Massanutten, avant les roches

« Ça monte en joual vert ! »

Non, je ne cours pas. Pas encore. Je suis en voiture avec mon père, en train de faire une reconnaissance des différents endroits où se trouveront les stations d’aide que je croiserai sur mon parcours demain samedi et… dimanche, bien évidemment. Pour la circonstance, le dream team des équipes de soutien (constitué de ma Barbara et de son beau-papa unique et préféré) a été reformé. Mon paternel étant en charge de la navigation, il préférait avoir fait le tour auparavant. Et c’était presque indispensable car certaines stations étaient situées dans des endroits tellement reculés qu’il aurait été très difficile de les trouver en pleine nuit.

Ainsi donc, nous sommes en direction de Camp Roosevelt (mile 63.9) après avoir quitté l’endroit où sera établie la station Habron Gap (mile 54.0). Et depuis ce qui me semble être plusieurs minutes, nous montons, montons et montons sans arrêt, par le petite route 675 qui est asphaltée, mais un peu étroite à notre goût par bouts.

J’éclate de rire: « Dire que je vais me taper ça à pied demain… avec 100 kilomètres dans les jambes ! ». En fait, je ne me taperai pas exactement ça, mais certainement l’équivalent en dénivelé, sinon plus, en passant par les sentiers. Mon père rit à son tour, mais je ne suis pas certain qu’il trouve ça vraiment drôle.

Rendus au sommet, la vue est imprenable. Wow !  Nous nous arrêtons pour admirer le tout et constatons qu’un sentier passe effectivement par là. Bon ben, ça a l’air que je vais repasser par ici…

Après être passés par Camp Roosevelt (qui est un ancien camp militaire transformé en camping rustique pour randonneurs et qui était fermé. Pourquoi fermé en mai ? Sais pas, attendent-ils des températures dans les 40 degrés pour accueillir des randonneurs ?), nous nous dirigeons vers Caroline Furnace, le camp de vacances où le quartier général de la course est installé.

Dans un champ, j’aperçois un grand chapiteau et le fameux silo abandonné qui fait partie de la brand Massanutten. Nous sommes vraiment au bon endroit.

Après avoir récupéré mon dossard et mon t-shirt de l’événement (en coton et à manches longues, pas certain qu’il va servir souvent), nous nous installons à une table sous le chapiteau pour attendre le début du briefing des coureurs.

Au bout de quelques minutes, un monsieur que je qualifierais de très sociable passe devant moi et me demande si je suis coureur. Heu, oui… Il se présente alors: « I’m Gary, and you are ? ». Je me présente comme étant Fred de Montréal (les Américains ont de la difficulté à comprendre « Frédéric » quand je le dis au long). Il me donne un vigoureux first bump accompagné d’un large sourire. Et là j’allume: c’est Gary Knipling, une légende ici. Âgé de 71 ans, il a terminé 17 fois cette course et il y va pour une 18ème cette année. Le first bump, c’est un peu sa marque de commerce.

Il semble étonné que je le connaisse, surtout quand je lui parle de son fils (qui a 15 finishes à son actif, preuve comme quoi la difficulté à comprendre certaines choses, ça peut être génétique). Mais il me surprend à son tour quand il me demande si je connais Joan. Hein, il le connaît ?  Ma parole, tout le monde le connait ! Cout’ donc, le jour où il va rencontrer le pape, les bonnes soeurs qui vont assister à la scène vont-elles se demander qui peut bien être le vieux bonhomme habillé en blanc qui parle avec Joan Roch ?

Parlant du loup, je surveille leur arrivée à lui, Pierre et Martin du coin de l’œil. Partis à 4h de Longueuil, ils espéraient être ici à temps pour le briefing qui doit débuter à 16h.

Knipling repasse près de nous, des petits ziplocs dans les mains. Il m’en tend un et me montre du doigt deux petites pilules. Elles sont jaunes, mais sont marquées par un grand V. Hum, si elles étaient bleues, ce serait difficile de ne pas faire de blague…

Ce sont des pilules de caféine. Bah, je m’étais très bien débrouillé à Bromont, je doute en avoir besoin. Mais au cas où, ce serait con de ne pas les trainer. Il me montre ensuite une petite enveloppe de Preparation H: « You know what it is. It can save your ass ! ». Le jeu de mots me fait pouffer de rire. Ça aussi fera partie de mon équipement.

À peine 5 minutes avant le début briefing, je vois mes trois comparses apparaître au loin. Ils ont réussi. Je vais à leur rencontre et les accueille avec un « Ha les CANADIENS ! », running gag que j’avais avec mes collègues quand j’ai travaillé au Japon. C’est que pour nous Québécois, peu importe notre allégeance politique, se faire dire que nous sommes canadiens fait toujours un peu bizarre. Nous sommes québécois avant tout… et canadiens durant les Jeux olympiques ! 🙂  D’où la blague, que je suis le seul à comprendre.

La veille

Les 4 mousquetaires, 12 heures avant le départ

Ils n’ont pas trop l’air fatigués par leur voyage. Joan a les yeux un peu pochés, mais je ne m’inquiète vraiment pas pour lui. Le temps de quelques photos et qu’il ramassent leurs dossards, le briefing peut commencer.

C’est rare que je peux dire ça, mais celui-là est à la fois très utile et tout aussi intéressant. Alternant entre le sérieux et l’humour, Kevin, le directeur de course, et ses acolytes réussissent à passer leur message tout en gardant notre intérêt pendant une bonne heure. Un exploit.

