Pour le Bromont Ultra, l’avant-course ne commence pas seulement quelques heures avant la course mais bien plusieurs jours avant (ça y est, je vois déjà ma douce rouler les yeux en se disant : « Ça va être long… »).
C’est que voyez-vous, je sortais vraiment de ma zone de confort avec cette course-là. Mon amie Chantale m’avait mis au défi de le faire en m’inscrivant à un 5 km, j’ai plutôt opté pour l’autre extrémité du spectre, le 100 miles.
Dire que j’étais nerveux serait un euphémisme. Car non seulement j’allais me lancer dans l’inconnu, mais ma levée de fonds avait été un véritable succès. En effet, 575 $ avaient été amassés en mon nom, soit 3 fois et demi l’objectif initial. Or, en aucune façon je ne voulais laisser tomber les gens qui m’avaient appuyé. C’était une question d’honneur pour moi.
Heureusement, mon amie Maryse a le don de trouver les mots et le ton pour à la fois me rassurer et me brasser le derrière. Son courriel m’a fait rire et m’a fait me rendre compte que finalement, c’était juste une course. Une grosse course, mais juste une course quand même.
Autre coup de chance : je n’étais pas en essais de mise en service durant la semaine précédant l’événement, alors j’ai pu avoir une vie « normale » et non me taper de grosses heures de travail en chantier. J’ai donc fait mes deux petites sorties de 10 km en mode facile mardi et jeudi et pu prendre une partie du sommeil nécessaire à l’épreuve qui m’attendait.
Arrive vendredi. Je me présente au camp de base du Bromont Ultra, le parc équestre. Le cadre est enchanteur, ça augure bien. Quand j’arrive, la fourmilière est à l’œuvre. Tout semble terriblement bien organisé, comme si ça faisait des années que ces gens-là faisaient ça. Et pourtant, c’est la première édition.
Je reconnais Allister, un coureur d’élite ici, mais surtout, le concepteur du parcours. Je me présente et quand il apprend que je ferai le 160k, il me dit : « I’m sorry… ». J’éclate de rire. Est-ce que son parcours est si difficile ? En tout cas, j’aime bien son sens de l’humour !
Aux tables des dossards, Gilles m’accueille. Tout sourire (il a le visage d’un homme qui sourit tout le temps), il se présente, me présente Ahmed et Thibault, qui tout comme moi, en serons à leur premier 100 miles. Il me parle du parcours, attire mon attention sur les 17 derniers kilomètres de la boucle de 55 km qui sont particulièrement difficiles et au cours desquels nous ne verrons aucune âme qui vive, mis à part les autres concurrents, bien évidemment, et peut-être des ours aussi. J’en prends bonne note (pas les ours, la longueur et la difficulté de la section).
Je récupère mon dossard : numéro 17. Gulp ! Un petit numéro. C’est comme si ça venait de me frapper : je vrais vraiment faire la plus grosse course de cette fin de semaine…
Avant de quitter, je demande où je dois me faire peser. Mini-panique du côté d’Audrey, la directrice de course : elle ne sait pas ni où ni quand on se fait peser. C’est que sur le site de l’événement, c’est écrit qu’on se fait peser la veille…
Dan DesRosiers, entendant les questions à ce sujet, aboie une réponse tellement typique de sa part : « Ben voyons donc, la pesée, c’est demain avant la course ! On ne pèse pas le monde la veille ! ». Comme si c’était l’évidence même, dans le même ordre que 2 et 2 font 4. D’accord, mais si le Vermont 100 le fait et que c’est écrit sur le site, me semble que… Enfin.
Une fois bien informé, je quitte les lieux, non sans avoir bien enregistré le dernier conseil de Gilles : « Repose-toi bien ce soir ! ». Ouais, je vais essayer…
Après une nuit de sommeil somme toute fort convenable et un solide déjeuner, c’est accompagné de mon père que je prends la route direction Bromont. Le RAV4 est rempli de trucs dont je risque d’avoir besoin: gels en quantités industrielles, barres énergétiques, gaufres, lampes frontales, piles de rechange, vêtements pour faire face à n’importe quelles conditions météo, 12 litres de GU Brew pré-mélangé, etc. Le tout bien classé dans des bacs à tiroirs faciles d’accès. Nous avons aussi installé un sac de couchage pour les longues heures d’attente.
Le plan est bien établi. Mon père agira comme équipe de support, me suivant de station en station (quand c’est possible) durant les premières heures de course. En début d’après-midi, Barbara viendra le rejoindre. À deux, s’il y en a un qui est fatigué, l’autre pourra prendre la relève. Il ne faut pas oublier que Barbara est atteinte d’arthrite rhumatoïde et que mon père vient tout de même d’avoir 68 ans…
La température est fraîche, un peu comme à Harricana, alors je compte partir vêtu exactement de la même façon : shorts, t-shirt, casquette, arm warmers et gants. C’est fou l’éventail de températures que je peux affronter avec cet accoutrement. Je porterai également ma fidèle veste Alpha UltraSpire, mais le vieux Camelbak est dans l’auto, au cas où.
