Direction Boston

En direction de Charles River

Ok, le plan est maintenant de relaxer jusqu’à Charles River, de façon à être prêt pour les fameuses Newton Hills qui suivront. Si tout va bien, une fois rendu en haut de Heartbreak Hill, il me restera à peine plus de 8 km, la majeure partie en descente. Piece of cake.

Comme tout bon bon plan, celui-ci se verra évidemment bousillé. Tout d’abord, il fait plus chaud que prévu, au point où je dois sortir mon t-shirt de mes shorts (chose que j’aurais dû faire au départ) et me mets à regretter de ne pas avoir enfilé une camisole. Dire que je gelais en arrivant à Hopkinton…

Peut-être est-ce à cause de la chaleur qui monte ou peut-être parce que je suis (encore) parti trop vite, mais toujours est-il que je suis frappé par un autre type de blues: celui du demi cette fois. Celui-là se manifeste quand le coureur, une fois la mi-parcours franchie, se met à penser qu’il lui en reste autant que ce qu’il a de fait. J’ai bien pris un gel avant Wellesley College, mais on dirait qu’il ne veut pas « embarquer ». Merde.

Je commence à essayer de me convaincre qu’il ne s’agit que d’un blues, que c’est passager. J’en ai vu d’autres, ça finit toujours par passer. Enfin, presque toujours. Alors que les collines de Wellesley défilent sous mes pieds, je m’efforce de ralentir un peu, question de prendre des forces.  J’essaie aussi de me changer les idées en pensant stratégie. Depuis mes petits arrêts « forcés » (hum hum) à Wellesley College, ma cadence moyenne est rendue à 4 :22/km. Si je compte que chacune des Newton Hills va coûter une seconde à cette moyenne, je serai à 4:26 en haut. Comme ça descend beaucoup dans les 8 derniers kilomètres, le rythme visé de 4:25 demeure fort jouable.

Arrive la descente vers Charles River. Longue et plutôt douce, elle précède la première des fameuses montées. Il s’agit du dernier moment de répit pour le coureur avant le grand test. J’essaie donc d’en profiter, jusqu’à ce que… mon mollet droit crampe. Là, en pleine descente, à la hauteur du 25e kilomètre (passé en 1:49:58). La crampe s’est pointée comme ça, sans avertissement.

“Merde, merde, merde !  Shit, shit, shit !  Fuck, fuck, fuck ! »  que je me dis,  sans oublier, évidemment, les jurons bibliques de circonstance. Des crampes qui commencent à 17 kilomètres  de l’arrivée, avec les Newton Hills encore à faire… Je fais quoi avec ça, moi ?

Ok, mode damage control, pas le choix. Je diminue la longueur de mes foulées, question d’enlever un peu de pression sur les muscles. Il me faut maintenant baisser la cadence juste assez pour que tout tienne et éviter que ça se mette à cramper de partout. Puis je reprends ma mantra de l’Ultimate XC et de l’ultra intérieur : « Bois, bois bois ! ». Dans les deux cas, j’avais réussi à m’en tirer sans trop de dommage.

Newton et ses Hills

C’est donc dans ce merveilleux état d’esprit que j’arrive au bas de la descente et traverse l’autoroute. Voyant la masse de coureurs qui passe sur le viaduc, des camionneurs klaxonnent au passage. Nous répondons en envoyant la main. J’aime bien cette interaction entre véhicules et coureurs lors des grands événements.

Ok, première montée. Vraiment pas difficile… quand on n’a pas 25 km courus trop rapidement dans les jambes. Mais là, ouille ! Je tâche de diminuer encore la longueur de mes enjambées, active mes bras rapidement question de me donner un certain momentum. Arrivé en haut, la première chose qui me passe par la tête est que je ne m’imagine pas m’en taper 3 autres…  Coup d’œil à la moyenne : 4:23/km. Ok, j’ai perdu une seconde dans la montée comme prévu, pas de dommage.

L’ambiance à Newton est extraordinaire. La ville est accueillante, les gens sont chaleureux. Malgré l’abondance de points d’eau, certains spectateurs en offrent tout de même aux coureurs. Je profite donc du service, soucieux de faire entrer le plus de liquide possible dans mon corps. Ma réserve de GU Brew commence à dangereusement diminuer, je devrai peut-être me résigner à prendre du Gatorade… au citron, bien évidemment. Est-ce qu’il faut encore que je fasse l’étalement de mes états d’âme en ce qui concerne le Gatorade au citron ? Ok, juste au cas où que certains ne le sachent pas: je HAIS le Gatorade au citron !!!