Il y a cependant une de leurs instructions que je ne suivrai pas. Pour ceux qui, comme moi, installent leur dossard sur leurs shorts, ils ont demandé de le faire sur la cuisse gauche, pour des raisons de visibilité afin de pouvoir annoncer notre nom à l’arrivée.

« Ha ben non, je l’installe du côté droit ! ». Martin, se demandant bien pourquoi je tiens tant à ce côté, je lui réponds: « Je ne sais pas si vous êtes ambidextres, mais moi, je pisse à gauche ! ». Celle-là, il y a juste à la table des Québécois qu’elle a été comprise. Et le pire, c’est que j’étais sérieux…

Arrive samedi, le jour J. Ma tête sait que ce sera, et de loin, la plus difficile épreuve de ma vie sportive. Après nous avoir aguichés avec un 20 degrés jeudi, Dame Nature nous en garrochera 10 de plus en pleine poire aujourd’hui. L’humidité ?  Elle ne sera pas si mal en milieu de journée, mais elle est à trancher au couteau quelques minutes avant le départ. Pourtant, je ne m’en fais pas. Je ne me sens pas trop nerveux, quoi que Barbara a laissé filtrer hier que je commençais à être un tantinet irritable.

Je suis accompagné de mon père, qui s’est levé à 2h pour être là. Il se rendra ensuite à Edinburg Gap, au mile 12.1 (où je devrais passer entre 6h15 et 6h30) pour ensuite retourner au chalet déjeuner et ramener l’autre moitié de mon équipe championne avec lui à temps pour mon passage à Elizabeth Furnace (encore un nom qui a rapport aux fours, sont-ils vraiment obligés de nous rappeler qu’il va faire chaud ?) au mile 33.3, prévu entre 10h30 et 11h. Quoi, je suis un gars chanceux, vous dites ?

Assis en tenue de course sous le chapiteau, je n’ai pas froid. Merde, il est 3h45 du matin et je n’ai même pas un soupçon de semblant de frisson qui voudrait se pointer. À Washington au moins, je gelais avant le départ. Ouais, là ça commence à m’énerver un peu…

Sous la tente

Dernières minutes de repos avant que 4 heures sonnent

Mes compagnons arrivent, ils ont dormi au camping situé à côté. En fait, Joan et Martin ont dormi. Pierre, bof… Pour ma part, j’ai eu une nuit « normale » pour une veille de course 3-4 heures de sommeil. Ça devrait faire l’affaire. De toute façon, pas vraiment le choix, n’est-ce pas ?

Ce que je remarque surtout, c’est leur équipement. En fait, l’absence d’équipement. Joan, ok, on est habitués: il est vêtu de 2 t-shirts, un à manches courtes et l’autre à manches longues et on devine qu’il va s’en débarrasser en cours de route. De l’eau, de la bouffe ?  Nada.

Martin ?  Il porte une chemise qui va, et c’est évident (elle a des traces de peinture), prendre le bord assez rapidement. Pour le liquide ?  Une bouteille à la main, et pas une grosse: probablement 16 onces, peut-être 20. Tu vas manger quoi ?  « Ce qu’il y a aux stations ». Ben oui, comment ne pas y avoir pensé ?

Quant à Pierre, on voit que son linge va revenir à Montréal avec lui, mais il n’a rien d’autre. Il ne croit pas avoir à boire avant Edinburg Gap, alors il a laissé son sac d’hydratation dans son drop bag qu’il récupérera là-bas.

Et moi qui pars avec une veste contenant 2 litres de GU Brew, une douzaine de gels, des gaufres, des Advil, des pilules de caféine, du Preparation H…

A quatre sous la tente

On compare nos équipements… de course !

Une grosse horloge numérique à été installée tout près de la banderole de départ/arrivée. J’aime beaucoup ce principe: on voit tous l’heure qu’il est, le temps qu’il reste et le départ est donné à l’heure prévue, point à la ligne. Pas de zigonnage ou de départ retardé pour des raisons X ou Y.

Plus que 7 minutes

À peine 7 minutes avant de partir pour le grand voyage…

À une minute du départ, mon père me donne l’accolade et me chuchote à l’oreille « Amuse-toi ». Ce que le froid n’a pas réussi à faire, mon père l’a fait: me donner un frisson.

Je retourne à mes amis, on se souhaite tous bonne chance. Amenez-le, votre supposé parcours infernal !

Vermont 50: les derniers milles

Avant de quitter Greenall’s, je prends bien soin, encore une fois, de m’alimenter. Jamais je n’aurais cru qu’un jour je mangerais autant de patates et de bananes dans la même journée. Et que dire des bretzels ?  Ça faisait des années que je n’en mangerais plus, jusqu’à ce que je mette aux ultras. Ainsi va la vie… 😉

Au moment de quitter la station, je passe devant un groupe de spectateurs. Deux-trois gars se mettent à pointer mes souliers et à crier: “New shoes, new shoes, man !!!”. Ouais, effectivement, mes souliers peuvent sembler totalement neufs. En fait, ils ont peut-être une cinquantaine de kilomètres au compteur, mais dans des conditions pas mal plus bénignes. Ils ont donc encore leur rouge-orange flashant d’origine et je dois probablement être le premier à passer devant eux avec des souliers aussi propres. En fait, ils en rient tellement fort qu’ils finissent par m’irriter un peu. L’effet de la fatigue, je suppose.

