Le porteur de bière

Rue du parc Lafontaine, déjà plus de 20 kilomètres de parcourus. L’ambiance est bonne, la température parfaite. Les demi-marathoniens y vont d’un dernier effort, Sylvain et moi courons côte à côte, à un rythme qui me semble idéal pour le reste de la course.

« Ma bandelette est en train de jammer, va peut-être falloir que j’arrête… »

Hein ?  De quessé ?  Ça allait bien, non ?  Je me dis que ça va passer. Si ça ne passe pas et qu’il doit abandonner, je fais quoi ?  Je continue ?  À quelle vitesse ?  Heu, je suis un ti peu fourré, moi là… Ça va passer, ça va passer.

La foule est dense et bruyante sur Rachel à l’approche de l’entrée du parc. Ce genre de cris me donne toujours une dose d’adrénaline et cette fois ne fait pas exception. Puis, nous prenons la gauche sur De la Roche direction nord et c’est maintenant le désert. Plus personne, plus rien.

« Il faut que j’arrête. »

Ainsi, tout juste avant la marque du demi-marathon, Sylvain s’immobilise, s’assoit sur le trottoir et commence à se masser la cuisse, au niveau de la bandelette. Et là, je me sens vraiment, mais vraiment inutile. On fait quoi pour encourager un gars qui est blessé ?  Au lieu de dire des niaiseries ou des banalités, je choisis le silence.

La gang de la Maison de la course passe. Patrick s’inquiète de voir Sylvain ainsi, ce dernier le rassure : après le massage, il devrait être bon pour repartir. Ce qu’il fera, 3-4 minutes plus tard, nous amenant à la pancarte du demi-marathon en 2 heures. Pourra-t-on faire 4 heures ?  Rien n’est moins certain. Quand un malaise comme ça se présente en course, c’est rarement pour s’en aller par après.

Sur papier, la deuxième partie du marathon est vraiment poche. Constituée de trois allers-retours formant une croix (dans le genre chemin de croix…), elle risque d’être difficile sur le moral des participants. Et quand nous empruntons St-Joseph vers l’ouest, ça me frappe de plein fouet: je vois des participants qui reviennent, d’autres qui partent vers le nord. Tout le monde a l’air de faire de la distance pour faire de la distance, un véritable calvaire (pour demeurer dans le thème). Ajoutez à ça une partie du boulevard qui est en construction, puis un petit détour cucul où le seul spectateur présent nous applaudit à partir de son balcon au deuxième étage… C’est la grande joie, il n’y a pas à dire. Et Sylvain qui ne va pas mieux…

Peu après avoir quitté St-Joseph pour prendre la direction du nord, tout juste avant le 25e kilomètre, nous arrivons aux abords du parc Laurier. Qui est là ?  Maggie, bien sûr !  Sa sœur Caroline, avec qui nous avions fait un long bout à Ottawa l’an passé est maintenant avec elle, accompagnée de son fils. Sylvain en profite pour prendre une pause et les mettre au courant de ses malheurs. Tant qu’à faire, j’applique du Voltaren sur ma cheville, pour voir si ça lui fait un effet ou pas. Un autre test.

Pendant que je badigeonne mon articulation, j’entends mon protégé parler que ça va lui prendre de la bière pour terminer et que ce sera ma prochaine mission quand on sera rendus au 27e kilomètre.

Je crois bien sûr qu’il blague. Je lui ai glissé en début de course que j’avais eu un grand regret quand j’avais accompagné Maggie: ne pas avoir trainé un bon vieux 2$ sur moi qui m’aurait permis de lui acheter un Mr Freeze quand elle aurait tant aimé pouvoir en manger un. J’ai donc pris un 5$ avant de partir, au cas où.

Quand nous reprenons la route, il persiste: je vais vraiment avoir à arrêter dans un dépanneur pour acheter de la bière. Nah, il me niaise, c’est certain… Jouant le jeu, je lui dis qu’il va devoir choisir sa sorte et que je n’arrêterai certainement pas pour de la Laurentides ou de la O’Keefe (est-ce que ça existe encore, ces « bières »-là ?). Il acquiesce et après quelques échanges, arrête son choix sur de la bière plus douce, genre Stella Artois ou Heineken. Merde, c’est qu’il a vraiment l’air sérieux…

Cette petite discussion semble le distraire un peu, mais ne l’empêche pas d’être obligé de prendre une autre pause, au point d’eau situé 1.5 km plus loin. Me sentant toujours aussi inutile, je demande aux bénévoles s’il n’y aurait pas de l’aide médicale. Peut-être qu’un physio pourrait donner un coup de main, non ?

