Je m’étais pourtant promis…

J’y ai ressenti ma première grande fierté de ma jeune « carrière » de coureur en franchissant sa ligne d’arrivée pour la première fois, du temps qu’il se terminait dans le Stade olympique. Il m’a aussi fait souffrir comme jamais je n’ai souffert. Son horrible rue des Carrières, son interminable rue Rachel, sa « diabolique » (façon de parler) côte Pie IX où, la dernière fois, j’ai même crû que j’allais mourir.

Pour moi, le Marathon de Montréal faisait partie du passé. Bien que très « pratique » car il se déroule tout près de la maison, j’avais décidé de lui tourner définitivement le dos. Après 5 participations, j’avais donné. Je le trouvais prétentieux avec son nombre de coureurs gonflé artificiellement et sa nouvelle organisation, carrément incompétente et seulement intéressée à faire de l’argent. Les nombreux ratés de l’édition 2013 m’avaient convaincu: plus jamais ils ne me reverraient. Je n’allais pas certainement « gaspiller » une autre course en automne pour faire celle-là.

Mais bon, l’eau a coulé sous les ponts depuis. Il semblerait que l’organisation ait appris de ses (nombreuses) erreurs de l’année précédente pour offrir, malgré la chaleur, un événement de qualité en 2014. Et surtout, j’avais une promesse à tenir…

En effet, quand mon ami Sylvain a commencé à me parler qu’il songeait peut-être à envisager une éventuelle (vous voyez le genre) participation à un marathon, j’ai fait un Pat de moi et ai sauté sur l’occasion pour le convaincre qu’il était prêt. Et comme argument de vente, je lui ai dit que s’il le voulait, je serais avec lui pour cette première expérience… en autant que ça ne se fasse pas à l’autre bout du monde. Il faut croire qu’il est maso sur les bords parce que je ne sais pas si ça a pris une demi-heure avant que je reçoive un courriel me confirmant son inscription… à notre marathon local.

Oups, je ne pensais pas que ça se ferait si vite !  J’ai donc fait honneur à ma parole et me suis inscrit à mon tour. Bah, il y a juste les fous qui ne changent pas d’idée… surtout quand on le fait pour un ami.

D’ici là, je me suis donné comme mission d’aller reconnaitre la partie du parcours que je ne connais pas, soit la deuxième moitié qui est complètement différente de l’ancienne. J’espère seulement une chose: qu’elle soit moins déprimante !  Car, bien que plusieurs coureurs retenaient les côtes de l’ancien parcours comme difficulté principale, je suis persuadé que l’environnement dans lequel nous devions évoluer le rendait bien plus difficile à traverser que les petites buttes qui n’avaient rien à voir avec la Heartbreak Hill. Des viaducs décrépis, des immeubles abandonnés, d’interminables sections sans voir le moindre spectateur ou pire, en voir un ou deux seulement… Ça, il fallait être fait fort !

Je vous en redonne des nouvelles en septembre. 🙂

Direction Boston

En direction de Charles River

Ok, le plan est maintenant de relaxer jusqu’à Charles River, de façon à être prêt pour les fameuses Newton Hills qui suivront. Si tout va bien, une fois rendu en haut de Heartbreak Hill, il me restera à peine plus de 8 km, la majeure partie en descente. Piece of cake.

Comme tout bon bon plan, celui-ci se verra évidemment bousillé. Tout d’abord, il fait plus chaud que prévu, au point où je dois sortir mon t-shirt de mes shorts (chose que j’aurais dû faire au départ) et me mets à regretter de ne pas avoir enfilé une camisole. Dire que je gelais en arrivant à Hopkinton…

Peut-être est-ce à cause de la chaleur qui monte ou peut-être parce que je suis (encore) parti trop vite, mais toujours est-il que je suis frappé par un autre type de blues: celui du demi cette fois. Celui-là se manifeste quand le coureur, une fois la mi-parcours franchie, se met à penser qu’il lui en reste autant que ce qu’il a de fait. J’ai bien pris un gel avant Wellesley College, mais on dirait qu’il ne veut pas « embarquer ». Merde.

Je commence à essayer de me convaincre qu’il ne s’agit que d’un blues, que c’est passager. J’en ai vu d’autres, ça finit toujours par passer. Enfin, presque toujours. Alors que les collines de Wellesley défilent sous mes pieds, je m’efforce de ralentir un peu, question de prendre des forces.  J’essaie aussi de me changer les idées en pensant stratégie. Depuis mes petits arrêts « forcés » (hum hum) à Wellesley College, ma cadence moyenne est rendue à 4 :22/km. Si je compte que chacune des Newton Hills va coûter une seconde à cette moyenne, je serai à 4:26 en haut. Comme ça descend beaucoup dans les 8 derniers kilomètres, le rythme visé de 4:25 demeure fort jouable.

Arrive la descente vers Charles River. Longue et plutôt douce, elle précède la première des fameuses montées. Il s’agit du dernier moment de répit pour le coureur avant le grand test. J’essaie donc d’en profiter, jusqu’à ce que… mon mollet droit crampe. Là, en pleine descente, à la hauteur du 25e kilomètre (passé en 1:49:58). La crampe s’est pointée comme ça, sans avertissement.

“Merde, merde, merde !  Shit, shit, shit !  Fuck, fuck, fuck ! »  que je me dis,  sans oublier, évidemment, les jurons bibliques de circonstance. Des crampes qui commencent à 17 kilomètres  de l’arrivée, avec les Newton Hills encore à faire… Je fais quoi avec ça, moi ?

Ok, mode damage control, pas le choix. Je diminue la longueur de mes foulées, question d’enlever un peu de pression sur les muscles. Il me faut maintenant baisser la cadence juste assez pour que tout tienne et éviter que ça se mette à cramper de partout. Puis je reprends ma mantra de l’Ultimate XC et de l’ultra intérieur : « Bois, bois bois ! ». Dans les deux cas, j’avais réussi à m’en tirer sans trop de dommage.