Je passe devant l’endroit où ont été “déposés” les drop bags. Ils sont là, par terre, recevant chaque goutte de pluie que le ciel peut envoyer. Après m’être cassé le ciboulot avec ça, j’ai tout simplement décidé de ne pas en utiliser. En effet, Barbara m’avait dit qu’à moins d’un accident, elle m’attendrait aux stations d’aide où les supporteurs ont accès (soient exactement les mêmes où on pouvait faire parvenir un drop bag), alors je me suis dit qu’elle serait pas mal plus efficace qu’un sac que je devrais chercher. Et j’ai eu raison !  En plus, je n’aurai pas le problème de récupérer le tout après la course.

Le Vermont 50 étant le Vermont 50, une belle côte dans la bouette nous attend pour commencer cette nouvelle étape. Je rejoins un gars dans la montée et lui glisse au passage qu’il faut être un peu fou pour se taper ça. Il me répond qu’il a fait la course à vélo pendant 6 ans et à chaque fois, il se disait qu’il fallait être fou pour faire le trajet à la course. “Look where I am now !” qu’il ajoute en riant. Ça résume assez bien la situation. 🙂

La pause m’a donné de l’énergie. Les sections techniques me font sourire, me font apprécier encore plus l’expérience. À un certain endroit, je reprends un autre gars qui fait la course en “five-fingers” (les genres de gants pour les pieds). Je peux comprendre l’idée sur l’asphalte, l’histoire que le pied s’adapte à la surface sur laquelle on court, que l’être humain est fait pour courir, et patati et patata. Mais dans la boue et les roches, vraiment ?  En tout cas, ça n’a pas l’air de fonctionner trop fort, son affaire. Et à le voir aller, je pense plutôt qu’il fait le 50 km. Mais bon, je passe à côté de lui et il me demande l’heure comme je suis à sa hauteur. Je m’arrête pour fouiller mes poches à la recherche de ma montre. Il est exactement… midi !  Shit, déjà plus de 5h30 que je cavale. Et les sections les plus techniques qui s’en viennent, à ce qu’il parait.

En fait oui, ça a déjà commencé. Des trails étroites, des descentes dans lesquelles on ne peut pas se laisser aller. Pas vraiment la joie par bouts.

À Fallon’s (mille 37.3, km 60.0), je me rends compte que je prends plus de temps à sélectionner ma bouffe. Je sens que je commence à en arracher. De plus, signe de fatigue, je reste planté devant les tables et les autres doivent me demander (très poliment) de me tasser. Shit, arrête de niaiser mon homme, c’est le temps de mettre en application la règle numéro un des ultras: avancer, encore et toujours. Je pars donc en marchant, question de finir ce que j’ai à manger, puis me remets à courir.

Le fait d’avoir rempli mon estomac m’aide pour quelques minutes, puis je retombe. Ça y est, je suis dans une mauvaise passe. Louise m’avait averti. Ok, pas de panique, tout le monde en vit, même les meilleurs semble-t-il (ce que je ne saurai jamais). Il suffit de ralentir un peu, de reprendre des forces et attendre que ça revienne. J’ouvre ma barre énergétique et commence à la manger par petits bouts, comme je fais en marathon. Ça va peut-être aider.

Pour me changer les idées, je me fixe comme objectif de rattraper une fille portant un t-shirt jaune qui avance avec la régularité d’une horloge, là devant. Par chance, ma technique en montée demeure efficace et je descends plus vite qu’elle, alors je me rapproche. C’est qu’elle a l’air jolie, en plus (ça m’intéresse encore: c’est bon signe). Toute petite, toute mince, les grands cheveux châtains qui sortent de sa casquette… Je la rejoins. Ha merde, lui avez-vous vu le nez ?  Déception, mais bon, je sens que je reprends du poil un peu.

Sauf qu’elle finit par me faire chier, celle-là. Elle ne marche presque jamais !  Ça fait qu’on finit par jouer au yo-yo. À toi, à moi, à toi, à moi…  À un moment donné, dans une descente faite dans un sentier assez large, ce qui me reste de quads me permet d’y aller à un bon rythme, alors je regagne du terrain sur elle. Entendant mes pieds frapper le sol et le flouche-flouche de mon Camelbak, elle me demande sans se retourner: “Are you cruising along ?” ou quelque chose du genre. Heu, de quessé ?  Elle me demande si je la cruise ?  Ben là, pas ici, drette de même. Je suis marié, moi… Et puis, je ne sais plus comment on fait, il y a si longtemps. Et il y a ce nez aussi. “What does it mean ?” est ma réponse comme je la dépasse. Sa réplique: un bel éclat de rire. Ben cout’ donc, je suis encore capable de faire rire les filles. Je suppose qu’elle me demandait si je dépassais ou pas.

Le sentier qui nous amène à Goodman’s (mille 41.1, km 66.1) est tracé dans un champ. Et je ne sais pas pourquoi, mais c’est encore à la fin d’une montée. Pas trop abrupte, alors celle qui je “cruisais” la fait en courant. Pépère Fred décide de marcher.

C’est à cette station qu’on peut commencer à se faire accompagner par un pacer. J’y aperçois Caroline, la fille qui parlait avec Barbara à Greenall’s. Elle attend son mari, un gars qui court des marathons en moins de 3 heures (ben ici, monsieur 3h12 va plus vite, lalalère !). Elle était inquiète tantôt, faut croire que son chum s’est rendu à Greenall’s… et qu’il est toujours derrière moi !  🙂  Elle est supposée le pacer pour le reste de la course.

J’avais demandé en blague à mes amis de me pacer ici et Francis l’avait même envisagé. Honnêtement, je suis très heureux qu’il ne soit pas là: se taper 4 heures de route pour attendre à la pluie que j’arrive, puis faire le reste de la course dans cette merde ?  Pas certain qu’il me l’aurait pardonné. À moins qu’il soit maso comme moi et qu’il se mette à capoter sur ce genre d’épreuve lui aussi ?