17e mille, nous allons bientôt tourner sur Commonwealth Avenue et passer devant la caserne de pompiers. Bill Rodgers dit que c’est ici que le marathon commence vraiment. Il en dit des affaires celui-là ! Hé bien moi, je me demande si le mien n’est pas en train de se terminer. Ceci dit, jusqu’à maintenant, la stratégie de limitation des dégâts semble fonctionner. Des avertissements de crampe ont surgi, mais sans plus. Vais-je pouvoir tenir ce rythme jusqu’à la fin ?

Deuxième montée. Ouch, elle est tough celle-là !  Espèce de parcours de mes deux, je me promets bien de te détester le restant de mes jours !  Mais par miracle, les jambes tiennent. Il faut dire que je suis loin d’être le seul à en arracher et j’avoue que voir des coureurs de mon niveau qui peinent ici m’encourage. J’atteins le sommet avec une moyenne de 4:24/km au compteur. Toujours pas de dommage, mais maudit que c’est dur !  Allez, plus que deux…

Les deux prochains kilomètres devraient me permettre de récupérer un peu, mais ils ne sont évidemment pas plats. En fait, je confonds même une colline pour la troisième « vraie » montée. Vous imaginez ma déception quand ladite montée se présente à moi tout juste après le 19e mille ? Bah, je ne m’étais pas fait tellement d’illusions de toute façon.

Celle-là me donne vraiment du fil à retordre. Les crampes se sont maintenant propagées dans l’ischio. Je suis alors pris dans un dilemme : arrêter pour m’étirer ou pas ?  Certains le font, d’autres continuent d’avancer en claudiquant  (sans compter les autres qui courent comme si rien n’était, les tab…). En marathon, j’ai deux adversaires : le parcours et le chronomètre. Et je dois tenter de trouver qu’est-ce qui sera le plus rapide : m’arrêter pour m’étirer et espérer pouvoir reprendre mon rythme normal par la suite ou poursuivre en mode damage control ?

Je décide de poursuivre en tentant de limiter les dégâts et de garder les étirements seulement si les crampes deviennent très fortes, ce qui n’est pas encore le cas. Pendant que je jongle à tout ça, un spectateur crie sans arrêt : « An American has won !  An American has won ! ». Hein, c’est un Américain qui a gagné ?  Hall ou Meb ?  C’est certainement Meb, Hall avait dit avant la course qu’un top 10 lui apporterait pleinement satisfaction. Mais Meb, il a quel âge, au juste ? (Il aura bientôt 39 ans)  Et les Kenyans ?  Et les Éthiopiens ? Puis, j’ai illumination : le gagnant a déjà terminé !?!  Bout de viarge, je n’ai pas encore fini les maudites Hills à la con et lui est déjà en train de boire de la bière ?  Calv… !

Je parviens en haut de la montée. Coup d’œil à la Garmin : 4:25, toujours dans les temps. Et franchement, je ne vais pas si mal. Est-ce l’effet psychologique d’avoir passé 75% de ces foutues Hills ?  En tout cas… J’aperçois ensuite un gars qui tient une enseigne sur laquelle on peut lire : « Next beer 7 miles away ». Ho yeah !  Ce qu’elle va être bonne celle-là !  (Je sais, je fais peut-être une obsession avec la bière, je crois que je vais en parler à mon psy ;-))

Je passe le 20e mille. Ok, plus que 10 kilomètres et c’est fini. C’est quoi 10 kilomètres, hein ?  C’est moins que mes sorties en tapering cette semaine. Une fois la Heartbreak Hill passée, je serai rendu.

