prochain virage, je me retrouve devant un sentier plat et technique et que ceux que je trouvais trop lents se mettent à souffler dans mon cou. Je prends donc mon « mal » en patience et attends le sommet.

Finalement arrivés, la station d’aide est fort occupée. Plusieurs reprennent leur souffle, dont un très fort contingent de participant(e)s du 38 km. C’est le temps de faire le plein, autant en solide qu’en liquide. Les bénévoles s’affairent et sont tous serviables et efficaces. Tous ?  Non. Il y en a un qui résiste. Il est confortablement assis en retrait et tout ce qu’il fait est donner de fausses informations à tous. Il ne cesse de répéter qu’il reste 21.7 km à faire à tout le monde alors que c’est entièrement faux. Premièrement, le parcours pour rejoindre la prochaine station sera plus long pour nous du 60 km que pour ceux faisant le 38 km. De plus, il nous reste pas mal plus que 21.7 km à faire : on n’est même pas rendus à la moitié !

J’argumente avec le monsieur, il s’entête à répéter qu’il ne reste que 21.7 km à tout le monde. Heureusement, il y a des feuilles sur une table montrant les différentes stations et la distance qui sépare chacune d’elles de l’arrivée. Un de mes compagnons d’ascension me demande comment pourrons-nous savoir quel chemin emprunter vu que nous ne ferons pas le même trajet que ceux du 38 km sur cette section (on dirait bien que c’est moi qu’il croit et non pas l’autre). Je le rassure en lui disant que des bénévoles (qui espérons-le seront mieux renseignés) nous indiqueront par où passer selon la couleur de notre dossard. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

Sur ce, je fais encore le  plein (maudit que c’est compliqué de verser du GU Brew dans la poche de ma veste !) liquide et solide, puis reprends les sentiers.

Station Montagne Noire – Station Inter-Centre (km 38.3) – Dès le début de la descente, j’ai un petit sourire: il y a 12 mois, c’est ici que j’avais été assailli par ma première crampe. Là, toujours rien. La fatigue commence bien à s’installer, mais sans plus.

Après une partie très technique, la descente devient roulante. Pour protéger ma jambe (et éviter de me casser la marboulette), je n’y vais pas à fond. Sauf que ça descend pas à peu près !  Finalement, ça se stabilise un peu et j’atteins l’intersection où les deux parcours se séparent temporairement. Ensuite, c’est toujours roulant et je suis surpris d’apercevoir un concurrent devant. Il n’avance vraiment pas très vite et je me demande même si ce n’est quelqu’un qui aurait été mal dirigé. Qu’à cela ne tienne, le sentier est large et je passe sans trop me poser de questions.

J’ai commencé à ressentir la chaleur au sommet de la Noire, mais là, comme je suis à découvert, je sens le soleil qui commence à joyeusement plomber. Et surtout, je relâche un tantinet ma concentration. Résultat : une autre roche m’envoie valser et cette fois-ci, pas moyen de m’en sauver : je me retrouve à plat ventre par terre.

Première chose à vérifier : tout est ok ?  Check. Deuxième chose à vérifier : le gars que je viens de dépasser m’a vu ? Non. Good, l’honneur est sauf.  Je ne perds pas trop de temps et me remets en marche. Arrive une longue section boisée que j’avais courue avec Rachel et sa gang en 2013. Aujourd’hui, je suis vraiment seul. Heureusement qu’il y a des petits rubans roses, sinon je me remettrais à douter…

Dans cette partie boisée, je sens monter les premières crampes, à l’intérieur des cuisses. Je profite de ma première pause-pipi (qui est de couleur claire, hourrah !) pour me masser un peu, histoire de les faire passer. Ouais, autour de 28 km à faire, ce n’est pas l’idéal de commencer à cramper… Après mon physique, c’est maintenant mon moral qui est atteint. Cette section, si plaisante dans mes souvenirs, semble s’éterniser. J’essaie de me concentrer sur ce que j’ai à faire ainsi sur ce que je ne devrai surtout pas oublier à la prochaine station: faire (encore) le plein d’eau et de bouffe. Comment Joan fait pour courir entre les stations sans prendre d’eau ?  Et par une telle chaleur ???

Finalement, j’entrevois la lumière au bout du tunnel : c’est la montée qui m’amènera à la station Inter-Centre. Enfin ! Petite gorgée de Gu Brew pour célébrer ça… Surprise : je siphonne du vide. J’ai englouti 2 litres de liquide depuis le sommet de la Noire, faut le faire. Vivement la station !

La montée ressemble beaucoup à celle de la tour de télécommunications au mont St-Bruno, à un détail près cependant : celle-ci ne semble pas avoir de fin !  Je la gravis, mètre par mètre, sous un soleil à son zénith. Pour la rendre encore plus difficile, personne devant que je pourrais essayer de rattraper. Je me retourne : personne derrière. C’est au moins ça… Comme seule compagnie, j’ai les mouches à chevreuil qui ont le don de venir prendre un morceau de viande à même la petite partie à découvert de mon cuir chevelu. Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus insultant que se faire piquer le derrière de la tête ?

Finalement, j’entends des bruits : le ravitaillement est proche !  Première chose à faire : me vider 2-3 verres d’eau sur la tête. Haaaaa… Puis j’emplis tous mes réservoirs bien comme il faut et prends mes renseignements pour la suite : est-ce vrai que le parcours a été modifié parce que le Vietnam était trop magané ?  Le bénévole me répond en riant, l’air de vouloir dire : « Dream on ! ». Bon…

Comme je suis pour quitter, j’aperçois Luc qui arrive à la station. Dans le monde d’aujourd’hui, nous nous connaissons très bien: amis Facebook, contacts LinkIn, chacun est follower sur le blogue de l’autre. Et pourtant, c’est la première fois qu’on se parle !  Comme il est un trailer aguerri et qu’il a terminé 20 minutes avant moi en 2013, je m’attendais à ce qu’il soit devant. Je lui dis que cette situation ne devrait pas durer tellement longtemps et me lance vers le Vietnam.

Je me sens d’attaque, malgré la chaleur. Ma montre indique 5 heures de course. Sera-t-il possible de descendre sous les 8 heures ?

Le 50k intérieur JOGX de Sherbrooke

Dès que j’ai posé le pied sur le plancher du stade intérieur de mon alma mater, j’ai aimé ce que j’ai vu. La piste me semblait courte, alors 250 tours, c’était fort envisageable (je sais, 200 mètres c’est 200 mètres, mais j’avais un bon feeling). Mais surtout, il faisait frais. Assez pour que je doive enfiler un t-shirt à manches longues avant la course. Rien à voir avec le froid d’avant-course à Boston ou New York, mais j’étais optimiste en vue de l’épreuve.

On nous avait annoncé que la course de 1 km des petits allait débuter autour de 8h15, que le 5k se ferait tout de suite après et qu’à 9h, on donnerait les départs du marathon et du 50k. Comme d’habitude, le 1 km des petits a été retardé et il était autour de 8h45 quand le 5k est parti avec un grand total de… 4 participants. Je me disais que nous ne décollerions jamais avant 9h20-9h30, alors je me suis étendu sur le sol, en mode relaxation.

Or surprise, à 8h55, les organisateurs nous ont appelés à la tente de départ car le 50 km et le marathon allaient partir bientôt. De quessé ?   Je ne pouvais pas le croire. Au point où j’ai pris mon temps pour aller porter mon “survêtement” à ma case avant de me rendre au départ. Je m’attendais à ce qu’on reçoive un paquet d’instructions, qu’il y ait un test avec les puces électroniques, etc.

Mais non, nous allions partir. Drette là, comme on dit, pendant que le 5k se déroulait. Wo-ho, je n’étais pas le moindrement réchauffé, moi là !  J’ai à peine eu le temps de regarder le monde autour, juste assez pour voir que certains avaient l’air de se connaitre et pour spotter les coureurs qui semblaient les plus forts. Il y a des indices qui ne mentent pas: l’âge, la carrure, les jambes, l’allure générale aussi. Certains avaient l’air rapides. Avec un peu de chance, je pourrais peut-être faire un bout avec l’un d’eux, qui sait.

Puis, en moins de deux, le départ a été donné. Je suis parti à ce qui me semblait être un rythme de circonstance, soit celui de mes sorties du dimanche. Je sortais à peine du premier virage qu’il y avait un trou béant entre les autres participants et moi. Étais-je parti trop vite ?  Mon premier tour, couvert en 56 secondes, me confirma que non. Immédiatement après mon passage, le départ du marathon fut donné et assez rapidement, je me suis retrouvé avec un coureur aux fesses. Un gars de mon âge, fait sur ma shape. Après l’avoir laissé passer, je me suis accroché à lui, pour voir…  Grâce au gros chronomètre, il était facile d’évaluer notre cadence. Et quand j’ai vu que nous enfilions les tours à 52-53 secondes, j’ai décidé que c’était trop rapide et ai lâché prise. Nous allions nous revoir.

Depart50k

Le départ du 50 km

Honnêtement, je doute si j’avais 3 tours de complétés quand j’ai commencé à dépasser du monde. Il y avait entre autres un monsieur qui faisait la distance en marche rapide, alors… Dès le début, je dois admettre que les dépassements s’effectuaient plutôt bien. Les gens couraient en ligne droite et les plus lents se tenaient même dans les couloirs 2 et 3. Aussi, à la longue, j’ai fini par reconnaître les gens, alors je savais comment ils couraient. J’avais prévu attendre les lignes droites pour dépasser, question de ne pas allonger mon parcours, mais la différence de vitesse était trop grande pour que j’attende 50 mètres avant d’effectuer la manoeuvre. J’estime donc avoir pris la moitié des 500 virages (oui, 500 !) à l’extérieur du couloir numéro 1.

Gagnants50k

Un des multiples dépassements dans une courbe. Ici, je suis en compagnie de la gagnante chez les femmes, Manon Jacob

Autour du 2e kilomètre, une chose m’a frappé: l’air, bien que frais, était très sec. J’avais la bouche sèche, ce qui ne m’arrive pour ainsi dire jamais. Comme j’avais apporté 4 bouteilles de GU Brew, je me suis promis sur le champ qu’il fallait que j’en passe une à l’heure. Minimum. Au pire, si je finissais mes boissons plus tôt, je passerais au Gatorade fourni par l’organisation.

L’hydratation, justement… Il y avait plusieurs tables dressées tout autour de la piste où nous pouvions déposer nos affaires. C’était la première fois que je courais “allège” et ça me faisait bizarre. Sauf que pour prendre ma boisson, je devais sortir de la piste par l’extérieur, ce qui me faisait faire un détour, et ramasser une de mes bouteilles pour courir un tour ou deux avec avant de la redéposer à l’endroit initial. Finalement, ne trouvant pas cette méthode très efficace, j’ai décidé d’utiliser une table “neutre”, située à l’intérieur de la piste, près de la ligne de départ/arrivée.