En voulant bien faire, je déclenche un mini-mouvement de panique. Le bénévole à qui je m’adresse se met dans tous ses états et se lance dans un chiâlage en règle contre le personnel médical « qui n’est jamais là quand il y a une urgence » pour ensuite courir à leur recherche comme si c’était une question de vie ou de mort. Heu, il n’est pas tombé raide par terre, il a juste mal à la cuisse !

D’autres bénévoles inquiets s’approchent alors du « patient » qui tente de les rassurer. Puis arrivent les filles de l’équipe médicale, qui, heureusement, sont plus calmes et comprennent bien la situation quand on la leur explique. La journée semble tranquille, elles en profitent pour jaser un peu. C’est nous qui leur apprenons que seuls les marathoniens passent par là. Quand même un peu surprenant.

Pendant ce temps, je garde un œil sur un dépanneur tout près. Était-il vraiment sérieux ? Le 27e kilomètre est juste là…

Autre reprise de la course, ça va mieux, on dirait. Le paysage sur Christophe-Colomb n’est pas si mal, nous reprenons les coureurs qui nous ont dépassés pendant le dernier arrêt et il semble avoir oublié son idée saugrenue, puis repaf, ça jamme encore.

Ha, si j’étais physio ou quelque chose du genre, je servirais à quelque chose. Au lieu de ça, mon ami doit s’astreindre à faire la cigogne ou une version verticale de la danse du bacon, je ne sais pas trop, pour tenter d’étirer le muscle récalcitrant.  Le lapin de 4 heures se pointe, nous lançant des encouragements au passage. Il n’est pas épuisé, il est blessé !

Peu après avoir recommencé à avancer, nous parvenons à Jarry pour ensuite emprunter de la Roche direction sud, question de revenir vers le Plateau. À la vue d’un dépanneur, je reçois l’ordre officiel: ma mission est d’y entrer et d’en ressortir avec deux petites canettes de bière. Il était vraiment sérieux.

Je m’exécute donc. Entrer dans un dépanneur pendant un marathon, avec le dossard et tout le kit, faut quand même le faire !

Celui que j’ai « choisi » est une insulte pour tous les trous que j’ai pu rencontrer dans ma vie. Sale, les tablettes à moitié vides sur lesquelles la marchandise semble crouler sous la poussière, déprimant au possible. Mais tout au fond, un réfrigérateur à bière. Je m’y dirige au pas de course. Je cherche, cherche, cherche. Mes yeux ne voient seulement que des grosses bouteilles (genre pour alcoolos) et des grosses canettes. Rien en petit format, mis à part les six-packs et autres caisses de 12 et 24. Je ne suis tout de même pas pour acheter un six-pack ! De toute façon, je n’ai que 5$.

Je ressors donc les mains vides à la même vitesse à laquelle je suis entré, sous le regard en point d’interrogation du proprio de l’endroit, et retrouve le parcours. Installé sous la pancarte du 30e kilomètre, mon alcoolique anonyme est encore pris à se masser.

« Il y a juste des grosses ! » que je crie en arrivant, comme si je venais de sortir du Café Cléopâtre. « On va se rapprocher du Plateau, il va ben y avoir des petites plus loin… » que je reçois comme réponse. Puis, il y a ajustement dans les instructions: la prochaine fois, je ressors avec ce qu’il y a, grosse ou petite. C’est qu’il n’en démord pas…

Donc, un kilomètre plus loin, autre dépanneur, autre entrée en catastrophe en risquant de tout casser. Au moins, l’endroit est un peu mieux… Mais toujours la même variété au niveau des formats. J’arrête donc mon choix sur une grosse Heineken. En fait, c’est une très grosse: elle me semble pas mal plus imposante que celles de 500 mL qu’on voit souvent. Une 710 ou 750 mL, peut-être ?