Newton et ses Hills

C’est donc dans ce merveilleux état d’esprit que j’arrive au bas de la descente et traverse l’autoroute. Voyant la masse de coureurs qui passe sur le viaduc, des camionneurs klaxonnent au passage. Nous répondons en envoyant la main. J’aime bien cette interaction entre véhicules et coureurs lors des grands événements.

Ok, première montée. Vraiment pas difficile… quand on n’a pas 25 km courus trop rapidement dans les jambes. Mais là, ouille ! Je tâche de diminuer encore la longueur de mes enjambées, active mes bras rapidement question de me donner un certain momentum. Arrivé en haut, la première chose qui me passe par la tête est que je ne m’imagine pas m’en taper 3 autres…  Coup d’œil à la moyenne : 4:23/km. Ok, j’ai perdu une seconde dans la montée comme prévu, pas de dommage.

L’ambiance à Newton est extraordinaire. La ville est accueillante, les gens sont chaleureux. Malgré l’abondance de points d’eau, certains spectateurs en offrent tout de même aux coureurs. Je profite donc du service, soucieux de faire entrer le plus de liquide possible dans mon corps. Ma réserve de GU Brew commence à dangereusement diminuer, je devrai peut-être me résigner à prendre du Gatorade… au citron, bien évidemment. Est-ce qu’il faut encore que je fasse l’étalement de mes états d’âme en ce qui concerne le Gatorade au citron ? Ok, juste au cas où que certains ne le sachent pas: je HAIS le Gatorade au citron !!!

17e mille, nous allons bientôt tourner sur Commonwealth Avenue et passer devant la caserne de pompiers. Bill Rodgers dit que c’est ici que le marathon commence vraiment. Il en dit des affaires celui-là ! Hé bien moi, je me demande si le mien n’est pas en train de se terminer. Ceci dit, jusqu’à maintenant, la stratégie de limitation des dégâts semble fonctionner. Des avertissements de crampe ont surgi, mais sans plus. Vais-je pouvoir tenir ce rythme jusqu’à la fin ?

Deuxième montée. Ouch, elle est tough celle-là !  Espèce de parcours de mes deux, je me promets bien de te détester le restant de mes jours !  Mais par miracle, les jambes tiennent. Il faut dire que je suis loin d’être le seul à en arracher et j’avoue que voir des coureurs de mon niveau qui peinent ici m’encourage. J’atteins le sommet avec une moyenne de 4:24/km au compteur. Toujours pas de dommage, mais maudit que c’est dur !  Allez, plus que deux…

Les deux prochains kilomètres devraient me permettre de récupérer un peu, mais ils ne sont évidemment pas plats. En fait, je confonds même une colline pour la troisième « vraie » montée. Vous imaginez ma déception quand ladite montée se présente à moi tout juste après le 19e mille ? Bah, je ne m’étais pas fait tellement d’illusions de toute façon.

Celle-là me donne vraiment du fil à retordre. Les crampes se sont maintenant propagées dans l’ischio. Je suis alors pris dans un dilemme : arrêter pour m’étirer ou pas ?  Certains le font, d’autres continuent d’avancer en claudiquant  (sans compter les autres qui courent comme si rien n’était, les tab…). En marathon, j’ai deux adversaires : le parcours et le chronomètre. Et je dois tenter de trouver qu’est-ce qui sera le plus rapide : m’arrêter pour m’étirer et espérer pouvoir reprendre mon rythme normal par la suite ou poursuivre en mode damage control ?

Je décide de poursuivre en tentant de limiter les dégâts et de garder les étirements seulement si les crampes deviennent très fortes, ce qui n’est pas encore le cas. Pendant que je jongle à tout ça, un spectateur crie sans arrêt : « An American has won !  An American has won ! ». Hein, c’est un Américain qui a gagné ?  Hall ou Meb ?  C’est certainement Meb, Hall avait dit avant la course qu’un top 10 lui apporterait pleinement satisfaction. Mais Meb, il a quel âge, au juste ? (Il aura bientôt 39 ans)  Et les Kenyans ?  Et les Éthiopiens ? Puis, j’ai illumination : le gagnant a déjà terminé !?!  Bout de viarge, je n’ai pas encore fini les maudites Hills à la con et lui est déjà en train de boire de la bière ?  Calv… !

Je parviens en haut de la montée. Coup d’œil à la Garmin : 4:25, toujours dans les temps. Et franchement, je ne vais pas si mal. Est-ce l’effet psychologique d’avoir passé 75% de ces foutues Hills ?  En tout cas… J’aperçois ensuite un gars qui tient une enseigne sur laquelle on peut lire : « Next beer 7 miles away ». Ho yeah !  Ce qu’elle va être bonne celle-là !  (Je sais, je fais peut-être une obsession avec la bière, je crois que je vais en parler à mon psy ;-))

Je passe le 20e mille. Ok, plus que 10 kilomètres et c’est fini. C’est quoi 10 kilomètres, hein ?  C’est moins que mes sorties en tapering cette semaine. Une fois la Heartbreak Hill passée, je serai rendu.

La voilà justement. Elle est là devant moi. L’an dernier, j’avais littéralement été terrassé par les crampes tout près de son sommet et ça m’avait tout pris pour terminer. Là, bien que diminué, je me sens plus fort. Les spectateurs occupent les deux côtés de l’avenue, ils sont nombreux et bruyants. L’un deux nous lance : « After the trafic light, it’s all the way down ! ». Je regarde vers le haut et aperçois ledit feu de circulation. Il ne me semble pas si loin. Je sens que mes forces sont encore là, allez un petit effort… et un petit sourire pour la caméra !  🙂

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Un petit sourire dans Heartbreak Hill

Avant de basculer au sommet, un gars portant une camisole des Vainqueurs me dépasse. Moi qui me fais un honneur depuis des années de dire que je ne crois pas aux méthodes du coach Cloutier, que je n’ai jamais été repris en course par un de ses coureurs, ben voilà, je viens de me faire shifter. Je me demande s’il s’entraine « au bon rythme », lui…

Cap sur Boston

Je passe les 21 milles puis entame la descente. L’état de mes jambes m’empêche d’y aller à fond, mais je tiens tout de même un bon rythme. Ma moyenne est maintenant à 4:26 et j’ai bon espoir de pouvoir la conserver jusqu’au bout. Ce que j’aimerais un jour avoir des jambes fraîches pour dévaler cette descente-là à toute allure… On dirait bien que ça n’arrivera jamais !