Durant la première heure, tout allait assez rondement. J’alignais les tours entre 54 et 56 secondes, dépendant de la circulation. Ayant très rapidement perdu le compte de mes tours (qui se faisait automatiquement à chaque passage grâce aux puces électroniques attachées à nos souliers), je me concentrais sur ma vitesse. Après 30 minutes, nous avons effectué notre premier demi-tour. Il en sera ainsi durant toute la durée de la course: à toutes les 30 minutes, on vire de bord ! J’avoue que ça faisait drôle, la première fois, de voir les gens venir à contre-sens le temps de quelques secondes. J’ai même failli indiquer au premier que j’ai rencontré qu’il allait dans le mauvais sens. Hi le petit cerveau…

FredDemiTour

Un demi-tour, un des sept que j’ai dû effectuer

À un moment donné, comme je commençais à avoir chaud, je me suis dit que si j’enlevais ma casquette… Mauvaise idée. Étant habitué de n’avoir rien dans la partie supérieure de mon champ de vision, les lumières au plafond m’étourdissaient à force de tourner en rond. Pour la première fois, j’ai vu l’utilité d’une simple visière pour courir au lieu de la casquette classique: meilleure ventilation tout en “isolant” les yeux. On en apprend toujours.

Comme c’est maintenant devenu une habitude, j’ai senti une baisse de régime autour des 13-14e kilomètres. Ma cadence demeurait stable dans les 55 secondes, mais c’était plus difficile. C’était le moment de prendre un gel et comme par magie, quelques tours plus tard, tout s’était replacé. C’est aussi à ce moment que mes intestins ont commencé à envoyer des signaux. Heureusement, ce n’était qu’une fausse alerte.

Pour contrer la hausse progressive de la température, l’organisation s’est arrangée pour nous faciliter la vie. Première attention: des petites serviettes humides. Le bonheur !  En plus, c’était parfait pour enlever les petits résidus de GU Brew et de gel. Aussi, le stade étant muni d’une grosse porte de garage, les organisateurs en ont profité pour laisser entrer du bon air pur. Imaginez la sensation: de l’air à -20 degrés qui entre dans un petit stade couvert où courent une trentaine de personnes depuis plus d’une heure. Rafraîchissant, vous dites ?

Phénomène tout nouveau pour moi en compétition: ne pas savoir où j’en étais rendu. J’avais une petite idée, vu que je voyais assez bien ma cadence à chaque tour, mais comment en être certain ?  Il fallait tendre l’oreille quand la bénévole nommait le nombre de tours parcourus par chacun, mais encore là, pas facile de bien comprendre, l’acoustique de l’enceinte laissant à désirer. En plus, il ne semblait pas y avoir d’ordre particulier pour l’énumération du nombre de tours, alors…

Bref, autour du 22e kilomètre, j’ai pris un autre gel. Et j’ai eu un beau boost. Depuis un petit bout de temps, un gars que je dépassais régulièrement me félicitait et/ou m’encourageait à chaque fois que je passais. Mais à partir de là, il était presque admiratif, ça en était gênant. Du genre: “Régulier comme une horloge” ou “Wow, t’es une machine !” sans oublier le “Criss que t’es fort !” (pas certain pour le juron, par contre). Ça faisait plaisir à entendre, mais je me disais qu’il devait certainement avoir déjà vu des coureurs pas mal plus forts que moi… En tout cas, personnellement, j’en connais plusieurs ! (J’apprendrai plus tard qu’il fait partie de cette catégorie)

Peu de temps après, j’ai porté attention à la dame qui annonçait les tours complétés par chacun et j’ai entendu “Sur le 50 km, Frédéric, tu es parti sur un rythme rapide: déjà 125 tours !”. J’ai aussi entendu “Gilles Gervais, 127 tours”. Effectivement, le seul coureur plus rapide que moi m’avait dépassé 3 fois en tout et comme il était parti une minute après moi, qu’il ait parcouru 2 tours de plus, ça tombait sous le sens. En fait, je ne me préoccupais pas de lui, mais plutôt de conserver ma cadence, encore et encore. J’avais dépassé la mi-parcours, mes troubles intestinaux étaient chose du passé. Plusieurs personnes alternaient course et marche, prenaient des pauses aux tables de ravito. Moi je continuais, en mode métronome. Keep moving, comme ils disent. J’avais réussi à trouver une façon de faire qui me convenait, en buvant souvent, alternant eau (les gentils bénévoles remplissaient nos bouteilles à notre demande, vraiment efficaces) et GU Brew. J’accumulais les tours, encore et toujours.

Bien que ce n’était pas l’expérience la plus exaltante de ma vie, je me rendais compte que j’étais loin de m’ennuyer, bien au contraire. La musique était bonne (des reprises des années 80, en bonne partie), ambiance relaxe, tout le monde souriait, l’organisation se montrant très efficace. Vraiment, c’est le genre d’expérience à vivre au moins une fois dans sa vie.

Mais bon, une course longue distance étant une course longue distance, il a fallu que quelque chose se mette à clocher peu après qu’on ait annoncé que j’en étais rendu à 150 tours: mon estomac s’est mis à crier famine. Merde, vraiment pas le moment d’avoir faim… J’ai avalé mon en-cas pour ces moments-là: un gel au beurre d’arachides. Ça a semblé faire effet un peu, mais une dizaine de tours plus loin, même affaire. Double merde !  J’ai dû m’arrêter quelques secondes à “ma” table, question de m’emparer de mon ziploc contenant une Power Bar coupée en morceaux.

Un peu plus loin, mon estomac ne criait plus, mais ma cadence avait perdu quelques plumes. Moins que certaines personnes on dirait car, alors que je me disais que ça faisait un bout que je ne l’avais pas vu, j’ai aperçu le meneur du marathon… devant moi. Sa longue foulée toute en fluidité avait perdu de son efficacité et bien que j’en arrachais, je gagnais du terrain sur lui. Une fois rendu sur ses talons, je l’ai suivi un peu, mais après la moitié d’un tour, j’ai constaté qu’il allait définitivement trop lentement, alors j’ai passé.

Il avait ralenti d’au moins 5-6 secondes au tour, sinon plus. Mon esprit compétitif reprenant le dessus, cet épisode me redonna des ailes. De petites ailes, mais des ailes quand même. On annonça que j’étais rendu à 168 tours. Ok, presque 34 km de faits, plus qu’une sortie de semaine et c’était terminé. Une fois de plus, j’ai dépassé celui dont j’apprendrai plus tard qu’il s’appelle Denis (nous nous sommes jasé dans le vestiaire après la course, vraiment sympathique), il m’a lancé: “Ça a donc l’air facile !”, ce à quoi j’ai répondu: “Ça l’est de moins en moins !”. Son comportement en course était remarquable: il se tassait pour me laisser passer à chaque fois, me montrant le passage par l’intérieur. La grande classe.

DenisMichaud

Denis Michaud, un homme très sympathique. J’espère qu’on se reverra bientôt.

Puis arriva ce qui devait arriver: début de crampe à l’ischio droit. Merde, merde, merde !  Pas déjà…  Tout de suite, j’ai mis mon “plan de contingence” en oeuvre: petites enjambées, ralentir un peu et surtout, ma mantra de l’Ultimate XC de St-Donat: “Bois, bois, bois !”. On ne sait pas d’où viennent les crampes. Certains parlent de problèmes du côté des électrolytes et de l’hydratation, d’autres de fatigue musculaire. Si je ne pouvais rien faire pour la fatigue des muscles, j’allais au moins contrôler l’hydratation et les électrolytes. Je me suis donc mis à boire encore plus, alternant toujours eau et GU Brew.

Bien évidemment, les idées noires ont commencé à me traverser l’esprit. Allais-je être obligé d’abandonner ?  De quoi aurais-je l’air ?   Du gars qui a fait son show devant les autres pour ensuite se planter avant la fin ?  Non, ce n’était pas une option. Je me suis mis à penser aux grands ultramarathoniens qui disent avoir appris à apprivoiser la souffrance. J’ai essayé de me mettre dans cet état d’esprit, question de voir où ça me mènerait…

Puis, belle surprise: malgré mes problèmes, j’avais encore une fois le meneur du marathon en point de mire. Je me suis donc concentré sur lui. Je ne regardais plus vraiment ma cadence, y allant au feeling. Et je gagnais du terrain, lentement, mais sûrement. J’allais le dépasser quand il s’est arrêté à sa table quelques secondes. Voilà, nous étions dans le même tour.

Le 200e tour. 40 kilomètres, 80% du parcours derrière moi. J’écoutais où en étaient rendus les autres et beaucoup n’avaient pas encore parcouru 150 tours. Je n’en revenais pas. J’avais dépassé tant de monde aussi souvent ? Puis je me suis mis à penser que je pourrais demander aux organisateurs la permission d’arrêter au marathon et me faire “créditer” mon temps. Il ne me resterait plus que 11 tours au lieu de 50…

Je jonglais sérieusement avec cette idée. Très sérieusement. C’était quoi le but, 50 km ?  Personne ne court 50 km comme ça, sur le plat. Dans le bois, ok, mais ici ?  Non, je ne voyais pas le but. Un marathon, c’est un standard, mais 50 km ?  Ce n’est même pas un “vrai” ultramarathon… En plus, l’annonceuse s’est mise à dire que j’achevais. “Frédéric Giguère en est à son dernier tour !”. Mais j’ai résisté à la tentation d’appliquer les freins au 211e passage, me contentant de lancer “Je fais le 50 !” en passant près d’elle. J’ai aussi porté attention à mon temps: 3:14:30.

Hé, pas mal !  Je me disais que je valais 3h12-3h15 sur marathon présentement, alors moins de 3h15 comme temps de passage, c’était amplement satisfaisant. Maintenant, avais-je le jus pour poursuivre ?

Quelques secondes plus tard, on annonça que Gilles Gervais venait de gagner le marathon (temps de 3:14:13, n’oublions pas qu’il était parti 1 minutes après moi). L’aurais-je battu si j’avais fait “seulement” le marathon ?  On ne le saura jamais. En tout cas, probablement qu’on se serait relancés à quelques reprises durant la course…  Comme il faisait son retour au calme en marchant à l’intérieur de la piste, je suis passé près de lui et lui ai fait un signe “Thumb up” et un sourire. Il m’a répondu en m’envoyant la main et en souriant. J’aimerai toujours ce respect mutuel entre coureurs. On n’est pas là pour s’arracher la tête, juste pour dompter un parcours, une distance. Les coureurs sont plus des frères d’armes que des compétiteurs. En tout cas, c’est comme ça que je vois le tout.