Enfin, assez perdu de temps. Je cours vers la sortie et garroche au passage mon billet de 5$ sur le comptoir sans attendre le change. La commis, toute surprise, me dit « Ho… Thank you ! » en souriant.

Cette fois-ci, Sylvain ne s’est pas arrêté et je ne le vois même plus. Je me mets donc en frais de le rattraper. Vous vous imaginez ce qui peut passer par la tête des pauvres coureurs qui me voient les dépasser à pleine vitesse une grosse canette de bière à la main ?  Non mais, il s’en  va où, ce con-là ?  Et comme pour en ajouter, je ne peux m’empêcher de rire tout en courant. Qui a dit que la course, c’était « plate » ?

Chemin faisant, un léger détail me vient à l’idée: il est interdit de boire de l’alcool sur la place publique.  Je peux toujours faire le fanfaron et courir avec ça tant qu’elle n’est pas ouverte, mais si on en boit… Il y a quand même pas mal de policiers, ce serait vraiment con de se faire coller une contravention.

Finalement arrivé à sa hauteur, je tends mon butin à mon « chef ». Il me laisse les honneurs. Et je me fais avoir: en l’ouvrant, je suis aspergé. Ben oui, beau nono, à courir de même…

J’avoue que ça fait très bizarre de boire de la bière en courant. Pas certain d’aimer ça, mais on a beaucoup de plaisir à le faire. Nous n’oublions évidemment pas notre vieux chum Chris au passage, qui aurait certainement approuvé.

En nous voyant arriver, Maggie est découragée: « Ha non, vous l’avez vraiment fait ! ». Heu oui. Pas le choix, les ordres sont les ordres. Mais bon, c’était un peu pour dire qu’on l’avait fait. Après quelques photos, on lui donne ce qu’il reste, puis on repart. Plus que 10 kilomètres. « Il reste juste 45 minutes !» que j’annonce, sachant que c’est le temps que prend habituellement Sylvain pour couvrir cette distance. Évidemment, il sait que je ne suis pas sérieux. En fait, je m’attends à ce que ça prenne 1 heure.

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Chris aurait certainement approuvé !

Avant de décoller, je confirme que je serai à Bromont. Pas question de jouer à la moumoune avec un petit malaise comme celui-là. Maggie s’étonne : « Tu vas vraiment faire 160 kilomètres en étant blessé ?!? ». Ben… tant qu’à être blessé de toute façon, aussi bien l’être en partant, non ?

À peine 100 mètres plus loin, autre arrêt-massage. Tant et si bien que Maggie et Caroline nous rejoignent et j’en profite pour prendre une dernière gorgée. Hé, il n’en reste presque plus !  « C’est parce que je n’ai pas le droit de boire de l’alcool en public, ça fait que je veux m’en débarrasser au plus vite ! ». La belle excuse…

Au passage sous la bannière de départ du 10 km, je vérifie le chrono : 3h16. Sylvain est maintenant en souffrance permanente et a de la difficulté à avancer. C’est certain qu’on ne fera pas sous les 4 heures. Il décide sur le champ de ne plus arrêter car c’est pire par après: ça le fait figer.

De retour sur St-Joseph, pour un looooong aller-retour, le dernier. Nous croisons des coureurs qui vont à toute vitesse en sens inverse, pompés par l’odeur de l’arrivée qui approche… pour eux !  Après un certain temps, je remarque un groupe portant des t-shirts rouges faciles à reconnaitre : ce sont des Étudiants dans la course. Nous en en avons vu quelques-uns depuis le départ et à chaque fois, je vérifiais si Pierre était parmi eux.  Négatif. Mais cette fois-ci…

Hé oui, c’est bien lui !  Je ne fais ni une, ni deux et traverse le terre-plein pour aller à sa rencontre. « Hey, Partner !!! ». La surprise suivie d’un large sourire marquent son visage si expressif. « Comment ça va ? ». Je lui explique un peu les problèmes de mon protégé (les siens semblent très bien aller), puis on se donne rendez-vous à l’arrivée.