Je tape les 35 kilomètres en 2:36:58.  Plus que 7 km (7.2, en fait). Un calcul rapide me dit qu’à moins d’un malheur, je ne ferai pas pire que 3h13. Je devrais donc battre mon 3:12:26 de l’an passé (quand je dis qu’on ne pense qu’au chrono quand on court sur la route). Peu après le 22e mille, j’aperçois une enseigne nous annonçant un changement de municipalité. « Ha, enfin rendu à Boston » que je me dis. Erreur. J’entre maintenant dans Brookline, une banlieue assez cossue.

Brookline est synonyme de souffrance pour moi car j’y ai vécu un véritable calvaire 12 mois plus tôt. Car ce n’est pas vrai qu’après Heartbreak Hill, ça descend tout le long. Au Marathon de Boston, il y a toujours une montée qui nous attend quelque part. Déjà, je trouve que le 23e mille prend du temps à arriver. Après m’avoir laissé respirer un peu, les crampes ont repris de plus belle. La foule, extrêmement dense, nous encourage sans relâche, mais je ne l’entends plus. Toute mon attention est tournée vers l’avenue devant moi, à la recherche du prochain mile marker. Plusieurs de mes comparses sont contraints à la marche. Je songe me joindre à eux, mais je repousse l’idée du revers de la main. Depuis un certain temps, je vois des kilomètres de plus en plus lents passer sur ma Garmin: 4:40, 4:42, 4:48… Va falloir que ça finisse par finir un jour, cette maudite course-là !  Aux points d’eau, les gens s’arrêtent pour boire. Je résiste à la tentation de faire la même chose et continue à avancer tout en buvant. J’essaie de réveiller ma carcasse avec un gel, mais ça ne fonctionnera pas vraiment.

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La souffrance dans Brookline. Malgré la faible résolution de l’image, on voit bien le sel sur mon visage…

 

24e mille. 2.2 milles à faire, à peine 3.5 kilomètres. Tu y es presque, dans moins de 20 minutes, tout sera terminé.  Le tapis chronométrique des 40 kilomètres semble prendre une éternité à arriver. Coup d’œil au chrono: 3:00:40. Bon, contrairement à New York, je n’ai pas les jambes pour pousser, alors pas de petite accélération pour finir. De toute façon, les 3h10 sont maintenant hors de portée.

J’entre (finalement) dans Boston avant le 25e mille, dernière petite montée pour passer une autoroute ou une rivière (je n’ai pas regardé), puis l’annonce : « One mile to go ! ».  C’est toujours difficile, mais ça tient. Puis, une année-lumière plus loin, affiché sur un viaduc : « Last kilometer ». Bientôt, je tourne sur Hereford et finalement, aboutis sur Boylston.

Au loin, l’arrivée. Tout autour, la foule, les édifices, Boston. Au lieu de me concentrer sur terminer, je décide de vivre Boston, la course à laquelle j’ai tant rêvé depuis que j’ai commencé à courir. Je regarde tout autour, salue les spectateurs. C’est avec le sourire que je traverse cette mythique arrivée pour la deuxième… et probablement dernière fois.

Temps officiel : 3:11:03

Le tapering, version Fred

Jeudi 10 avril. Je suis dans le Vieux-Port, en face du Centre des Sciences, l’endroit d’où je m’élance habituellement quand je cours le soir pour retourner à mon auto, garée à St-Lambert. La température est (enfin) douce, alors je suis habillé en court. Comme Boston n’est que dans 11 jours, je suis théoriquement en tapering. Je dois donc essayer d’y aller plutôt relaxe. Vu que j’espère (je dis bien: j’espère) tenir une cadence moyenne de 4:25/km en course, quelque chose autour de 4:20 serait correct pour les 14 km que j’ai au programme (je sais, tous les experts diront que je vais trop vite, mais c’est comme ça que je m’entraine, bon !). Me connaissant, je vais plutôt me « contenter » de 4:15…

En partant, c’est vent de face. Rapidement, j’ai le souffle assez court. Suis-je parti trop vite ?  Suis-je en train d’en faire trop ?  Bof, le vent dans la face, c’est toujours difficile de toute façon, alors je dois être correct. Le premier kilomètre sonne: 4:11. Shit, pas mal trop vite. Relaxe bonhomme, relaxe !  Je fais ensuite la petite rue devant l’horrible usine Five Roses, puis passe sous l’autoroute Bonaventure en slalomant. Deuxième kilomètre en 4:16. Ok, c’est mieux.

Piste cyclable menant au parc Jean-Drapeau. J’ai maintenant le vent dans le dos. Ma Garmin est toujours fuckée dans ce coin-là, alors pas moyen d’avoir une véritable idée de ma cadence. Troisième bip: 4:12. Comment ça, 4:12 ?  Avec le vent dans le dos, de la façon que j’appuie, je devrais être un peu plus rapide, non ?  Je passe devant Habitat 67 (je devrais m’arrêter de temps en temps pour l’admirer, celui-là), puis monte sur le pont de la Concorde. Quatrième kilomètre en 4:14. Tab… !  Déjà, je ne pense plus à relaxer. J’essaie de me raisonner: « Il y avait une petite montée, c’est normal que ce soit un petit peu plus lent… ». Rien à faire, je me dis qu’avec les efforts que je produis, le vent dans le dos, je devrais être plus rapide.

Mon cinquième kilomètre se fait en 4:09. Ok, c’est mieux. Je descends sur le circuit et me dirige vert l’est. Arrivé sur l’île Ste-Hélène, j’entame le tour de l’Isle. Habituellement, je le fais 3 fois, mais comme je suis en tapering, je n’en ferai que 2, un dans chaque sens.