Le reste de la course ne sera plus qu’un dur labeur. Après mon 211e tour, je me suis mis à les compter, pour rapidement ne plus savoir où j’en étais rendu. Les crampes se pointaient le nez de temps en temps, dont une qui m’a parcouru la jambe gauche au complet, de la fesse jusqu’au mollet. Mes rares coups d’oeil au chrono confirmaient ce que je savais déjà: j’avais ralenti. Maintenant, les tours se faisaient en 58, 59 secondes. Il m’arrivait de prendre une pleine minute. La machine est programmée pour tenir un rythme constant sur 42.2 km, pas 50. Denis m’encouragea en me disant que j’avais une avance insurmontable, que je pouvais ralentir. Mais je voulais terminer fort…

Après 3h30 de course, autre demi-tour. Dans ma tête, ce serait mon dernier. J’allais descendre sous les 4 heures, mais par combien ? 4, 5, 6 minutes ?  L’annonceuse nous tenait de plus en plus souvent au courant de nos progrès. 225 tours. 230 tours. Allez, 4 petits kilomètres, ça achève. 235 tours. Une éternité plus tard, 240 tours. 2 kilomètres. À partir de ce moment, je n’ai plus perdu le compte. Je ne savais pas si ça allait tenir, mais je savais que je terminerais. Et que je gagnerais. Moi, gagner une course… C’était dans mes rêves les plus fous, et encore…

245 tours. Ha, le fameux dernier kilomètre. Je courais maintenant dans les rues près de chez moi, il ne me restait plus que la rue des Écluses à parcourir, entre le fleuve et le boulevard St-Laurent. À la fin du 249e tour, j’ai demandé confirmation au passage et l’annonceuse l’a clamé au micro: “Frédéric Giguère, le gagnant du 50 km, est dans son dernier tour ! Et il va battre le record !”. Gagnant. Record. Moi ?!?

Dans le dernier virage, j’ai dépassé une dernière fois Denis. Il m’a tendu la main, m’a félicité chaleureusement. Ça m’a fait tout drôle. Je l’ai remercié, tout aussi chaleureusement. Je le soupçonne d’avoir ralenti pour m’attendre. À la sortie du virage, j’ai eu la vision de Bruce Jenner, terminant le 1500 mètres du décathlon des Jeux de Montréal. Non, je ne m’en souviens pas (j’avais 6 ans, quand même…), mais j’ai vu la photo des centaines de fois et j’ai toujours rêvé de le faire. C’était l’occasion, probablement la seule que j’allais avoir, alors je me suis fait plaisir. Prenant bien soin de me diriger vers l’extérieur de la piste, question de ne pas nuire aux autres participants (car j’allais m’arrêter immédiatement une fois l’arrivée franchie), j’ai traversé la ligne en brandissant les bras dans les airs, comme Jenner jadis.

BruceJenner

Montréal 1976: Bruce Jenner termine son décathlon

Je voulais marcher un peu, faire un tour ou deux dans le couloir extérieur de la piste, question de chasser un peu d’acide lactique de mes jambes (surtout mes quads !), mais j’ai vu que je nuirais quand même, alors je me suis dirigé vers l’intérieur. Les organisateurs sont tout de suite venus me voir, me félicitant avec beaucoup de vigueur. “Tu sais que tu as démolli le record ?  3h53, je ne serais même pas capable de faire ça sur un marathon !”. C’était quasiment trop. Je suis un coureur ordinaire qui s’est adonné à être le plus rapide ce jour-là, c’est tout. Joan et Seb auraient déjà fini de prendre leur douche s’ils étaient partis en même temps que moi…

J’étais tout de même extrêmement heureux quand on m’a remis le très beau petit trophée en bois avec “50km – Sherbrooke 2014 – #1” écrit dessus. J’aurais peut-être dû le montrer un petit peu plus pour la photo officielle, par contre. Que voulez-vous, un gars pas habitué aux honneurs…  🙂

FredMedaille

J’exhibe « fièrement » mon trophée ! 😉

Qu’est-ce qui m’attend ?

Comme j’en ai déjà parlé, c’est dimanche prochain que je prendrai part à la course de 50 km dans le cadre du marathon intérieur de Sherbrooke. Piste de 200 mètres, 250 tours à compléter. Simple, non ?  Pas tant que ça. Ce type d’épreuve m’est totalement inconnu et bien que je tâche de tout prévoir, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Je me dis que je dois prendre ça comme une expérience, mais je le sais, mon esprit compétitif va travailler pour essayer de trouver la meilleure façon d’obtenir un résultat qui a de l’allure. Que voulez-vous, on ne me change pas.

Première interrogation: l’entrainement. Est-il adéquat ?  Honnêtement, je ne me suis pas entrainé avec cette course-là à l’esprit. Mon premier vrai objectif de la saison, c’est Boston. Ok, j’ai fait quelques distances plus longues (dont une sortie de 36 km) depuis le début de 2014, mais des intervalles ?  Pas vraiment moyen, avec le froid et la glace. La vitesse n’est donc pas là, bien que samedi dernier, je me suis un peu surpris avec du 4:08/km sur 13 km.

Deuxième interrogation: le tapering. Encore là, pas ma meilleure. 84 km la semaine dernière, on ne peut pas vraiment appeler ça du tapering (en ce qui me concerne, du moins). J’y vais très relaxe cette semaine, mais ce sera probablement trop peu, trop tard.

La distance. Bah, c’est “juste” 8 km de plus qu’un marathon…  Ben justement, c’est tout de même presque 20% de plus. Je n’ai fait cette distance que 5 fois dans ma vie (deux ultras, deux fois au mont St-Bruno et une fois sur la route pour le plaisir), ce n’est quand même pas beaucoup. Et il y a l’aspect mental à considérer. En marathon, quand j’arrive aux 25-26e kilomètres, je me dis qu’il ne me reste plus qu’une sortie de semaine à faire et ce sera fini. Mais sur un 50 km, je n’en serai rendu qu’à la moitié. Psychologiquement, j’aurai besoin de m’adapter, c’est certain.

Le psychologique, justement. Tourner en rond comme ça, pendant des heures, ça risque d’être très difficile mentalement. Je ne compte plus le nombre de personnes qui n’en reviennent pas que je me sois embarqué là-dedans, qui me trouvent courageux (ou débile, c’est selon), etc. Moi qui ai envie de pleurer quand je me tape un tour du bassin olympique au parc Jean-Drapeau parce que je trouve ça ennuyant, imaginez 250 tours… Sauf que je compte bien utiliser le tout à mon avantage. On dit toujours qu’il ne faut jamais voir une course longue distance dans son ensemble, qu’il est de beaucoup préférable de la fractionner mentalement en plusieurs petites courses. Ainsi, durant un ultra en trail, on ne doit penser qu’au prochain poste de ravitaillement et oublier le reste. Puis au suivant, puis au suivant… J’avoue que ça marche plutôt bien. Alors dans ce cas-ci, surtout si ça commence à mal aller, il me sera plus facile de seulement me concentrer à terminer un tour et oublier qu’il en reste une infinité.

Ok, peut-être plus facile à dire qu’à faire…

Les conditions. Évidemment, pas de vent, pas de pluie, pas de neige, pas de glace. Mais quelle sera la température ?  Sur le site de l’événement, il est indiqué que le chauffage sera probablement fermé durant la nuit, permettant à la température du stade intérieur d’atteindre une valeur acceptable pour la course. On parle de 15 à 20 degrés. Or, il ne faut pas oublier que nos corps sont présentement habitués à combattre le froid, alors 20 degrés pour courir, ce serait peut-être un tantinet élevé à mon goût. Je ne devrai pas négliger l’hydratation, c’est certain.

Et que dire de la qualité de l’air ?  Une autre inconnue. Est-ce qu’il sera vicié ou il y aura une certaine circulation ?  À voir sur place.

La circulation. En tout, nous serons 34 sur la piste en même temps : 21 pour le marathon, 13 pour le 50k. Un petit calcul rapide permet de découvrir que quelqu’un qui court à 5:00/km fera 6 tours de piste pendant que la personne qui court à 6:00/km en fera 5 (mail quel grand mathématicien, quand même !). Ce qui veut dire un total d’une quarantaine de dépassements durant la course ! Imaginez s’il y a un petit vite qui fait le marathon à 3:45/km et qu’une autre personne va à 7:00/km. À 34 personnes…

Normalement, durant une course, quand un coureur plus rapide en dépasse un plus lent, ça arrive une seule fois et c’est tout. Au fur et à mesure que l’épreuve se déroule, les coureurs de même force tendent à se regrouper et les manoeuvres de dépassement se font de plus en plus rares. Aussi, il y a généralement assez de place pour passer. Mais là… Sans compter l’effet psychologique de se faire prendre plusieurs tours par la même personne. Bref, il va falloir dealer avec la circulation, quelque chose de tout nouveau pour moi qui n’ai jamais fait de course sur piste.

La musique. Je cours toujours dans le silence le plus complet car j’aime me perdre dans mes pensées. Or, on nous annonce de l’animation. En marathon, quand je passe devant un orchestre, mes sentiments à son égard sont mitigés. Si ça va bien, une bonne petite toune avec un bon beat, ça me pompe et je suis énergisé. Mais quand ça va mal, ça me tape sur les rognons. Les cuivres et les percussions ont le don de venir chercher une corde sensible…

Bref, je vais sortir de ma zone de confort et j’avoue que je ne déteste pas ça du tout. J’ai bien hâte de voir comment ça va se passer…

Ultimate XC St-Donat: le Vietnam… et le reste

Hum, ça fait 5 heures que j’avance ?  Donc, mon amie Maryse doit être à la veille de prendre le départ. J’espère que ça ira bien pour elle qui en est à sa première expérience en trail. Dans son cas, je crains surtout la fameuse côte du centre de ski, car à ce que j’ai compris en jasant avec Seb Roulier hier, les sentiers des 11 derniers kilomètres sont relativement faciles (ce que je peux comprendre mal, des fois…). Allez Maryse, on s’envoie des ondes positives, on est ensemble, comme à Ottawa l’an passé !  🙂

En quittant la station, une descente nous attend. Boueuse ?  Bien sûr !  En chemin, on doit traverser des petits ruisseaux. Probablement qu’en temps normal, on peut les franchir en sautant légèrement par dessus, mais bon, on n’est pas en temps normal, alors je dois les traverser avec de l’eau jusqu’aux chevilles. Certains ont même de forts courants… En traversant ce que j’appellerais une rivière, une pancarte: « Bienvenue au Vietnam ». Ha, le voici, le fameux Vietnam. Voyons voir s’il est si pire que ça.

Un trou de boue me semble plus profond que les autres. Hum… pas moyen de le contourner, va falloir passer au travers. Je m’attends à caler jusqu’aux mollets. Erreur:  c’est jusqu’à la taille que je m’enfonce !  Ayoye !  Définitivement que ça n’avancera pas tellement vite au cours des prochaines minutes.

Je progresse donc, du mieux que je peux, dans la soue à cochons. Je continue à boire, le plus souvent possible. Jusqu’à ce que je constate que je commence à siphonner du vide. Plus de GU Brew, merde !  Erreur de débutant: j’ai carrément oublié de vérifier mon niveau de liquide à la dernière station. Mais comme je n’avais fait qu’une douzaine de kilomètres depuis le dernier remplissage, je ne m’en souciais pas vraiment. Sauf qu’à force de boire…

Moment de panique, puis je me calme. J’ai beaucoup bu au cours des deux dernières heures et cette section, bien que laborieuse, n’est longue que de 4 km. En plus, j’ai tout de même calé plusieurs verres à la dernière station, alors je devrais m’en remettre.