De retour à mon « mouton » qui poursuit son chemin de croix juste à la force du mental. Un entraineur de la Maison de la course le reconnait et fait un bout avec nous. Malheureusement, ça ne lui donne pas les ailes escomptées. Puis, comme nous n’avançons pas trop vite, je décide de me donner le luxe d’arrêter aux toilettes au point d’eau du 35e kilomètre.

En sortant, surprise : Sylvain est très loin devant. J’enclenche la vitesse supérieure pour le rattraper. Vraiment, mais vraiment pas facile quand ça fait des heures qu’on garde un rythme plus lent. Il me semble que ça allait mieux avec une bière à la main… Je finis par le rejoindre, au prix de longs efforts. Comme quoi avancer, toujours avancer, c’est ça qui est payant. Je vais m’en rappeler lors de mon prochain ultra. Keep moving forward.

Juste avant Pie IX, nous devons nous taper une (autre) petite boucle merdique pour revenir sur St-Joseph. Le nouveau parcours, bien que moins emmerdant que l’ancien, offre lui aussi son lot de passages difficiles pour le moral. Je plains honnêtement mon ami de souffrir ici.

Puis, comme pour faire écho à mes pensées, ma cheville fait un beau « Couick ! ». La douleur me déséquilibre pour 2-3 enjambées, un peu comme le ferait une crampe. Ouch ! Maintenant, je la sens à chaque enjambée. Ho, elle n’est pas drôle, celle-là !  C’est endurable, mais limite, comme on dit.

Ok, pas vraiment le moment de me plaindre, je ne suis pas ici pour ça, mais bien pour soutenir mon poulain. Sur Pie IX, j’essaie de le distraire en lui offrant de la bouffe (je fais des tests de ce côté en vue de Bromont, quoi que finalement…), mais il la refuse. Puis, l’air dans mes intestins tenant à tout prix à sortir, je ne peux faire autrement que le laisser aller, et… Deux dames à côté sourient quand je dis « C’est lui ! », mais bon, les blagues pipi-caca, ça a ses limites…

5 kilomètres à faire. Sylvain me demande si j’ai déjà vécu des douleurs à ce point d’un marathon (ho que oui !) et comment j’ai fait pour passer au travers. Bon, je ne peux pas savoir à quel point il souffre, mais je lui raconte mes pires : Montréal 2008 et 2011 (la fois où j’ai cru que j’allais mourir; sur Pie IX, justement), Boston 2013. Mais il m’est aussi arrivé de terminer « juste fatigué », lors de mes deux meilleures courses, entre autres. Bref, je lui dis que quand ça fait mal, on serre les dents et on endure en priant pour ça finisse au plus sacrant !

Au kilomètre 38, je lui suggère un exercice pour se donner de petits objectifs : dédier chacun des kilomètres restants à quelqu’un de cher. Ma proposition : un pour Maggie, un pour chacun de leurs 2 enfants et le dernier pour notre ami Chris qui nous regarde, là-haut. Tentative de faire passer son cerveau en mode « émotif », question de lui faire oublier le mal. J’avoue que les résultats seront assez mitigés. J’aurai essayé.

Tiens, notre tata à moto qui nous redépasse. Il ne klaxonne plus, vu qu’il a de la place en masse pour passer. Mais il roule vite pas à peu près. Il va facilement à 50-60, peut-être même plus. Est-ce qu’il sait qu’il est aux commandes d’un engin lourd et puissant au travers de coureurs qui sont sur la fin d’un marathon et qui pourraient se mettre à tituber ou changer de direction à tout moment ?  Si au moins c’était un jeune adulte, je dirais que c’est un problème de lobe frontal sous-développé, mais non, c’est un bonhomme dans la cinquantaine/soixantaine. Une seule conclusion s’impose alors : c’est un maudit sans-dessein et il n’a pas d’affaire dans un tel événement. Problème de cerveau au complet sous-développé, peut-être ?