Comme je me remets en marche, un bénévole me lance: “Only 9.5 miles to go !”. Comment ça, 9.5 milles ?  Ce n’est pas supposé être moins de 9 ?  Shit, il vient de m’ajouter un kilomètre, lui là !

J’ai beau en avoir entendu parler, m’être préparé, je ne sais pas trop à quoi m’attendre pour la prochaine section. C’est la deuxième plus longue (environ 10 km), mais c’est la dernière avant de revoir Barbara. Allez, un petit coup de coeur. 15 km, c’est à peine plus d’une heure (yeah right…) !

Les amateurs de technique seront servis ici. Dans la section précédente, nous étions tombés sur des bouts sinueux, mais ici, c’est incroyable. On monte, puis on descend dans des sentiers très étroits. Si étroits qu’on doit littéralement se tasser dans le bois pour laisser passer quelqu’un. Pas moyen de prendre un rythme, on passe notre temps à virer. Puis à monter, puis à descendre. Des sentiers pour chevaux, à ce qu’on dit. Je regarde au-dessus de ma tête et me demande comment les cavaliers font pour ne pas se faire labourer la face par les branches…

J’entends des voix au loin… Déjà la station d’aide ?  Mon GPS étant complètement mêlé à cause de la multiplication des zig-zags, je ne m’y fie plus pour la distance parcourue. Je suis un peu fébrile. Sauf que je sais que la station est sur le bord de la route du village et on est en plein bois… Finalement, je débouche sur une résidence privée où les propriétaires fournissent un kit de “décrottage” des vélos de montagne. Il y en a plusieurs qui acceptent, car la boue s’est étendue partout, empêchant certains de jouer du dérailleur. Pas pratique, en montagne.

Je poursuis donc mon chemin, un peu déçu. Dans une autre partie très sinueuse, je me retrouve pris derrière un gars. Puis on rattrape une fille. Ça me permet de récupérer un peu, mais après un certain temps… Merde, comme quand on fait de la randonnée: vous ne pourriez pas vous tasser ?  Je n’avais pas eu de problèmes depuis le début, mais là, je commence à m’impatienter. Finalement, je profite d’un micro-élargissement pour shifter le gars et demande carrément à la fille de se tasser. Il y a des maudites limites ! Ça ne les dérangeait pas d’avoir quelqu’un aux fesses comme ça ?

Derrière moi est apparu le gars avec qui j’étais arrivé à Greenall’s. Il a pris un pacer, le petit coquin. Nous avions fait un autre bout ensemble depuis, mais je l’avais laissé avant mon passage à vide. On dirait qu’il en a eu un lui aussi, mais que son pacer lui donne des ailes.  Je les laisse passer, essaie de les suivre à la trace, mais comme les descentes sont techniques, je dois ralentir.

Pendant que j’évolue dans les sentiers, je pense à Francis. Ho qu’il en aurait arraché là-dedans, le pauvre !  Pas habitué à ça, des enchainements comme ceux-là, dans des conditions semblables.  Et sur 15 km en plus. Une chance qu’il n’est pas venu…

Peu avant un champ, je rejoins pour la enième fois la fille au t-shirt jaune. Je suis persuadé qu’elle va me redépasser d’ici l’arrivée, elle est tellement régulière. Je rejoins également mes deux amis et me lance dans la descente en premier. Ce n’est pas trop technique, alors je peux y aller un peu plus. Il faut juste faire attention pour ne pas se planter… Tiens, le soleil qui a envie de sortir. Ben oui, c’est bien le temps: on a presque fini ! J’entends toutefois Lennon dans ma tête: « Here comes the sun, here comes the sun… ». Pour compenser, la pluie se remet de tomber de plus belle. Trop drôle comme journée…

Peu après le champ, petite section dans le bois, puis j’aboutis sur un chemin de terre. Ça ne va pas trop mal, mais j’avoue que ma notion de “montée” commence à s’étendre un brin. Je me disais au départ que si j’avais des réserves vers la fin, je courrais les montées. Hé bien non. En fait, ça n’a plus besoin de monter tellement pour que je reprenne ma technique de marche.

Mais ho, que vois-je ?  Hé oui, c’est la route principale derrière les arbres ? Oui oui, la dernière station d’aide est proche !  Ok, petit coup d’orgueil, je recommence à courir. Même si ça monte un petit peu. Une fois rendu sur la route, la station est toute proche. Yééé !!!   J’aperçois le RAV4 et j’entends Charlotte et son chant si mélodieux…  Ok, dernière mission pour ma “Doug”: je lui laisse mon GPS qui a commencé à m’avertir que sa pile était faible, ainsi que ma ceinture d’hydratation. Je vais finir avec mon Camelbak seulement. Une caresse à Charlotte, un dernier bisou à ma tendre épouse avant la fin et pour la dernière fois, je m’apprête à quitter une station d’aide.

Mais justement, elle est où, la station d’aide ?  Il y a plein d’autos stationnées, mais pas d’abris, rien à manger, pas d’eau ?  Ben voyons…

Finalement, je comprends que je dois quitter la route principale, emprunter un petit chemin et la station d’aide est toute proche. En haut d’une côte, évidemment. Ainsi donc, me voici à Johnson’s (mille 47.2, km 75.9). Je décide d’y aller full blast côté caféine: je me cale 2 verres de Coke, 2 verres de Mountain Dew (ce sont des petits verres quand même, comme chez le dentiste) et me prends un gel expresso double caféine. Au pire, si ça ne marche pas, ça ne durera que 5 petits kilomètres.