La voilà justement. Elle est là devant moi. L’an dernier, j’avais littéralement été terrassé par les crampes tout près de son sommet et ça m’avait tout pris pour terminer. Là, bien que diminué, je me sens plus fort. Les spectateurs occupent les deux côtés de l’avenue, ils sont nombreux et bruyants. L’un deux nous lance : « After the trafic light, it’s all the way down ! ». Je regarde vers le haut et aperçois ledit feu de circulation. Il ne me semble pas si loin. Je sens que mes forces sont encore là, allez un petit effort… et un petit sourire pour la caméra !  🙂

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Un petit sourire dans Heartbreak Hill

Avant de basculer au sommet, un gars portant une camisole des Vainqueurs me dépasse. Moi qui me fais un honneur depuis des années de dire que je ne crois pas aux méthodes du coach Cloutier, que je n’ai jamais été repris en course par un de ses coureurs, ben voilà, je viens de me faire shifter. Je me demande s’il s’entraine « au bon rythme », lui…

Cap sur Boston

Je passe les 21 milles puis entame la descente. L’état de mes jambes m’empêche d’y aller à fond, mais je tiens tout de même un bon rythme. Ma moyenne est maintenant à 4:26 et j’ai bon espoir de pouvoir la conserver jusqu’au bout. Ce que j’aimerais un jour avoir des jambes fraîches pour dévaler cette descente-là à toute allure… On dirait bien que ça n’arrivera jamais !

Je tape les 35 kilomètres en 2:36:58.  Plus que 7 km (7.2, en fait). Un calcul rapide me dit qu’à moins d’un malheur, je ne ferai pas pire que 3h13. Je devrais donc battre mon 3:12:26 de l’an passé (quand je dis qu’on ne pense qu’au chrono quand on court sur la route). Peu après le 22e mille, j’aperçois une enseigne nous annonçant un changement de municipalité. « Ha, enfin rendu à Boston » que je me dis. Erreur. J’entre maintenant dans Brookline, une banlieue assez cossue.

Brookline est synonyme de souffrance pour moi car j’y ai vécu un véritable calvaire 12 mois plus tôt. Car ce n’est pas vrai qu’après Heartbreak Hill, ça descend tout le long. Au Marathon de Boston, il y a toujours une montée qui nous attend quelque part. Déjà, je trouve que le 23e mille prend du temps à arriver. Après m’avoir laissé respirer un peu, les crampes ont repris de plus belle. La foule, extrêmement dense, nous encourage sans relâche, mais je ne l’entends plus. Toute mon attention est tournée vers l’avenue devant moi, à la recherche du prochain mile marker. Plusieurs de mes comparses sont contraints à la marche. Je songe me joindre à eux, mais je repousse l’idée du revers de la main. Depuis un certain temps, je vois des kilomètres de plus en plus lents passer sur ma Garmin: 4:40, 4:42, 4:48… Va falloir que ça finisse par finir un jour, cette maudite course-là !  Aux points d’eau, les gens s’arrêtent pour boire. Je résiste à la tentation de faire la même chose et continue à avancer tout en buvant. J’essaie de réveiller ma carcasse avec un gel, mais ça ne fonctionnera pas vraiment.

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La souffrance dans Brookline. Malgré la faible résolution de l’image, on voit bien le sel sur mon visage…

 

24e mille. 2.2 milles à faire, à peine 3.5 kilomètres. Tu y es presque, dans moins de 20 minutes, tout sera terminé.  Le tapis chronométrique des 40 kilomètres semble prendre une éternité à arriver. Coup d’œil au chrono: 3:00:40. Bon, contrairement à New York, je n’ai pas les jambes pour pousser, alors pas de petite accélération pour finir. De toute façon, les 3h10 sont maintenant hors de portée.

J’entre (finalement) dans Boston avant le 25e mille, dernière petite montée pour passer une autoroute ou une rivière (je n’ai pas regardé), puis l’annonce : « One mile to go ! ».  C’est toujours difficile, mais ça tient. Puis, une année-lumière plus loin, affiché sur un viaduc : « Last kilometer ». Bientôt, je tourne sur Hereford et finalement, aboutis sur Boylston.

Au loin, l’arrivée. Tout autour, la foule, les édifices, Boston. Au lieu de me concentrer sur terminer, je décide de vivre Boston, la course à laquelle j’ai tant rêvé depuis que j’ai commencé à courir. Je regarde tout autour, salue les spectateurs. C’est avec le sourire que je traverse cette mythique arrivée pour la deuxième… et probablement dernière fois.

Temps officiel : 3:11:03

Un bel événement

Ceux qui me connaissent savent que ce n’est vraiment pas mon style. J’aime courir seul, m’entrainer seul. À mon rythme, arrêter quand je veux, accélérer quand ça me tente, aller où mes jambes m’amènent.