Ok, j’avoue que ma mauvaise humeur est aussi causée par l’état de ma cheville. Depuis qu’elle a craqué, chaque foulée est douloureuse. Ça court toujours, je ne songe pas une seconde à arrêter. Mais serai-je capable de tenir le coup sur 160 kilomètres à Bromont ? Bah, en y allant lentement…

Puis, j’ai un flash : Washington. Dans les 15 derniers miles, j’y ai couru à pleine vitesse, en serrant les dents. C’était dur, mais je tenais le coup, reprenant au passage plusieurs coureurs. Serais-je capable de faire ça, ici et maintenant ?  La réponse est évidente : non. Pourtant, j’ai « seulement » 39 kilomètres relativement faciles de parcourus alors que là-bas, j’en avais plus de 60. Même après 75 kilomètres, je tenais encore le coup, alors…

Nous recroisons l’entraineur de la Maison de la course. Je profite du fait que Sylvain soit momentanément accompagné pour me lancer à pleine vitesse dans une descente. Un dernier test, pour voir… Je dois me rendre à l’évidence : je ne serai jamais en mesure de faire un 100 miles dans trois semaines. Merde.

St-Joseph, tel que prévu, dure une éternité. Ce parcours est vraiment, mais vraiment à ch… Puis, au 41e kilomètre, rue Brébeuf. Enfin !!!  Tout au bout, le parc Lafontaine et son arrivée.

Et qui retrouve-t-on sur Brébeuf ?  La petite troupe à Maggie ! Sylvain veut s’arrêter pour les saluer, je le pousse à poursuivre. Il ne faut pas que sa jambe fige si près du but…

À 500 mètres de l’arrivée, je le serre par les épaules. Tu l’as, mon ami, tu l’as : tu es un marathonien. Ça, personne ne pourra jamais te l’enlever. Je pointe les index en direction du ciel, regarde Chris qui est certainement en train de prendre une (autre) bière à notre santé là-haut, son sourire si caractéristique lui fendant le visage. Salut mon ami !

En bon pacer, je laisse la place à mon protégé. Il ne veut rien savoir et insiste pour qu’on termine ensemble. Nous le ferons donc, en 4:18:39.

Un nouveau membre vient d’entrer dans la confrérie. Bienvenue, mon chum ! 🙂

Lapin privé au Lac Brome

Deux semaines avant l’Ultimate XC, j’avais pris part au Tour du Lac Brome, question d’accompagner mon ami Sylvain pour son premier 20 km. Dans les jours qui avaient suivi, j’avais commencé à pondre un petit récit, mais il y a eu l’Ultimate, « l’urgence » de produire suite à cette course, le travail, etc. Bref, manque de temps pour peaufiner ce que j’avais débuté. Mais je m’en serais voulu de ne pas vous raconter cette superbe journée passée entre amis.

Hé oui, j’ai encore une fois joué au lapin privé, pour le Tour du Lac Brome cette fois. À croire que j’y prends goût ! 🙂

Pour l’occasion, c’était mon ancien collègue et ami Sylvain que j’accompagnais pour le tour du lac, sur une distance de 20 kilomètres. Un habitué des courses de 10 km, Sylvain en était à ses premières armes sur une distance plus longue. Peu de temps avant la course, il m’avait dit prévoir tenir une moyenne de 5:10/km, mais comme il « vaut » 45 minutes sur 10k, je m’attendais évidemment à quelque chose de plus rapide, genre 4:50 – 4:55 /km, ce qui ferait une belle sortie d’entrainement pour moi… si je me « faisais un fond » avant le départ.

Honnêtement, j’avais envisagé faire un petit Dean Karnazes de moi-même et me taper tranquillement le parcours en sens inverse avant. Mais bon, ça m’aurait amené à me lever à l’heure des poules, à me dépêcher pour faire le premier tour et risquer d’arriver un peu juste. Je n’étais pas là pour moi, mais pour un ami après tout.

J’ai donc décidé de me faire un 10 km sur le parcours du 22.2 km du « Défi marathon » avant de rejoindre Maggie et Sylvain au parc des Lions. Autour de 7h15, je suis parti à vive allure direction Bromont, croisant de nombreux visages en point d’interrogation au passage. On m’avait dit que le parcours du 22.2 km était pas mal plus difficile que celui du tour du lac, qui n’est pourtant pas piqué des vers. Hé bien, ce n’était pas une exagération !  Rapidement, je me suis retrouvé sur un chemin de terre et devant moi s’est présentée une montée en face de cochon. C’est qu’elle ne finissait plus, la satanée montée !

