On est tous différents

Quand on court, il arrive qu’on se perde dans ses pensées. En fait, c’est ce qu’on souhaite qui arrive, ça veut dire que ça va bien, qu’on se pense pas à sa technique, aux petits et gros bobos…

Ces temps-ci, hormis l’incontournable COVID, mes méninges ont pas mal été sollicités à comprendre ce qui se passait au sud de la frontière lors de mes sorties. J’étais à la fois fasciné et découragé. Je ne compte plus les fois où les sages paroles de mon ami Pierre ont résonné entre mes deux oreilles: « Nous allons venir à bout de la COVID, mais malheureusement pas de la bêtise humaine. »

Mais bon, comme on tâche tant bien que mal de réfléchir en courant, le sujet de la course est difficile à expulser de son cerveau. De toute manière, c’est plus constructif que d’obséder avec l’imbécile qu’ils ont élu et failli réélire, alors…

Bref, ça fait longtemps que j’essaie de comprendre pourquoi je me suis mis à accumuler les blessures ainsi. Certain que l’âge et les milliers de kilomètres parcourus sur mes pieds n’aident pas, mais il y a certainement autre chose… En songeant à la chronologie des événements, je suis arrivé à une théorie, théorie appuyée par l’avis d’un expert. Est-elle bonne ?  On verra…

Retour en arrière. Juillet 2015. Malgré un kyste infecté qui nécessite un changement de pansement à tous les jours, je m’aligne au départ du Vermont 100. Il s’agit de mon quatrième ultra en autant de mois. Après cette course, je prévois accompagner un ami lors d’un marathon en septembre et faire un dernier 100 miles pour clôturer la saison. La vie est belle…

Des chemins de terre très ondulés constituant la majeure partie du parcours, je suis chaussé de souliers Pearl Izumi (dont j’oublie le modèle) qui se situent à mi-chemin entre les Nimbus que j’utilise sur la route et les Peregrine que j’utilise pour les sentiers « purs ».

Ça ne parait pas de l’extérieur, mais j’ai inséré des orthèses plantaires dans lesdits souliers puisque je cours avec ces machins depuis mes touts débuts, suite aux conseils d’une physio. Et comme mes pieds sont minces et étroits, je suis également obligé d’ajouter des talonnettes, question de garder mes malléoles à une bonne distance des souliers pour éviter les écorchures.

Comme à peu près tous les coureurs à l’époque, j’ai lu le fameux Born to Run de Christopher McDougall. Ce qu’il raconte à propos des Tarahumaras qui sont capables de courir des distances incroyables en portant de simples sandales est tout simplement fascinant. Je lis également ce qui s’écrit ailleurs et un constat semble s’imposer: si on veut courir pendant des années en évitant les blessures, il faut courir le plus possible « au naturel », soit comme l’être humain courait à l’époque où il chassait le mammouth. Ce qui veut dire éviter les artifices, privilégier des souliers à semelle mince, diminuer progressivement la pente du soulier (la fameuse drop), etc.

Comme tout allait bien, que j’avais seulement des petits bobos ici et là, je préférais fermer les yeux et poursuivre comme j’avais toujours fait. Pourquoi changer quelque chose qui allait bien ?

Les conditions ce jour-là étant relativement clémentes, je suis parvenu à boucler le parcours en moins de 20 heures. Cette course était vraiment dans mes cordes avec ses nombreuses montées et son terrain peu technique, je me suis bien promis d’y retourner. Ma cheville gauche était bien endolorie à la fin, mais je n’en fis pas de cas: je me disais que ça allait passer en une semaine.

Malheureusement, ça ne passait pas. J’étais en mesure de courir, mais pouvais-je me taper 100 miles là-dessus ? Après un test fait au marathon, je me suis rendu à l’évidence: je devais déclarer forfait pour le reste de la saison.

Et c’est là que j’ai pris LA décision: afin d’éviter d’autres blessures de ce genre, j’allais changer ma façon de courir.

Voyant ça sur ce blogue, un fidèle lecteur me mit en contact avec Skechers. L’équipe d’ambassadeurs de la marque étant plutôt clairsemée du côté des ultramarathons, le représentant m’accueillit immédiatement dans la famille. Les paires de souliers se mirent à arriver à la pelletée. Je les trouvais confortables, les modèles de route étaient légers, ceux de sentier faisaient le travail. Bon, ils s’usaient tous rapidement, mais je ne les payais pas, alors… Mes malléoles ayant tout l’espace voulu, les talonnettes n’étaient plus nécessaires. Quant à la drop (de 4 mm), je ne m’en souciais pas.

J’ai fait l’année 2016 au complet sur des Skechers. Une année où il me semblait avoir perdu de la vitesse, mais bon, c’était peut-être à cause de ma nouvelle façon de courir… Ou était-ce tout simplement parce que la vitesse ne m’intéressait plus, ayant définitivement mis l’emphase sur les courses de 100 miles ? Et puis, j’avais tout de même fait une quatrième place à Bromont…

Vers la fin de l’année, alors que je sentais que ça commençais à « s’en venir » côté vitesse, je me suis déchiré un ischio-jambier.

Le cauchemar commençait. Allaient suivre une longue série de blessures entrecoupées de retours progressifs. L’année 2017 a été perdue et s’est soldée par un « divorce » de Skechers. Quand je suis parvenu à faire Massanutten en 2018, je pensais bien que c’était enfin reparti. Erreur. À ma sortie suivante, je me suis pété un tendon d’Achille.

Les bas-fonds ont été atteints en août 2019, quand je me suis retrouvé en larmes, recroquevillé sur le lit d’un Airbnb anonyme de Falkirk en Écosse. Après des années à me battre, j’étais sur le point de rendre les armes. Je n’en pouvais plus.

« Tes orthèses sont finies depuis longtemps, tu devrais au moins essayer de les changer… »

Vraies qu’elles étaient plutôt avancées et tenaient (littéralement) avec du duct tape. Mais comme les experts de la course à pied disaient qu’elles étaient inutiles, je ne voyais pas pourquoi j’aurais à les changer. Et si vous vous demandez pourquoi je ne réinsérais pas les semelles d’origine dans les souliers, c’est tout simplement parce que j’avais l’habitude de m’en départir dès leur réception puisque je n’en avais supposément pas besoin…

Bref, au retour, je suis aller consulter un podiatre en vue de me faire fabriquer des orthèses neuves.

« T’es un coureur, toi ! »

À vrai dire, j’en étais un que je lui ai répondu… Ça faisait des mois que je n’avais pas vraiment couru.  Heureux d’apprendre que ça paraissait encore un peu.

Il m’a regardé marcher pieds nus sur un plancher en miroir, de tous les angles. Il m’a fait faire toutes sortes de mouvements.

« T’as pas besoin d’orthèses. »

Ah. Bonne nouvelle. C’est juste chiant pour mes semelles…

« Tu dois te blesser souvent aux mollets, hein ? »

Euh… Comment qu’il sait ça, lui ?

« Tout d’abord, les veines qui ressortent sur tes mollets, c’est un problème de circulation. Il va falloir que tu portes des bas de compression pour courir, ça va aider la circulation sanguine dans tes mollets. Tu sais, les joueurs de basket qui portent ça, ce n’est pas pour le look. Les coureurs non plus ! »

Effectivement. Avec mon père et ma soeur qui ont des problèmes de circulation dans les jambes, ça se tenait comme hypothèse. Ok pour les bas de compression. Mais il y avait plus. Beaucoup plus.

« Tu as le pied équin ».

De quessé ?!?

« Le pied équin. Ça bloque quand la cheville plie vers l’avant et ça amène une tension supplémentaire au niveau du mollet. Pour soulager ça, il faut que tu remontes ton talon. Un bon demi-pouce (note à mes amis européens: c’est 12-13 mm). Tu connais les talonnettes Dr Scholl’s ? »

Là, j’étais flabbergasté. Quoi, il faut que je remonte mon talon ?!?  N’est-ce pas le contraire qu’il faudrait faire, pour se rapprocher de la course au naturel ?

« Vraiment pas pour toi ! Tu sais, le minimalisme, ce n’est pas pour tout le monde. Les gens ont beau dire qu’Abebe Bikila a gagné le marathon aux Olympiques en courant pieds nus, il a abandonné la fois suivante parce qu’il était blessé… »

En fait, Bikila a bel et bien gagné en courant pieds nus sur les pavés de Rome en 1960, mais il a également gagné en 1964 à Tokyo, sauf qu’il portait des chaussures. C’est à Mexico 1968 qu’il a dû abandonner, étant blessé. Mais bon, j’avais compris l’idée, je n’étais pas pour faire un Paul Houde de moi-même.

J’ai alors fait le lien avec deux de mes amis coureurs qui ont des problèmes récurrents aux tendons d’Achille. Il y en a même un qui a dû se faire opérer. Auraient-ils des problèmes pour la même raison que moi ?

Et puis, si chaque coureur doit trouver ce qui fonctionne pour lui côté nutrition, hydratation ou habillement, pourquoi serait-ce différent pour les chaussures ?  Ça fait tout de même des milliers d’années que l’être humain n’a plus besoin de courir pour survivre, l’évolution doit avoir fait son oeuvre…

Je n’étais tout de même pas prêt à reprendre le collier. Mon dos était vraiment pété et ça a pris l’expertise de Rémi (et beaucoup, beaucoup de travail) pour le rendre un tant soit peu fonctionnel.

J’ai surtout décidé de revenir à 2015. Des Nimbus, des talonnettes… mais pas d’orthèses. Pour le moment, ça va. Pas parfait, mais ça va. Sauf qu’à 50 ans, maudit que c’est long reprendre la forme !

Californie 2020: sauter la clôture à Santa Cruz

Afin de poursuivre dans la veine « essayons de parler de quelque chose de différent même si on a l’impression que c’est foutrement inutile », je vous offre aujourd’hui un autre mini-récit de sortie de course à l’étranger. C’était il y a 6 semaines à peine et pourtant, j’ai l’impression que ça fait une éternité…

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Grosse sortie ce matin. Oui madame. Un énorme « 5×4 », soit 5 fois 4 minutes de course, avec une minute de marche entre chaque « intervalle ». Amenez-les, vos ultras ! 😉

Sans blague, je me suis juré d’y aller très progressif, de suivre à la lettre le programme de retour au jeu que m’a fourni Rémi et je n’y dérogerai pas. De toute manière, mon dos me rappelle allègrement qu’il n’est pas prêt à en faire plus. Et je l’avoue bien humblement: mon niveau de forme ne me le permettrait pas non plus !