Mais hier, c’était définitivement une occasion spéciale. Quand j’ai appris qu’un regroupement de coureurs était organisé pour rendre hommage aux victimes de l’attentat de Boston, je n’ai pas hésité une seconde: j’y serais, beau temps mauvais temps.

Les dieux de la course étaient de notre bord: il faisait frais et un soleil éclatant. Marc Cassvi, l’initiateur de ce mouvement via Twitter, avait fixé rendez-vous à tout le monde à 11 heures, au monument de Sir George-Étienne Cartier au pied du Mont-Royal.

Comme j’étais un peu d’avance, j’ai repris contact avec les sentiers avant le rendez-vous. MES sentiers. Étonnamment, ils étaient à peu près tous dans un état impeccable, peu ou pas de boue, presque plus de neige. J’y suis allé doucement, reprenant avec joie ce plaisir que je n’avais pas vécu depuis… le Vermont 50. En fait, j’étais tellement absorbé par ce que je faisais qu’il était 10h40 quand j’ai regardé l’heure. J’étais encore au sommet. Oups…

J’ai donc dévalé la montagne en passant par tous les raccourcis que je connais et suis arrivé en bas avec un gros 5 minutes d’avance. Pas que ça aurait été grave, mais les retards et moi…

Des centaines de coureurs étaient déjà arrivés, le jaune et le bleu de Boston étant bien en évidence. La télé aussi était bien présente: TVA, Radio-Canada, CBC, RDS. J’ai regardé un peu autour, personne que je connaissais. Après avoir enfilé mon t-shirt de Boston (d’un beau jaune pétant), je me suis mis à me promener dans la foule, au cas où je croiserais une connaissance.

Un monsieur et sa femme donnaient une entrevue à RDS. Le monsieur avait terminé 5 minutes avant les explosions et on pouvait encore lire l’émotion dans ses yeux. J’ai écouté son entrevue, puis ai échangé quelques mots avec lui. La communauté des coureurs était tissée serrée d’avance, alors après des événements comme celui-là…

Puis, sans signal ni appel particulier, la course s’est mise en branle. Pas de cérémonie, juste un rassemblement de coureurs pour un simple hommage. Ça faisait bizarre, me retrouver dans un peloton, à zigzaguer comme dans un vrai début de course. Car comme on dit, le but n’était peut-être pas de faire une course, mais à un moment donné, il faut aussi aller à un rythme qui nous convient…

Parlant de rythme, qui est apparu sur le bord du chemin Olmsted ?  Hé oui, monsieur « Courir au bon rythme » lui-même, Jean-Yves Cloutier et sa bouille sympathique. Plusieurs le saluaient au passage, il répondait avec un large sourire, semblant reconnaitre tous ceux qui appelaient son nom. Mais il n’a pas pu s’empêcher de pousser un: « Allez, on y va au bon rythme ! ». Il n’en démord, y’a rien à faire…  J’ai même eu envie de retourner pour lui dire qu’il aurait été impossible que je gagne 36 minutes sur mon temps en courant à son ridicule de « bon rythme ». mais bon, ce n’était vraiment pas le moment.

Au bout d’un certain temps, le peloton s’est étiré et j’ai fini par me retrouver en avant, avec Cassivi et quelques personnes. Tout le monde avait une histoire à raconter, que nous étions à Boston ou non. Et comme pour montrer que le « deuil » était en train de se faire, nous avons parlé des événements, oui, mais de bien d’autres choses aussi. Par exemple, un de mes compagnons s’impliquait dans la cause qui aide les jeunes provenant d’un milieu défavorisé à s’entrainer pour faire un marathon. D’autres parlaient des marathons qu’ils avaient faits, ceux qu’il recommandaient de faire. Nous avons échangé sur nos performances, nos ambitions. Je n’ai pas osé parler d’ultras, vu que ça ne cadrait pas tellement bien avec la conversation.

Preuve qu’il ne voulait pas trop déranger les habitudes des gens de la montagne, Cassivi s’inquiétait de la densité des coureurs. Finalement, le peloton s’étant étiré, nous n’avons probablement pas trop dérangé. Ou si peu.

