Vermont 50: les premiers milles

Je ne suis pas habitué à ça: Barbara est là pour le départ d’une grande course. Habituellement, elle me rejoint sur le parcours et à l’arrivée. Mais pas aujourd’hui et j’avoue que ça me fait chaud au coeur. Et avant de se séparer, elle me donne un baiser de bonne chance. Une belle étreinte, un gros bisou. Je sens ton son amour, toute sa confiance en moi. Elle me dit « À tantôt » et s’éloigne, avec Charlotte à sa suite. Charlotte de qui j’ai évidemment eu droit à une lichette avant de partir. Adorable petit toutou…

Comme à l’entrainement, je suis équipé pour la grosse besogne. Louise m’a d’ailleurs fait remarquer tantôt que j’étais peut-être un peu trop chargé: je porte mon Camelbak avec environ 2.5 litres de Gatorade (aux fruits, si vous voulez savoir) et à la taille, ma ceinture d’hydratation avec 3 bouteilles remplies d’eau. Je compte boire à tous les kilomètres (qui ne sont évidemment pas marqués, pas plus que les milles d’ailleurs; je vais me fier au GPS), en alternance. Le but est de demeurer hydraté. La température, entre 10 et 12 degrés avec le ciel couvert, devrait m’aider. Et si je dois m’arrêter pour soulager la pression, c’est bon signe.

Aussi dans mon Camelbak, on retrouve 4 gels, une barre énergétique, des bretzels, du ruban adhésif (pour les ampoules), des capsules Endurolyte (crampes) , des mouchoirs (pour d’autres sortes des crampes) et un imperméable jetable. Disons que c’est peut-être effectivement un peu lourd à traîner tout ça pour un gars qui fait fait 5’10 » et pèse 150 livres. Mais bon, je préfère trop que pas assez…

Je me place dans la foule. Shit, mon GPS… Une minute avant le départ et j’ai oublié de l’allumer. Envoye, trouve-les tes foutus satellites !  Envoye !!  Envoye !!!   Il fait noir, mais je vois qu’il cherche, encore et toujours. Au moment où l’organisateur en chef crie son « Go !!! » au micro, je vois apparaitre les chiffres. Aussitôt, je démarre le chrono. En même temps, je démarre aussi ma montre car je ne fais pas confiance à la batterie de ma Garmin. Est-ce qu’elle peut durer plus de 8 heures ?  Vraiment pas certain.

Pour les habitués des courses sur route, ça peut semble bizarre que le départ se donne ainsi, par un simple cri. Mais bon, les ultras, on dirait que c’est assez minimaliste: pas de système de chronométrage électronique, pas de klaxon ou de canon au départ, pas de distances marquées. J’aime bien, c’est plus intime comme ambiance.

Les premiers milles se font sur des chemins carossables. Un petit bout en asphalte pour sortir du « resort » du mont Ascutney, puis des chemins de terre. Plaisant. J’avais lu qu’on partirait en descendant sur un mille, puis on en ferait deux sur le plat avant de frapper la première côte. Faut croire que le parcours a changé parce qu’on n’a pas 2 km dans les jambes que la première côte se dresse. Excusez la grossièreté, mais c’est une ostie de côte !  Du calibre de la vieille route de St-Adrien, dans le coin où mes parents habitent. Ouin, ça commence bien…

Premier petit stress: j’ai prévu faire les montées en marchant, question de conserver mon énergie. Serai-je le seul ?  Mon stress passe rapidement: devant moi, tout le monde marche. Bonne affaire. Mais quand je dis marcher, je ne parle pas d’une petite marche tranquille. Non, je parle plus de « power hiking »: de grandes enjambées combinées par des mouvements de bras accentués. Il faut avancer, quand même ! Ma technique est d’ailleurs plutôt efficace car je dépasse pas mal de monde en montant.

Après une éternité à monter, on fait quoi ?  On descend !  Puis on remonte. Puis on redescend. Comme mes jambes sont encore fraîches, je me laisse aller dans les descentes, doublant bien des gens au passage. Mais est-ce que ça va être comme ça tout le long ? Aille aille, mes quads vont vouloir sortir de mes cuisses à la fin…

Je regarde ma cadence moyenne: autour de 5:30. Ok, je vise 6:00, c’est bon. Mais sera-t-il possible de tenir ce rythme quand on va arriver dans le bois ?  Comme dirait un certain chef de parti, on verra. Bon, mon soulier droit commence à se desserrer, je vais arranger ça à la première station…

Première station d’aide justement: Coon Club, mille 4.2 (6.8 km). Je ne sais pas pourquoi, mais je m’attendais à ce que le nom de la station soit affiché quelque part, question de faire « officiel ». Non mais, je pensais à quoi au juste ?  Une enseigne en néon ?  On est en pleine campagne, beau tata…. Ce qui nous attend plutôt, ce sont quelques bénévoles, deux tables avec des victuailles, de l’eau et du Gatorade. Et heureusement pour ces si gentilles personnes, un gazebo pour les protéger de la pluie. Je n’ai besoin de rien, pense passer tout droit, puis me ravise: je vais remplir la petite bouteille d’eau que j’ai vidée. Au cas où…

Au moment de partir, la bénévole me lance, sans la moindre pointe d’ironie, un beau « Have fun ! ». C’est que la première section de sentiers se présente à nous. Et elle se présente sans trop de subtilité: une montée en face de cochon et de la bouette. « Have fun… » que je marmonne. Le gars à côté de moi lâche un petit rire. Ouais, le party commence. Et on est tous dans la même galère.