Comme j’arrive à la « vraie » rivière, un gars me rejoint (ça ne descendait pas tant que ça, mais c’était technique, alors…). Ho que ça a l’air profond !  Je laisse aller mon pied gauche et touche à… rien !  C’est tellement creux que ma jambe droite plie complètement, sauf que mon pied demeure coincé à une racine. Pas d’appui en bas, coincé en haut sur la rive. Et pour combler le tout, une merveilleuse crampe dans la cuisse et le mollet droits !

L’autre m’offre de l’aide, mais je réussis à me sortir de cette fâcheuse position seul pour me retrouver avec de l’eau jusqu’à la poitrine. La rivière n’est pas large, heureusement !  J’avance à tâtons, cherchant à poser les pieds sur les branches qui jonchent le fond, question de ne pas plonger plus creux, et finis par arriver de l’autre côté. Au bout du compte, ça nettoie son homme et l’eau n’était pas si froide, juste assez pour faire du bien.

Je me masse un peu, question de passer les crampes et laisse aller mon poursuivant. Le Vietnam n’est évidemment pas terminé. On doit maintenant traverser des marais, avec de l’eau passant de la mi-cuisse au nombril, dépendant où on réussit à poser les pieds. L’équilibre est toujours précaire, alors j’essaie de me retenir avec les petits arbres qui longent le « parcours ». Sauf que certains sont déracinés et ne tiennent plus…  J’ai presque l’équivalent d’un marathon dans les jambes et je dois me taper ça.  J’ai vraiment payé pour être ici, moi ?  😉

Mais que vois-je ?  Je ne peux m’empêcher de rire: l’organisation a installé un squelette en plastique portant le t-shirt de l’événement en plein milieu du marais !  Avouez qu’elle est vraiment bonne !

Je finis par sortir de l’eau, mais les petits rubans roses sont toujours installés au-dessus de cette dernière. Shit, devrait-on « théoriquement » toujours avancer dans l’eau ?  Heille, laissez faire !  J’avance donc, dans le semblant de sentier qui longe le ruisseau, en surveillant encore et toujours les rubans roses. Finalement, j’arrive à la traversée de la route 329. Marcher dans deux pieds d’eau qu’ils disaient… Je suis très heureux d’apprendre que mes jambes ne font que deux pieds de long !  Parce que l’eau, elle est jusqu’à ma taille. Et le courant, il est assez fort merci.

Je finis par enfin sortir de l’eau pour emprunter la montée boueuse (duh !!!) qui m’amènera à la station Chemin Wall (km 40.2). Dans la montée, un bénévole avec des jumelles nous regarde arriver et crie les numéros aux autres postés à la station, un peu plus haut. Quand j’arrive sur place, mon drop bag m’attend, devant une chaise. Wow, ça c’est du service !

La bénévole est très, très dévouée. Elle m’offre de m’amener de l’eau pour me rincer les pieds, mais j’hésite: je ne sais pas si je vais changer mes souliers. Ceux que je porte sont complètement détrempés et remplis de boue, d’accord, mais est-ce que ça vaut vraiment la peine si on retrouve autant de boue par après ?  Elle me répond que tous les coureurs qui ont changé leurs souliers ont dit que c’était un pur bonheur. Bon, ok, j’accepte son offre. J’enlève mes souliers et mes bas. Ce que je découvre n’est pas tellement joli. D’accord, mes pieds ne sont pas tellement beaux d’avance, mais le 4e orteil du pied droit est complètement rouge. J’appuie dessus: ouch !  C’est dur et douloureux cette affaire-là !  On dirait qu’il y a une grosse ampoule à l’intérieur, je n’ai jamais vu ça. Bah, tant pis, si ça tient jusqu’à l’arrivée, on verra bien par après.

Tant qu’à faire, aussi bien tout changer: bas (évidemment !), t-shirt, casquette. Ok, je vais garder mes shorts, quand même… Je jette un oeil à la fille à côté de moi et lui demande: « On ne s’est pas vus, tantôt ? ».  Non non, je ne la cruise pas (de toute façon avec l’air que j’ai…). Ben oui, nono, elle fait le 38 km, alors elle a pris un raccourci, ça fait qu’on se retrouve.

Retour à la bénévole, qui m’offre d’aller à nouveau chercher de l’eau pour me rincer les pieds si j’en ai encore besoin, me demande si je désire autre chose. C’est fou à quel point ces gens-là sont serviables. Avez-vous un psychiatre de disponible ?  C’est que je commence à me questionner sur mon état mental… Je la remercie et lui glisse que plusieurs personnes risquent de manquer le cutoff . Ça fait maintenant 6 heures que je suis parti (ouais, presque une heure pour faire 4 km !), il ne reste donc qu’une heure avant la coupure qui se fait ici. Je sais que je suis loin d’être le dernier et demande des nouvelles des premiers, question de me jauger. Selon eux, les tops sont passés il y a seulement une heure et je serais autour de la 15e position.

15e, ha oui ?  De quoi me donner un petit boost. Finalement, le top 10%, c’est peut-être possible, surtout si ça devient plus roulant… Je mange et bois un peu, n’oublie pas de remplir mon réservoir (encore une fois des problèmes avec la petite poudre !) et entame la partie à-peu-près-post-marathon de la course, me sentant presque propre comme un sou neuf.

Ça ne me prend vraiment pas beaucoup de temps avant de me rendre compte que changer mes souliers a été une erreur. Car moins d’une minute après m’être engagé dans la trail, mes pieds sont à nouveau mouillés et la boue reprend progressivement ses droits. De plus, cette paire-là est vraiment usée, au point qu’il n’y a pour ainsi dire plus de crampons sur la partie avant des semelles. Pas l’équipement idéal pour remonter le véritable ruisseau qui coule dans la côte que nous devons grimper.

Suite à la descente je tombe sur deux filles du 38 km carrément arrêtées à une intersection, la face en point d’interrogation. De quessé ?  Elles sont perplexes: elles ne savent pas si elles doivent aller à gauche ou à droite, vu qu’il y a des rubans roses de chaque côté. Avec mon esprit de déduction hors norme, je dis qu’on doit aller à gauche, vu qu’il y a une flèche nous indiquant d’aller dans cette direction.  Et me voilà parti aussitôt.

Peu de temps après, j’arrive à la station Lac Lemieux (km 44). C’était donc le bon chemin. 🙂  On me demande tout de suite si je sais où est la première femme du 58 km. Ils en ont vu du 38, mais pas du 58. Je leur annonce que leur attente tire à sa fin: elle est probablement à 5 minutes derrière moi, 10 tout au plus.

Plus loin, après un peu de boue, je crois voir un mirage: un chemin de terre praticable !  Enfin, on peut avancer !  J’enclenche donc une vitesse supérieure et finis par rejoindre un autre gars. Je lui glisse au passage: « Ça va bien, hein ? », ce à quoi il me répond: « C’est bien d’enfiler les kilomètres ». Effectivement !  C’est le bonheur, enfin je suis dans mon élément: une surface comme à St-Bruno. 🙂

Et question de me motiver encore plus, la station lac Bouillon (km 47) approche. Je sais que mes parents m’y attendront avec du GU Brew tout prêt. Mais j’ai surtout hâte de les voir. J’adore voir mon monde durant une course, c’est fou à quel point c’est motivant.

Après avoir traversé un chantier de construction inoccupé, je les aperçois, bien installés avant la station. Je m’arrête, embrasse ma mère, échange une poignée de main avec mon père. Une mère, ça s’inquiète toujours, alors la mienne me demande si ça va. Je leur dis que « c’est de la cr… de m… ! « , leur parle de mes crampes et de mon orteil « d’une couleur bizarre ». Elle me suggère de faire voir ça par un aide médical, je réponds que je n’ai pas le temps. On remplit mon réservoir, pose pour la photo (finalement, le cell de mon père n’a pas fonctionné, God knows why) et je repars… en prenant soin de mon tromper de chemin en quittant la station. Heureusement qu’il y avait quelqu’un pour m’aiguiller vers le bon endroit, sinon…

Je vois la pancarte du départ du 11 km. J’ai une petite pensée pour Maryse: est-ce que ça a bien été ?  Comment s’est déroulée sa course ?  Et la côte ?  Au moins, je me dis qu’elle n’aura pas vécu la foutue bouette comme moi (ce que je peux être dans le champ, des fois)…

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Mon amie Maryse à l’arrivée. Elle m’a dit qu’elle avait trouvé ça très très dur, mais son beau sourire semble indiquer qu’elle n’a pas totalement détesté…

Je reprends un concurrent du 38 km, puis le laisse dans mon sillage aussitôt. Ça va vraiment bien mes affaires. J’arrive au pied de la montagne. Sur une enseigne: « Côte de l’enfer ». Amenez-la, votre côte !  Dans l’infolettre, l’organisation nous avertissait qu’elle prenait entre 15 et 45 minutes à gravir. Je regarde mon chrono en entamant l’ascension.

Elle est boueuse, mais on a vu pas mal pire. Toutefois, la pente est vraiment, vraiment raide. Il est même parfois difficile d’avancer sans prendre appui sur les mains. Ce que je suis content de ne pas la faire en descendant (quand je pense à Sophie et Jocelyn qui se sont tapés ça…) !  Je rejoins des concurrentes du 38 km et les perds de vue rapidement. Je continue, à un bon rythme. Le souffle est un peu court, mais ça va. Puis j’arrive au bout. C’était ça votre côte de moumoune ?

Heu non, c’est seulement un virage. À ma gauche, une autre face de cochon se présente à moi. OK… Allez, on monte encore !  Mes quads font leur travail. Les jambes font un peu mal, mais c’est très tolérable. Arrive le sommet. Est-ce vraiment le sommet ?  Il y a un indice qui ne trompe pas: les télésièges arrêtent ici, alors la montagne ne peut pas tellement monter plus haut, n’est-ce pas ?

Coup d’oeil au chrono: ça m’a pris 13 minutes. Non !?!  Plus vite que le « minimum » prévu ?   L’élite doit faire ça en moins de 10 minutes, je ne peux pas croire…

Je suis les petits rubans jusqu’à l’entrée du bois où une merveilleuse surprise m’attend: de la cr… de bouette !  Ok, pas de panique, c’est juste une petite section. Erreur. La descente de la montagne commence par un single track très étroit, à flanc de montagne. Je dois avancer les pieds penchés sur le côté, les chevilles sont sollicitées au possible. C’est extrêmement pénible. Devant moi, un gars du 38 km et je n’arrive pas à le rattraper. À un moment donné, c’est carrément un précipice qu’il y a sur ma gauche et pas moyen de prendre appui solidement. C’est débile, cette affaire-là !

Puis, c’est la descente, la vraie. Aussi abrupte que la montée de tout à l’heure, avec de la boue en bonus. Je dois me tenir aux arbres pour ne pas dégringoler, arrêter à tout bout de champ pour essayer de trouver une trajectoire le moindrement potable. Et la plupart du temps, je ne trouve rien. Un gars me rejoint, j’essaie de passer aux mêmes endroits que lui, mais il va trop vite et je finis par le perdre de vue. Maudite descente à la m… !!!

