Ceux qui me connaissent savent que ce n’est vraiment pas mon style. J’aime courir seul, m’entrainer seul. À mon rythme, arrêter quand je veux, accélérer quand ça me tente, aller où mes jambes m’amènent.
Mais hier, c’était définitivement une occasion spéciale. Quand j’ai appris qu’un regroupement de coureurs était organisé pour rendre hommage aux victimes de l’attentat de Boston, je n’ai pas hésité une seconde: j’y serais, beau temps mauvais temps.
Les dieux de la course étaient de notre bord: il faisait frais et un soleil éclatant. Marc Cassvi, l’initiateur de ce mouvement via Twitter, avait fixé rendez-vous à tout le monde à 11 heures, au monument de Sir George-Étienne Cartier au pied du Mont-Royal.
Comme j’étais un peu d’avance, j’ai repris contact avec les sentiers avant le rendez-vous. MES sentiers. Étonnamment, ils étaient à peu près tous dans un état impeccable, peu ou pas de boue, presque plus de neige. J’y suis allé doucement, reprenant avec joie ce plaisir que je n’avais pas vécu depuis… le Vermont 50. En fait, j’étais tellement absorbé par ce que je faisais qu’il était 10h40 quand j’ai regardé l’heure. J’étais encore au sommet. Oups…
J’ai donc dévalé la montagne en passant par tous les raccourcis que je connais et suis arrivé en bas avec un gros 5 minutes d’avance. Pas que ça aurait été grave, mais les retards et moi…
Des centaines de coureurs étaient déjà arrivés, le jaune et le bleu de Boston étant bien en évidence. La télé aussi était bien présente: TVA, Radio-Canada, CBC, RDS. J’ai regardé un peu autour, personne que je connaissais. Après avoir enfilé mon t-shirt de Boston (d’un beau jaune pétant), je me suis mis à me promener dans la foule, au cas où je croiserais une connaissance.
Un monsieur et sa femme donnaient une entrevue à RDS. Le monsieur avait terminé 5 minutes avant les explosions et on pouvait encore lire l’émotion dans ses yeux. J’ai écouté son entrevue, puis ai échangé quelques mots avec lui. La communauté des coureurs était tissée serrée d’avance, alors après des événements comme celui-là…
Puis, sans signal ni appel particulier, la course s’est mise en branle. Pas de cérémonie, juste un rassemblement de coureurs pour un simple hommage. Ça faisait bizarre, me retrouver dans un peloton, à zigzaguer comme dans un vrai début de course. Car comme on dit, le but n’était peut-être pas de faire une course, mais à un moment donné, il faut aussi aller à un rythme qui nous convient…
Parlant de rythme, qui est apparu sur le bord du chemin Olmsted ? Hé oui, monsieur « Courir au bon rythme » lui-même, Jean-Yves Cloutier et sa bouille sympathique. Plusieurs le saluaient au passage, il répondait avec un large sourire, semblant reconnaitre tous ceux qui appelaient son nom. Mais il n’a pas pu s’empêcher de pousser un: « Allez, on y va au bon rythme ! ». Il n’en démord, y’a rien à faire… J’ai même eu envie de retourner pour lui dire qu’il aurait été impossible que je gagne 36 minutes sur mon temps en courant à son ridicule de « bon rythme ». mais bon, ce n’était vraiment pas le moment.
Au bout d’un certain temps, le peloton s’est étiré et j’ai fini par me retrouver en avant, avec Cassivi et quelques personnes. Tout le monde avait une histoire à raconter, que nous étions à Boston ou non. Et comme pour montrer que le « deuil » était en train de se faire, nous avons parlé des événements, oui, mais de bien d’autres choses aussi. Par exemple, un de mes compagnons s’impliquait dans la cause qui aide les jeunes provenant d’un milieu défavorisé à s’entrainer pour faire un marathon. D’autres parlaient des marathons qu’ils avaient faits, ceux qu’il recommandaient de faire. Nous avons échangé sur nos performances, nos ambitions. Je n’ai pas osé parler d’ultras, vu que ça ne cadrait pas tellement bien avec la conversation.
Preuve qu’il ne voulait pas trop déranger les habitudes des gens de la montagne, Cassivi s’inquiétait de la densité des coureurs. Finalement, le peloton s’étant étiré, nous n’avons probablement pas trop dérangé. Ou si peu.
Arrivés au chalet, nous avons entrepris de faire la boucle du sommet par la droite. Or, quand nous avons commencé à descendre, nous nous sommes mis à croiser des coureurs. Beaucoup de coureurs. Les gens avaient définitivement pris la boucle par la gauche. À toutes les 10 personnes, il y en avait une qui félicitait notre « organisateur ». Il ne l’a pas dit, mais je pense qu’il était fier de la tournure des événements.
Il a de quoi être fier. Ce qui avait été planifié comme un hommage silencieux a plutôt tourné en ce que devrait toujours, toujours être un rassemblement de coureurs: une partie de plaisir. À la fin, on s’est tous donnés la main et dits au revoir, le sourire aux lèvres.
Un bien beau rassemblement. Merci Marc…