En quittant la station, une toute petite pancarte montée sur un piquet de bois: “ 3 miles to go”. Comment ça, 3 milles ?  Ce n’est pas 2.8 ?

La pancarte ne cache pas la tâche qu’il nous reste à accomplir: une montée tout simplement infernale. Tracée dans un champ, j’ai l’impression que ceux qui montent tout en haut sont tout petits. Comme j’entame l’ascension, mes “backfires” tournent plein régime. Mon chum et son pacer sont tout juste derrière, alors je ne cesse de répéter: “Sorry about that”. Ils me rattrapent et celui qui a fait la course au complet me met la main sur l’épaule et me dit tout doucement: “No need to apologize, man”, traduction libre de: “Tu as 76 km dans le derrière, si tu as le goût de te lâcher lousse, tu as bien le droit.”  Ha les liens qui peuvent se créer sur un champ de bataille… 😉  Par contre, je ne sais pas pourquoi, mais les deux compagnons font tout de même l’effort de se tenir en avant de moi.

Un peu plus loin, j’ai une pensée pour Maryse. Elle avait elle aussi envisagé sérieusement de faire le voyage pour venir me voir. Mais la distance, le fait que Yanick soit parti en voyage d’affaires et que de son côté, elle parte en congrès dès le lendemain l’avait légèrement incitée à ne pas venir. Ha oui, il y a les 4 enfants aussi… Mais bref, si elle était venue, elle m’aurait probablement pacé sur la dernière section. Pas certain qu’elle aurait voulu me reparler après cette côte-là: regardez à quel point j’ai l’air heureux durant cette merveilleuse ascension…

Enfin rendu en haut de la côte après Johnson’s… Un gars commence à en avoir plein les baskets !

Une fois en haut, le plaisir n’est évidemment pas terminé. Je ne sais pas pourquoi, je m’attendais à des beaux petits sentiers tranquilles, bien roulants, puis une belle descente vers la station de ski pour terminer. Hé bien non. Du technique à plein avec des roches et de la boue. Des combinaisons montées-descentes sinueuses. Mon compagnon d’arme glisse dans une marre de boue en montant et se retrouve face contre terre. Aussitôt tombé, aussitôt relevé et reparti (il a probablement vraiment peur de se retrouver derrière moi…). Je ne le reverrai plus.

Autre petite pancarte: “2 miles to go !”. Merde, ça fait une éternité que j’ai passé les 3 milles… Je poursuis mon chemin, plus déterminé que jamais à en finir. Mes quads sont à l’agonie, mes bras et mes épaules font très mal. Allez, ça achève…  Mais c’est quoi ça ?  Ha ben c’est le bout: une rivière !  Il faut traverser un fleuve, bout de tab… !

Bon, j’exagère. C’est un ruisseau de montagne qui traverse le sentier. En faisant attention, je réussis à le passer à sec (si on peut être à sec aujourd’hui !) et reprends ma promenade de santé. J’ai été très prudent parce que je n’avais vraiment pas envie de me retrouver le postérieur à l’eau. Ça m’a peut-être coûté une trentaine de secondes, mais au point où j’en suis…

Ha, une autre petite pancarte, plus qu’un mille je me dis… Erreur: “1.5 mile to go !”. Juste la moitié de la distance depuis la dernière station ?  Il me semble que je l’ai quittée il y a plusieurs jours déjà, ma femme va envoyer un avis de recherche si je n’arrive pas bientôt. Une alerte Amber, même. Je baisse la tête, fonce de plus belle. Ha non, maudit parcours de mes deux, tu ne m’auras pas de même !

Après plusieurs roches glissantes et bien des trous de m…, une autre pancarte. “1.25 mile, je suppose…”. Hé bien non: “Can you smell the food ?”. Non, je ne la sens pas. Mais est-ce qu’il y a de la bière ? Ça pourrait m’intéresser…  Finalement, pas tellement plus loin, la voilà: “1 mile to go !”. J’ai 98% de la distance de parcourue, j’ai encore de l’énergie en bonne quantité. Mes quads vont tenir, il ne me reste qu’à demeurer debout.

La descente finale s’amorce. Comme il n’y a jamais rien de facile ici, celle-là ne donne pas sa place. Nous sommes sur des pentes de ski, descendons en zig-zag sur des sentiers détrempés tracés sur de l’herbe. Nous sommes à flanc de la pente, donc les pieds penchés d’un côté et c’est glissant. Pas jojo…  Tiens, un dernier photographe, un beau sourire pour la postérité.

Moins de 1 km à faire, de quoi retrouver le sourire !

Bon, comment ont-ils réussi à trouver encore des places techniques par où nous faire passer ?  Encore de la roche glissante. Jusqu’à la fin, le parcours ne nous aura donné aucun répit. Finalement, j’aperçois le stationnement sur ma droite, la vraie descente finale et l’arrivée. Ça y est, dans moins d’une minute, ce sera fait. Ce qui a commencé par un rêve un peu fou, qui s’est lentement transformé en entrainement dédié et tout aussi fou, va se concrétiser: je serai un vrai ultra-runner. Tout comme à mon premier marathon, un grand sentiment de fierté m’envahit: je l’ai fait.

Mes quads ne me permettent malheureusement pas d’y aller à fond dans la dernière descente, mais je m’y rends quand même. J’arrête mon chrono: 8:42:17. Pas le temps que j’aurais voulu, mais ça me passe 10 pieds par-dessus la tête: je suis un ultra-runner !!!