Après une éternité, j’atteins la station Ravary (km 52.5), un autre coureur sur mes talons. Un bénévole nous lance: « 20e et 21e » !  Quoi ?  J’ai perdu 5 places depuis le chemin Wall ?  J’aurais plutôt dit que j’étais « kif-kif », moi (j’ai dépassé pas mal de monde dans la partie roulante)… Je m’informe des premiers: toujours une heure devant. Je commence à douter de cette info, mais bon, je me dis que dans le pire, c’est 1h30.

Moi qui pensais tomber sur du roulant vers la fin, la suite mettra mon moral à dure épreuve. Roche, boue molle et profonde, un véritable calvaire. Je m’accroche aux arbres pour ne pas tomber, j’avance plus lentement qu’une tortue. Je tombe à quelques reprises, invoquant tous les saints de l’église au passage. Je suis officiellement en tab…, je me jure qu’ils ne me reverront plus ici.

Et j’ai une pensée pour Maryse, qui s’est tapée ça comme première course en trail, la pauvre. Dans le genre baptême de feu, c’est difficile de trouver mieux. Ou pire, c’est selon. J’essaie (je dis bien: j’essaie) de me consoler en me disant que les sentiers étaient peut-être dans un meilleur état quand elle est passée. Car nous, les débiles du 58 km, passons après tout le monde.

Un autre coureur arrive derrière. Comment ça se fait que les autres sont si habiles dans la boue et pas moi ?  Je le laisse passer et poursuis en silence. Finalement, je sors de la foutue boue. Un jeune garçon m’avertit que la prochaine station (329, km 54.5) est proche. C’est la dernière, je me permets un bon Coke en plus de l’eau. Quand je dis à la jeune bénévole que ça fait plus de 8 heures que je suis parti, elle passe proche de tomber dans les pommes: elle n’en revient pas qu’on puisse « courir » tout ce temps. Hé oui…

Ha, enfin, le parcours de cross !  C’est roulant, quel bonheur !  Et pour nous encourager, les distances sont maintenant marquées à tous les 500 mètres. Je cours à ce qui me semble être une très vive allure (alors qu’en fait, je vais à peine à 5:00/km !). Devant moi, le dernier qui m’a repris dans la section boueuse. Lentement, mais sûrement, je gagne du terrain sur lui. Arrivé tout près, je songe à lui jaser un peu et lui offrir de terminer ensemble. Puis je me ravise: il ne m’a pas dit un traitre mot d’encouragement tantôt, alors que j’en arrachais, qu’il aille se faire voir. C’est mon derrière qu’il aura dans son champ de vision.

Je le dépasse donc sans laisser sortir le moindre son de ma bouche. Tiens toé !  Je passe les petites pancartes, une à une. La fin est proche !  Dans les 500 derniers mètres, on sent l’effervescence. Il commence à y avoir des spectateurs, chaque personne que je croise lance des encouragements. Mes chevilles font mal, je crains des troubles au niveau des tendons, comme j’en ai déjà eu, mais ça me passe 100 pieds par-dessus la tête: rien ne va m’arrêter !

Petit bonjour au photographe en passant, et finalement, dernière petite descente et je vois l’arrivée. Sur ma droite, ils sont là: mes parents, ma soeur, une de ses amies et Maryse, ce qui m’étonne, vu qu’ils ne se connaissent pas (Barbara n’a pas pu venir, les entités canines zoothérapeutiques comme notre Charlotte étant pour ainsi dire canina non grata au nord de St-Jérôme)… Je donne des high five à tout le monde. On m’annonce au micro: 24e place du 58 km !  Quoi, 24e ?!?  Bah, on s’en fout…

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Un petit bonjour au photographe

Aussitôt la ligne d’arrivée franchie, on m’enlève ma puce électronique (comment elle a fait pour tenir à ma cheville dans cette schnoutte, je l’ignore), me félicite, me donne ma médaille. J’ai à peine le temps de sortir de l’aire d’arrivée que Maryse apparait devant moi. Elle s’est téléportée ou quoi ? On se donne la grosse accolade de coureurs, se félicite mutuellement. Puis ma famille arrive. Autres accolades (mais pas trop, je suis tellement dégueux), autres félicitations. Je suis vraiment chanceux d’avoir tout ce beau monde autour de moi…

Deux ultras derrière la ceinture. Prochaine étape: l’Ultra-trail Harricana, le 7 septembre. J’ai déjà hâte.

En terminant, je vous suggère fortement de visionner ce petit bijou  qui a fait le tour de la petite communauté. Gracieuseté de Michel Caron, un ultrarunner de Sherbrooke. Ça donne une excellente idée de ce par quoi nous sommes passés !  🙂

Ultimate XC: avant le Vietnam

Tel que mon compagnon dans l’autobus me l’avait dit, la course commence en single track ou à peu près. Ce n’est pas l’idéal avec le troupeau au départ, mais 58 km, c’est long, alors pas de quoi s’énerver.

Déjà, la boue commence à faire son apparition. De grandes flaques, parfois remplies d’eau, parfois tout simplement… de la boue. Merde, ça s’annonce mal pour la suite. Si c’est comme ça tout le long, on risque d’avoir bien du plaisir… Plusieurs, dont moi, hésitent, essaient de trouver une trajectoire leur permettant de garder les pieds au sec. Une fille se met à chiâler: « On va se les mouiller de toute façon ! ». Bon point, mais c’est dit sur un ton qui vient me chercher. Je ne sais pas pourquoi, mais sur le moment, je lui souhaite de s’étendre à plat ventre dans la prochaine mare, question de me faire plaisir un peu.

Bon, du calme, ça ne donne rien de se fâcher si tôt. Tel que prévu, je fais les premiers hectomètres derrière Pat et Rachel Paquette, une fille de Victo que je sais très forte. Sauf que dès qu’on frappe la première montée (qui arrive assez rapidement merci), je décide de passer. Le peloton commence vraiment à s’étirer et j’en profite pour dépasser pas mal de monde. Ha, l’avantage d’être bâti sur un frame de chat…

Suit ensuite la première vraie montée. Elle est longue celle-là, trèèèèès longue. Je continue à dépasser du monde, puis je me mets à les distancer, au point de me retrouver fin seul, comme à l’entrainement. Wow, je me demande bien où je suis rendu dans les positions… Mais c’est évidemment beaucoup trop tôt pour penser à ça. Je poursuis mon ascension, dans la boue et les roches.

Arrive la descente: infernale. Ça descend comme dans la face d’un cochon, au point où je dois parfois m’asseoir pour passer d’une roche à une autre. Les fougères cachent les obstacles, rendant le tout encore plus périlleux. J’avance tellement lentement que je finis évidemment par me faire rattraper. Merde, ce que je donnerais pour être moins peureux !

Dans la transition nous amenant à la Montagne Grise, la boue reprend de plus belle. Et quand ce n’est pas la boue, ce sont les roches qui rendent ma progression laborieuse. Je ne compte déjà plus les fois où je me suis enfargé. Arrive (enfin) la montée de ladite Montagne Grise. J’avance à un relativement bon rythme, au point de réussir à recoller ceux qui m’avaient dépassé dans la descente. l’un d’eux me fait signe de passer, mais connaissant mes talents de descendeur, je décide de demeurer derrière.

Bien m’en fait: dans la descente, presque aussi folle que la précédente, je perds rapidement de vue mes compagnons. Et sans surprise, je me fais encore rejoindre par d’autres. Comme je me fais shifter, je glisse au gars: « Je suis tellement pourri dans les descentes ! », ce à quoi il répond: « L’important, c’est arriver vivant… ». Ouais, sage réflexion, le jeune. Je ne suis tout de même pas pour me tuer ici, hein ?

J’arrive à la station Nordet (10.5 km). Ça semble être un refuge pour les randonneurs ou quelque chose du genre. Je joue au gars habitué: j’avale 2-3 morceaux de bananes, cale deux verres d’eau  en vitesse et repars en lançant: « on se revoit à la prochaine descente ! » aux deux qui venaient de me dépasser et semblaient vouloir prendre leur temps à la station.

Hé, j’en ai oublié mon malaise à la jambe droite !  Je m’étais dit qu’après 10 km, je serais fixé. Bonne nouvelle: tout est parfait de ce côté.

Nouvelle section de boue. Je sens un gars qui me suit, on progresse à la même vitesse. Puis dans une descente, il arrive ce qui est rapidement devenu une habitude: il passe devant moi. S’ensuit un bout plus vallonné et miracle, c’est sec !  Je suis mon partenaire à distance, quand il applique les freins, se retourne et me dit: « Je pense qu’on a passé tout droit ! ». Shit, j’ai fait exactement ce que le directeur de course avait dit de ne pas faire: suivre l’autre. On regarde tout autour, pas le moindre ruban rose. Double shit !  Nous rebroussons chemin et j’aperçois assez rapidement où nous avons manqué le virage. Deux coureurs arrivent sur les entre-faits et nous les avertissons: ils s’apprêtaient à faire la même erreur. C’est donc à quatre que nous poursuivrons notre chemin.

Ok, pas trop de dommages, on a vu à temps. Je discute bouette avec les autres à mesure que nous avançons. Elle est vraiment omniprésente, au point de nous empêcher de courir les sections qui devraient être roulantes. Les deux de devant semblent habitués et ont décidé d’y aller « conservateur » en partant. Je demeure donc avec eux, même en montée, question de me ménager un peu moi aussi.

Comme la station suivante (l’Appel, km 17) est située sur les bords d’un lac, après une descente, j’arrive un peu après eux. Mais ce n’est vraiment pas grave. Une surprise nous attend toutefois: les bénévoles assignés à la station sont couverts des pieds à la tête pour se protéger des insectes. Ils portent même le « full face ». Il y a des bibittes, ha oui ?

Pendant que je porte une certaine attention à la table des victuailles (il n’y a pas de patates, juste des chips, bout de v… !), lesdites bibittes se font un devoir de me rappeler qu’en effet, elles sont bien présentes. Sales bestioles !  Dans le genre motivation pour ne pas niaiser sur place… J’avale donc encore des bananes et de l’eau, puis c’est un nouveau départ.

Avant de quitter la station, je demande aux bénévoles s’il y a moins de boue devant. Un coureur qui me précède me dit de m’attendre à pire. Et vlan dans les dents pour le moral !