Après une éternité, je suis finalement arrivé en haut. Devant moi, la campagne, la vraie. Les côtes, le chemin de terre, tout me rappelait le Vermont 50. Ha, le bonheur… J’ai complété mon aller de 5 km, puis suis revenu à mon point de départ après ce que j’appellerais une bonne sortie « tempo ». Un 20 km relaxe en compagnie d’un ami, ça complèterait parfaitement une belle journée.

Comme quoi je ferais n’importe quoi pour mes amis, mon cell était ouvert pour l’occasion. Oui oui, je le jure !  Après deux ou trois appels, j’ai fini par rejoindre Maggie et Sylvain. Quelques échauffements (je ne savais pas trop si je devais m’échauffer, m’étirer ou faire les deux) plus tard, nous nous sommes dirigés vers le départ. En attendant que soit finalement donné le signal, j’ai jasé avec Robert, un collègue de Sylvain, qui est légèrement plus rapide que lui. Il était à Ottawa pour le marathon et gardait le rythme pour se qualifier pour Boston quand les crampes l’ont assailli de toutes parts. Il a terminé de peine et misère, loin de son objectif. Ha, le marathon, ce que ça peut être cruel parfois…

C’est avec 10 minutes de retard que nous sommes partis (je soupçonne que certains coureurs d’élite se sont fait attendre, mais je n’ai aucune preuve de ce que j’avance) sur un rythme un peu lent, je dirais. Mais Robert s’est rapidement mis en marche et Sylvain a tenté de le suivre, me laissant un peu perplexe. En effet, au deuxième kilomètre, la cadence moyenne flirtait autour des 4:40/km. Ha, pas la mer à boire, mais si j’avais su, j’aurais peut-être moins appuyé lors de ma « mise en jambes ». Finalement, Sylvain a décidé de lever le pied et laisser aller Robert afin de poursuivre à son rythme. La course était encore jeune.

Je trouve toujours très drôles les débuts de courses, surtout quand j’accompagne des gens. C’est frappant de constater à quel point plusieurs personnes qui nous entourent partent trop rapidement, c’est aussi évident que le nez dans le visage. Il y avait entre autres celui qui respirait comme Darth Vader. Pensait-il vraiment pouvoir avancer à ce rythme pendant 20 km en respirant de même ?  Et que dire du gars avec un léger surpoids qui nous a clenchés dans la première descente ?  Dès la montée suivante, il a explosé.  Est-ce que c’était la première fois de sa vie qu’il courait ? Il se pensait où, au juste ?

Car le Tour du Lac Brome, sans être d’une difficulté extrême, n’est pas une mince affaire non plus. Je le surnomme affectueusement le « mini-Boston »: un enchainement infini de montées et de descentes. Ha, elles ne sont pas particulièrement difficiles, mais ça n’arrête pas: monte, descend, monte, descend… Pas un parcours pour débutant. Mais je n’avais aucune crainte de ce côté pour Sylvain, un habitué des côtes (il habite pour ainsi dire au pied du mont St-Hilaire).

Autre particularité du Lac Brome: des points d’eau vraiment mal espacés. Ça prend 4 kilomètres avant d’en atteindre un, puis le suivant est seulement un kilomètre plus loin. Tout juste si je n’avais pas encore mon verre dans les mains nous y sommes arrivés. C’est à n’y rien comprendre.

Comme c’est mon habitude quand je joue au lapin privé, je suis incapable de me fermer le clapet. Je me dis que c’est une bonne façon de distraire mon partner de course. Sylvain étant particulièrement réceptif à l’exercice, nous en avons jasé un coup durant le trajet. Je lui ai entre autres dit que je préférais accompagner Maggie parce qu’à la vitesse à laquelle il court, la gente féminine se fait plus rare. Pour citer un de mes amis du secondaire qui se plaignait du manque de filles lors dans ses cours au Cegep: « Des queues, des queues, il n’y a que des queues ! ». Sylvain a semblé la trouver drôle et m’a gentiment invité à attendre Maggie si je n’étais pas satisfait de ma situation. C’était bien envoyé, mais ça ne m’a pas empêché de protester quand il a ignoré ma supplication (hum hum) de demeurer derrière deux charmantes personnes. Ha, on n’a plus les amis qu’on avait…  😉

