L’apparition – Dimanche 24 août, 6 heures du matin. Je venais de faire mon petit pipi d’avant-course dans les toilettes publiques du KOA de Wilmington et me dirigeais vers le lavabo quand il m’est apparu dans le miroir. C’était la première fois que je le voyais d’aussi près, mais on ne pouvait faire autrement que le reconnaître: il portait une camisole de course, des arm warmers, une casquette vissée sur la tête avec la visière orientée vers l’arrière pour laisser place à sa lampe frontale et une veste d’hydratation. C’est là que ça m’a frappé : j’étais vraiment un ultrarunner !
Bon, après le petit tour de réchauffement dans le pet walk du camping (un sentier de 300-400 mètres de long spécialement conçu pour le meilleur ami de l’homme, vraiment chouette), je suis revenu à la roulotte et ai laissé la frontale et les arm warmers sur place, mais quand même…
À ma décharge, je n’avais pas seulement le look. J’avais tout de même un 50 km dans les sentiers du Flume Trail System (avec quelques incartades à Whiteface, juste à côté) au programme. Des sentiers parfois sinueux, techniques, souvent très techniques même. Mon objectif : faire de la distance, bien évidemment, tout en vérifiant mes progrès au niveau habileté quand les roches et les racines commencent à se multiplier.
Premier constat : maudit que c’est gossant courir avec une cloche à ours ! Entendre des « gueling-gueling » pendant des heures, quelle torture ! Pas étonnant que les gros poilus nous laissent le passage quand on les avertit de notre présence avec ça ! Mais à cette heure matinale, je préférais l’endurer que faire une rencontre impromptue.
Deuxième constat : c’était une utopie de vouloir les Jeux olympiques d’hiver à Québec avec un Massif retravaillé (et une arrivée sur le fleuve, quelle bonne blague !). À un moment donné, alors que je courais sur Whiteface, je suis tombé par hasard sur une vieille bâtisse sur laquelle on pouvait lire : « Arrivée des épreuves de descente et de slalom géant des Jeux olympiques de Lake Placid de 1980 ». Hé bien de cet endroit, je ne pouvais ni voir le sommet de la pente… ni sa base ! Ça c’est une montagne !
Troisième constat : ce n’est pas demain la veille que les ultrarunners vont être considérés comme des gens normaux. Vous auriez dû voir le regard ahuri de nos voisins quand ils m’ont vu revenir à notre site autour de 9h – 9h15 pour refaire le plein en liquide. Priceless.
Quatrième constat : le côté course vous dites ? Je dirais que c’est pas mal mieux pour le technique, mais je suis toujours aussi pourri dans les descentes. C’était moins pire vers la fin du séjour, mais encore là… C’était peut-être que je commençais à connaître lesdites descentes, justement. Par contre, je me sentais bien après la sortie, capable d’en prendre encore. C’est bon signe, parce qu’avec ce qui s’en vient…
Marathon de Boston – Les inscriptions sont ouvertes depuis lundi et moi, gracieuseté de mon New York de l’an passé ET du fait que je serai âgé de 45 ans le jour de la course, j’aurais pu m’inscrire dès hier, dans le groupe de ceux qui ont devancé les standards par 10 minutes et plus.
Mais je ne le ferai pas. J’en ai souvent parlé, j’y reviens encore: après avoir littéralement couru pendant plusieurs années après l’objectif qui était de me qualifier, je me permets maintenant de ne pas y aller. Ça me fait un peu bizarre… Une amie m’a taquiné en me disant que j’en étais maintenant rendu à boycotter Boston. Faudrait pas exagérer, là ! 😉
UT Harricana – Un ami (oui oui, j’en ai plus qu’un !) m’a fait remarquer que j’allais me taper l’équivalent de la distance Québec-Montréal en l’espace de deux courses. Vu de même, ça fait un peu peur, pas vrai ?
Mais bon, en ultra comme dans n’importe quoi, une chose à la fois. La première étape, ce sera le 80k de l’UT Harricana samedi. Cette course sera l’équivalente (temporairement du moins) de la plus longue distance que j’ai parcourue à vie et étonnament jusqu’à hier, je n’étais pas nerveux du tout. Je me sentais zen, en contrôle, comme dans les jours précédant le Marathon de Philadelphie en 2012.
Puis hier soir, premiers signes de nervosité (enfin !), à propos d’une chose sur laquelle je n’ai absolument aucun contrôle: la météo. La nuit s’annonce froide, allant de 1 et 6 degrés selon les sites consultés. Ok, pas de problème. On part avec des arm warmers, c’est tout. Et s’il pleuvait à cette température ? Oups. Coupe-vent ou pas ? Et si j’enfile le coupe-vent, je ferai quoi avec quelques heures plus tard, quand il fera 13-14 degrés au beau soleil ? Cette course-là se fera en semi-autonomie, sans possibilité d’avoir une équipe de soutien, alors ce qu’on aura sur nous au départ, on l’aura encore à l’arrivée (quoi que je compte bien garrocher tout surplus au bout de mes bras lors de mon premier passage au mont Grand-Fonds). J’ai envisagé utiliser mon vieux Camelbak, un véritable container, au cas où, mais je me suis dit que non, ce machin-là, c’est trop gros. Ha, si j’étais comme Joan ! Je me demande bien s’il va partir à moitié nu à 1 degré sous la pluie…
Le reste ne m’énerve pas. Avec un départ des autobus vers le départ à 3h du matin, je risque d’avoir quelques problèmes à dormir avant. Et puis après ? Je vivrai également quelques premières : départ dans le noir à la frontale, aucun ravitaillement solide avant le 28e kilomètre (il y aura des points d’eau aux 8e et 20e kilomètres). Je prends ça comme un ajout à mon expérience. Ça risque de m’être fort utile pour l’avenir, un point c’est tout.
Une réponse au-delà des attentes ! – Je m’en voudrais de ne pas remercier tous ceux et celles qui ont contribué à ma levée de fonds pour le Bromont Ultra. Nous les coureurs ne recevons les rapports de dons qu’une fois par semaine, mais déjà, quand j’ai vu mon nom apparaître dans la liste des leaders dans ce domaine la semaine dernière, j’ai été estomaqué.
Alors un gros, gros merci à tous. Vous allez être ma motivation durant ce défi. Je vais penser à vous quand ça ira mal. Pour la première fois, je ne courrai pas seulement pour moi, mais aussi pour vous qui croyez en moi. Je vais faire tout en mon possible pour ne pas vous décevoir.