De retour de vacances bien plaisantes et reposantes, loin de toute connexion internet et de la vie dite « normale ». Aujourd’hui, première partie du récit. Le reste viendra au cours des prochains jours.
Comme ça se produit souvent, je suis le premier arrivé derrière l’hôtel de Ville, lieu d’où partiront les autobus qui nous amèneront au départ du 58 km. Il fait 15 degrés et il tombe un petit crachin. Pas de mauvaises conditions pour courir, bien au contraire. Mais les 30-40 millimètres qui nous sont tombés dessus hier m’inquiètent un peu : les sentiers risquent d’être légèrement boueux.
J’aperçois un petit banc à l’abri et vais m’y installer. Peu de temps après, un gars arrive. Il va vérifier si on peut accéder aux locaux de la municipalité (on ne peut pas), puis vient me demander si on peut aller aux toilettes quelque part. « Numéro un ou numéro deux ? » que je lui demande (on est très basic, dans le petit monde des coureurs des bois). Comme c’est un numéro deux, je lui indique le chemin vers des Johnny on the Spot, près de l’église. Il semble incrédule, mais je lui assure qu’il y en a vraiment: j’en reviens. Se rendant compte qu’il n’a rien à perdre à aller voir, il disparait. Comme il ne reviendra que dans plusieurs minutes, j’en conclus que mes indications n’étaient pas si mauvaises… 😉
Un autre arrive. Ho, il a l’air crinqué celui-là. Plutôt musclé, le petit top noir moulant (il y a des gens comme ça qui remplissent tellement bien un small), il a l’air nerveux : il court un peu partout. Heu, les nerfs bonhomme, on a quand même pas mal de distance à faire, pas la peine de te brûler tout de suite. Ha, les jeunes…
D’autres coureurs arrivent. De mon petit banc, j’observe la faune. Il y en a de tous les styles : des ultrarunners aguerris aux petits nouveaux, des nerveux aux très relaxes. Petit détail : vraiment pas beaucoup de femmes.
Les gens de l’organisation finissent par arriver à 5h40. C’est toujours la même chose : ils nous ordonnent d’être là pour 5h30, mais eux par contre… Bah, c’est ça, le monde de la course en trail, il ne faut pas s’en faire pour si peu. Les gens commencent à déposer leur sac dans une mini-van dont les portes ont été laissées ouvertes. On nous avait dit que les sacs ne devaient pas peser plus de 5 livres, que cette limite serait vérifiée avant l’embarquement et que les sacs trop lourds seraient tout simplement rejetés. Comme j’aurais dû m’en douter, personne ne pèse les sacs.
On ouvre les portes et nous nous engouffrons à l’intérieur, question de nous protéger du temps frisquet et du petit crachin. Un coureur fait remarquer que l’an dernier, tout le monde cherchait l’air climatisé. Comme quoi on n’est jamais content ! 🙂 Je m’installe sur une chaise et continue à observer les autres. Plusieurs sont là en gang et jasent. Moi, je regarde leur équipement. C’est fou la disparité à ce niveau. Plusieurs ont des Camelbak, d’autres des bouteilles à la taille. J’aperçois quelques vestes, dont une ou deux comme la mienne. Quant aux souliers, autant de marques que de coureurs.
Le crinqué est vraiment sur les nerfs: il saute sur place comme s’il était pour courir un 100 mètres. Relaxe, relaxe, tu vas finir par le déchirer, ton small ! Comme pour se calmer, il s’en va demander des infos à propos parcours. J’écoute d’une oreille, sachant fort bien qu’il est difficile, technique et fort certainement en piteux état. Pour le reste, on verra bien assez vite.
Petit tour obligatoire aux toilettes. On dirait le stade Molson à la mi-temps d’une partie des Alouettes: la ligne est infinie. Et tout le monde attend pour un numéro deux (la cour d’église, les boys, la cour d’église) car les urinoirs sont libres ! J’avoue que c’est la première fois que je vois ça. Définitivement que les ultras, c’est un monde bien à part ! 🙂
Finalement, les autobus jaunes arrivent et la meute se dirige tranquillement en leur direction. J’aperçois Pat. Il n’était pas certain de pouvoir être là, mais il a pu se libérer. Cool ! On échange une bonne poignée de main, quelques mots, il a l’air en forme et de bonne humeur. Ça en fait au moins un (ben non, je blague, je vais très bien)…
Mais là, question existentielle: nous sommes supposés être 123 et il y a seulement 2 autobus. Dans mon temps, il y avait 48 places dans ces machins-là et un petit calcul rapide me dit que… Hé là, pas question que je me tape 30 minutes de bus debout, je vais en avoir bien assez des heures dans les sentiers, moi !
Finalement, on dirait qu’il y a de la place pour tout le monde. Comme j’en ai déjà parlé dans un précédent post, avant le départ des autobus, le directeur de course nous informe que Sophie et Jocelyn étaient rendus au lac à la Truite (je ne sais toujours pas où c’est) à 1h30 et qu’ils seront avec nous au départ tantôt.