Arrivés au chalet, nous avons entrepris de faire la boucle du sommet par la droite. Or, quand nous avons commencé à descendre, nous nous sommes mis à croiser des coureurs. Beaucoup de coureurs. Les gens avaient définitivement pris la boucle par la gauche. À toutes les 10 personnes, il y en avait une qui félicitait notre « organisateur ». Il ne l’a pas dit, mais je pense qu’il était fier de la tournure des événements.

Il a de quoi être fier. Ce qui avait été planifié comme un hommage silencieux a plutôt tourné en ce que devrait toujours, toujours être un rassemblement de coureurs: une partie de plaisir. À la fin, on s’est tous donnés la main et dits au revoir, le sourire aux lèvres.

Un bien beau rassemblement. Merci Marc…

Retour sur une année de rêve

Les temps des Fêtes, c’est le temps des réjouissances, des célébrations avec notre famille et nos amis. C’est aussi le moment de l’année où on regarde en arrière. On pense à nos bons coups, à nos moins bons, à nos mauvais, à tout ce qu’on a fait au cours des 12 derniers mois. C’est aussi le moment des résolutions en vue de l’année qui se pointe, résolutions qu’on se fait habituellement un devoir de ne pas tenir.

Côté course, l’année 2012 a été exceptionnelle pour moi. Elle a commencé en janvier par une remise en forme progressive suite à une blessure à la cheville, blessure que je m’étais infligée parce que je n’avais pas respecté la règle du 10% d’augmentation de la charge d’entrainement hebdomadaire. Bien décidé à ne pas brusquer les choses et aidé par un hiver clément, j’ai repris graduellement la forme.

Toujours en m’inpirant des programmes du coach Jean-Yves Cloutier (mais bien évidemment, prenant bien soin de ne pas suivre les cadences ridiculement lentes et les distances toutes aussi ridicules qu’il propose), je me suis fixé mon premier objectif de la saison: le Marathon d’Ottawa. Première escale: la course de Laval à Champfleury, un 10 km. Mon premier 10 km depuis… 2006. Le déclic s’est opéré entre les 2e et 3e kilomètres de la course. Nous venions de faire un demi-tour et devions maintenant affronter un vent de face sur 2 km.  Les jumelles Puntous étaient une centaine de mètres devant moi et ont commencé à se relayer. J’ai rattrapé un gars et en le dépassant, lui ai glissé: « Let’s go, il faut aller chercher les deux soeurs ! ». Quand il m’a répondu: « Je pense que j’avais juste un 5 km dans les jambes aujourd’hui », je me suis retenu de toutes mes forces pour ne pas le traiter de con sur place. Je me suis résigné à faire la poursuite seul, face au vent. Et miracle: même à deux, avec toute leur expérience, les jumelles n’étaient pas capable de me distancer. À ce moment précis, j’ai su que ma forme était à un niveau que je n’avais jamais atteint.

À partir du quatrième kilomètre, j’ai constaté que la distance qui nous séparait diminuait. Au sixième, j’étais sur leurs talons. Voyant que j’ennuyais celle de devant, je me suis amusé à courir entre les deux pendant un certain temps, puis ai passé après qu’elles se soient échangé des gros mots. Je ne peux décrire cette sensation: ces femmes-là ont déjà gagné l’Ironman d’Hawaii et je me permettais de passer devant elles !  Pour faire image, c’est un peu l’équivalent d’un joueur de hockey de ligue de garage qui se permettrait trois buts contre Patrick Roy. Ok, il n’est plus à son top, mais ça reste Patrick Roy, bout de viarge !

J’ai terminé en 39:37, moi qui ne pensais jamais pouvoir faire sous les 40 minutes sur un 10 km un jour. Bah, le parcours ne faisait pas vraiment 10 km (9.83 sur mon GPS), mais bon… J’étais sur une lancée.

Deux semaines plus tard avait lieu le demi Scotia Bank au parc Jean-Drapeau. Mon PB d’alors, légèrement sous 1h34, me semblait relativement facile à battre. À ma grande surprise, il y avait un lapin de cadence pour 1h30, alors je me suis accroché à lui. Après quelques kilomètres un peu trop rapides (dont un en 4:01 !), la cadence s’est stabilisée et quand je me suis retrouvé à l’avant du peloton à jaser avec ledit lapin autour du 14e kilomètre, je me suis dit que je prenais ça trop relaxe. Alors je suis parti et ai terminé en 1:28:33. Un autre record personnel, un deuxième en trois semaines !