On n’a pas la moitié de la montée de faite que nous rattrapons nos premiers vélos. Les pauvres, la côte est tellement abrupte qu’ils doivent descendre du vélo pour la monter. Et avec la bouette, pas moyen de se donner un élan, alors… Bref, je préfère de loin être à pied. La première section de trail donne un bel avant-goût. Encore là, ça monte, ça descend. La surface est plus glissante que ce à quoi je m’attendais, me confortant dans ma décision de faire la distance au complet avec mes Salomon. Louise partait avec ses souliers de route, alors ça m’avait semé un doute. Je remarque également qu’il fait très sombre dans le bois, nous évoluons presque dans la pénombre. Je dois demeurer alerte, je n’ai vraiment pas le goût de me retrouver face contre terre…

Peu avant de sortir de la trail, je m’arrête pour une pause-pipi. Good, l’hydratation va bien. Il me faudra répéter le manège, sinon…  Je repars, puis m’arrête à nouveau. Tant qu’à faire, t’aurais bien pu resserrer tes souliers…  Chose faite, puis redépart. Je suis en pleine descente dans un chemin de terre (donc à fond ou à peu près) quand je jette un coup d’oeil à mon GPS, question de voir ma vitesse. Merde !  Je l’ai arrêté par réflexe quand j’ai fait ma pause !  Merde, merde !  Non seulement le temps indiqué n’est pas bon, mais la distance non plus. Tu parles d’un beau cabochon !

Autre problème depuis quelques minutes: mon ventre. Presque depuis l’instant où nous sommes partis, j’ai commencé à faire des « backfires », mais ça n’avait aucune conséquence (à part m’embarrasser légèrement à chaque fois). Mais là, mon ventre commence à faire des siennes et je n’aime vraiment pas ça. Je pense à Patrice Godin qui avait eu des problèmes gastriques l’année passée, je pense évidemment aux nombreuses fois où mes intestins m’ont ordonné un retour précipité à la maison. Ce n’est pas parce que j’ai tout prévu que je dois nécessairement me servir de ce que j’ai apporté… Il me reste 70 km à faire, je ne pourrai jamais endurer ça tout ce temps-là.

Arrivé à Dart’s (mille 8.5, km 13.7), deuxième station d’aide (qui, ho surprise, est située en haut d’une côte), je suis un conseil de Louise: je saute sur les patates. J’en prends deux  morceaux dans ma bouche et en enfouis trois autres dans mes poches. Je cale deux verres d’eau, remplis une bouteille et repars.

J’ai déjà hâte à la prochaine station d’aide: Skunk Hollow, où Barbara m’attend. Les sections de trail et de chemin de terre se succèdent, je n’ai aucune espèce d’idée où je suis rendu. Une seule chose m’importe: les flèches noires sur fond rose qui nous indiquent par où passer. De toute façon, il y a encore pas mal de monde autour de moi, alors pas trop de danger de me perdre… pour le moment !

C’est fou par où il nous font passer: des sentiers étroits, des montées débiles, des descentes aussi pires. À un  moment donné, j’en ris tellement je trouve ça exagéré. Non mais, il faut être maso pour se lancer là-dedans !  Et le pire, c’est que je m’amuse comme un petit gars. Et comble de chance, à mesure que j’enfile les morceaux de patates, mes problèmes gastriques semblent s’éloigner. Coooool !  🙂  À ça, j’ajoute un gel, question d’avoir un peu de sucré pour compenser.

Comme j’amorce une descente, j’aperçois un photographe. Pauvre gars, pogné là par une journée de pluie… Pas besoin de me forcer pour sourire, je m’amuse !

J’arrive à Skunk Hollow, youppi !!! 🙂

Pas tellement plus loin, je sens une certaine fébrilité dans l’air. On traverse un petit pont de bois et comme par magie, on sort dans un champ: c’est Skunk Hollow (mille 12.3, km 19.8). Yes !  Il y a pas mal de monde, je cherche Barbara du regard. Évidemment, c’est elle qui me voit en premier (je ne vois jamais rien…) et elle m’appelle. Je lui dis: « C’est complètement débile !  Maudit que j’ai du fun ! » avec un large sourire. On s’embrasse, puis elle se retourne pour me donner accès à mes choses, dans mon sac à dos. Je suis un peu déboussolé, ne sais pas trop quoi j’ai besoin. Ha oui, un gel. Et heu… ben rien d’autre, je pense. Charlotte quémande une caresse, je donne un autre bisou à ma tendre épouse et repars, rempli d’énergie, pour l’étape la plus difficile du parcours.

Un petit coup d’oeil sur Shunk Hollow

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