C’est fait: je suis maintenant un ultra-runner !!!

Après les photos du “triomphe”, je sers Barbara contre moi. Très fort. Et je sens son étreinte, malgré la clôture qui nous sépare. C’est la première fois que je la sens si impliquée, si emballée par une de mes courses. Et ça s’est ressenti dans ma journée: tout a été tellement plus facile grâce à son support, tant au niveau logistique que moral. Merci de tout coeur, mon amour.

Comme le chantait Bono: « Blue-eyed boy meets a brown-eyed girl… Ho ho ho, the sweetest thing »
Un grosse journée pour mon amour: merci pour tout !

Vermont 50: les premiers milles

Je ne suis pas habitué à ça: Barbara est là pour le départ d’une grande course. Habituellement, elle me rejoint sur le parcours et à l’arrivée. Mais pas aujourd’hui et j’avoue que ça me fait chaud au coeur. Et avant de se séparer, elle me donne un baiser de bonne chance. Une belle étreinte, un gros bisou. Je sens ton son amour, toute sa confiance en moi. Elle me dit « À tantôt » et s’éloigne, avec Charlotte à sa suite. Charlotte de qui j’ai évidemment eu droit à une lichette avant de partir. Adorable petit toutou…

Comme à l’entrainement, je suis équipé pour la grosse besogne. Louise m’a d’ailleurs fait remarquer tantôt que j’étais peut-être un peu trop chargé: je porte mon Camelbak avec environ 2.5 litres de Gatorade (aux fruits, si vous voulez savoir) et à la taille, ma ceinture d’hydratation avec 3 bouteilles remplies d’eau. Je compte boire à tous les kilomètres (qui ne sont évidemment pas marqués, pas plus que les milles d’ailleurs; je vais me fier au GPS), en alternance. Le but est de demeurer hydraté. La température, entre 10 et 12 degrés avec le ciel couvert, devrait m’aider. Et si je dois m’arrêter pour soulager la pression, c’est bon signe.

Aussi dans mon Camelbak, on retrouve 4 gels, une barre énergétique, des bretzels, du ruban adhésif (pour les ampoules), des capsules Endurolyte (crampes) , des mouchoirs (pour d’autres sortes des crampes) et un imperméable jetable. Disons que c’est peut-être effectivement un peu lourd à traîner tout ça pour un gars qui fait fait 5’10 » et pèse 150 livres. Mais bon, je préfère trop que pas assez…

Je me place dans la foule. Shit, mon GPS… Une minute avant le départ et j’ai oublié de l’allumer. Envoye, trouve-les tes foutus satellites !  Envoye !!  Envoye !!!   Il fait noir, mais je vois qu’il cherche, encore et toujours. Au moment où l’organisateur en chef crie son « Go !!! » au micro, je vois apparaitre les chiffres. Aussitôt, je démarre le chrono. En même temps, je démarre aussi ma montre car je ne fais pas confiance à la batterie de ma Garmin. Est-ce qu’elle peut durer plus de 8 heures ?  Vraiment pas certain.

Pour les habitués des courses sur route, ça peut semble bizarre que le départ se donne ainsi, par un simple cri. Mais bon, les ultras, on dirait que c’est assez minimaliste: pas de système de chronométrage électronique, pas de klaxon ou de canon au départ, pas de distances marquées. J’aime bien, c’est plus intime comme ambiance.

Les premiers milles se font sur des chemins carossables. Un petit bout en asphalte pour sortir du « resort » du mont Ascutney, puis des chemins de terre. Plaisant. J’avais lu qu’on partirait en descendant sur un mille, puis on en ferait deux sur le plat avant de frapper la première côte. Faut croire que le parcours a changé parce qu’on n’a pas 2 km dans les jambes que la première côte se dresse. Excusez la grossièreté, mais c’est une ostie de côte !  Du calibre de la vieille route de St-Adrien, dans le coin où mes parents habitent. Ouin, ça commence bien…

Premier petit stress: j’ai prévu faire les montées en marchant, question de conserver mon énergie. Serai-je le seul ?  Mon stress passe rapidement: devant moi, tout le monde marche. Bonne affaire. Mais quand je dis marcher, je ne parle pas d’une petite marche tranquille. Non, je parle plus de « power hiking »: de grandes enjambées combinées par des mouvements de bras accentués. Il faut avancer, quand même ! Ma technique est d’ailleurs plutôt efficace car je dépasse pas mal de monde en montant.

Après une éternité à monter, on fait quoi ?  On descend !  Puis on remonte. Puis on redescend. Comme mes jambes sont encore fraîches, je me laisse aller dans les descentes, doublant bien des gens au passage. Mais est-ce que ça va être comme ça tout le long ? Aille aille, mes quads vont vouloir sortir de mes cuisses à la fin…

Je regarde ma cadence moyenne: autour de 5:30. Ok, je vise 6:00, c’est bon. Mais sera-t-il possible de tenir ce rythme quand on va arriver dans le bois ?  Comme dirait un certain chef de parti, on verra. Bon, mon soulier droit commence à se desserrer, je vais arranger ça à la première station…

Première station d’aide justement: Coon Club, mille 4.2 (6.8 km). Je ne sais pas pourquoi, mais je m’attendais à ce que le nom de la station soit affiché quelque part, question de faire « officiel ». Non mais, je pensais à quoi au juste ?  Une enseigne en néon ?  On est en pleine campagne, beau tata…. Ce qui nous attend plutôt, ce sont quelques bénévoles, deux tables avec des victuailles, de l’eau et du Gatorade. Et heureusement pour ces si gentilles personnes, un gazebo pour les protéger de la pluie. Je n’ai besoin de rien, pense passer tout droit, puis me ravise: je vais remplir la petite bouteille d’eau que j’ai vidée. Au cas où…

Au moment de partir, la bénévole me lance, sans la moindre pointe d’ironie, un beau « Have fun ! ». C’est que la première section de sentiers se présente à nous. Et elle se présente sans trop de subtilité: une montée en face de cochon et de la bouette. « Have fun… » que je marmonne. Le gars à côté de moi lâche un petit rire. Ouais, le party commence. Et on est tous dans la même galère.