À la sortie de la station, une pancarte nous dit qu’il nous reste 41 petits kilomètres à faire. Ça fait presque deux heures et demi que nous sommes partis et il reste encore un marathon à faire dans cette schnoutte ?  Ho la la…

Je ne sais pas si j’ai fait 50 pas quand je me retrouve dans le lac de l’Appel, de l’eau jusqu’aux mollets. Le gars derrière moi me dit que l’an passé, on pouvait presque passer à sec. Ça va être beau dans le Vietnam tantôt. Arrive ensuite quoi ? De la boue. L’autre avait raison: c’est encore pire que tantôt. Tout ce qui me vient en tête, c’est l’annonce de KIA d’il y a plusieurs années: « Welcome to the swamp !  Ha hiiiiiii! ». Je ris tout seul, ne cessant de me répéter « Ha hiiiii !!! ». Ça y est, je viens de perdre la raison…

Comme c’est une partie descendante, je me retrouve encore seul. Dans la boue. Ha hiiii !!!  Puis arrive la montée de la Montagne Noire. Rapidement, j’entends des voix devant moi. Ho yeah, des gens à rattraper !  Je monte à rythme constant et me rends compte que c’est une femme qui est devant moi: c’est une concurrente du 38 km. Déception. Je poursuis mon chemin, à l’affût des autres voix, devant. Deux autres concurrentes du 38 km. Je les double et continue à monter, pour finalement arriver dans le derrière d’un gars du 58 km (enfin) qui avance avec deux filles du 38 km. Ils semblent avoir beaucoup de plaisir, alors je demeure avec eux. Je pourrais bien demander le passage, mais je préfère relaxer un peu.

On échange des blagues, genre « Quelqu’un fait le 5 km cross-country avec moi l’an prochain ? » ou « Vous connaissez un bon psy ? ». Une coureuse parle du fait que nous sommes des « coureurs des boues ». Bref, l’atmosphère est plutôt détendue.

Finalement, j’aurais peut-être dû passer… Je finis par le faire peu de temps avant le sommet, puis arrive à la station d’aide bien nommée (Montagne Noire, km 24.4), le point le plus haut du parcours. La vue doit être magnifique… quand il fait beau. Mais pas trop le temps pour ça. J’enlève ma veste d’hydratation pour vérifier le niveau de GU Brew qu’il me reste. J’ai bien fait: c’est presque vide. Je demande alors l’aide d’un bénévole pour l’emplir d’eau, ce qu’il fait de bonne grâce (ils sont extrêmement gentils et serviables, ça en est gênant). Arrive maintenant le moment fatidique: je dois transvider la poudre que je traine avec moi dans le réservoir pour faire mon super-mélange. Sauf que la foutue poudre est dans un petit pot de pilules. Vous savez, les petits pots à l’épreuve des enfants… Mes deux mains étant déjà pas mal occupées à tenir le réservoir à la verticale, disons qu’enligner les petites flèches en même temps, ça tient de l’exploit. Ma femme fait de l’arthrite et nous n’avons pas d’enfant, il n’y aurait pas moyen d’avoir des petits pots faciles à ouvrir ?!?

Je dois donc encore quémander de l’aide, mais il y a d’autres coureurs… Et pendant que j’essaie de me débrouiller, Rachel et deux autres compétiteurs arrivent à la station. Finalement, le bénévole se libère à nouveau et vient me sauver. Je vois alors les autres repartir. Merde, je suis maintenant derrière la première femme…

Une femme du 38 km arrive et annonce aux bénévoles que sa journée est terminée. Elle est souffrante (sa voix indique un bon mal de gorge) et espérait que peut-être… Mais non, ça ne fonctionne pas, alors elle abandonne. Je l’envierais presque… si ce n’était du fait qu’elle doit demeurer sur place, exposée aux bibittes, jusqu’à ce que les derniers soient passés.

Bon, retour à mes affaires, ce n’est pas le moment de se laisser aller. Une fois l’opération remplissage terminée, je remercie le bon samaritain, prends une gorgée d’eau et me voilà reparti. Le groupe n’est pas tellement loin devant, je devrais être en mesure de les rejoindre.

Dès les premières enjambées de cette nouvelle section, encore de la boue. Épaisse, profonde, impossible à éviter. Je n’entends plus les voix du groupe devant, mon moral commence à descendre. Puis, en extirpant pour la xième fois mon pied de la boue, crampe dans l’ischio gauche. Pas foudroyante, mais assez pour faire mal. Cramper à 33 km de l’arrivée, il ne manquait plus que ça !  Merde, merde, merde !!!

Je m’arrête (déjà que je n’avançais pas vraiment de toute façon) et me masse la cuisse, question de faire passer le tout. Mon cerveau tourne à toute vitesse: qu’ai-je fait ou plutôt que n’ai-je pas fait ?  Première évidence: dans mon empressement, j’ai carrément oublié de prendre des bananes à la dernière station. Il est possible que mon niveau en électrolytes soit bas et ça n’a certainement pas aidé. Et deuxièmement, je n’ai pas encore uriné depuis le départ, donc mon hydratation n’est pas à point non plus.

Que faire ?  J’envisage de retourner à la station pour prendre des bananes, puis rejette l’idée. Me reste une chose: boire mon GU Brew, qui est à la fois source d’eau et d’électrolytes. À partir de maintenant, je ne cesserai de me répéter: « Bois, bois, bois, bois… ». J’avale un gel expresso full caféine et espère pour le mieux.

Je poursuis lentement du mieux que je peux en prenant soin de faire des petits pas et de protéger ma jambe gauche. Et je bois. Ça semble fonctionner un peu.  Arrive l’intersection Lac Lézard, l’endroit où les parcours du 38 et du 58 km se séparent temporairement. Un bénévole y est posté, question de nous diriger vers le bon chemin. Je fais mine de prendre le 38 km, question de couper court et je ne sais pas si c’est par gentillesse, mais il semble trouver ça drôle.

Après quelques répliques côté crampes, je sens les sensations revenir peu à peu. Aussi, je suis dans une section un petit peu plus roulante: il y a moins de boue et les dénivelés sont somme toute acceptables.

Puis un miracle se produit: j’aperçois Rachel et ses compagnons au loin. YES !!!  En peu de temps, je suis sur eux. Je les suis un petit bout, puis elle me dit que je peux passer, ce à quoi je réponds: « Je ne dépasserai certainement pas une fille de Victo ! ». Sa réponse: « Hein, comment ça se fait que tu sais ça ?!? ».

Commence alors la conversation. Je me présente, lui apprends que j’ai été élevé à deux rues de chez elle (mais à quelques années de différence), que c’est par ma mère que j’ai appris qu’une fille de mon patelin natal faisait des ultras, etc. C’est fou à quel point on peut jaser quand on passe des heures dans le bois comme ça. Ce n’est pas dans un 10 km sur route qu’on pourrait faire de même !

Au bout d’un certain temps, je remarque une chose: je suis légèrement plus rapide qu’eux. Probablement à cause du fait que nous sommes dans une partie moins technique et moi le gars qui court sur route… En tout cas, je finis par passer. Tout juste avant, nous croisons des randonneurs, un couple dans la cinquantaine. Faire de la randonnée dans de telles conditions, faut le faire !  Finalement, pas certain que c’est moi qui ai besoin d’un psy…

Les crampes semblent être chose du passé, la bonne affaire. Tout juste avant d’arriver à la station Inter-Centre (km 36.3), une montée. Une belle « petite », qui me rappelle beaucoup celle de l’antenne de télécommunication du mont St-Bruno que je me suis tapée si souvent. Je vois quelqu’un qui me précède, j’espère bien le reprendre, mais finalement, la côte n’est pas assez longue et nous arrivons à la station presque en même temps.

Sur place, un coureur est bien installé sur une chaise. Il n’a vraiment pas l’air pressé de repartir. Coup d’oeil à la bouffe offerte: à peu près rien. Chips, bananes, bretzels. Je demande s’il n’y aurait pas des patates à un moment donné, le bénévole me répond qu’il n’y en a pas cette année. Bon, va falloir faire avec… Je prends ce que je peux, avale 2-3 verres d’eau, autant de Gatorade. Coup d’oeil au chrono: un peu plus de 5 heures depuis le départ, il est donc midi.

À la sortie de la station, une pancarte nous indique qu’il nous reste 21.7 km à faire. Bah, la distance d’un demi-marathon, piece of cake. 1h30 et c’est fini !  😉  Il semblerait que je ne suis pas le premier à la sortir, celle-là… Sans blague, je crois que les 8 heures sont encore possibles, malgré les conditions.

Devant moi, en bas de la côte, le fameux Vietnam. À nous deux !

Marshall Ulrich – Running On Empty

C’était un cadeau d’anniversaire de la part de mes beaux-parents. Mais vue sa nature, je savais que c’était ma tendre moitié qui en avait fait l’achat: c’était un livre de course. En fait non, c’était un livre à propos d’un être humain qui court, nuance très importante. Quand je l’ai vu, je suis parti à rire. J’ai lui ai demandé si elle savait qui était Marshall Ulrich, l’auteur. Elle l’ignorait.

RunningOnEMpty

Qui est Marshall Ulrich ?  C’est tout simplement Monsieur Badwater. Il détient le record pour le nombre de participations (21, et il y sera encore à la mi-juillet), le nombre de courses complétées (18) ainsi que le temps le plus rapide sur le parcours original, celui de 146 milles (il a été ramené à “seulement” 135 milles il y a plusieurs années). Sachant qu’elle craint comme la peste que je décide de me lancer dans cette folle aventure un jour, j’ai trouvé très drôle qu’elle me procure un livre écrit par le grand maître de cette épreuve.

Parmi les autres exploits d’Ulrich, on compte le “Badwater Quad”, c’est-à-dire DEUX allers-retours de ce parcours infernal, un Badwater en mode pleinement autonome (soit sans aucune aide externe, il transportait lui-même tout ce dont il avait besoin: eau, nourriture, vêtements, etc.), l’ascension des plus hauts sommets de tous les continents et plein d’autres.

Dans Running on Empty, il nous raconte ce qu’il identifie comme ce qu’il a vécu de plus difficile au niveau performance athlétique: sa traversée des États-Unis à la course… à l’âge de 57 ans. Traverser le continent à pied, c’est déjà un exploit en soit. Mais le but initial n’était pas seulement “de le faire”. Nah, ça aurait été trop facile. Il fallait battre le record du monde, rien de moins… Le record à ce moment-là était de 46 jours, 8 heures et 36 minutes, soit une moyenne de 66.1 milles (106 kilomètres) par jour. Officiellement, Ulrich visait les records “Maîtres” (40 ans et plus) et “Grands Maîtres” (50 ans et plus), mais dans son for intérieur, il voulait le record absolu.

Charlie Engle, un (futur ex-) ami, et lui se sont lancés dans cette aventure un peu folle le 13 septembre 2008, quand ils sont partis de l’Hôtel de Ville de San Francisco direction New York dans la bonne humeur, avec comme objectif de faire 70 milles (113 km !) par jour. Rapidement, les deux compagnons se sont séparés, chacun y allant à son rythme.

La cadence infernale des premiers jours fit son oeuvre. Les deux athlètes devaient passer de très longues heures à avancer sur la route, combattant la chaleur et le vent. Les nuits de sommeil étaient courtes et le moral descendait lentement mais sûrement. Les blessures se mirent à faire leur apparition. Charlie dut abandonner après seulement 17 jours. Quant à Marshall, il fut terrassé par LA blessure qui fait trembler tous les coureurs: la fameuse fascite plantaire (ce petit vidéo montre assez bien ce que nos deux comparses ont dû subir).