Nous sommes à Santa Cruz, une jolie ville de taille moyenne qui borde la baie de Monterey, à environ 120 km au sud de San Francisco. Le Natural Bridges State Park est tout près, mais le chemin pour m’y rendre ne m’inspire guère et sachant très bien que nous allons le faire à la marche un peu plus tard (sans compter l’éternité que ma douce y passera pour prendre des photos), je décide plutôt de me diriger vers Moore Creek Preserve, plus au nord. Selon Google Maps, ça semble être un parc avec des sentiers. On verra bien.

Barbara devant un des « Natural Bridges »

Après les 5 minutes de marche réglementaires pour commencer, je me mets au pas de course. Ouille, mon foutu dos !  Ça devrait se réchauffer, juste à prendre ton temps. Patience vieux, patience.

Sur la rue qui mène au parc, on se sent presque en campagne. Les propriétés sont impressionnantes, les terrains, immenses. Le bruit de mes pas éveille l’attention d’une demi-douzaine de chevreuils qui profitent de la tranquillité matinale pour effectuer une incursion dans la civilisation. J’ai beau en voir assez souvent, je m’émerveille toujours quand mon chemin croise celui de ces belles bêtes.

Arrivé au parc, une belle « surprise » m’attend: il s’agit effectivement d’un beau sentier qui parcourt un champ, puis un petit bois un peu plus loin. Je vais faire du single track, yéééé !!!

La montée se passe assez bien, mais la descente, ouf… Non seulement c’est plus dur pour le dos, mais côté technique, j’ai réussi l’exploit d’être encore plus pourri qu’avant !  Bah, peu importe, je m’amuse !  Au point où j’oublie de vérifier mon chrono et dépasse mon « temps ». Je trouve que c’est plutôt bon signe.

Sur le chemin du retour, je constate que déjà la ville a commencé à s’activer un peu plus et que mes amis cervidés ont quitté. Dommage. Les chocs répétés sur l’asphalte me rappellent que le chemin de la guérison sera encore très long. J’avais compris, pas besoin de me faire ch… avec ça…

De retour à notre Airbnb, je compose le code de la serrure pour ouvrir la clôture. Ça ne marche pas. J’essaie à nouveau. Rien. Une autre fois, peut-être ?  Toujours rien. Oui je sais, je suis entêté. C’est une qualité pour  un ultramarathonien, vous savez ?

Ouais, j’espère que notre hôte est là, sinon je suis dedans jusqu’au cou… Mais nous sommes un lundi, mettons que je ne me fais pas trop d’illusions.

Sonne à la porte. Cogne. Sonne une autre fois (entêté, je vous dis). Pas de réponse. Merde.

Ce n’est pas qu’il fasse si froid, mais je ne suis pas habillé pour cette température, moi là !  Surtout que j’ai tout de même produit un peu (je dis bien: un peu) de sueur. Et quelle est la principale fonction de la sueur ?  Hé oui, rafraîchir le corps. Je peux l’attester: à cet instant précis, ça commence à drôlement bien fonctionner !

Je refais donc le tour de la propriété et envisage mes options. Je n’ai évidemment pas mon téléphone sur moi, c’est contre ma religion. Tiens, je vais faire comme dans les films et tenter d’attirer l’attention de Barbara en lançant des cailloux dans les fenêtres.

Dans les films, ils n’ont pas une foutue clôture dans le chemin et les fenêtres sont accessibles. Et c’est que je ne veux rien casser non plus !  Après quelques essais infructueux, j’abandonne l’idée. Pas le choix: va falloir que je saute (littéralement) la clôture !

Plus facile à dire qu’à faire. À son point le plus bas (qui est en forme de « V »), elle est à la hauteur de mon menton. Allez, un petit effort !

Je parviens à me hisser jusqu’au niveau de la taille, mais comment faire pour passer une jambe ?  Déjà que j’étais raide comme une barre de fer durant ma jeunesse, je suis maintenant coureur et j’ai presque 50 ans, alors impossible que je puisse posséder la souplesse nécessaire à un tel mouvement.

(Anecdote: en début d’hiver, alors que je m’apprêtais à aller dégager une de nos premières bordées de neige, Barbara m’a gentiment rappelé de faire attention. « Tu sais, tu approches de la cinquantaine. Il y a beaucoup de gens qui font des crises cardiaques en pelletant… »  Je la ris encore. J’admets que ma forme a diminué cette dernière année, mais pas au point de crever en pelletant !  Merci quand même mon amour de te soucier de moi ! :-))

Je me laisse retomber. Mais comment vais-je pouvoir entrer, bout de viarge ?

J’aperçois un arbre qui surplombe la clôture un peu plus loin. C’est ma dernière chance. J’empoigne la branche qui dépasse et entreprends de grimper. À 10 ans, j’étais trop pissou pour grimper aux arbres et voilà qu’à 50, je m’y mets, C’est le monde à l’envers !

Alors que je tente de me dépêtrer parmi les branches, j’éclate de rire. Non mais, est-ce que j’ai du fun ou je n’en ai pas ?  Dire qu’il y a des gens qui se demandent pourquoi les tout-inclus ne m’intéressent pas…

C’est non sans quelques contorsions et une ou deux égratignures que je parviens à mes fins et aboutis dans la cour arrière, où l’entrée de notre hideout est située. Ma douce me voit entrer hilare, les cheveux remplis de petits cossins.

« Puis, ça a bien été ? »

Ça n’aurait pas pu mieux aller !

(Pour la petite histoire, notre hôte Daniel était en conférence téléphonique pour le travail quand je me suis présenté à sa porte. Il est venu nous voir dès qu’il a pu et s’est confondu en excuses. Ce n’était pas nécessaire, cet homme est tellement sympathique et son hideout était si parfait pour nous que j’aurais été prêt à refaire le manège à tous les jours s’il avait fallu !)

Un lion de mer qui se repose sous le wharf, à Santa Cruz. Une des attractions de cette charmante localité.

 

Courses matinales dans le sud-ouest américain – Balboa Park

Aujourd’hui, question encore une fois de ne pas parler du virus-qui-rend-les-gens-accros-au-papier-de-toilette, je vous livre mon deuxième article sur les petites courses matinales que j’ai pu faire durant notre voyage dans le sud-ouest américain à l’hiver 2019. Pour la petite histoire, j’ai également couru à Las Vegas durant ce séjour, mais il n’y avait vraiment rien d’intéressant à raconter, alors…

Bonne lecture ! 🙂

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Quelle ville californienne visiter ?  Hum…

San Francisco ?  Durant la saison froide, je n’étais pas chaud (duh !) à l’idée, San Francisco n’étant pas réputée pour ses hivers cléments (l’avenir nous dira que j’avais tort, mais bon…). Los Angeles ?  Moi qui passe mon temps à chiâler après le trafic, je m’en taperais durant mes vacances ?  Nah…

Nous avons donc jeté notre dévolu sur San Diego, la petite soeur des deux autres. J’en bavais presque en regardant la carte: nous allions crécher tout près de Balboa Park !  J’allais pouvoir courir dans des sentiers en pleine ville, Yéééé !

Par un lendemain de journée pluvieuse, je m’élance donc au petit matin, tout heureux à l’idée de faire de nouvelles découvertes. Hou la, méchante descente…  Ok, doucement, doucement, pas le moment de me péter la figure. Ce n’est pas parce qu’elle n’est pas mon instrument de travail je ne dois pas y faire attention !  Et puis, elle est tout de même située tout prêt dudit instrument de travail (je parle de mon cerveau, bien évidemment), si on y pense bien, alors…

J’entre dans le parc par le nord-est. Euh, comment dire ?  Chers habitants de San Diego, je ne voudrais pas vous insulter, mais c’est ça, votre fameux Balboa Park ? Ouin…  Peut-être suis-je naïf, mais je m’attendais à une version locale de Central Park. Quelque chose de vert, luxuriant, propre. J’en demandais un peu trop, nous sommes tout de même dans une ville qui n’est pas tellement réputée pour recevoir une quantité appréciable de précipitations. N’empêche, ce n’est pas une raison pour laisser traîner des cochonneries !

Je longe le terrain de disc golf, à la recherche d’un « vrai » sentier. Un de ces objets volants non-identifiés vient frôler mes oreilles. Y’a pas à dire, c’est plaisant…

Je décide de me diriger vers l’ouest, peut-être que… En contournant le terrain de baseball principal (qui semble être dans un très bon état, je dois avouer), j’aperçois sur ma droite un… vélodrome. Hey, c’est foutrement pratique de vivre dans un coin de pays où il ne pleut à peu près jamais ! Mais bon, ledit vélodrome est vide, pas moyen de pouvoir apprécier la vitesse de cyclistes sur piste. Ça fait partie des choses qui m’intriguent dans la vie, que voulez-vous. C’est bien beau apprécier des sports à la télé, mais de quoi ça a l’air « en vrai » ?  Pour cette partie-là, je devrai attendre.

Bon, un vrai sentier, je vais pouvoir m’amuser. Sauf que j’avais oublié un détail: un climat sec et la pluie des derniers jours, qu’est-ce que ça donne ?  Eh oui, de l’eau partout !  Chez nous, un lendemain de pluie, c’est parfois un peu boueux, sans plus, mais ici ? Bof…

Ok, veux-tu aller courir sur l’asphalte parmi les autos, maudit chiâleux ?  Bien sûr que non. Alors j’entame la descente (pour ceux qui l’ignoreraient encore, c’est foutrement côteux, la Californie) et finalement, le sentier n’est pas si mal. J’arrive à Florida Drive, une route passante qui coupe le parc en deux. Non mais, c’est quoi ça ? Une autoroute, tant qu’à faire (le pire, c’est qu’il y en a effectivement une un peu plus loin) ?  C’est un parc, chers amis américains, un parc. Pas moyen d’y limiter le moindrement la circulation ?  Dire que nous sommes dans l’état le plus écolo de ce pays, imaginez le Texas…

Je parviens à traverser sans me faire renverser et entame la montée qui m’amènera, je l’espère, vers de plus beaux paysages.

Monte. Monte encore. Foutrement plaisante cette montée !  Je vais peut-être finir par l’aimer, votre parc !  🙂

QUESSÉ ÇA ?!?

Arrivé en haut, après avoir enjambé un petit pont, je me retrouve dans, comment je pourrais appeler ça, donc ?  Un village ?  Pas vraiment. Un parc d’attraction ? Bof… Las-Vegas-sans-les-casinos ?  Ouin…

Bref, je me retrouve au centre de plusieurs bâtiments très différents les uns des autres, chacun ayant une architecture particulière: le San Diego Natural History Museum, le San Diego History Center, le San Diego Museum of Art, et plein d’autres. Ajoutez à ça d’impressionnants jardins un peu partout.