On n’a pas la moitié de la montée de faite que nous rattrapons nos premiers vélos. Les pauvres, la côte est tellement abrupte qu’ils doivent descendre du vélo pour la monter. Et avec la bouette, pas moyen de se donner un élan, alors… Bref, je préfère de loin être à pied. La première section de trail donne un bel avant-goût. Encore là, ça monte, ça descend. La surface est plus glissante que ce à quoi je m’attendais, me confortant dans ma décision de faire la distance au complet avec mes Salomon. Louise partait avec ses souliers de route, alors ça m’avait semé un doute. Je remarque également qu’il fait très sombre dans le bois, nous évoluons presque dans la pénombre. Je dois demeurer alerte, je n’ai vraiment pas le goût de me retrouver face contre terre…

Peu avant de sortir de la trail, je m’arrête pour une pause-pipi. Good, l’hydratation va bien. Il me faudra répéter le manège, sinon…  Je repars, puis m’arrête à nouveau. Tant qu’à faire, t’aurais bien pu resserrer tes souliers…  Chose faite, puis redépart. Je suis en pleine descente dans un chemin de terre (donc à fond ou à peu près) quand je jette un coup d’oeil à mon GPS, question de voir ma vitesse. Merde !  Je l’ai arrêté par réflexe quand j’ai fait ma pause !  Merde, merde !  Non seulement le temps indiqué n’est pas bon, mais la distance non plus. Tu parles d’un beau cabochon !

Autre problème depuis quelques minutes: mon ventre. Presque depuis l’instant où nous sommes partis, j’ai commencé à faire des « backfires », mais ça n’avait aucune conséquence (à part m’embarrasser légèrement à chaque fois). Mais là, mon ventre commence à faire des siennes et je n’aime vraiment pas ça. Je pense à Patrice Godin qui avait eu des problèmes gastriques l’année passée, je pense évidemment aux nombreuses fois où mes intestins m’ont ordonné un retour précipité à la maison. Ce n’est pas parce que j’ai tout prévu que je dois nécessairement me servir de ce que j’ai apporté… Il me reste 70 km à faire, je ne pourrai jamais endurer ça tout ce temps-là.

Arrivé à Dart’s (mille 8.5, km 13.7), deuxième station d’aide (qui, ho surprise, est située en haut d’une côte), je suis un conseil de Louise: je saute sur les patates. J’en prends deux  morceaux dans ma bouche et en enfouis trois autres dans mes poches. Je cale deux verres d’eau, remplis une bouteille et repars.

J’ai déjà hâte à la prochaine station d’aide: Skunk Hollow, où Barbara m’attend. Les sections de trail et de chemin de terre se succèdent, je n’ai aucune espèce d’idée où je suis rendu. Une seule chose m’importe: les flèches noires sur fond rose qui nous indiquent par où passer. De toute façon, il y a encore pas mal de monde autour de moi, alors pas trop de danger de me perdre… pour le moment !

C’est fou par où il nous font passer: des sentiers étroits, des montées débiles, des descentes aussi pires. À un  moment donné, j’en ris tellement je trouve ça exagéré. Non mais, il faut être maso pour se lancer là-dedans !  Et le pire, c’est que je m’amuse comme un petit gars. Et comble de chance, à mesure que j’enfile les morceaux de patates, mes problèmes gastriques semblent s’éloigner. Coooool !  🙂  À ça, j’ajoute un gel, question d’avoir un peu de sucré pour compenser.

Comme j’amorce une descente, j’aperçois un photographe. Pauvre gars, pogné là par une journée de pluie… Pas besoin de me forcer pour sourire, je m’amuse !

J’arrive à Skunk Hollow, youppi !!! 🙂

Pas tellement plus loin, je sens une certaine fébrilité dans l’air. On traverse un petit pont de bois et comme par magie, on sort dans un champ: c’est Skunk Hollow (mille 12.3, km 19.8). Yes !  Il y a pas mal de monde, je cherche Barbara du regard. Évidemment, c’est elle qui me voit en premier (je ne vois jamais rien…) et elle m’appelle. Je lui dis: « C’est complètement débile !  Maudit que j’ai du fun ! » avec un large sourire. On s’embrasse, puis elle se retourne pour me donner accès à mes choses, dans mon sac à dos. Je suis un peu déboussolé, ne sais pas trop quoi j’ai besoin. Ha oui, un gel. Et heu… ben rien d’autre, je pense. Charlotte quémande une caresse, je donne un autre bisou à ma tendre épouse et repars, rempli d’énergie, pour l’étape la plus difficile du parcours.

Un petit coup d’oeil sur Shunk Hollow

Le mystère des « drop bags »

Étant nouveau dans le monde des ultras, j’ai beaucoup lu sur le sujet au cours des derniers mois. Il y a plusieurs choses qui m’étaient totalement inconnues avant de commencer mes lectures. L’une d’elles est les « drop bags ».