Arriva Ottawa que j’ai débuté le moral dans les talons suite à des troubles intestinaux que j’avais eus la veille. L’histoire ayant déjà été racontée ici, je n’y reviendrai pas. Sauf ceci: traverser la foule du centre-ville d’Ottawa en sachant que Boston et le record personnel sont dans la poche ?  Priceless !  🙂

Le reste de ma saison (entrainement en trail, Vermont 50, Philadelphie) a été longuement décrit sur ce blogue, alors je ne m’étendrai pas trop non plus sur ces sujets, ce ne serait que de la répétition (déjà qu’à mon âge vénérable, on a cette tendance en partant… ;-))

Mes moments forts de la saison ?  Au top, définitivement le Vermont 50. La course en trail, c’est tout simplement magique. L’ambiance y est différente, on sent qu’on est tous dans le même bateau et on veut que tout le monde réussisse. La vue du Ascutney Mountain Resort avant la descente finale est imprégnée à jamais dans ma mémoire.

Philadelphie suit toutefois d’assez près. Ce jour-là, j’étais dans ma « zone ». Le temps était parfait, la ville et le parcours rayonnaient de beauté. Sans compter une organisation de premier ordre. Un record personnel que je risque d’amener dans la tombe…

En troisième place, Ottawa. Mon ticket pour Boston 2013 et en prime, mon amie Maryse qui termine le demi (peut-être son dernier, mais j’en doute) avec le sourire, faisant oublier sa mauvaise expérience de Montréal 2011.

La pire journée de mon année ?  Le 11 décembre dernier, quand je suis revenu de ma sortie du soir avec le constat que j’étais encore blessé. J’étais vraiment découragé. À quatre mois de Boston, je me voyais condamné à l’inactivité, sans savoir pour combien de temps. Et si je recommençais et que je me blessais de nouveau ?  Cette incertitude me rongeait littéralement de l’intérieur, je me voyais devoir annuler Boston, retarder tous mes beaux projets d’une année… Heureusement, quelqu’un de compétent a rallumé la lumière au bout du tunnel. 🙂

Les bons coups maintenant.

En premier lieu, j’ai eu la confirmation de ce que j’ai toujours pensé: en course il n’y a pas de miracle. Je ne crois pas aux théories du genre: « Courez moins, courez mieux ». C’est bien évident qu’il ne faut pas seulement courir toujours au même rythme si on veut s’améliorer. Ça prend des intervalles, du travail en côte, etc. Mais il faut aussi courir longtemps si on veut faire des longues distances. On ne s’en sort pas, il n’y a pas de recette magique. S’il en existait une, ça se saurait. En fait, il y en a une: l’entrainement.

Aussi, j’ai appris (un peu par accident) cette année à éviter le micro-management. Entre le Vermont 50 et Philadelphie, je ne savais pas trop quoi adopter comme programme d’entrainement. De plus, j’ai été malade pendant une semaine et ai dû m’adapter. Arrivé à Philadelphie, j’ai tout simplement pété le feu. Je retiens donc la leçon: avoir une vision globale de ce qu’on veut faire, pas seulement penser que je dois faire ces intervalles-là mardi, ceux-là jeudi, etc.

Troisième point: l’entrainement en montagne. Je me suis rendu compte de son effet bénéfique en toute fin de saison à… Philadelphie, bien évidemment !  J’y ai avalé les montées et descentes avec une facilité déconcertante et que dire de ma vitesse ?  À conserver dans mon programme d’entrainement, même si je devais un jour ne plus faire de trail (yeah right !).

Les choses à améliorer maintenant…

J’ai terminé dans le top 5% à Philadelphie et dans le top 13% au Vermont 50. Ça dit ce que ça dit… Plein de pistes d’amélioration s’offrent à moi. D’abord et avant tout, je dois faire et refaire des montées et descentes. Car si je ressors du lot sur la route, en trail, je suis au mieux dans la moyenne de ce domaine. Autre point à améliorer: la stratégie aux stations d’aide. J’y ai perdu beaucoup trop de temps en ne sachant pas trop ce dont j’avais besoin en y arrivant et lors du changement de vêtements. J’étais mal préparé à cet aspect tout nouveau pour moi.