Montée abrupte vers le pont Jacques-Cartier. Les efforts des derniers mois semblent payer car je la sens plus facile que d’habitude. J’arrive en haut un peu essoufflé, mais je suis bien. Ok, je suis en tapering (je suis en tapering, je suis en tapering…) , je vais prendre ça relaxe pour la descente. Mais c’est ma dernière occasion ou à peu près de travailler ma technique… Je me penche donc vers l’avant et entame la descente presque à fond, tâchant de faire mouliner les jambes rapidement et que le contact des pieds avec le sol se fasse sous mon bassin. Pas évident…

Je termine la descente, me rends jusqu’au Hélène-de-Champlain (qui est en rénovation depuis une éternité), puis fais demi-tour. Relaxe bonhomme, relaxe…

J’attaque la côte que je viens à peine de descendre, question de retourner vers le pont. Elle n’est pas tellement abrupte, mais elle est relativement longue (selon les standards de la course sur route, on s’entend) et me fait énormément penser à la fameuse Heartbreak Hill. Plus haut, devant moi, un gars se dirige vers le pont à vélo. Il tourne un braquet minuscule et n’avance pas, alors qu’est-ce qui me passe par la tête ?  L’idée d’arriver sur le tablier avant lui, bien évidemment !

J’ai maintenant un objectif, on fera du tapering plus tard. J’accélère, gardant le vélo en point de mire. Je gagne du terrain, je vais plus rapidement que lui, c’est évident. Ha ha, je vais l’avoir, lalalère !  Je le rejoins et le dépasse à une cinquantaine de mètres du tablier. Même pas difficile. Tiens toi !

Coup d’oeil à la moyenne: 4:14. Compte tenu des côtes, c’est trop rapide. Mais le pont est là, il m’attend…  C’est que je cours toujours très bien sur le pont Jacques-Cartier, je ne sais pas pourquoi. Contre toute logique, j’enclenche donc la vitesse supérieure. Bout plat, petite montée et longue descente vers la rive sud. Une fois rendu à St-Lambert, toute idée de retenir mes élans s’est envolée. Comme on dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions. J’enchaine les kilomètres autour de 4 minutes, faisant fi de la raison. Rendu près du but, après 14 kilomètres, je m’arrête finalement. Moyenne globale: 4:10/km.

Durant mon retour au calme, la raison me rattrape enfin. Pourquoi tu es allé si vite, du con ?

Note: j’y suis allé plus relaxe cette semaine… mais jamais assez. Je suis vraiment incorrigible.

 

Une année en dents de scie

Les rétrospectives, c’est une tradition à ce temps-ci de l’année. Je l’ai fait l’an passé, alors pourquoi ne pas remettre ça cette année ?  Pour moi, l’année 2013 a été synonyme de hauts de de bas, mais à la fin, une chose demeure: la course à pied est une véritable passion que je désire continuer à partager avec vous, fidèles lecteurs.

Voici donc l’année résumée en quelques thèmes.

La consécration. Hopkinton, le 15 avril, 9h55. J’étais dans mon couloir, attendant le départ du Marathon de Boston. Le plus ancien et le plus prestigieux marathon de la planète. Après des années de travail acharné, j’y étais enfin. À ce moment, j’ai éprouvé un très grand sentiment de fierté, probablement ce qu’un athlète de haut niveau peut vivre quand il se retrouve à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. C’était à la fois simple et magique, je vais m’en rappeler le restant de mes jours.

Mauvaise évaluation. J’ai carrément sous-estimé la difficulté du parcours. Je me disais que je suis un ultrarunner, que les côtes de moumounes comme sur le parcours nous amenant à Boston, ça ne pouvait jamais être si difficile que ça… J’en ai payé le prix. Dans les dernières encablures de la Heartbreak Hill, j’ai crampé. Les 8 derniers kilomètres ont été infernaux.

L’horreur. J’étais arrivé depuis un bon bout de temps. Nous avions quitté les lieux et étions probablement en train de débarquer du métro quand les bombes placées près de l’arrivée ont explosé. Mais l’horreur des événements nous a tous touchés. À l’hôtel, les gens étaient en état de choc, personne ne parlait plus de rien d’autre. La question sur toutes les lèvres: pourquoi ?

La résilience. Celle des coureurs qui retourneront car ils refusent de se laisser intimider. Je fais partie de ceux-là. Celle de la merveilleuse ville de Boston qui a décidé elle aussi de se tenir debout devant l’adversité et de faire un pied-de-nez à ceux qui voudraient lui faire peur. Je ne suis pas un amateur de hockey, mais ce qui s’est passé deux jours plus tard avant le match des Bruins m’a donné les frissons.

La vague. Celle d’amour qui a déferlé de partout. Nos amis, notre parenté, nos collègues. Des personnes avec qui nous n’avions pas eu de contact depuis des années se sont inquiétées pour nous et nous ont demandé, nous ont ordonné même de leur confirmer que nous allions bien. Rien ne m’a jamais fait autant chaud au cœur. Merci à tous, encore une fois !

La bouette. St-Donat, le 29 juin. Le printemps avait été pluvieux, il venait de tomber une trentaine de millimètres de pluie. Devant nous, 58 kilomètres de sentiers. Un parcours déjà considéré comme difficile à la base avait été transformé en véritable soue à cochons. De l’eau jusqu’aux épaules dans la rivière, une traversée interminable du « Vietnam », des descentes impossibles à négocier. À maintes reprises, je me suis promis que « plus jamais ». Et pourtant, j’ai eu du plaisir et serai fort probablement de retour. Faut croire que je suis maso. Ce vidéo de Michel Caron qui a terminé une vingtaine de minutes avant moi est une véritable pièce d’anthologie.

LA blessure. Elle s’est manifestée au lendemain de la tragédie à Lac-Mégantic (question de me donner un peu de perspective). Une semaine plus tard, j’étais sur la liste des blessés. Ça a duré des semaines. Des semaines d’enfer au cours desquelles j’ai dû annuler ma participation à deux courses que je voulais vraiment faire cette année: le 65k du XC Harricana et le Vermont 50.