Je voyais sur les forums de discussions que les gens en parlaient, échangeaient sur ce qu’ils devaient mettre dedans, etc. Ça m’a pris un peu de temps à comprendre parce que le concept m’était totalement étranger. En fait, pas totalement, dans un certain sens car j’utilisais le principe dans mes marathons, quand je le pouvais. En effet, j’abusais de la bonté de ma tendre épouse ou de mes amis pour qu’ils me rencontrent à un endroit pré-déterminé sur le parcours et me laissent ce que je leur avait demandé: barre énergétique et bouteilles de Gatorade remplies, en l’occurence. Bizarrement, il m’est arrivé par deux fois de faire un marathon totalement en solo et j’y ai réussi mes deux meilleures performances. Hum… (Sans blague, ce sont les conditions météo à Mississauga l’an passé et Ottawa cette année qui m’ont permis de réaliser ces temps)

Mais bon, un ultra, par définition, ça dure plus longtemps qu’un marathon. Certains disent que pour 50 milles, il faut multiplier son temps en marathon par deux et ajouter deux heures. D’autres parlent de tout simplement multiplier par trois. Dans mon cas, ça donnerait quelque chose entre 8h15 et 9h30, à peu près. Les conditions ont donc pas mal plus de chances de changer sur une telle période que pour un marathon. Aussi, pas mal plus de choses peuvent se produire sur 50 milles dans le bois que sur 42 km dans les rues de la ville.

Entrent alors en jeu les « drop bags ». J’ai fini par comprendre qu’on peut y mettre ce dont on prévoit avoir besoin durant la course. On les dépose à un endroit précis la veille de la course et ils seront « livrés » à la station d’aide qu’on aura indiquée sur le sac. À ce que j’ai compris.

Mais bon, ça a l’air de quoi, un « drop bag » ?  Un sac d’épicerie ?  Un sac de sports ?  Un bon vieux sac vert Glad ?

Les organisateurs du Vermont 50, prévoyant qu’ils seraient envahis de néophytes comme moi, nous ont fait parvenir un merveilleux courriel cette semaine. Il était intitulé: « News you can use » et il y avait une section complète dédiée aux « drop bags ». Cool !

Première règle: ça prend des sacs souples, pas des contenants rigides style « boîtes ». Deuxième règle: le sac doit pouvoir passer par une ouverture de 9" x 9". Heu de quessé ?  Pourquoi donc ?  Prévoient-ils prévoir les passer au travers le trou d’une sécheuse ?  C’est quoi, cette affaire-là ?  Et ils y tiennent mordicus, spécifiant que les sacs ne respectant pas cette règle ne seront tout simplement pas transportés. Ayoye…

Bon, on met quoi dedans, maintenant ?  Voici leurs conseils. Première chose, être prêt à ne plus jamais revoir ce qu’on met dans un des ces sacs, donc aucun objet dispendieux genre cellulaire (il n’y a pas de réception de toute façon, ça illustre bien à quel point c’est reculé comme endroit), GPS, iPhone, iPod, etc. Aussi, aucun objet fragile qui ne peut résister à une chute de 4 pieds (traduction de: nous allons câlisser les sacs en bas de la boîte du pickup). Ok, enregistré, je sais quoi ne pas mettre. Mais quoi mettre ?

Du linge de rechange propre: bas, t-shirt. S’il fait chaud, changer de t-shirt peut être pratique. Et si c’est détrempé, une paire de bas secs peut sauver biens des ampoules. On peut même insérer une paire de souliers de rechange, quoi qu’il est stipulé que c’est très rare que les coureurs changent en cours de route. On peut aussi mettre quelques articles de premiers soins: ruban adhésif, pansements, désinfectant. Pour l’alimentation, c’est une excellente façon de faire parvenir des gels, barres énergétiques ou tout autre aliment qu’on est habitué de prendre. Les possibilités sont infinies !  😉

Pour cette course-là, il y aura trois stations d’aide où on pourra avoir accès à nos « drop bags »:  aux milles 12, 32 et 47 environ (il y a 10 stations d’aide en tout sur le parcours). C’est aussi à ces endroits que les « équipes de support » seront admises. Donc, pour ceux qui ne font pas confiance au système des « drop bags » et qui ont la chance d’avoir encore des amis et/ou un(e) conjoint(e) dont ils peuvent abuser de la bonté, ils peuvent leur donner rendez-vous à ces endroits précis sur le parcours. Tout autre aide reçue ailleurs est interdite et est passible de disqualification. On peut dire qu’ils ne niaisent pas avec le puck, les gens du Vermont…

Pour ma part, comme j’ai (encore) une épouse qui est prête à m’aider, je compte lui faire amener un sac de remplacement rempli de Gatorade pour mon Camelbak au 32e mille. Pour le reste, ça va dépendre de la température. Un certain acteur qui fait des ultras m’a dit que lui, pour une course de 50 milles, met quelques trucs dans ses « drop bags » au cas où, mais ne s’en sert à peu près jamais. Je me suis tout de même procuré des sacs imperméables de 15 et 20 litres chez MEC (ils devraient passer dans une ouverture de 9" x 9", jamais je ne croirai) pour mettre mes cossins. Je pense bien faire envoyer une paire de bas, un t-shirt, des pansements, du ruban adhésif, un imperméable jetable et peut-être une barre énergétique aux trois endroits. En plus, au 32e mille, une paire de chaussures de secours m’attendra, « au cas où ».

Mais bon, tout peut changer s’il pleut, s’il fait froid, s’il fait chaud, etc. Je vais décider ça l’avant-veille de la course. Histoire à suivre.