Ok, c’est ÇA votre parc. Là je comprends…  C’est chouette, vraiment chouette. Définitivement que nous allons revenir ici plus tard dans la journée, il faut absolument que ma douce voit ça. À cette heure matinale, il n’y a à peu près personne, mais comme nous sommes samedi, je devine que ça va s’emplir assez rapidement.

Je poursuis ma découverte de l’endroit en joggant sans me presser, les yeux grand ouverts question de ne rien manquer: d’autres musées, un théâtre, encore des jardins. J’aperçois également le fameux zoo. Mais qui a eu l’idée de planter toutes ces affaires-là ici, alors qu’elles n’ont pour ainsi dire aucun rapport entre elles ?

Sur le chemin du retour, j’ai une pensée pour mon ami Didier. C’est lui qui m’a donné l’idée de découvrir de nouveaux endroits à la course, au petit matin. Merci encore une fois, cher ami. Sans toi, j’aurais encore raté une belle découverte !

Courses matinales dans le sud-ouest américain – Pahrump

Comme mon moral de coureur reprend (très) lentement, mais sûrement le dessus et que la crise du COVID-19 monopolise l’attention de la planète, je me suis dit que certains d’entre vous apprécieraient peut-être de lire  quelque chose qui n’a aucun lien avec le sujet de l’heure. J’ai donc fouillé dans mes archives et ai trouvé quelques articles inachevés. Au cours des prochains jours, je compte bien en publier quelques-uns, question de nous changer les idées.

La petite histoire d’aujourd’hui a été écrite il y a un an, suite à notre retour d’un premier voyage dans le sud-ouest américain. Demain, la suite. Bonne lecture ! 🙂

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Moins 4 degrés ? Comment ça, moins 4 degrés ?!?  Si on s’est payé un voyage dans le sud-ouest américain  au mois de février, ce n’est certainement pas pour se taper des températures sous le point de congélation !

Nah… Mon application Météo Média doit être fuckée. C’est décidé : j’enfile des shorts. J’ai des principes dans la vie et un de ceux-là est que si je cours dans le désert, ça se fait en shorts. Non mais, il y a des limites…

Je mets le nez dehors. Ouais, c’est effectivement frisquet. Je regarde notre auto de location : elle est complètement givrée. Ok, je m’incline: il fait vraiment sous zéro. Peu importe: le soleil commence à se pointer derrière les montagnes au loin et le ciel est dégagé. La journée s’annonce magnifique.

Nous sommes à Pahrump, Nevada. C’est la ville la plus proche du parc national de Death Valley, que nous comptons visiter. Depuis l’élection du « Commander in Cheat », je me suis rendu compte que les États-Unis sont vraiment un pays étranger du mien. Pahrump en est un exemple criant.

En effet, ce bled perdu a réussi l’exploit d’élire à la chambre des représentants de l’état (avec une écrasante majorité par dessus le marché) un ancien propriétaire de bordel qui était déjà décédé le jour de l’élection. Son slogan ?  « Make Nevada Nevada again ». Ça ne s’invente pas. Only in America

Bah, peu importe, je ne suis pas ici pour juger des choix de nos voisins (quoi que question existentielle: si un politicien américain est un véritable tata, avez-vous remarqué qu’il est inévitablement républicain ?). Mon but: courir avant de partir en visite pour la journée. Et comme notre hôtesse Airbnb m’a dit que je pouvais aller m’épivarder en toute sécurité sur le terrain vague situé tout juste devant la maison, je ne vais certainement pas me gêner.

Ah, courir sur la terre après l’hiver de merde qu’on a connu, ça va faire du bien… C’est que j’en ai plein le c… de la maudite glace !  Peut-être aurais-je dû amener des souliers de trail ?

Dès les première foulée dans le « champ », petite surprise: la terre asséchée est dure comme du béton. Ok, je vais m’y faire. J’adore ces sorties-là au petit matin, quand on est en voyage. Je me laisse aller à l’instinct, me fiant sur le soleil et les (superbes) montagnes pour m’orienter.

Je finis par aboutir sur un terrain de golf. Je n’ai jamais compris pourquoi ils construisent des terrains de golf en plein désert, mais bon… Je me fais deux ou trois trous à la course (il n’y a pas un chat), puis prends le chemin du retour.

À la traversée d’une route, une pancarte en forme de losange avertit les automobilistes : « Risk of flood ». J’éclate de rire. Risque d’inondation ?  Ici ?!?  Ben voyons donc !  Vous savez que ça prend de l’eau pour qu’il y ait une inondation ?  Ces Américains…

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Matin numéro 3 à Pahrump. Aujourd’hui, c’est jour de déplacement: nous prendrons la route vers San Diego. Mais avant de passer la journée derrière le volant, de quoi aurai-je besoin ?  De ma dose d’exercice, évidemment !

Il pleut. Pas une pluie diluvienne, mais quelque chose de soutenu. Après avoir vécu la canicule à Londres, nous vivons maintenant la pluie dans le désert. Que voulez-vous…

Le sol durci de « mon » champ n’absorbant pas bien l’eau, celui-ci est pour ainsi dire impraticable. Je vais devoir me taper le bord de la route. Merde.

Ouais, même le bord de la route n’est pas évident. Il y a de l’eau partout. Tu riais de leur « risque d’inondation » ?  Ça t’apprendra, du con !

Le vent ne me laissant pas vraiment le choix, je me dirige encore vers le terrain de golf, par la voie « normale » cette fois-ci. À peine arrivé dans le petit quartier où se trouve l’entrée de la propriété, je dois soudainement appliquer les freins. Devant moi, le bord de la rue que je m’apprêtais à traverser a été transformé en une véritable rivière.

C’est quoi l’affaire ? D’où vient toute cette eau ?  Je regarde en « amont » : ça coule à perte de vue. En « aval» ?  Idem. De quessé ?!?

J’allume: il pleut tellement rarement ici qu’il n’y a aucune infrastructure digne de ce nom qui permet d’écouler les eaux de pluie. Rien, niet, nada. Alors quand il en tombe le moindrement, elle s’accumule et forme de véritables torrents. D’où les inondations en plein désert. Tu parles d’une affaire…

Sur le chemin du retour, j’aperçois un coyote qui traverse tranquillement la route, le stress ne faisant définitivement pas partie de sa vie. J’essaie de le suivre, mais il ne semble pas trop intéressé à avoir de la compagnie. Dommage.

Un peu plus loin, un jackrabbit prend la poudre d’escampette en m’entendant approcher. Je m’arrête et le regarde filer à (très) vive allure, donnant l’impression que ses immenses oreilles l’aideront à s’envoler. Heille, Chose, fais attention, il y a un coyote qui t’attend dans ce bout-là !

Je souris. Je suis sur le bord d’une route quelconque, dans un coin reculé du désert américain, complètement détrempé. Je ne voudrais pas être ailleurs. Elle n’est pas belle, la vie ?

L’envers de la médaille

J’ai le coeur gros. Couché en position foetale sur le lit (assez confortable, je dois avouer) d’un appartement anonyme de Falkirk en Écosse, je rumine les dernières heures, les derniers jours, les derniers mois. Quand nous avions réservé ce voyage, je jubilais juste à l’idée d’emprunter au petit matin la piste cyclable qui longe le canal pour me rendre à la course jusqu’aux fameux Kelpies.

Ce matin, quand je suis sorti, je n’y croyais pas vraiment. Mais j’ai tout de même tenté ma chance, au cas où mon foutu fessier me laisserait tranquille et me permettrait enfin de goûter à nouveau aux plaisirs de mon sport.

La tentative aura duré un total de 5 enjambées. Tout de suite, une douleur vive, telle une déchirure, a irradié mon corps avec comme épicentre ce maudit fessier. Rien à faire, je me suis rendu aux Kelpies en marchant et (surtout) en maugréant. Disons qu’ils étaient moins spectaculaires comme ça…

Je tente de me retourner en m’appuyant sur mon pied gauche. Autre sensation de déchirure qui traverse mon corps. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les larmes de frustration que je retenais depuis des semaines se sont mises à couler. Et moi de commencer à pleurer comme un bébé. Tout ce temps, tous ces traitements et jamais je ne me suis senti aussi mal. Pourquoi ?  Qu’est-ce qui se passe ?!?

***

Plusieurs de mes amis m’ont fait remarqué au cours des derniers mois que je n’étais plus tellement bavard sur ce blogue. Effectivement, je dois avouer que j’ai déjà été légèrement plus loquace…

Il faut tout d’abord savoir qu’il y a eu des changements dans ma vie professionnelle, changements qui ont fait que j’ai eu beaucoup moins de temps libres ces derniers mois. Mais, vous l’aurez deviné, ce sont aussi et surtout les blessures ont causé cette panne d’inspiration. J’avais déjà parlé de mes nombreuses blessures, je n’avais plus vraiment envie d’en parler. À un moment donné…

Quand on est blessé, on reçoit une quantité incroyable de conseils qui, même s’ils sont évidemment donnés avec les meilleures intentions du monde, finissent par agacer à la longue. Sans compter les « Tu courais trop », les « Ce n’est pas normal de courir de même » ou les « T’es blessé aux genoux ? » qu’on entend dès qu’on aborde le sujet.  Disons que je n’avais pas tellement envie de ça non plus…

***

« On est chanceux de pouvoir vivre ça, hein ? »

Nous venons de quitter le célèbre champ de la bataille de Culloden, lieu chargé d’histoire et empreint d’une émotion encore palpable aujourd’hui. Nous nous dirigeons vers le Fort George, avant d’aller visiter Uquart Castle, sur les bords du fameux Loch Ness. Bref, ma tendre épouse a bien raison: nous sommes chanceux de pouvoir visiter ce merveilleux pays. Vraiment chanceux

Mais ma tête est ailleurs. Mon corps manque atrocement d’endorphines et je suis envahi par des symptômes de dépression. Ma tête tente par tous les moyens de combattre les signaux que mon corps lui envoie, mais rien à faire: j’ai juste le goût de brailler. Le moindre inconvénient sur la route ou sur un site de visite m’horripile, je broie du noir, n’ai envie de voir personne.

Le fait de savoir ce que j’ai ne m’aide en rien (la météo typiquement écossaise non plus, d’ailleurs !). Je n’ai envie de rien et je ne fais qu’obséder sur une seule chose: quand pourrai-je courir à nouveau ?  Bout de viarge, t’es en Écosse, du con, tu ne pourrais pas tout simplement savourer le moment ?