L’ostéo. Son prénom: Marie-Ève. Sa discipline: l’ostéopathie. Je ne connaissais pas ça, mais on m’avait fait plusieurs suggestions en ce sens, alors je me suis dit que j’essaierais. Elle a sauvé ma fin de saison, un point c’est tout. Sans elle, je ne serais pas allé à New York. Chaque sou que j’ai investi dans ses traitements a été un sou bien investi. Elle me chargerait le double du prix que j’y retournerais sans hésiter.

Lake Placid. Coup de cœur ou coup de foudre ?  Le beau temps a certainement aidé, mais nous sommes tombés sous le charme de cette petite ville du nord de l’état de New York. Là-bas, le sport et le plein-air sont rois. Des montagnes, des sentiers de randonnée, des routes dans un état impeccable… Nous nous promettons évidemment d’y retourner prochainement. Très prochainement.

Le plus bel entrainement. XC Harricana, le 7 septembre. Mon genou m’ayant empêché de m’entrainer convenablement, j’ai troqué le 65k pour le 28k avec dans l’idée de le faire comme un entrainement. Un vrai entrainement là, pas le moment de me tuer à l’ouvrage. Ça a été ma sortie la plus plaisante depuis le Vermont 50 2012. J’ai eu un plaisir inégalé dans la montée du mont Grand-Fonds, les sentiers de quads, la montée de la montagne Noire et tout le reste. Une course à l’organisation impeccable, des sentiers très bien marqués, une super belle expérience avec à la clé, une 15e place complètement inattendue. À répéter un jour, c’est certain.

La bonne décision. À la fin septembre, lors d’un entrainement, ma tendinite au genou est revenue. Je me suis tout de suite arrêté et dans la journée, ai contacté mon ostéo qui a réussi à me traiter dès le lendemain. Quatre jours plus tard, je reprenais l’entrainement. Nous coureurs avons l’habitude d’ignorer les signes que nous envoie notre corps jusqu’à ce que ça devienne insupportable. Ce jour-là, j’ai pris une bonne décision et ça a payé. Je devrais faire ça plus souvent…

Le plaisir entre amis. Mont Orford, le 19 octobre. Des conditions parfaites, une course que je faisais avec des amis dans un endroit superbe. Et beaucoup, beaucoup de plaisir. J’adore accompagner des amis dans une course, même si parfois je me sens un peu inutile. Pour 2014, j’ai déjà deux « accompagnements » de prévus. Et j’ai hâte.

La Grosse Pomme. New York. Ça faisait des années que j’y rêvais. Pas pour les mêmes raisons que Boston où il faut se qualifier. Ha, on peut aussi se qualifier pour New York, mais les standards sont vraiment trop stricts pour moi. J’ai donc dû passer par la loterie et attendre 3 ans avant de pouvoir faire partie du contingent de coureurs qui s’élanceraient du Verrezano-Narrows Bridge en direction de Central Park.

Des spectateurs par centaines de milliers tout au long du parcours, une organisation extraordinaire à la hauteur de cette ville qui n’a pas d’égale à travers le monde. Une expérience unique que je recommande fortement à tout le monde qui en a la chance.

À la fin, un deuxième meilleur temps à vie sur un parcours difficile et la tête remplie de souvenirs.

Pour 2014. Beaucoup de belles courses en vue. Un premier 100 km, peut-être un premier 100 milles. Va définitivement falloir que les genoux et le sciatique se tiennent à carreau !  🙂

Sur ce, un très joyeux Noël à tous ! 🙂

Marathon de Boston: de Wellesley College à l’arrivée

Note: j’ai écrit le récit qui suit, tout comme celui de la première moitié, en tentant de me remettre dans le même état d’esprit que celui dans lequel je me retrouvais durant la course et juste après. Les événements qui ont suivi ont toutefois altéré ma perspective par rapport à ma performance, qui est bien secondaire maintenant…  Je reprends donc la course où je l’avais laissée, soit à Wellesley College.

“Awesome !  Awsome !”

C’est le gars qui court à côté de moi. Nous venons de terminer la traversée du scream tunnel et nous sommes revigorés. Et en plus, ça descend (vu que ça ne monte pas), alors nous y allons gaiement. Et moi de lancer: “Already done ?”. Ben quoi…

Ok, revenons aux choses sérieuses. Je passe le demi en 1:33:13, un peu mieux qu’à Philadelphie. Mais je sais pertinemment que je ne pourrai pas faire mieux dans la deuxième moitié du parcours, à cause des côtes. Mais un 1h35 pour un temps dans les 3h08 est envisageable. Surtout que j’ai un plan pour les 3 prochains milles. Il est simple: ralentir. Le but: me garder du jus pour les fameuses Newton Hills et puis ensuite, profiter de mon expérience en ultra pour regagner du temps dans les descentes.

Sauf qu’il y a un premier hic à tout ça: je me rends compte que je n’ai rien mangé depuis le départ, à part deux gels. Shit, je dois prévoir le mur, c’est impératif. Je commence donc à fouiller dans mes poches pour prendre un morceau de Power Bar. Après m’être battu avec le foutu ziploc cheap, je réussis à en prendre un et à l’avaler. Puis j’en prends un autre. Aussitôt l’opération complétée, je sens mon estomac plein: en fin de compte, je n’avais pas besoin de manger.

J’essaie de prendre un verre d’eau pour faire passer le tout: je me sens encore plus plein. Merde !  Ok, ça va descendre, ça va descendre… Pas tellement plus loin, je sens un reflux gastrique. Et là, mon esprit se met à imaginer toute la nourriture que j’ai engloutie depuis ce matin qui trempe dans l’acide de mon estomac, avec les bubulles, les émanations et tout le tralala. Merveilleux comme pensée durant un marathon, il n’y a pas à dire.