Le site est animé par la même fourmilière que la veille. On sent une certaine nervosité chez les membres de l’organisation. Mais c’est une belle nervosité. Je me rends à la pesée et après avoir ajusté l’instrument de mesure (c’est une bonne vieille balance qui se désajuste à chaque utilisation, dans le genre imprécis…), mon poids de départ est déterminé à 148 livres. Avec des souliers, après un gros déjeuner ? Ouais, c’est vrai qu’il n’est pas gros, le monsieur…
Nous sommes conviés à la tente tout près du lieu où nous arriverons, espérons-le, demain matin. Les ultras au Québec, c’est une petite communauté, alors même moi je connais presque tout le monde. Petite jasette avec Joan et Mélanie, sa femme. Je ne peux m’empêcher de dire au grand favori que si je le rattrape, je lui botte le derrière, ce qui fait bien rire sa douce moitié.

En compagnie de Joan avant le départ. Dans un peu plus de 24 heures, nous serons à nouveau encore réunis…
Je croise Pierre, que j’adore. Toujours de bonne humeur, la bonté dans la voix, les yeux et les gestes, il incarne à lui seul l’esprit de la course en sentiers. Évidemment, Pat est un incontournable. Il me salue avec un clin d’œil, me demande si je suis prêt. J’espère, je le saurai bien assez vite… Sinon, ben ce sera de sa faute ! 😉
Denis, celui qui m’a tant encouragé à Sherbrooke en janvier, est ici pour son premier ultra en sentiers (il a par contre fait énormément de courses contre le temps, dont des 24 heures). Coureur rapide sur route (il a un PB de 2h51 sur marathon), il a commencé cette année à faire des sentiers. Son terrain de jeux: le mont Orford. Un plus gros défi que mon petit mont St-Bruno, mettons… Il me présente à Marie, sa charmante épouse et à son petit bonhomme qui est venu voir son papa courir. Toute la famille porte des tuques de course super originales, fort probablement des créations de Marie. Je sais où je vais faire mes prochains achats…
On prend ensuite une photo de groupe du style « pendant qu’on a encore le sourire », puis c’est le briefing (à moins que le briefing ait lieu avant ? Je ne sais plus…) d’avant-course. Audrey nous donne les instructions de base: suivre les fanions et rubans roses, porter attention aux flèches noires sur fond jaune qui indiquent les virages. Le classique. Elle nous rappelle le code du coureur en sentiers: toujours, toujours porter assistance à un autre dans le besoin et ne rien jeter dans les sentiers. C’est à peu tout. Ou du moins, c’est tout ce que j’écoute.
Nous nous rendons ensuite en haut de la colline d’où sera donné le départ. Je fais le chemin en joggant, feignant un essoufflement incontrôlable. Ça y est, mon rythme cardiaque est déjà rendu à 200 (sans blague, je ne porte même pas de bidule pour vérifier ça) ! Je ne sais pas si c’est par politesse, mais certains rient comme je passe à côté d’eux.
Dans l’herbe mouillé et la fraicheur matinale, j’égrène les dernières minutes avant 9h en jasant avec Denis de tout et de rien. En fait, je jase beaucoup de Boston et après avoir utilisé à quelques reprises des termes un peu crus (mes choix de mots étaient borderline bûcheron par bouts, il m’arrive de me faire honte à moi-même) pour exprimer ce que je pense du parcours, je me rends compte qu’il y a un petit homme de 8 ans avec nous. Oups, pas fort. Vraiment pas fort. J’espère que Marie ne m’en voudra pas trop…
Juste avant que le départ soit donné, Jeff fait le tour du groupe et se donne la peine de souhaiter bonne chance à tout le monde. Co-vainqueur avec Florent du 80k à Harricana, ces deux-là feront la course à relais aujourd’hui: Jeff fera la première boucle, Florent, la deuxième. Juste pour le plaisir.
Quand il arrive à moi, je lui dis, non sans une certaine pointe d’ironie: « On va essayer de te suivre ! ». Comme il ne me connait pas, je vois à sa réaction qu’il se demande si je suis sérieux. Principe numéro un avec Fred: il n’est jamais sérieux ! 🙂
Voilà, plus que quelques secondes et le départ sera donné. J’ai été nerveux cette semaine, mais je ne le suis plus. Advienne que pourra. Je sais que je vais avoir du plaisir pour au moins la première moitié de course. Après, on avisera.