Une fois la petite annonce faite, le brouhaha des conversations reprend. Une chose me frappe: c’est la deuxième fois que j’emprunte une navette pour me rendre au départ d’une course, mais l’ambiance est y totalement différente. À Boston, on sentait la nervosité, la fébrilité des gens. Aujourd’hui ? Juste de la bonne humeur. Le bonheur d’être là, l’anticipation du plaisir à venir.
Je fais donc comme toute le monde: je placotte avec mon voisin. C’est un gars de Trois-Rivières qui était ici l’an passé, mais qui n’a pas d’expérience en course sur route, alors il semble très impressionné du fait que j’ai couru 10 marathons. Ben heu… je pensais que tout le monde commençait par la route avant de se taper des distances de fous comme celle-là, non ?
On arrive dans un coin complètement perdu. Il faut vraiment savoir que le départ sera donné ici. Je ne sais pas si les autobus sont complètement arrêtés quand les premiers coureurs commencent à en descendre et se disperser partout dans le bois pour se soulager. Ça en est comique. Imaginez l’horreur qu’on lirait sur le visage des adultes si deux autobus jaunes remplis d’enfants se vidaient à cette vitesse et que les tout-petits iraient faire leur pipi doré un peu partout comme nous le faisons à ce moment-là. J’en ris juste à y penser. Et comme pour parfaire ma culture personnelle, se présente à moi l’image d’une femme qui s’exécute en se tenant debout. Un peu déstabilisant, je dois avouer. Mais bigrement efficace, ça ne doit certainement pas être la première fois qu’elle fait ça.
De retour des besoins primaires, je croise Pat à nouveau. Il a un grand sourire qui lui fend le visage en deux quand il me lance: « Tu ne vas pas courir avec ça ? » tout en chiffonnant mon imper d’urgence. Pat, il ne faut pas se fier aux apparences: je ne suis pas totalement nono. Je sais bien que courir avec ça sur le dos, je risquerais de mourir avant la première côte. T’inquiète.
Je reviens justement de me débarrasser dudit imper et de mon restant de bagel quand Dan Des Rosiers, le directeur de l’épreuve, commence son briefing d’avant-course. Il nous résume d’une manière plutôt comique les principaux règlements et détails à observer. Voici ceux que j’ai retenus:
-
Le parcours fait 58 km « plus », donc… (l’exactitude en ultra, ça n’existe pas)
- Le profil du parcours qu’on voit sur le site a été « photoshoppé ». Il n’y aurait en réalité aucune descente, que des montées (bien honnêtement, ça ferait mon affaire, j’aurais même des chances de terminer dans les 10 premiers)
-
Éviter l’erreur que tout le monde fait en trail: suivre le coureur précédent. Ce sont les rubans roses qui montrent le chemin à suivre, pas le derrière du coureur qui nous précède.
- À l’aire des drop bags, ce sera à nous et non aux bénévoles de manipuler nos affaires. Ces braves gens ne sont pas payés assez cher pour se taper la manipulation du linge dégueux pendant des heures
- Le cutoff à la station Chemin Wall (km 41) est de 7 heures. Ça veut dire que nous devons être sortis de la station 7 heures après le départ, sinon nous serons très fortement priés de quitter le parcours
- Pour ce qui concerne la « marche excessive », le directeur nous donne l’exemple de la fille qui l’an passé s’était installée sur une chaise longue avec des amis à une station d’aide et s’était mise à boire du Red Bull. Cette année, un tel comportement ne sera pas toléré (mettons que dans mon livre, c’est plus que de la « marche excessive »….)
Il parle ensuite du fameux « Vietnam », mais je n’écoute plus vraiment. J’ai juste hâte de partir, surtout que quelques bibittes commencent à me virer autour. Je me place à la hauteur de Pat et Rachel, question d’avoir du monde d’expérience près de moi en début de course et attends.
Je ne vois pas Sophie autour et on ne nous donne pas de nouvelles d’elle et de son compagnon. Bizarre.
Puis, sans autre cérémonie, c’est le décompte et par un simple « GO !!! », la course est lancée. Enfin, mon deuxième ultra vient de commencer !
Le gars incrédule te remercie de l’info concernant les toilettes près de l’église… et, surtout,, te félicite pour ta course ! On s’est bien amusé, finalement.
Heureux que tu aies trouvé ! 🙂 Toutes mes félicitations à toi aussi, je suis très impressionné par ton temps, ton rang… et encore plus par ton approche minimaliste ! Faire tout ça sans eau ? Wow, une vraie machine ! Moi, mon organisme ne me le permet pas.
Et tu as raison: au bout du compte, on s’est amusés. Au plaisir de se revoir dans une course !
Tout est dans la tête !