Au point d’eau suivant, je ne prends même pas d’eau. Au 15e mille, je regarde ma cadence: je n’ai pas ralenti, trop préoccupé par mon système digestif. On aurait pu croire que ça aurait pu, que ça aurait dû me ralentir, mais non, j’ai conservé la même vitesse. Donc, pas suivi le plan. Et je me sens un peu juste, surtout avec les côtes à venir.

Descente vers Charles River et j’atteins la pancarte du 16e mille. Ok, plus que 10, soit 16 km. J’essaie de me convaincre qu’il ne me reste plus qu’une sortie de semaine à faire, sans les intervalles. Mais mes jambes ne sont jamais fatiguées à ce point quand je pars courir la semaine. En plus, mes pieds ont commencé à enfler et je me sens trop serré dans mes souliers. Pas le temps de m’arrêter, je dois endurer car j’ai un ennemi à abattre: le chronomètre. Le maudit chronomètre. Au moins, mon estomac semble s’être replacé.

Arrivée à Newton: le party commence. Et ça monte, ça monte. Définitivement la côte la plus difficile du parcours jusqu’à présent. Pourtant, je suis perplexe. Dans un petit vidéo sur YouTube, Bill Rodgers, 4 fois vainqueur de l’épreuve (je plains le patient qui va vouloir me faire courir ce marathon-là 4 fois !  Quoique la dernière étudiante de Wellesley…  ;-)), nous faisait faire une petite reconnaissance de ces fameuses côtes. Or, selon ma mémoire, il nous disait que tout commençait à la caserne des pompiers de la ville (en fait, il le dit clairement: c’est la deuxième côte qui se présente après ladite caserne; moi et ma mémoire…). C’est que je n’ai jamais vu de caserne, moi… Et ça monte toujours !  Ne me dites pas que cette côte-là ne fait pas partie du lot ?  Ça en ferait 5 ?  Bande de sadiques !

Suite à mes (pas tellement efficaces) devoirs d’avant-course, j’avais prévu perdre une seconde sur ma moyenne globable à chaque côte. J’arrive en haut de ce que j’espère être la première Newton Hill (elle était vraiment longue !) avec une moyenne globale de 4:25/km. Comme prévu, j’ai perdu 1 seconde. Pas de dommage par ailleurs. So far, so good.

Je continue de chercher la fameuse caserne du regard, profitant du plat relatif avant la suite des choses. Finalement, à la hauteur du 17e mille, la fameuse caserne. Mais au moins, je suis certain qu’il ne reste plus que 3 montées, car je suis rendu trop loin. Je pousse un ouf relatif. Nous tournons sur Commonwealth Avenue et la voilà, devant nous, la deuxième. Shit, elle semble assez abrupte merci… Celle-là me rentre un peu plus dans les jambes. Vive les ultras où on se donne le droit de monter en marchant. Au moins, elle est plus courte et comme prévu, j’arrive en haut à 4:26 de moyenne globale.

Le parcours nous donne un certain répit en nous offrant une descente en douceur avant la suite des choses. J’entends d’autres coureurs se plaindre que les descentes sont difficiles pour les jambes. Vous ne savez pas c’est quoi, des descentes, vous autres !  Malheureusement, je ne peux toutefois pas me laisser aller comme je l’aimerais, mes jambes me réclamant une certaine récupération.

30e kilomètre en 2:13:41. Plus que 12. Allez, t’es rendu !  Je calcule qu’à 5 minutes du kilomètre, je me requalifie. C’est déjà ça de pris. Sauf que le simple fait que je me rassure avec ce calcul m’inquiète. Mon subconscient saurait-il des choses que j’ignore ?

19 mille: troisième Newton Hill. À peu près identique à la précédente. Celle-là fait mal. Ce que j’aimerais que ce soit la dernière !  Il fait beau, il vente légèrement, la température est fraiche, nous sommes tous des coureurs expérimentés. Et pourtant, le parcours fait des victimes. Certains marchent. Je tiens le coup, mais ce n’est pas facile. Moyenne en haut: 4:27.

20e mille, le fameux 20e mille. C’est ici que le mur peut commencer à se dresser. Je ne crois pas que ça va m’arriver, j’ai fait mes devoirs de ce côté. 6 sorties de 32 km et plus, quelques gels durant la course, un estomac bien rempli, mes réserves devraient être suffisantes. Mais le reste ?

Une autre montée se pointe. Est-ce Heartbreak Hill ?  Ça doit être Heartbreak Hill. Il FAUT que ce soit Heartbreak Hill !   Les autres autour de moi se posent la même question. Ils ne pourraient pas l’indiquer clairement, question de nous encourager ?  J’ai l’impression de ne plus avancer. Tant qu’à faire, je pourrais bien marcher, comme en ultra ?  C’est aussi efficace et moins fatigant. Je regarde mon GPS pour voir… Ma cadence est encore largement sous les 6 minutes/km, malgré la montée. Merde, si je marche, ça va vraiment me ralentir, je dois continuer à courir. Plusieurs marchent, s’arrêtent sur les côtés. Ce n’est plus que la volonté qui me permet de continuer de courir. Si on peut appeler ça courir…

Comme la pente comence enfin à s’adoucir, je jette un oeil à ma moyenne: 4:28. Cool !  J’ai tenu le coup. Mais la joie est de très courte durée. J’ai à peine baissé mon bras que ma jambe droite en entier, du mollet jusqu’à l’ischio, est terrassée par une crampe, me faisant perdre l’équilibre. J’en ai pour 3 ou 4 foulées à tituber avant de me redresser. “Shit, merde, fuck, TABARNAK !!!” (désolé pour la vulgarité, mais c’est comme ça que c’est sorti). Au même moment, j’entends un son très caractéristique: un gars est accoté sur une clôture, en train de se vomir les tripes. Je l’envie presque. Si j’étais pris comme lui, j’aurais une excuse pour arrêter…

J’essaie de reprendre mes esprits. 21e mille, plus que 5. Ok, c’était certainement HeartBreak Hill. Maintenant, ça descend jusqu’à l’arrivée. Un petit 8 km, t’es capable ! Sauf que je suis maintenant en mode damage control. Je n’ai pas le choix, je dois avancer à petites enjambées et ralentir le rythme, sinon les crampes vont revenir, plus fortes et plus rapprochées. Et cette descente qui se présente, elle est si belle !  Je devrais la faire à 4:00/km, j’en suis réduit à 4:30-4:40. En descente !