Pendant que le temps continuait à avancer,  il passa une imagerie par résonance magnétique. Évidemment, le médecin lui suggéra de tout arrêter. Évidemment Ulrich, qui avait “diminué” la cadence à 60 milles par jour, demanda s’il ne pouvait pas se limiter à 40 milles à la place. Il continua ainsi, les bobos s’accumulant, mais la fascite se tenant à l’écart. Progressivement, il réussit à retourner à son rythme de 60 milles par jour. Et arriva finalement à New York, en 52 jours et 12 heures, battant au passage les records chez les Maîtres et bien évidemment, les Grands Maîtres.

Son récit nous raconte les coulisses de cet exploit. Il nous parle de toute la logistique nécessaire à la réussite, des tensions qui ne pouvaient faire autrement que de se développer entre les divers intervenants. Car il ne faut pas se leurrer, une grosse équipe de soutien est tout simplement indispensable pour que l’athlète puisse continuer à avancer, encore et toujours. Et au fil des jours, des semaines, les membres de cette équipe se sont épuisés à la tâche, faisant éclater les conflits.

L’aspect monétaire était évidemment non-négligeable. Cette aventure avait été financée par une compagnie de production de films qui en retour, reçut la permission de filmer les deux coureurs pour en faire un documentaire, Running America  (nos voisins du sud peuvent être tellement originaux quand ils s’y mettent… On peut visionner le trailer ici). Or, comme c’était Charlie qui avait réussi à obtenir le financement et qu’il a dû quitter, chaque dollar dépensé par la suite par Ulrich et son groupe fut scruté à la loupe. Et quand des amis commencent à se quereller à propos d’argent…

Ulrich nous raconte aussi ses états d’âme, les difficultés qu’il a eu à surmonter, autant physiques que psychologiques ou émotionnelles, pour se rendre à destination. À tous les jours, il voulait arrêter. À tous les jours, sa femme, qui était à ses côtés durant toute la “course”, voulait qu’il arrête. Mais ils ne s’en sont jamais parlé et il a continué. Sans vraiment en avoir la prétention, ce livre est finalement une belle histoire d’amour.

Bien qu’inspirant à bien des égards, ce bouquin m’a amené la conclusion suivante: “Jamais de la vie !”. À chaque page, on sent la souffrance et quand il arrive à New York, un seul sentiment ressort: le soulagement, ce qu’on peut constater en regardant le trailer d’ailleurs. Pas la joie d’avoir accompli quelque chose de grandiose, juste un gros “Enfin, c’est fini !”. Pas de quoi donner le goût de faire de même…  Bref, si (je dis bien si) l’idée me prend un jour de traverser le pays à la course, ce ne sera pas avec l’idée de battre des records. C’était beaucoup trop dur juste à le lire, alors j’imagine à peine ce que ça peut être le vivre…

Un autre élément que j’ai retenu dans tout ça: l’alimentation. Contrairement à Scott Jurek, Marshall Ulrich croit que l’être humain est omnivore. Et il a avalé à peu près n’importe quoi durant son périple: fruits, légumes, viande, desserts, fast food, barres énergétiques, boissons gazeuses, Red Bull, café, etc. Tout sauf… de l’eau !  Pourquoi ?  Pour la simple et bonne raison qu’il voulait que tout ce qu’il avale contienne des calories.

Au final, une lecture très intéressante et aussi, très instructive. C’est un must absolu pour tout coureur qui désirerait “essayer ça un jour”. Je la recommanderais à tous les coureurs longue distance, question de se rassurer un peu: non, vous n’êtes pas les seuls “fous” sur cette terre !  Quant aux gens “normaux”, pas certain qu’ils comprendraient pourquoi un être humain s’inflige une telle torture, malgré toutes les belles explications…

Bravo champion…

C’est ce que je me suis dit hier.

Je vous raconte. Après 35 beaux kilomètres dans mon terrain de jeux, je me sentais vraiment bien. La température était idéale pour la course, mon corps avait bien tenu le coup et la nouvelle veste d’hydratation avait fait des merveilles… mis à part le foutu tube et son embout. Pas capable. Il fallait que je fasse quelque chose sinon j’aurais tendance à moins boire juste à cause de ça.

Je me suis donc arrêté, encore une fois, à La Cordée. Le but: me trouver un autre réservoir pour remplacer celui qui vient avec mon Alpha UltrAspire (ou plutôt ultra aspire !). On m’a proposé un réservoir de la compagnie Platypus (n’avais jamais entendu parler) qui semblait avoir un embout semblable à celui de Camelbak et qui permettrait un remplissage rapide comme celui venant avec la veste. À 26 $, ça valait la peine de prendre le risque.

Sitôt arrivé à la maison (ben, après avoir mangé, quand même), je me suis mis en frais de tester mon nouvel achat. Bof… L’embout allait mieux que l’autre, mais pas tant que ça… Si je donnais une note de 3/10 à l’autre, celui-là obtenait peut-être un 5 ou un 6…

Puis j’ai essayé d’insérer le réservoir dans ma veste. Ouais, pas terrible. Comme il est plus rigide, il prend plus d’espace et surtout, dépasse beaucoup. Puis, j’ai eu une idée de “génie”: pourquoi ne pas essayer de regarder si le tuyau du nouveau réservoir ne fonctionnerait pas avec le réservoir original ?  Aussitôt dit, aussitôt fait. Et ça marchait: pas une goutte qui sortait. Au final, j’avais une meilleure veste.

Puis j’ai allumé: et si le tuyau de mon vieux Camelbak, celui avec l’embout qui va si bien, fonctionnait lui aussi ? Petit essai: ça marche !  Eurêka, je vais enfin avoir la combinaison parfaite !  🙂  Puis je me suis mis à regarder la multitude de tubes et de réservoirs sur la table de cuisine et me suis demandé: “Pourquoi tu n’as pas pensé à essayer ça AVANT d’acheter un nouveau réservoir ?!?”.

Bravo champion…

Un essai concluant

J’ai déjà parlé sur ce blogue de mes problèmes à trouver l’équipement idéal qui m’aidera à garder un niveau d’hydratation acceptable lors de mes longues courses dans les coins perdus. Depuis l’an passé, je cours dans le bois avec un Camelbak. Hyper-pratique, il peut contenir jusqu’à 3 litres de liquide et peut transporter une quantité presque illimitée de cossins. Il y a juste un petit problème avec ce bidule-là: il pèse une tonne. Au point où j’en ai mal aux épaules après quelques heures et que je me retrouve presque invariablement avec le cou barré le lendemain d’une longue sortie en sentiers. En plus, comme il couvre entièrement le dos, la ventilation est nulle quand il fait le moindrement chaud. Bref, je me devais de trouver autre chose.

J’ai essayé la bouteille à la main: patate. Ce n’est vraiment pas mon truc, mes bras ne sont définitivement pas assez forts pour leur imposer un poids durant des heures. Quand à la ceinture d’hydratation à plusieurs bouteilles que j’utilise sur route, elle présente le désavantage d’imposer des remplissages qui prennent plus de temps en plus de la bouteille avant gauche qui a la fâcheuse habitude de s’éjecter dès que ça brasse le moindrement. À proscrire.

Un “collègue” ultrarunner particulièrement connaisseur dans ce genre de trucs (il devrait aller travailler à La Cordée…) m’a prêté sa AK Vest de la compagnie Ultimate Direction.  Créée en collaboration avec le grand ultramarathonien Anton Krupicka, c’est un chef d’oeuvre de légèreté. Cette veste, qui est équipée de deux bouteilles (donc faciles à remplir) de 20 onces installées sur la poitrine, est aérée et offre plein de petits compartiments pour ranger différents bidules: téléphone, gels, petits goûters, etc. Dès que je l’ai enfilée, je l’ai aimée: je me sentais libre comme l’air. Quel contraste avec le Camelbak ! C’est quand je me suis mis à courir que ça s’est gâté un peu: les bouteilles se faisaient aller à qui mieux mieux, me donnant l’impression de courir avec une poitrine 38 DD. Au bout d’un certain temps, je me suis habitué et je pense bien que j’aurais facilement pu vivre avec ce léger inconvénient. Sauf qu’après quelques kilomètres, je sentais les bouteilles s’enfoncer dans mes côtes. Non mais, je ne pourrais pas être un petit peu plus costaud, moi ?!?  Si j’avais la moindre épaisseur musculaire au niveau pectoral, ça n’arriverait pas, ce genre de truc-là !  Mais bon, il n’y avait rien à faire. Après un essai de 34 km, j’ai dû me rendre à l’évidence: ça ne marcherait pas.

Sauf que mon expert, tout en me prêtant la AK Vest, m’avait montré son dernier achat: la veste Alpha d’UltrAspire. Avec réservoir à l’arrière (comme le Camelbak) d’une capacité de 2 litres, elle est également de type ultralégère. Lui en avait fait l’essai et l’aimait beaucoup, vantant sa stabilité. De plus, contrairement à mon vieux machin, le réservoir peut se remplir  facilement sans avoir à le sortir de la veste. Un gros plus. Aussi, la veste ne couvre que la moitié du dos, aidant pour la ventilation.

Après mon essai infructueux, je me suis donc dirigé directement chez le détaillant cité plus haut pour m’en procurer une. Comme c’est un nouveau produit, personne n’a pu vraiment m’aider, mais je me suis débrouillé. Et j’en ai fait l’essai hier matin.

Bingo !  Légèreté, stabilité, aération, liberté de mouvement, name it, tout était merveilleux. Ou presque. Seul bémol: quand vient le temps de boire, justement. L’embout est gros et il faut “siphonner” pas mal pour parvenir à tirer un peu de liquide. Au repos, ça va, mais quand on court, ce n’est pas l’idéal. J’ai soumis le problème à ma référence en la matière et il m’a répondu que lui avait changé le réservoir car lui non plus n’aimait pas celui qui venait avec la veste. Je vais fort probablement faire de même.

Donc, je crois bien que j’ai trouvé une façon à la fois efficace et agréable pour ne pas sécher lors de mes prochaines sorties en sentiers…  🙂

Dans l’humidité

L’humidité était à son comble samedi quand mon amie Maryse est arrivée au Mont St-Bruno. J’y étais depuis près de 90 minutes et je m’étais arrêté tellement souvent pour reprendre mon souffle/mouiller ma casquette/enlever mon t-shirt que je n’avais fait que 12 km. Je les avais faits le plus rapidement possible (4:32/km de cadence moyenne), mais il n’en demeure pas moins qu’à force d’arrêter, je n’avais finalement pas couru tant que ça. C’était toutefois suffisant, surtout que j’accompagnerais mon amie sur une autre dizaine de kilomètres.

Quand elle m’a vu, tout dégoulinant dans ma splendeur, je n’ai pas eu droit à un câlin. Je ne comprends pas pourquoi… 😉  Au programme: des côtes. Car voyez-vous, Maryse habite Laval, c’est-à-dire un endroit où un viaduc d’autoroute est considéré comme une montagne, un peu comme chez nous d’ailleurs. Or, comme elle s’est inscrite à St-Donat, elle voulait avoir un aperçu de ce que seraient des vraies côtes.