Heureusement, ma douce moitié est très compréhensive et me laissera dans mon monde ce jour-là. Le soir, nous déciderons que tous les matins, quitte à partir plus tard, j’airai prendre une grande marche, beau temps, mauvais temps, question d’avoir une dose minimale pour être un tant soit peu fonctionnel durant la journée.

Ce jour-là, j’ai compris ce que vivent les gens dépressifs: un enfer. Je ne souhaiterais ça à personne.

***

Le tout a commencé par une douleur un peu anodine qui apparaissait quand je tentais de repartir après une pause (pour faire pipi, à un feu rouge, etc.) à la course. No big deal, Annie allait régler ça.

Puis, durant la nuit qui a suivi ma deuxième sortie de vélo de la saison, je me suis réveillé avec le fessier gauche complètement jammé. J’ai tenté (en pleine nuit !) de le détendre avec le rouleau, peine perdue.  Panique. Le dimanche suivant, j’avais une sortie de prévue avec mon ami Didier.

Didier, un fidèle lecteur de ce blogue depuis les premières heures, et moi avions commencé à nous écrire régulièrement au fil des années. Étant séparés physiquement par un océan, nous nous étions toujours promis d’aller faire une petite sortie ensemble si un jour l’un allait visiter le coin de pays de l’autre. Or, sa fille venait de se taper une session d’hiver à McGill (la pauvre est tombée sur probablement le pire des hivers québécois des dernières décennies) et la famille avait décidé de venir lui rendre visite. L’occasion était parfaite pour lui montrer « mon » mont Royal.

Mais là, ce maudit fessier risquait de tout gâcher. Appel en urgence à Annie, qui était parvenue à me débarrasser d’un mal semblable (mais sur l’autre côté) en 2017. Imaginez: ma très dévouée massothérapeute a annulé un déjeuner avec des amies pour me traiter. Me sentir coupable, vous dites ?

Bref, elle est parvenue à me remettre un tant soit peu fonctionnel et j’ai pu aller à la rencontre de mon ami. Sauf que tout le long qu’on courait, ma liberté de mouvement limitée me laissait toujours une enjambée derrière. Didier, qui demeurait visiblement « en dedans » pour ne pas me larguer, passait son temps à se retourner pour m’adresser la parole. J’aurais tellement voulu sortir du chemin Olmsted et aller lui montrer les quelques sentiers de notre « montagne »… Mais j’en étais incapable.

Je me disais qu’il devait s’emmerder royalement, mais quand il m’a invité à remettre ça avant son départ, ça m’a rassuré. Malheureusement, je ne pouvais pas, ayant reçu un autre traitement de masso la veille. Comme on dit chez nous: on se reprendra, cher ami !

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J’ai poursuivi les traitements de masso, me rappelant 2017. Les premières semaines, j’ai continué la course, me gardant de faire des longues distances. Puis, me rendant bien compte que ça empirait et que je commençais à développer des malaises de « compensation », j’ai arrêté complètement de courir. Le vélo servirait d’exutoire.

Sauf que le vélo semblait empirer le mal également. Mais je n’avais pas mal quand je pédalais… Que faire ?  Arrêter toute activité, en plein été ?  Un chausson avec ça ?

Je suis allé voir mon ostéo, celle-là même qui m’avait sauvé en 2013. Elle était plus que confiante que je puisse parcourir les rues de Falkirk, Inverness, Portree et les bords du Loch Lomond à la course. Mais, à peine quelques jours après avoir reçu un quatrième traitement, j’étais au plus bas…

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Près de trois autres mois ont passé. Depuis, j’ai changé ma façon de dormir, ai repris mes traitements en massothérapie. Ça s’est beaucoup amélioré, au point où je ne sens presque plus rien. Je dis bien: presque. Car j’ai bien tenté quelques « retours au jeu », à chaque fois en pensant que ce presque, ce n’était rien. Ça n’a jamais marché. Alors j’attends. (Im)patiemment.

Certains m’ont demandé si j’en étais rendu à la « retraite ». Non. J’aime trop ça pour mettre une croix définitive sur la course. Je suis persuadé que ça va revenir un jour. Quand ? Je l’ignore, mais ça va revenir.

Pourrai-je refaire des ultras ?  Encore là, je l’ignore, mais ce serait un moindre mal de ne plus pouvoir en faire. Le jour où je pourrai sentir à nouveau le vent doux sur mon visage, entendre mes pas qui foulent le sol pour ensuite être envahi par le bien immense qu’on ressent à la fin une sortie, je serai le plus heureux des hommes.

Si je peux épingler à nouveau un dossard sur mes shorts, ce sera juste la cerise sur le sundae. Rien de plus.

Les « oubliées de 2018 »: le reste de l’Islande

Récemment, mon ami Didier me faisait remarquer que j’étais plutôt tranquille côté écriture. Les blessures font partie des raisons de cette baisse marquée de ma « production » (non mais, un gars finit par en avoir ras le pompon de se plaindre de ses bobos), mais c’est surtout une question de temps. Aussi, j’ai eu tendance à tirer un peu partout en commençant des articles et, n’aimant pas la tournure qu’ils prenaient ou les trouvant tout simplement b-o-r-i-n-g, je décidais de laisser tomber. Sans compter que j’essaie d’éviter de me répéter.

Bref, plusieurs sujets ont trotté dans ma tête au cours des derniers mois, sans jamais voir le jour. Alors au lieu de faire ma traditionnelle rétrospective de l’année, j’ai plutôt décidé d’écrire quelques articles sur les « oubliées » de 2018. Aujourd’hui: le reste de l’Islande, car évidemment, il n’y a pas eu que Skogafoss !  🙂

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Akranes

« Si tu ne pars pas bientôt, tu vas pogner la tempête ! »

Je suis à la cuisine, à faire mes réchauffements. Regard par la fenêtre. Trop tard, la neige a commencé à tomber. Les flocons/grêlons recouvrent rapidement le sol. Bah, je m’en fous un peu, je sais que ça s’arrêtera. C’est connu, le temps islandais change perpétuellement. Ce n’est pas pour rien que les habitants de la place se plaisent à dire que si on n’aime pas le temps qu’il fait, on a juste à attendre 5 minutes.

Il y a une constante, toutefois: le vent. Il vente presque toujours… et très fort. Mon ami René, cyclotouriste aguerri, m’avait demandé d’observer les conditions locales avec un oeil de cycliste. Il envisageait d’en faire le tour à vélo un de ces quatre. Eh bien, mon oeil de cycliste lui a tout simplement dit: oublie ça !  Non seulement la chaussée est quelconque, mais avec un tel vent, ce serait à la fois très difficile et carrément dangereux.

Je pense à tout ça alors que je m’élance, sous un soleil radieux qui fait fondre ce qui vient de tomber du ciel. Je pense aussi à l’objectif de ma sortie: aller voir… le terrain de golf.

Akranes est une charmante petite ville d’à peine 6500 habitants située sur le bord la mer, à environ 50 kilomètres au nord de Reykjavik (eh oui, il y a quelque chose au nord de Reykjavik !). Sa situation géographique constituant un bon compromis pour nous qui voulions voir le fameux cercle d’or et la péninsule Snaefellnes, nous y avons établi nos quartiers pour 3 nuits.

La veille, j’ai découvert un petit sentier sympathique sur le bord de l’eau. Je me suis rendu jusqu’à ce qui me semblait être une ferme avant de rebrousser chemin. Et j’ai vu une affiche indiquant le terrain de golf. Un terrain de golf aux abords du cercle polaire. Fallait que je vois ça.

Pour ce faire, je dois m’éloigner de la mer. Poussé par le vent de 55 km/h (et surtout par ses rafales à 75-80), je peine presque à garder l’équilibre. « Je vais avoir du fun en revenant… ».

Comme la criminalité n’existe pas en dans ce pays, les exploitants du club de golf ne semblent pas avoir jugé bon de fermer l’accès à leur propriété. J’ai donc abouti sur un chemin de terre qui sépare deux allées de ce qui me semble être un terrain de golf tout à fait comme les autres. Et en très bon état, avec du gazon bien vert et très dense. Petite déception, je l’avoue…

Terrain de golf islandais. Côté surprise, on repassera…

J’entreprends mon retour en remontant l’allée du 13e trou. Le vent est tellement violent, je dois garder ma casquette dans mes mains pour éviter qu’elle s’envole. J’éclate de rire. Je m’imagine les distances ridiculement courtes que doivent franchir les petites balles blanches dans de telles conditions. Cette normale 5 doit tout simplement être interminable à jouer…

C’est au prix d’efforts presque surhumains (ok, j’exagère un ti peu…) que je parviens au bord de l’océan où je remprunte le charmant petit sentier. Petit selfie de circonstance…

Fred qui court sans casquette ? Yep, il vente !

Des enfants qui jouent dehors me regardent passer, l’air incrédule. Comme l’impression que les Islandais ne sont pas des adeptes de la course à pied…

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Vik

Petit déjeuner dans notre chalet situé sur une ferme près de Vik. Dehors, deux brebis accompagnées de leurs rejetons broutent tranquillement, puis nous jettent un regard l’air de dire « Tu veux ma photo, banane ? ».

Vue de notre fenêtre au petit matin.

J’ouvre doucement la porte, pour éviter qu’elle parte au vent. Le chien des proprios s’agite en me voyant sortir. Il accourt, une roche bien ronde dans la gueule. Il la laisse tomber… sur mon pied. Ayoye, bout de viarge !

C’est qu’il aime jouer et comme il n’a pas de balle, il veut qu’on lui lance… cette roche. Je m’exécute, évitant de peu la luxation de l’épaule dans le processus. Il part en rase-mottes, retrouve sa « balle » et me la ramène, tout heureux. Après 3-4 lancers, c’est ben le fun, mais j’aimerais bien courir, aussi…

Voyant que je me désintéresse, il n’en fait pas de cas et continue de s’amuser seul. Je peux donc me diriger vers mon objectif de la matinée: Dyrholaey. Pour me rendre, je dois d’abord franchir les trois kilomètres qui me séparent de la route. Le chemin de terre privé longe un puissant ruisseau qui amène l’eau des glaciers à la mer. Vous me direz peut-être que « puissant » et « ruisseau » ne vont pas vraiment ensemble. À ça je répondrai : il y a ben des affaires que je n’avais jamais vues avant de venir ici.

À peine un kilomètre sur la route 1 et je m’engage sur le chemin menant au rocher percé local. Sur ma gauche, une dizaine des typiques chevaux islandais, robustes et petits de taille. Il se tiennent calmement groupés, dos au vent. Ils sont magnifiques.