À partir de maintenant, je ne pense qu’à une seule chose: finir. Je ne vois plus le parcours, plus les spectateurs. Je sais qu’il y en a maintenant des milliers, mais je ne les vois pas, ou à peine. Chaque mille dure une éternité (vive les kilomètres !). Je dépasse certains coureurs plus maganés que moi, mais je me fais dépasser beaucoup. J’ai horreur de cette sensation: ne pas m’être ménagé assez et me faire dépasser par des gens qui ont mieux géré la course que moi. J’aime terminer en force et là, je suis en damage control. Maudit que j’haïs ça !

23e mille. Cout’ donc, elle est où, votre ville ?  On est encore en banlieue. Ce n’est pas supposé être le marathon de Boston ? À un certain moment, je sens que ma jambe a récupéré, alors j’y vais un peu plus fort. Aussitôt, la crampe revient. Merde !  J’ai l’impression de ne plus avancer, ce que confirme mon GPS: 4:46-4:48/km, ma moyenne est maintenant rendue à 4:29. Je risque de ne pas être en mesure de battre mon temps d’Ottawa…

24e mille. Plus que deux et des poussières. 3.5 km et tout sera fini. Moyenne à 4:30/km. Re-merde. Ça vas-tu finir par finir ?  Plus jamais Boston, plus jamais !  Comme pour nous rappeler que nous sommes toujours en train de faire le Marathon de Boston, il y a une petite côte pour nous avant d’atteindre le 25 mille.  Elle est probablement insignifiante, mais dans l’état où je me trouve…

RuesBoston1

La souffrance des derniers milles…

Enfin la pancarte “One mile to go !!!”. Moyenne à 4:31/km. Pendant une éternité, je pense à ce blogue et me demande si je suis bel et bien dans le dernier kilomètre. En tout cas, je vis la course en microcosme: c’est dur, je souffre, j’ai hâte que ça finisse et me promets encore une fois de ne plus jamais revenir !

Puis, c’est Boylston Street. Et à l’autre bout du monde, l’arrivée. On la voit de loin, de très loin. Je bloque mon regard dessus et avance, une mini-foulée à la fois. Je n’entends ni ne vois la foule. La ligne semble s’éloigner. Maudit que c’est dur !

Finalement, j’atteins l’arrivée. J’aperçois 3:16 sur le chrono officiel. J’arrête mon GPS: 3:12:26. Je suis vidé, complètement brûlé. Sur mes 10 marathons, je le classerais 3e au niveau de la souffrance. Côté performance, je le classerais 2e, mieux qu’à Ottawa où j’avais été une quarantaine de secondes plus rapide, mais sur un parcours tellement plus facile que je n’ose même pas comparer.

La nuée de bénévoles se met alors à l’oeuvre autour de moi. Aussitôt la ligne d’arrivée franchie, on me couvre d’une couverture de survie. Il y a même des bénévoles attitrés à coller un morceau de ruban gommé pour l’aider à tenir en place. Je reçois ma médaille. Ho, très class, je dois dire !  Jamais je n’ai autant senti avoir mérité ma médaille à l’arrivée d’un marathon !

ApresArrivee

Heureux d’avoir terminé, après une performance tout de même pas si mal

Commence alors le long processus qui m’amènera à la sortie. On nous donne de l’eau, du Gatorade, des Power Bar, un petit lunch. Pendant que j’attends en ligne, je me permets enfin de regarder autour de moi. Je regarde la ville, si belle. Et je me dis: “Wow, tu viens de terminer Boston !”. La souffrance se  transforme subtilement en émotion. Je me sens envoûté par ce qui se passe autour de moi. Ça me prend tout mon petit change pour retenir mes larmes. Si Barbara était là, juste à côté, je m’effondrerais dans ses bras, c’est certain.

Ok, un peu de retenue, je me laisserai aller tantôt… Je poursuis ma lente progression vers la sortie. Les indications sont claires, les bénévoles tout autant. Sur une affiche, je vois les temps des premiers. Ça s’est gagné en 2:10:22 ?  Il me semble que c’est lent, non  (ok, j’adorerais être « lent » comme ça) ?  Ça m’encourage un peu, par rapport à ma relative contre-performance.

J’arrive à l’autobus qui est supposé avoir ramené le sac jaune contenant mes affaires que j’avais laissé en consigne avant le départ. Je me place en file devant la fenêtre où il devrait normalement se trouver et j’attends. La bénévole à l’intérieur est tout simplement incapable de trouver un sac, alors c’est long, c’est long… Les gens s’impatientent, commencent à crier leur numéro. Quand elle finit pas sortir un sac, trois numéros sont criés en même temps. Un gars à côté de moi a la bonne idée de tout simplement brandir son dossard dans les airs. Je fais de même et après une ou deux années, je revois enfin mon gros machin jaune identifié 6883.

Les longues minutes resté planté sur place, alors qu’i ne fait pas tellement chaud, ont contribué à faire figer mes muscles. J’ai les mains pleines, il y a du monde partout, mais je dois enfiler quelque chose de plus chaud: je suis vraiment en train de figer. Finalement, je me dirige vers le devant de l’autobus et dépose mes choses dans l’escalier (le sol est vraiment trop bas) , question de pouvoir me changer sans avoir à me pencher. Je réussis à enfiler un chandail avant de me faire gentiment “expulser” de l’entrée de l’autobus.

Direction aire des familles maintenant. Je cherche du regard la lettre “G” et vois tout de suite Barbara qui m’envoie la main. J’envoie la main à mon tour. Et belle surprise: ma mère est là !  Hier, elle avait manqué le souper à cause d’une migraine et nous craignions tous qu’elle ne puisse pas être présente aujourd’hui. Mais elle est là !