J’avais prévu faire le Sentier des Lacs (8.8 km), mon préféré, en faisant une bifurcation vers la côte de la tour de télécom. Mais avec la chaleur, je lui ai proposé de nous rendre directement à la tour et revenir, tout simplement. Elle préférait toutefois y aller plus graduellement, nous avons donc pris le sentier et son parcours vallonné.

J’avoue qu’elle m’a impressionné: ça prenait du caractère pour affronter des côtes pour la première fois par une telle chaleur. Je lui ai appris quelques rudiments de la course en montagnes, comme par exemple marcher en montant pour récupérer au lieu de le faire sur le plat et essayer de courir en montant. En effet, la différence de vitesse entre la marche et la course n’est pas immense en montant, mais sur le plat par contre…

Dans les deux derniers kilomètres, comme ça descendait beaucoup, mais avec une pente assez douce, elle s’est laissée aller. C’était beau à voir: sa queue de cheval qui battait au rythme de ses foulées, de grandes enjambées (pour un bout de femme de 5’2”, on s’entend) qui sautaient par dessus les obstacles, elle avait l’air de s’amuser comme un petite fille; autant que moi quand je descends. Lui aurais-je transmis le goût de courir dans le bois ?

En tout cas, je ne lui ai pas transmis le goût de collectionner les chaussures de course.  Vous auriez dû lui voir le visage et surtout, entendre le sermon qu’elle m’a servi quand elle a vu mon arsenal… Si j’ai envie d’avoir 15 paires de souliers pour faire de la peinture, j’ai bien le droit, non ?  Bref, j’ai fait une erreur: maintenant, elles sont rendues deux à me dire que je devrais me débarrasser de ces godasses avec lesquelles j’ai parcouru tant de kilomètres.

Puis dimanche, j’y suis retourné, seul cette fois. Mon avant-dernière très longue sortie avant St-Donat: 46 km. L’humidité était encore à couper au couteau. En plus, il pleuvait et il n’y avait pas le moindre signe de vent. La température idéale pour faire autre chose que courir. J’ai essayé de me “réchauffer” (bizarre d’utiliser ce terme quand on transpire juste à respirer), mais comme j’étais envahi par les foutus maringouins, j’ai coupé ça court et suis parti.

La pluie tombait, c’était écrasant. Mon corps était récalcitrant et m’a rapidement donné une indication que la journée serait longue: le premier kilomètre en 4:45, alors qu’une bonne partie avait été faite en descente et le reste sur le plat. Pas bon signe…

J’ai évolué, lentement, à la cadence que mes jambes déjà taxées me permettaient d’avancer. Autour du 9e kilomètre, alors que j’étais en montée et que la pluie était diluvienne, qui s’est montré le bout du nez ?  Mon bon “ami” le surveillant (en tout cas, s’il ne l’est pas, il a une légère tendance à se prendre pour ça). Pas en pickup comme l’an passé, mais en cart de golf cette fois. Probablement parce que c’est plus pratique pour aller écoeurer le monde dans les sentiers…

Il s’est arrêté pour me demander si j’avais mon droit d’accès sur moi (il a été très courtois, je dois l’admettre). Tu me niaises, bonhomme ?  Il tombe de la merde, penses-tu sérieusement que je serais ici si je n’étais pas un habitué ?!?

J’ai répondu que ma carte était dans mon Camelbak (ce qui était vrai) et entrepris de défaire les millions de courroies en montrant que c’était tellement compliqué de tout défaire ça… Il m’a demandé si ma carte était encore valide et quand je lui ai répondu qu’elle l’était jusqu’au 31 juillet, il a dit que c’était correct, que je n’avais pas besoin de la sortir, m’a souhaité une bonne journée et est parti. Mais pourquoi diable ce gars-là est-il le seul qui m’ait jamais demandé ma carte dans ce parc ?  Pourquoi ne se contente-t-il pas d’envoyer la main et faire un beau sourire aux coureurs comme le font les autres ?

Les kilomètres se sont mis à s’accumuler, lentement mais sûrement, comme dans un ultra. Je prenais bien soin d’emprunter les sentiers et détours les plus difficiles, ayant une petite idée de ce qui m’attend en compétion pour le reste de la saison. Arrivé au sommet du centre de ski, la pluie n’avait pas ralenti ses ardeurs, bien au contraire. 7 jours plus tôt, j’étais au même endroit, sous la pluie encore une fois, mais je gelais. Cette fois-ci, la pluie me faisait presque du bien…

Mais pas autant qu’à une dame croisée à l’accueil on dirait… Elle m’a abordé, me disant: “C’est vraiment le fun de courir sous la pluie, non ?  On se croirait dans la jungle !”. Ouais, l’Amazonie, ce n’est pas habituellement le portrait que je me fais d’une belle course. J’ai comme dans mon idée qu’elle n’avait pas un programme aussi chargé que le mien…

Les longues sorties, c’est aussi le moment idéal pour faire (encore) des tests. Dimanche, j’essayais le GU Brew à la place de mon traditionnel Gatorade dans mon Camelbak. Et comme il faisait chaud, je buvais souvent: à tous les kilomètres. C’est bien, le GU Brew, c’est moins collant que le Gatorade et ça se tolère mieux à la longue. Mais ça ne goûte pas grand chose, finalement. Bah, c’est mieux que de l’eau.

Sauf que ce qui devait arriver, arriva: au 40e kilomètre, j’étais à sec. J’ai pu me rendre à l’accueil sans problème, mais l’avertissement était lancé: seulement un Camelbak, ce n’est pas assez. Je dois définitivement trouver autre chose qui est un, moins lourd et deux, plus facile à remplir. J’ai un prospect en vue, j’ai hâte de faire un essai. Histoire à suivre…

Essais et erreurs

Ha le Québec et ses changements de températures…  C’est assez incroyable: pas plus tard que dimanche dernier, j’ai dû composer avec le froid et aujourd’hui, c’était écrasant, au point où j’ai fait une saucette dans la piscine dès mon réveil. Cinq petites journées pour passer d’un extrême à l’autre (pour la saison, on s’entend).

Comme la chaleur semblait vouloir se montrer le bout du nez hier matin, j’ai décidé de faire un test. Car c’est une règle établie en course à pied: ne jamais essayer en compétition ce qu’on n’a pas testé à l’entrainement. L’occasion était idéale: 30 km de prévus dans les sentiers du Mont Royal, température et humidité à la hausse, pourquoi ne pas en profiter pour essayer une nouvelle méthode d’hydratation ?

Car voyez-vous, depuis que j’ai découvert les sentiers, à chaque fois que je vais en terrain accidenté, c’est avec mon Camelbak sur le dos. Sauf que ça a certains inconvénients: c’est lourd, particulièrement au début, c’est un peu chaud et à chaque fois que je fais une course de plus de 30 km, j’en suis quitte pour un mal d’épaules. J’ai réussi à l’endurer pour 50 milles, mais pour 100 ?  Oubliez ça !

Or, à observer les autres coureurs au Vermont 50, à voir les photos de plusieurs ultras et aussi à lire des récits de courses, j’ai remarqué que la grande majorité des ultrarunners courent avec une bouteille à la main. Cette façon de faire comporte plusieurs avantages: plus grande liberté de mouvement, meilleure aération du corps et rapidité au moment du remplissage.

Étant de constitution plutôt frêle pour un homme (5’10 », 150 livres, la plupart concentrées dans les jambes), je doutais avoir la force nécessaire pour tenir une bouteille remplie d’eau « naturellement » en courant. Mais bon, il fallait bien que j’essaie. De plus, je ne peux pas courir seulement à l’eau, ça me prend du Gatorade ou un de ses dérivés. Parce que l’eau, au bout d’un certain temps, pas capable… Ça fait que je suis également parti avec ma ceinture d’hydratation remplie de Gatorade à la taille avec l’idée d’alterner les deux.

En partant, j’ai vite constaté que je me sentais plus léger. Bon point. Mais dès la première montée, premier problème. C’est que la plupart de montées en sentiers, surtout celles que j’emprunte, sont plutôt abruptes, alors je les fais en marchant. En fait, c’est plus du power hiking: je me penche vers l’avant et avance à grands pas en accentuant le mouvement de mes bras. Cette façon de faire plutôt efficace m’a permis de dépasser bien des concurrents au Vermont 50 et m’a aussi valu quelques « Great pace ! » au passage, alors ça ne doit pas être si mal.

Sauf qu’avec un poids supplémentaire dans une main, j’étais tout désynchronisé dans mon mouvement de bras. J’avais beau essayer de me remettre en phase, rien à faire. J’ai fini par balancer seulement le bras avec la main libre, ce qui est moins efficace comme façon de faire.

Autre problème: quand la bouteille commence à se vider, le liquide bouge dedans, faisant déplacer le poids de l’eau d’une extrémité à l’autre. Je suppose que ça ne dérange pas les gars plus costauds ou qu’on finit par s’habituer, mais bon, ça me gossait un peu.

La cerise sur le sundae ?  Elle est arrivée quand une des bouteilles de ma ceinture d’hydratation s’est mise dans la tête qu’elle n’aimait pas les descentes trop cahoteuses ou trop rapides et a décidé d’appuyer sur le bouton du siège éjectable. Après trois fois, j’ai laissé échapper un juron qui a probablement été entendu jusqu’à Ste-Anne-de-Bellevue. Je me voyais être obligé d’arrêter à tout bout de champ sur les sentiers menant à St-Donat et disons que cette vision ne me faisait pas vraiment plaisir.

Je me suis mis à faire les descentes sur les talons, question de ne plus perdre des morceaux. Je me retenais carrément en descendant, ce qui n’est vraiment pas la chose à faire. Au bout d’un certain temps, je me suis mis à courir avec la bouteille récalcitrante dans une main et la bouteille d’eau dans l’autre. C’était mieux, mais je n’étais pas à l’aise.

J’ai fini par un peu m’habituer, mais j’ai constaté que j’allais plus lentement que d’habitude. Ok, il faisait plus chaud, mais ça n’expliquait pas tout. Je n’étais vraisemblablement pas à l’aise avec quelque chose dans les mains, je préfère définitivement avoir les mains totalement libres.

Quand j’ai parlé de ça à ma douce au souper, je lui ai dit que ça me gossait un peu, que si tout le monde courait avec une bouteille à la main, il devait bien y avoir une raison. Elle m’a répondu que ce ne serait pas la première fois que je serais différent des autres (je suis un des très rares, particulièrement à mon niveau, à faire des courses sur route avec une ceinture d’hydratation) et que si je préférais le Camelbak, pourquoi pas ?

En effet, pourquoi pas ?

Mais il y a bien d’autres trucs qu’il me reste à essayer. Après plusieurs essais et erreurs, peut-être trouverai-je la combinaison idéale. Mais je doute que ce soit d’ici la fin juin…