Mon attention est attirée par une pancarte à l’entrée d’un chemin secondaire. Grosso modo, on fait « gentiment » savoir aux touristes de ne pas s’y engager et que ce que ce qu’ils veulent voir est plus loin. Il faut savoir que Vik est un village d’environ 300 âmes, alors les gens qui voient défiler les touristes depuis quelques années doivent commencer à se sentir un tantinet envahis…

Un peu plus loin, je débouche sur le bord d’une falaise qui offre une vue imprenable sur la baie.

Il y a pire que ça dans la vie…

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Hofn

« Où est-ce que tu vas ? »

Euh… courir ?

« À cette heure-là ?!? »

Ben quoi ?  Il fait clair, non ?

Ouaip. 21 heures et il fait encore clair. J’avoue que ça me surprend un peu, vu que nous ne sommes qu’au début mai. Ça doit être assez hallucinant à la fin juin…

Toujours est-il qu’après une longue journée dans la voiture à faire des arrêts à gauche et à droite, j’ai envie d’aller faire descendre l’excellente pizza que je viens d’engouffrer dans la petite pizzeria située près du port. Notre charmant hôtel étant situé un peu en dehors de la « ville », je décide de faire un peu de « trail » en courant dans le fossé sur le bord de la route.

De cette sortie, je me souviendrai toujours de l’éclairage très particulier. Pendant plus d’une heure, je courrai à la lumière tamisée, comme si le crépuscule s’étirait. Vraiment, mais vraiment bizarre.

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Reykjavik

Dernier matin. Bien que nous soyons en banlieue (je vous épargne le nom de la ville-dortoir), je sais que la ville est très proche. Pour dire, la veille nous sommes allés souper downtown et j’ai sursauté quand Google nous a informés que le resto que nous avions envisagé était situé à… 8 minutes de route. Chez nous, c’est le temps que ça me prend pour me rendre au train de banlieue en voiture !

Je m’engage sur la piste cyclable qui longe la baie. Elle mène où ?  Aucune idée.

Pour faire changement, il fait beau et on sent qu’il ne pleuvra pas. L’air est pur et le vent, « seulement » modéré. Je pourrais m’habituer à vivre ici, je crois…

Tiens, c’est quoi ça ? Un bistrot qui semble vraiment chouette. Ha, c’est poche qu’on doive partir, j’aurais bien aimé y casser la croûte. Va falloir revenir… 😉  Tout juste à côté, des sentiers. Hum, demandez-moi si je vais continuer à me taper de l’asphalte…

Dans les boisés, pas un chat. Tourne à gauche, vire à droite, petite montée, mini-descente. Je pourrais vraiment m’habituer… Hein, un cimetière ?  De quessé  ?  Bah, peu importe.

À la sortie du bois, j’aboutis dans un vaste stationnement. Vide. Bon, c’est quoi l’affaire ?

Je reconnais des statues étranges que j’avais vues dans des reportages. Elles sont, comment dirais-je ?  Laides. Avoir su, j’aurais traîné mon appareil. Ces horreurs se dressent devant une bâtisse en dôme au style un peu futuriste. J’en déduis que c’est une espèce de planétarium. Tout ce qui me vient à l’idée est que ça ne doit pas vraiment être la saison pour observer les étoiles.

Coup d’oeil à ma montre: c’est l’heure de rebrousser chemin.

Définitivement que je vais revenir courir ici.

Une heure avec le grand manitou

Le mois d’octobre avait été anormalement moche. Et novembre ne s’annonçait pas mieux. Sauf ce matin-là, alors que la température s’était adoucie, au point de me permettre de rentrer au bureau à la course avec seulement des manches longues.

Il ventait. Fort. Très très fort. Dans la montée du pont Jacques-Cartier, ce vent de face m’a même permis de rattraper non pas un, mais bien deux cyclistes. Je riais intérieurement en les dépassant. Vous voyez, mon moyen de transport est plus rapide que le vôtre, lalalère ! Ok, une fois dans la descente, mettons que je me suis fait larguer rapidement, mais bon…

Je terminais ma descente sur l’île Ste-Hélène quand la douleur à l’aine est apparue. Bah, ça va passer, que je me disais.

Elle ne passait pas. Arrêt pour un petit massage, puis re-départ. Douleur. Re-massage. Re-re-départ. Re-douleur. Intolérable. Ah non, encore une maudite blessure ! Calv… !!!

Incapable de courir, j’ai dû me résoudre à marcher à partir d’Habitat 67 jusqu’au Saint Siège. Ça m’en a donné, du temps pour penser. Maudit sport de m… !  Je vais tout crisser ça là !  Ben non, faudrait peut-être juste que j’arrête. Six mois. Ou même un an. Faut que mon corps se reconstruise. Mais arrêter l’hiver ?  Nah…

Non, je vais aller voir des physios experts en course à pied, tiens. Oui, c’est ça. Ils vont à la fois m’aider à guérir et à développer la bonne technique. Je suis prêt à repartir à zéro. Il y a certainement quelque chose qui cloche, je ne peux pas croire. Pierre ne se blesse jamais. Joan non plus. Ils doivent faire quelque chose que je ne fais pas. Ou ne pas faire quelque chose que je fais. Je n’ai jamais consulté personne parce que j’HAÏS me faire dire quoi faire, mais je suis rendu là. C’est ça ou je me mets à la pétanque. À moins que je me roule en petite boule dans un coin et commence à sucer mon pouce…

Arrivé au bureau, petit courriel de détresse à mon ami. Pierre, Pierre, je suis ENCORE blessé !  Je fais quoi ? Je me tire par la fenêtre ?

Dans sa sagesse infinie, mon grand frère spirituel m’a répondu par quelques suggestions. L’une d’elle a attiré mon attention: consulter l’entraineur le plus réputé de la province qui, je l’ignorais, est également kinésiologue. Ouais, tant qu’à consulter quelqu’un…

Dans mon courriel de prie de contact, j’ai pris soin de me présenter, de lui dire que je suis un coureur d’expérience avec plusieurs marathons et ultras à mon actif avant de lui expliquer mon cas. Non mais, fallait par qu’il me prenne pour un débutant, là… Rapidement, on s’est fixé un rendez-vous. Il semblait enthousiaste à l’idée de m’aider. Ce qui m’enthousiasmait à mon tour. Peut-être allait-il trouver ?

Par chance, avant de me faire évaluer par le grand gourou, j’avais un rendez-vous avec Annie, ma massothérapeute. Pour vous faire une histoire courte, sans Annie, il n’y aurait pas eu de Massanutten cette année. Point. Je vous donnerais bien des références, mais elle ne prend plus de clients. Désolé !

Toujours est-il qu’Annie est parvenue à décoincer les adducteurs fautifs et que finalement, la blessure n’était pas si grave (ça nécessiterait tout de même de la physio, mais j’ai connu pire). J’allais au moins pouvoir me faire évaluer.

Dès notre premier contact, j’ai compris pourquoi ses athlètes avaient un énorme respect pour lui tout en l’appelant tout simplement « Dorys ». Un monsieur facile d’accès, relaxe, qui transpire la forme physique. Il m’inspirait confiance. Après m’avoir fait faire deux tours de piste pour m’échauffer, il m’a filmé sous tous les angles. Je m’attendais à ce qu’il utilise une caméra sophistiquée, mais non, il prenait simplement son téléphone. Allait-on va quelque chose ?

J’avoue que j’avais une certaine appréhension à me voir courir pour la première fois de ma vie. J’étais certain que j’assisterais à un film d’horreur.

Avant de démarrer la « projection », il m’expliqua que la technique n’était qu’un parmi la dizaine des facteurs qui font que quelqu’un se blesse à la course. Il y avait également le stress, l’alimentation, le sommeil, etc.

Ouais, je ne dors pas beaucoup, j’ai un léger faible pour l’alcool et bien que je ne me considère pas comme stressé, mes muscles sont continuellement crispés. Je ne m’en rends pas compte, mais je suis comme ça. Depuis toujours semble-t-il. Mon père racontait d’ailleurs que dès ma naissance, quand il me prenait, je me « tenais tout seul ». C’est bien pratique pour des jeunes parents, mais quand vient le temps de courir 48 ans plus tard… Enfin.

J’avoue avoir été impressionné par la qualité de l’image et surtout, étonné de ne pas être trop effrayé par ce que je voyais. À première vue, je courais normalement, même au super-ralenti. Pour la technique de course, il y aurait plus de 50 points à regarder, mais comme nous n’avions qu’une heure, il m’a fait un bilan des 13 principaux. Pour chacun, il donnait des notes de 1 à 10. Mes résultats variaient entre 6 et 9. Il m’a donné des exercices à faire pour améliorer les points plus faibles, exercices que je fais religieusement depuis.

Mais ce ne sont pas ses conseils ni ses observations qui m’ont impressionné le plus. C’est son approche.

Le monsieur a vu neiger. Des coureurs, il en a vu par milliers. Il sait fort bien que si certains principes de base s’appliquent à tous, les individus sont différents les uns des autres. Et ça parait dans sa façon d’être, dans sa façon de transmettre son savoir.

Par exemple, un petit commentaire tout simple: « Tu sais, il y en a qui courent pas mal moins bien que toi et qui ne se blessent jamais. Et il y en a d’autres qui ont une meilleure technique et qui se blessent plus souvent. »

Pendant que nous parlions, un jeune étudiant de McGill faisait des tours de piste. C’était clair même pour moi que le gars overstridait. J’en ai passé le commentaire. Sa réponse ?  « Oui, mais tu sais, c’est de même qu’on apprend à courir quand on est jeunes. »

Au début, j’avais certaines craintes. J’avais peur entre autres de me faire dire que me débarrasser de mes orthèses et que ça me prenait absolument des souliers minimalistes.

Rien de tout ça avec lui. Il n’a pas dit que le minimalisme était miraculeux, ni qu’il était mauvais. En fait, il m’en a à peine glissé un mot. Il n’y a rien de tout noir ni de tout blanc avec lui. Tout est dans les nuances de gris, comme dans la vie.

À la fin, il m’a invité à me joindre au groupe de coureurs qu’il s’apprêtait à diriger pour un entrainement, question de mettre en pratique quelques exercices qu’il m’avait suggérés. J’ai fait seulement le réchauffement, parce que je l’avoue, on était sur l’heure du midi et j’avais vraiment faim.

Mais il m’avait donné le goût de rester pour l’autre heure au complet.