Je titube jusqu’à eux et me jette dans les bras de Barbara, tout heureux d’enfin la voir. Mais beaucoup de temps s’est écoulé depuis mon arrivée et la vague d’émotion s’est dissipée. Je sers ensuite ma mère et mon père dans mes bras. Je sens leur fierté. Merci à tous d’être là pour partager ce moment avec moi. Je vous aime…

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Avec ma tendre moitié, celle qui réussit si bien à s’adapter à mes horaires parfois bizarres… Merci mon amour !

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Le fou et son équipe de soutien

Stratégie ? Quelle stratégie ?

Voilà, la prochaine fois que je vais courir, ce sera durant le Marathon de Boston. J’avoue avoir peine à y croire… Les Olympiques des coureurs du dimanche et j’y serai. Wow.

Cette semaine, tel que prévu, j’ai fait mes deux sorties de 10 km, mardi et jeudi. À peu près tous les programmes d’entrainement suggèrent de prendre ça relaxe la semaine avant un marathon. Sauf que je ne sais pas ce qui se passe dans ma tête, mais quand je pars pour 10 km, on dirait que je me dis « Bof, ce ne sera pas long de toute façon, alors… » Ça fait que j’avais beau essayer de me retenir, j’ai terminé avec des temps de 41:05 et 41:08. Je sais, beaucoup trop vite, vraiment pas fort de ma part… En plus du risque de blessure, je taxais mes jambes. Mais il y a un détail à ne pas négliger: le côté psychologique de la chose. Je n’étais pas totalement à fond et n’étais définitivement pas à bout de souffle en terminant, alors je me dis que la vitesse est bonne et qu’avec trois jours de repos, mes jambes devraient logiquement être capables d’endurer le quadruple de cette distance si je vais plus lentement…

Enfin, on verra bien. Pour le moment, la neige tant annoncée a (finalement) commencé à tomber. La dernière tempête de l’hiver qui obsède les gens alors que dans le fond, est-ce que ça dérange vraiment ?  Dans quelques jours, ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Il m’arrive souvent de ne pas comprendre l’obsession que nous avons (et je m’inclus dans le lot) pour la météo. Qu’est-ce qu’on y peut de toute façon ?  Nous avions prévu partir tôt demain matin, question de pouvoir s’installer à l’hôtel et aller à l’expo-marathon avant sa fermeture, à 18h.  Mais s’il fait tempête, on retardera le départ de quelques heures et on ira à l’expo-marathon dimanche, c’est tout. Est-ce bien grave ?  Qu’est-ce qui nous fait plus de tort: s’en faire pour une chose sur laquelle on n’a aucun contrôle ou avoir à tout simplement s’adapter ?

Mais bon, tant qu`à être sur le sujet, la météo est optimiste pour le jour de la course: alternance de soleil et de nuages avec un maximum de 57 degrés Farenheit (14 Celcius). Le vent: 10-15 km/h du sud. Donc, pas vraiment de soucis à me faire de ce côté. Un vent d’est aurait été plus problématique…

La stratégie maintenant.  Heu, quelle stratégie au juste ?  Ben non, j’ai tout de même fait une petite base de devoirs… Mais pas tellement. J’ai regardé le profil du parcours (il est pas mal plus clair dans le petit guide qu’ils nous ont envoyé que sur cette page web), consulté les conseils d’experts, lu quelques récits de course, etc. Sauf qu’on dirait que je n’accroche pas. J’ai l’impression qu’ils en mettent plus que le client en demande.

Le parcours est descendant sur les 4 premiers milles, puis relativement plat sur les 12 suivants. Le gros du travail se retrouve entre les 16e et 21e milles où on retrouve les infâmes Newton Hills, la pire étant la désormais célèbre Heartbreak Hill, la quatrième et dernière du lot. Puis, les 5 derniers milles sont en descendant ou à peu près.

C’est un profil qui s’apparente un peu à ce que j’ai vu à Mississauga: début descendant, relativement plat par la suite, puis des montées-descentes dans la partie cruciale du parcours. La côte au 34e kilomètre me restera toujours en mémoire… En plus, les 17 derniers kilomètres avaient été parcourus avec un vent de 30 km/h dans le visage, sous la pluie. Je m’imagine difficilement de pires conditions pour un marathon.

Dans les récits, plusieurs ont dit que les montées des Newton Hills étaient surévaluées, mais que c’étaient plutôt les descentes à répétition qui avaient tué leurs quadriceps. Hein ?!?  Si c’est vrai, je suis en voiture. Heartbreak Hill aurait une pente de 4.5 – 5% et c’est la plus difficile. J’imagine que les descentes ne sont pas tellement plus abruptes (mais je ne peux en être absolument certain), alors je ne vois vraiment pas comment mes quads pourraient avoir de la difficulté à composer avec ça. Je pense qu’ils ont déjà vu pire… et sur une distance pas mal plus longue !  🙂

Ceci dit, il ne faut pas non plus partir en fou. Je me souviendrai toujours du monsieur qui m’avait raconté, avant le départ du Marathon de Montréal en 2010, que lui était parti vite parce que ça descendait, puis en avait payé le prix par la suite.  Il m’avait donc conseillé de faire attention. Je me suis toujours demandé pourquoi il m’avait dit ça vu qu’à ce moment-là, je n’étais pas qualifié… J’ai la tête d’un gars qui est supposé être qualifié pour Boston ou quoi ?

Je compte donc faire les premiers kilomètres bien sagement, en restant « en dedans » comme on dit. D’ailleurs, j’ai déjà remarqué qu’en course, ça va souvent très bien quand je me retiens, probablement parce que je suis plus détendu à ce moment-là. Je m’ajusterai ensuite. L’hydratation et l’alimentation joueront un rôle crucial, question de ne pas choker dans la partie de la course la plus difficile. Je n’ai toutefois pas de plan précis d’établi, je vais y aller à l’instinct. Ça m’a plutôt bien servi la dernière fois. 🙂