Je vais aussi faire des essais sur l’équipement que j’aurai à apporter. Le Camelbak, c’est bien utile à l’entrainement, mais en course, je devrai apprendre à m’en passer. Trop lourd à trainer sur 80 km. Malgré mon physqiue un peu frêle, je devrai peut-être me faire à l’idée que la bouteille à la main demeure la façon la plus efficace de faire un ultra, les bouteilles à la taille étant trop longues à remplir.

Donc, peut-être un peu de (gulp !)… musculation pour moi cet hiver ?  Je dis bien: un peu…

Lâchez le trottoir !

Lorsque je cours près de chez moi, je vais inévitablement faire au moins un petit bout sur la piste cyclable asphaltée qui longe le boulevard Marie-Victorin, sur les bords du fleuve. C’est une transition parfaite vers le Recréo-parc de Ste-Catherine, la voie martime du St-Laurent ou Candiac, Laprairie, Brossard et compagnie. Et je ne compte plus les fois où je croise quelqu’un qui court sur le trottoir, de l’autre côté du boulevard. À ces gens, j’ai toujours envie de crier: « Lâchez le trottoir ! ».

Ça fait des années que je sais ça et je m’étonne encore que des coureurs continuent d’ignorer ce fait: le béton, c’est extrêmement dur. En courant sur le béton, les gens font subir des tortures incroyables à leurs pieds, chevilles et genoux, augmentant considérablement les risques de blessures. Et puis après, l’aspĥalte aussi c’est dur, non ?  Hé bien non, justement. L’asphalte a des propriétés d’aborption infiniment plus grandes que le béton.

Hier, alors que j’avais ce petit billet en tête, j’ai décidé de faire une expérience, question de prouver ce que je voulais avancer. J’ai empoigné mon marteau (oui oui, j’en ai un, moi le gars aux mains pleines de pouces; un 16 onces en plus) et me suis dirigé vers la rue. J’ai donné un bon coup sur la bordure de béton et qu’est-il arrivé ?  Le marteau a tout simplement rebondi. Presque toute l’énergie que j’avais donnée au marteau pour qu’il aille frapper le béton a été restituée. Puis, j’ai répété le manège, avec la même force, sur l’asphalte. Le marteau est resté collé au sol, comme si je venais d’enfoncer un clou. L’asphalte avait absorbé l’énergie. L’histoire ne dit cependant pas si mes voisins se sont posés des questions à propos de l’usage que j’avais fait dudit marteau avant de faire cette expérience…

Alors, chers coureurs qui pratiquez notre sport favori sur le béton, voici ce qui se produit: à chaque foulée, la plus grande partie de l’énergie avec laquelle votre pied frappe le sol est retournée dans votre jambe. C’est votre corps qui absorbe les coups, pas le sol. À chaque foulée. Alors ne vous étonnez pas si vous vous retrouvez sur la liste des blessés…

Ça me fait penser à deux anecdotes. La première se déroule lors de mon premier marathon, à Montréal en 2007. Nous venons de monter le faux-plat sur St-Joseph et tournons sur St-Lautrent, autour du kilomètre 29. Le groupe 3h45 a perdu pas mal de ses membres suite à la montée, mais nous sommes encore une dizaine. Au tournant, une spectatrice, probablement fâchée que la course bloque les rues, nous lance: « Vous ne pourriez pas courir sur le trottoir ? », ce à quoi je réponds: « Mange donc de la marde, toé ! ». Le lapin l’avait trouvée très drôle, comprenant fort probablement l’origine ma réponse plutôt… impolie.

Deuxième « anecdote ». Chacun sait que courir l’hiver, au Québec, ce n’est pas toujours évident. Surtout quand il y a beaucoup de neige. J’ai donc envisagé, à l’hiver 2011, de me joindre au club des Vainqueurs, le plus grand club de course au Québec. Dirigé par Jean-Yves Cloutier (dont j’ignorais les méthodes à ce moment), ce club avait une excellente réputation. Sauf un problème: les entrainements d’hiver avaient lieu… au stade olympique !  Hein ?  Sur le béton ?  Non, désolé, je ne paierai pas pour courir sur du béton. C’est quoi cette affaire-là ? J’avoue que ça me surprend énormément de monsieur Cloutier, dont les méthodes toutes en douceur sont justement développées pour que le coureur s’améliore progressivement, sans « donner de coups », de façon à ce que le coureur évite les blessures. Dans le genre contradiction…