Bromont Ultra 2018 ou comment être de la fête quand on ne peut pas faire la course

J’adore cette montée. Relativement courte, mais abrupte, c’est ici que j’avais semé Ian durant le premier tour de l’édition 2016. Bah, « semer », le terme est peut-être un peu fort puisqu’il m’avait rejoint dans la section technique tout de suite après. Sauf qu’une fois rendu au ravito P7, il m’avait complimenté sur mes talents de grimpeur.

Présentement, ce sont d’autres talents dont j’ai besoin. Talents que je ne suis pas certain de posséder: ceux d’un motivateur.

Il y a un peu moins de 36 heures, je suis allé souhaiter bonne chance à Louis, Pierre et Joan avant leur départ pour Bromont. Pendant que nous échangions des plaisanteries (dès que des gars se retrouvent ensemble, ils finissent toujours par dire des niaiseries), je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer que les 4 premiers au classement de l’édition initiale de cet événement étaient réunis.

Pierre est maintenant le last man standing. Louis s’est arrêté à la mi-parcours, malgré les arguments apportés par le capitaine du ravito, moi en l’occurence. Il faut dire que j’étais au courant de son état de santé (les deux tendons d’Achille pétés, il passera sous le bistouri le jeudi suivant), alors ce n’est que pour la forme que j’ai tenté de lui faire changer d’idée. Quant à Joan, s’il semblait plutôt bien après 80 km, la fameuse Lieutenant Dan l’a achevé et il a hissé le drapeau blanc tout juste après.

Mais les 124 kilomètres parcourus sur ce parcours diabolique ont sournoisement fait leur oeuvre: mon ami est épuisé. Les yeux fermés, il reprend son souffle pendant que j’appuie ma main sur son dos alors que la pluie qui tombe depuis des heures coule sur son visage marqué par la fatigue. Pas pour l’empêcher de tomber, car je sais qu’il est très bien en mesure de se tenir debout tout seul. Je veux juste lui faire sentir que son « petit frère » est là. Que cette maudite côte, dont la pente est tellement raide qu’elle a failli le faire basculer vers l’arrière, on va la monter ensemble. Quand il sera prêt.

***

« Va peut-être falloir que tu fasses sortir du monde… »

Ce que je craignais était en train de se réaliser : le ravito était bondé. Tout se passait bien jusque là. Barbara était arrivée en début d’après-midi, je lui avais expliqué en quoi consistait notre rôle. Geneviève, ma super-partner de l’an passé, était arrivée peu après. Connaissant ma douce moitié, je savais que les deux allaient travailler à merveille ensemble et qu’elles seraient bigrement efficaces. Ça me donnerait plus de liberté pour aller chercher les choses qui allaient inévitablement manquer… ou pour mettre à jour mon placotage.

Il y a eu Seb avec qui j’ai parlé de son Spartathlon, Xavier et la triste controverse de Cruel Jewel, Stéphane et son expérience à l’UTMB. Sans compter les deux Martin, Yannick, qui est venu me saluer après avoir pris contact avec moi par courriel, et plusieurs autres dont j’oublie le nom qui me connaissent via ce blogue. Je ne suis pas jasant de nature, mais quand ça concerne la course…

Toujours est-il que les coureurs se sont mis à arriver. D’abord au compte-gouttes. Il faut dire que compléter le premier tour en moins de 9 heures, ce n’est pas donné à tout le monde !

Le premier symptôme d’un éventuel problème est apparu lorsque Jean-François, un des favoris (et futur vainqueur), est arrivé en troisième position. Souffrant du genou, il s’est immédiatement couché sur le sol, les pieds sur une chaise. Pendant que l’équipe médicale travaillait à le remettre sur pieds, j’ai remarqué la quantité de gens présents : il devait y avoir une dizaine de personnes autour de lui. Et elles prenaient beaucoup de place. Il n’y avait pas d’autre coureur présent, mais s’il avait fallu qu’il y en ait 5 ou 6…

J’étais préoccupé. Par la santé de Jean-François, bien sûr, mais surtout par une éventuelle congestion. Tout s’était bien déroulé l’an passé, mais là…

Le calme avant la tempête: le capitaine du ravito prend des nouvelles de son ami après 80 km (merci Martin Bherer pour la photo)

Pendant que j’avais encore le temps de vérifier si les coureurs prenaient le bon côté en partant pour leur deuxième tour… (photo: Martin Bherer)

Après, lentement mais sûrement, la fréquence d’arrivée des coureurs augmenta. Quand mes amis Pierre puis Joan se sont présentés, tout allait encore bien. Mais environ 30 à 45 minutes après eux, pour paraphraser Geneviève, nous avons perdu le contrôle. Les équipes de support étaient de plus en plus nombreuses, certaines occupant même 2 ou 3 chaises. Un coureur en particulier a littéralement été assis dans le milieu de la place durant 20 longues minutes, son équipe de 3-4 personnes étant présente durant tout ce temps. Et parmi cette « équipe », une seule personne travaillait. Les autres ?  Elles étaient là, point. Dans le milieu de la place.

On ne peut pas leur en vouloir, ce n’est pas tout le monde qui connaît le fonctionnement d’un ravito aussi important. Mais leur présence nuisait non seulement à nous bénévoles, mais également à l’équipe médicale qui avait comme mission de déceler les moindres signes de problème chez les coureurs qui entraient. Selon Guylaine, la très sympathique responsable du médical, il était peut-être temps de faire quelque chose…

Je sentais toutefois que ça passerait et je ne me suis pas trompé. Ouf !  Lentement, mais sûrement, les coureurs sont repartis et la place s’est pas mal libérée. Aussitôt, j’ai agrippé la chaise installée au mauvais endroit pour la mettre hors d’état de nuire. Ok, le reste de la soirée se déroulerait sans anicroche.

Erreur. 15-20 minutes plus tard, c’était à nouveau la cohue. Beaucoup de coureurs, entourés de leur famille, prenaient beaucoup trop de temps. À un certain moment, un coureur solo est arrivé et m’a demandé son drop bag. En tentant de me rendre à l’endroit où les sacs étaient déposés, j’ai été pris dans la congestion. Plus capable d’avancer d’un pouce. C’en était trop.

Question de me faire entendre par-dessus la musique, j’ai élevé ma voix de quelques décibels, pour demander, en utilisant exactement les mêmes mots que Pat en 2015, aux gens de sortir de manière à ce qu’il n’y ait pas plus d’une personne par coureur.

La plupart des gens me connaissent comme un gars souriant, (très) discret, qui parle peu et surtout, qui ne dit jamais un mot plus haut que l’autre. Sauf que lorsque la situation le commande, bien que j’aie ça en sainte horreur, je suis capable de lever le ton. Et disons que dans ces cas-là, je n’ai pas besoin de micro pour me faire entendre.

L’effet a été immédiat. Silence complet dans la tente, les gens se sont mis à sortir. Barbara m’a dit qu’elle avait compté au moins une douzaine de jeunes enfants dans le lot.

« Good job, Fred » m’a glissé Guylaine.

C’était ce qu’il fallait faire dans les circonstances, mais ça m’a fendu le cœur. Je hais chiâler après le monde. J’HAÏS ça. Profondément. Ça vient me chercher, vous n’avez pas idée. J’espérais juste que les enfants sur place avaient eu le temps de donner un câlin à leur maman/papa… Malheureusement, je n’avais pas le choix, c’était une question de sécurité. Si j’ai offensé quelqu’un, vous m’en voyez vraiment désolé.

Stéphane et trois dames se sont joints à moi pour le reste de la soirée, me permettant de libérer Geneviève qui avait encore fait un travail colossal cette année. Je me suis tout de même gardé le droit de retenir Barbara une heure de plus, question que quelqu’un « d’expérience » soit là pour guider les  « petites nouvelles »… et aussi d’avoir ma tendre épouse avec moi un peu plus longtemps !  😉

La règle du « une personne par coureur » n’a évidemment pas pu être appliquée à la lettre par la suite, mais lorsque je voyais des « équipes » nombreuses se pointer, je leur demandais gentiment d’amener le coureur juste à côté, dans la tente principale, où il y avait beaucoup d’espace. Avec le recul, c’est ce qu’on aurait dû faire dès le début.

L’arrivée de Stéphane a été une bénédiction. La raison ?  Ça me soulageait de la tâche ingrate d’avoir à suggérer fortement de repartir aux coureurs qui traînaient un peu trop au ravito. Pour l’occasion, il avait enfilé sa casquette de finisher du Vermont 100, alors même ceux qui ne le connaissaient pas savaient qu’ils avaient affaire à quelqu’un de crédible. Imaginez ceux qui le connaissent…

***

J’entends la voix de Pierre qui m’appelle au loin. Moi qui suis supposé l’aider à demeurer dans le droit chemin, à garder son allure, je suis rendu en contre-bas d’un sentier où je n’ai pas affaire, en train de gosser après ma maudite frontale qui ne veut pas se rallumer. Tabar… !  Et il fait noir en calv… !!!

Il y a quelques minutes, mon coureur a posé la question qui tue : « Vois-tu des flags ? »

C’est qu’il a la réputation de se perdre souvent, je lui ai d’ailleurs signifié 2 ou 3 virages qu’il avait manqués depuis que je me suis joint à lui. Dans la partie boisée de la section atrocement interminable reliant les ravitos P7 (km 126) au lac Gale (km 145), nous faisions face à un brouillard épais et tenace (il y a toujours du brouillard au Bromont Ultra). Je tenais ma lampe au niveau de mes hanches, question d’avoir une meilleure visibilité.

Ce n’était pas suffisant on dirait. Après un petit bout sans voir ni fanion, ni ruban rose, j’ai dit à Pierre de demeurer sur place pendant que je retournais sur nos pas pour vérifier. Au bout d’une centaine de mètre, il y avait bel et bien un fanion rose planté dans le sol. Nous étions sur le bon chemin.

Après un autre bout sans balisage, je suis parti en éclaireur (c’est le cas de le dire) devant alors que Pierre, convaincu de notre erreur, rebroussait chemin.

Il avait raison et je l’entends m’appeler pendant que c’te maudite patente à gosses ne veut toujours pas se rallumer. Non mais, dans le genre pacer nuisible…

J’allume la lampe de secours que j’ai installée à ma taille et rejoins finalement mon coureur à une intersection, là où nous avons vraisemblablement raté le virage. C’est pourtant clair, comment avons-nous pu rater ça ?

Question existentielle, cependant: où va-t-on ?  La nuit, ce n’est pas évident de s’orienter et nous n’avons aucune idée de quel côté nous sommes arrivés. Va falloir attendre que du monde passe.

Nous entendons des voix approcher. Dans le groupe, une femme. Mais bon Dieu, ils sont combien ?

« Vous êtes des coureurs du 160 ? »

Affirmatif. Ouf !  Ils sont cinq, soit trois coureurs et deux pacers. Parmi eux, Caroline, première femme (en fait, elle n’était pas vraiment première, mais c’est une longue histoire).

Nous reprenons le sentier, dans la bonne direction. Après son mini-passage à vide, Pierre s’était remis en marche. Et il a tellement repris du poil de la bête que j’ai peiné à le suivre dans la descente menant au ravito P7 (km 126). Eh oui, les 121 kilomètres qu’il a de plus que moi dans les jambes ne suffisaient pas pour contrebalancer mes carences en descente… C’est la vie !

Mais là, il a un petit down et décide de laisser passer ceux qui nous ont rejoints. Au final, c’est une excellente décision puisqu’en plus de nous montrer le chemin, nos nouveaux camarades sont de fort agréable compagnie. Et, au fil des kilomètres, nous apprenons que finalement, Pierre et moi sommes les paresseux du groupe. En effet, Stéphane P., qui sert de locomotive au groupe, revient du Tor des Géants où il a dû abandonner à cause d’un genou récalcitrant… après 220 kilomètres. C’était il y a trois semaines.

Quant à Caroline, elle s’est tapé la « Route de l’électron »: 2000 kilomètres entre Natasquan et Montréal, en passant par Manic-5. C’est elle qu’on voit dans les pubs d’Hydro-Québec ces temps-ci. Et que dire du pacer qui marche devant nous ?  Il a terminé le Tor…

Bon pour l’humilité vous dites ?

Devant, une voix que je crois reconnaître. Stéphane ?  Mais qu’est-ce que tu fous-là… en sens inverse ?

Il s’en va pacer François et comme il était dans « l’obligation morale » d’assister au départ de la course de sa douce, il a manqué son passage au lac Bromont et à P7. Il s’en va donc à sa rencontre, en remontant le parcours en sens inverse. On est un pacer dévoué ou on ne l’est pas !

Après une ou deux éternités, voilà enfin la route de terre. Hallelujah !  Bout de viarge, je ne suis qu’un pacer et j’en avais plein le derrière de ce sentier qui n’en finissait plus. Alors j’imagine ceux qui font la course…

Direction ravito-surprise de Chantal, véritable oasis dans ce désert un kilomètre plus loin. Je le sais, je le sens, Pierre a encore du jus. Il a trop d’expérience dans les 100 miles pour qu’il en soit autrement. Et le sachant rapide et habile dans les descentes, j’ai dans mon idée que…

Effectivement, nous distançons immédiatement nos compagnons. Avant d’arriver au ravito, je m’enquière de ses besoins et passe la commande: du café. Quelque chose à manger ?  Non, pas vraiment. Bon… Pendant qu’il prend sa dose de caféine, je m’empiffre. Littéralement.

C’est que voyez-vous, j’ai négligé un détail: quand on commence à courir à 2h du matin, le dernier repas est loin. J’aurais bien pu amener un wrap et des sandwiches du ravito principal et les engouffrer avant de me joindre à mon ami, mais ça ne m’est pas passé par la tête. Ce qui fait que mon ventre gargouillait déjà avant même de me mettre à courir. Au point où j’ai avalé une barre Fruit-3 pour tenter de calmer mon estomac. Ça a fait la job jusqu’à P7, mais tout juste. Ce que j’ai pris là m’a aidé à tenir, mais je dois renouveler mes stocks, comme on dit.

« Fred, je suis prêt à y aller… »

Wow, méchant pacer : 2-3 Pringles à moitié enfoncés dans la bouche, encore en train de piger dans les plats alors que son coureur l’attend pour partir. Bravo champion !

Dans la section de switchbacks en montée, Pierre jette des regards légèrement inquiets derrière. Bien que l’esprit compétitif soit beaucoup moins présent en ultra, on regarde toujours comment on évolue par rapport aux autres coureurs, question de s’évaluer soi-même, finalement.

Ils sont loin. « T’es sûr ? » Oui. On dirait bien qu’il ne se rend pas compte qu’il avance très bien depuis la précédente sortie du bois. Dans la descente, je laisse échapper quelques jurons : mon choix de souliers n’est pas des plus adéquats et je ne leur fais tout simplement pas confiance sur la roche glissante.

« Quoi, t’as tes Skechers ?  Tu ne voulais pas mettre tes Peregrine ? » Euh, comment dirais-je ?  Ben, la dernière fois que j’ai enfilé les Peregrine, disons qu’à mon retour au jeu, ça ne s’est pas vraiment bien passé, ça fait que j’ai un peu la chienne. Genre, comme…

Heureusement, mes jambes plus fraîches me permettent de compenser mes carences aux niveaux technique et matériel. C’est sans encombre que nous arrivons au chemin de Gaspé. « Si tu veux retourner à ton auto, c’est ici que ça se passe… »

Ouais, c’est une option que j’avais envisagée originalement. La raison ?  Un ischio récalcitrant qui avait eu la merveilleuse idée de commencer à jammer dimanche et de poursuivre sur sa lancée lors de ma dernière sortie mardi. Sauf que, ho timing, j’avais un rendez-vous avec Annie, ma masso (elle est foutrement bonne vous savez; sans elle, il n’y aurait pas eu de Massanutten, tout simplement) est parvenue à le faire relâcher. Et là, je ne sens à peu près plus rien, alors, mauvaise nouvelle : tu es pris avec moi, mon cher !

« Super ! »

(Au cas où ça vous serait venu à l’idée, je tiens à souligner qu’il n’y avait pas une once de sarcasme dans cette réponse)

***

« Je pense que cette montée-là est pire que la Lieutenant Dan ! »

La pluie a cessé, le jour va bientôt se lever. Nous piochons dans la montée qui suit de peu le chemin de Gaspé. Très abrupte, glissante, sans véritable point d’appui. Elle est vraiment chiante. Je tente d’encourager Pierre en lui disant qu’après, ça va être du gâteau, ou presque. Il ne va rester que le mont Gale. Ça achève.

Ce sont ces moments-là qui font les ultras. Quand la course s’éternise, quand les heures et les heures dans les sentiers commencent à peser, quand cette montée-là semble être la montée de trop… C’est cette capacité à aller puiser au plus profond soi pour avancer, encore et encore, qui fait la différence.

Comme les autres, cette montée ne résistera pas aux assauts de mon ami. Le reste de la section se déroule très bien et nous sommes accueillis par les cris et les applaudissements au lac Gale (km 145).

Pendant que Pierre s’éclipse aux toilettes, je m’affaire à remplir son réservoir et… à bouffer. Quand il revient, j’aime ce que je vois : un homme plus que prêt à s’attaquer à la dernière partie de son périple.  Nos compagnons de tantôt arrivent comme nous sommes sur le point de partir. « Vous êtes des machines, les boys ! ». Ben oui Stéphane, venant d’un gars qui s’est tapé le Tor, mettons que… Je me contente de répondre que c’est Pierre, la machine. Moi, bof…

Justement, la machine me lance : « On y va ? ».

You bet !

Principe universel au Bromont Ultra : se rendre au sommet du mont Gale, c’est toujours plus long qu’on pense. Pas grave, je le sais et le plus important, il le sait. Les sentiers sont beaux, les kilomètres passent plutôt rapidement.

Sauf qu’une racine (ou une roche) vient arrêter net sa progression. C’est la quatrième fois qu’il tombe et à chaque fois, j’ai de plus en plus peur que la fatigue lui ait enlevé le réflexe de se protéger.

Quelques jurons plus tard, je l’aide à se relever. Dommages mineurs: une éraflure à la main. Ça peut sembler bizarre, mais j’ai beaucoup appris de ces chutes. Non pas sur le « comment » de tomber, mais plutôt, sur l’acceptation de tomber. Moi, je suis tellement pissou que je suis trop prudent et au final, ça me ralentit. Aucune chute à Massanutten, ce n’est pas normal. Définitivement que c’est une leçon que je vais retenir.

Finalement, le sommet. Et la vue sur le lac… perdu dans la brume. Encore une fois. Je me demande si un jour, je verrai ce lac par un beau soleil…

« Tu vas voir, le nouvel ajout est vraiment bien ! »

Eh oui, il y a eu deux modifications significatives au parcours cette année et l’une d’elles consiste à faire un lien direct en tre les sections du lac Gale et du mont Oak, sans passer par le quartier général. Et pour ce faire, il faut passer ailleurs, sur un terrain privé en l’occurrence.

Et sur ce terrain privé, on trouve quoi ?  Un sommet (celui du mont Oak ?) où une plate-forme avec une table et des chaises ont été installées. Wow, ça doit être vraiment écoeurant… quand il fait beau. N’empêche, juste cette vue-là marque une amélioration considérable du parcours.

Après la descente, nous aboutissons sur un chemin de terre. Pas tellement plus loin, c’est l’entrée dans le réseau de sentiers du mont Oak, dernière étape de cette aventure.

À peine entrés dans les sentiers, nous tombons sur une dame qui est là, perplexe. « Vous faites quelle course ? » qu’elle demande. Le 160 solo. Ça a toujours un effet bœuf quand on répond ça… Et vous ?

« Le 12 dans un relais et là, ça fait deux fois que je passe ici. Je n’ai pas envie d’en faire 15 ou 18, ou… ». Pierre lui dit qu’elle n’a qu’à suivre les rubans et drapeaux roses et que le tour devrait être joué. Elle ne semble pas convaincue, alors elle se met à nous suivre.

En fait, elle essaie de nous suivre parce mon coureur, commençant à vraiment sentir que l’arrivée est proche, a définitivement enclenché la vitesse supérieure. Heureusement que le sentier n’est pas trop technique, sinon je me ferais larguer !  Lui qui parlait d’un temps au-dessus des 27 heures durant la nuit, s’aligne pour terminer sous 26h30.

Juste avant de sortir du bois, nous rejoignons un monsieur qui fait également le relais. En le dépassant, je lui demande si ça paraît que mon coureur a 158 kilomètres dans les jambes. « HEIN ?!? 158 kilomètres !!! ». Hi hi hi, un autre effet boeuf !

Arrive la clairière, nous marchons la montée. Je passe un bras autour de ses épaules, un large sourire fend mon visage. C’est fini. Tu l’as encore eu, mon ami. Maudit que je suis content !

« Merci Fred, merci pour tout ce que tu as fait… »

Euh… Tu veux dire m’empiffrer, lâcher des gaz sonores à toutes les 2 minutes et t’aider à te perdre ?  Ben, ça m’a fait plaisir !  Je peux recommencer n’importe quand, tu sais…

À l’approche de l’arche, je crois reconnaître une silhouette familière. Non, ça ne se peut pas…

Mais oui : c’est mon père !  Et qui est avec lui ?  Ma sœur !  Mon dream team qui est venu me voir jouer au pacer, elle est bonne celle-là !  On leur donne des high fives en passant.

Ca achève…    (photo: Jacques Giguère)

À environ 200 mètres de la ligne, on annonce l’arrivée de celui qui sera maintenant le seul à avoir complété toutes les éditions du Bromont Ultra. Je ralentis le pas, question de lui laisser la place devant.

Son épouse Line et sa fille Marion sont là, tout sourire. Une fois la ligne franchie, Gilles, Louis et plein d’autres se joignent à nous.

Et voilà, c’est fait !  Bravo mon ami !

Ça a été un honneur de t’accompagner.

« Rien qu’à toi que ça arrive ! »

« Vous avez été piqué sur une fesse… EN COURANT ?!? »

Vacances au Parc national de la Baie de Fundy. Endroit génial s’il en est un, mis à part le fait qu’il soit situé à 1000 km de la maison. La mer, la forêt, de multiples sentiers pour tous les goûts. Le bonheur.

Toujours en mode « réhabilitation » à cause de mon foutu tendon d’Achille, je me devais de trouver un sentier relativement plat et surtout pas trop technique pour mes petites sorties puisque j’étais encore dans l’obligation d’alterner course et marche en suivant des « intervalles » précis. Le but ?  Y aller très progressivement et pour ce faire, pas d’autre choix que de mesurer chaque minute passée à courir. C’est plate, mais c’est de même.

À ma première sortie, alors que je faisais le tour du camping sur un joli sentier en poussière de pierre, je suis tombé sur un couple qui promenait un chien et… un cochon !

Trop cool. Ça se comporte comme un chien ?

« Exactement comme un chien : elle est très affectueuse, répond quand on l’appelle par son nom, elle dort avec les enfants… Vous pouvez la caresser. »

Ok, ce n’était pas un cochon, c’était une truie. Peu importe, je l’ai appelée pendant qu’elle sniffait un peu partout autour. Elle s’est approchée en remuant la queue et a semblé apprécier les caresses. Comme un chien. Un peu bizarre, je dois dire. mais tellement cute !

Le monsieur portait un t-shirt de Boston. Il me semblait qu’il avait l’air d’un coureur, aussi… On a un peu jasé course, puis je suis reparti. Quelques minutes plus tard, je trouvais mon terrain de jeu pour le séjour: le sentier Cheval noir. Genre mont St-Bruno avec quelques montées et descentes, mais pas technique. C’était ce que je cherchais.

J’y suis donc retourné, à tous les deux jours. Le dimanche, peu de temps après avoir terminé, une douleur a fait son apparition sur ma fesse droite. Après quelques tergiversations (je ne sais pas pourquoi, mais on obsède avec les tiques cet été…), nous avons déterminé que ça devait être une piqûre de mouche à chevreuil et que ça allait probablement être disparu le lendemain.

Lundi, c’était pire. Mardi, juste l’effleurement de mes shorts de course sur la piqûre envoyait des décharges électriques partout dans mon corps. Je vous épargne les 1000 km de conduite automobile pour le retour à la maison…

C’était définitivement infecté. Pas le choix, fallait voir un médecin. Ben oui Chose, un médecin. Au Québec. Je n’étais tout de même pas pour aller sécher 16 heures à l’urgence… J’ai finalement réussi à obtenir un rendez-vous dans une clinique « sans rendez-vous »  (avis à mes amis européens: ça n’a aucun sens, je le sais, mais c’est comme ça ici) pour le lendemain.

C’est quand j’ai raconté à l’infirmière au triage (un triage quand on a un rendez-vous ?  Toujours pas de sens…) qu’elle a posé la question qui tue.

Dans son visage, j’ai lu toutes sortes de choses. Genre qu’elle s’imaginait le vieux bonhomme assis devant elle courir en costume d’Adam, sa baguette qui battant la mesure. Une-deux, une-deux, une-deux…

Je l’ai tout de suite rassurée : je portais des shorts, mais le sous-vêtement intégré a tendance à remonter, exposant mon postérieur aux attaques potentielles. Un taon ou une mouche à chevreuil ne s’est pas gêné.

Mon histoire a semblé la soulager un peu.

J’avoue avoir été un peu surpris par le médecin qui m’a « reçu » peu après. Jeune trentaine, il me tutoyait gros comme le bras et n’était pas des plus sympathiques. Plutôt différent des médecins que je vois habituellement qui sont hyper-gentils et qui me vouvoient alors qu’ils sont plus vieux que moi. En fait, j’ai même failli lui demander si on avait déjà élevé les cochons ensemble (tant qu’à être dans le thème), mais bon, c’est lui qui tenait la clé de la guérison de mon bobo, alors j’allais passer par-dessus.

« Un coureur, hein ? Hum… Étends-toi sur la table, on va regarder ça. ».

Je me sentais dans un épisode des Beaux malaises. Ça faisait quoi que je sois coureur ? Quand il s’est mis à gosser après la piqûre, on aurait dit que toutes mes terminaisons nerveuses liées à la douleur étaient concentrées sur ma fesse droite. Mal, vous dites ?

« C’était probablement un piqûre d’insecte. Il y avait un [ne me demandez pas de répéter], je l’ai enlevé, ça devrait être plus confortable. Mais c’est infecté, ça va te prendre des antibiotiques. »

Et voilà, une semaine d’antibiotiques, le tout accompagné d’une petite crème à appliquer et pansement à changer deux fois par jour. Vous avez déjà essayé de courir sous antibiotiques ?  Et de changer un pansement sur une fesse alors que vous êtes au bureau ?

La joie. Heureusement que ça se termine demain.

Le mot de la fin à ma douce : « Y’a bien rien qu’à toi que ça arrive ! ».

Pas mal trop de rose

Ça a débuté avant même que je commence à courir, durant de mon premier été à travailler au centre-ville, il y a plusieurs années. Incapable d’endurer une journée ensoleillée au bureau sans avoir bougé auparavant, je m’étais mis à voyager en vélo. Ça prenait à peine plus de temps, je n’avais pas à vivre l’enfer du transport en commun en plein été et surtout, j’avais l’impression de ne pas « perdre » une belle journée.

Comme l’entreprise qui m’employait à l’époque ne disposait pas de vestiaires/douches, je m’étais pris un abonnement à rabais dans un gym. Apprenant cela, un collègue m’avait fait la remarque que ça me reviendrait plus cher que le transport en commun. Comme si je faisais ça pour économiser… Il y a autre chose que l’argent dans la vie, non ?  C’est fou le nombre de niaiseries dans le même genre que j’ai entendues de la part de gens qui tentent de se justifier parce qu’ils se sentent coupables de ne pas bouger. Certains ne comprendront jamais que je ne fais même pas ça pour me mettre en forme, je le fais parce que j’aime ça. Et surtout, je déteste rester enfermé quand il fait beau.

En tout cas, peu importe, il avait tort de toute façon et pour lui en faire la preuve, je me suis mis à utiliser un marqueur rose pour indiquer sur le calendrier les dates où j’avais enfourché mon vélo pour venir au travail. Pourquoi avoir choisi le rose ?  Euh… Parce que c’était ce marqueur-là qui traînait ce matin-là ?

Au fil des années, ce petit rituel s’est poursuivi. Quand je me suis mis à la course, je marquais les jours où je courais en jaune. Ainsi, en un coup d’œil, je pouvais « apprécier » les semaines, les mois, les années. Disons que quand ça va bien, il ne reste pas beaucoup de dates en blanc une fois un mois terminé.

Depuis Massanutten, mon calendrier a pris une tendance rose. Très rose.

C’est que voyez-vous, comme c’est mon habitude, j’ai voyagé à vélo au bureau dans la semaine qui a suivi la course. Je laissais ainsi tomber mes traditionnelles sorties au mont Royal question de faire un peu de récupération active. Puis le samedi, toujours suivant mes habitudes, je suis parti faire une petite sortie. Juste un petit aller-retour au parc, environ 11 km mollo.

Au début, rien à signaler. C’était dur, mais bon, c’était normal vues les circonstances. J’avançais sans me presser, appréciant le moment. Puis, rendu au point le plus éloigné de mon parcours (c’est toujours comme ça), j’ai soudainement ressenti l’équivalent d’une vive douleur de tendinite au niveau du tendon d’Achille droit.

Quessé ça ?  Un tendinite « subite » ?  What the f… ?

C’est tant bien que mal que je suis revenu à la maison. Ok, j’avais peut-être repris un peu tôt. J’allais prendre quelques jours supplémentaires, mettre de la glace… et faire du vélo.

6 jours plus tard, la douleur étant disparue, je suis reparti. Je n’étais pas rendu au coin de la rue que le tendon se lamentait. Le déni entra alors dans la danse. Il va se réchauffer que je me disais, ça va finir par être correct.

Bien que c’était endurable après une dizaine de minutes, la douleur a fini par revenir sournoisement s’immiscer dans le processus, si bien que c’est finalement à la marche que je suis retourné à la maison.

Pas le choix, je devais retourner voir Annie-Claude, ma physio. Pas que je ne l’aime pas, au contraire, mais bon, je parvenais à survivre sans elle, mettons.

En gros, elle m’a dit mon corps n’était pas prêt à subir l’épreuve que je lui ai fait subir (oh surprise !). Après une année 2017 de misère, j’avais réussi à reprendre une forme tout à fait acceptable, mais ça prend plus que de la forme physique pour faire un ultra. Pour faire image, il faut que les fondations de la maison soient solides. Elles ne l’étaient pas assez et se sont fissurées. La maison était demeurée intacte en apparence durant la course, mais après…

Bref, dans ce cas précis, le mollet n’étant pas assez fort, c’est donc le tendon d’Achille qui en a subi les contrecoups. D’où la tendinite subite.

La cassette de l’an passé recommença alors à jouer: exercices à faire, zéro course pour une semaine avec possibilité de retour progressif par la suite. C’était le jour de la marmotte.

Pour le deuxième rendez-vous, étant serré dans le temps, j’ai dû me rendre en marchant très. Arrivé sur place, ma cheville était légèrement enflée. Ça ne regardait pas bien.

J’avais malheureusement raison. Je devais poursuivre avec les exercices, on allait se revoir dans deux semaines. Et toujours pas de course. « Pour le vélo, pas de problème ». Ce serait bien le bout de la m… Ça fait que le rose s’accumule sur le calendrier…

Pour la petite histoire, je n’ai jamais montré ledit calendrier au collègue en question.