Mis à part ce sujet hyper-essentiel à la vie d’un coureur, nous avons échangé sur le parcours (qu’il ne trouvait pas si difficile), sur les spectateurs légèrement moins nombreux qu’à Ottawa et sur l’immensité de la carcasse d’un castor gisant sur le bord de la route. Sans blague, il était énorme et quand un spectateur a suggéré d’aller chercher une pelle pour l’enlever de là, j’ai répondu que ce serait une pépine dont il aurait besoin (pour mes amis européens, une « pépine » au Québec, c’est une pelle mécanique; ne me demandez pas d’où ça vient !).

Après un gel pris au 9e kilomètre, nous avons franchi la mi-parcours en 48:15, un excellent chrono. Quand j’en ai glissé un mot à mon partner, il m’a répondu qu’il ne prévoyait pas vraiment un negative split ici. Ha Sylvain et sa prudence, on ne le changera pas !  Sauf qu’il semblait ignorer un détail: la deuxième partie du Tour du Lac Brome est souvent plus rapide que la première… quand il ne fait pas trop chaud. Et ce jour-là, les conditions étaient idéales.

Les kilomètres ont continué à défiler, le rythme constant de Sylvain faisant que nous rattrapions pas mal de coureurs. Il y a bien celui qui poussait son petit avec un baby jogger qui nous a dépassés, mais à part ça…

Au 14e kilomètre, Sylvain a pris un gel et sentant mon estomac qui commençait à gargouiller, je m’en suis enfilé un aussi. Puis, devant nous, la fameuse côte nous amenant au 15e kilomètre. Une fille avec qui nous jouions au yo-yo depuis un petit bout nous a lancé un encouragement comme nous arrivions au pied de ladite côte: « Allez les gars, je suis sûre que vous êtres capables ! ».

Si elle avait su… Je ne suis même pas certain si nous avons ralenti dans la montée. Autour de nous, ça tombait comme des mouches. À partir des deux tiers de la côte, impressionné, je me suis mis à lâcher des « Ho yeah !!! » à répétition. Mon ami était en train de détruire le parcours (ok, je l’avoue, je m’emporte un peu) !

Puis suivit la descente, longue et agréable. Peu après, mon esprit compétitif a été réveillé par des bruits derrière. Un gars s’en venait en encourageant les gens qu’il dépassait au passage. Rendu à notre hauteur, il nous a lancé un encouragement, mais son sourire exprimait une satisfaction… un tantinet arrogante. Du genre l’air de dire « Hé hé, je vais plus vite que vous ! ». Je sais que ma tendre moitié va être découragée en lisant ça, mais mon sang n’a fait qu’un tour. Tous mes muscles m’ordonnaient de coller aux semelles de ce petit baveux et ensuite lui placer une couple d’accélérations pour lui montrer que j’en avais encore beaucoup sous la pédale. Question de lui faire avaler, son petit sourire… Mais je me suis retenu et l’ai laissé à ses illusions. Je n’en ai même pas glissé mot à Sylvain, qui continuait au rythme établi, sans broncher.

Ce n’est qu’à partir du 17e kilomètre que je l’ai senti faiblir un peu. Le parcours suivait un profil en faux-plat ascendant, le vent soufflait de façon défavorable pour la première fois… Je me suis placé devant, question de lui couper le plus de vent possible, mais nous ralentissions, je le savais. Puis le « bip » de sa Garmin lui annonçant qu’il avait franchi 18 kilomètres se fit entendre. « Oups, on a ralenti. Je ne m’en étais pas rendu compte. »  Je venais de voir passer un kilomètre en 5:06.

Aussitôt, ce fut l’accélération. C’est presque en trombe que nous avons traversé le village. 19e kilomètre dans les 4:20. « Ho yeah… » que je murmurais. Puis arriva le chemin qui mène au parc des Lions qui était maintenant en vue. La boucle était presque bouclée. Sur les côtés, les coureurs ayant terminé, ceux du 10 km, les accompagnateurs, bref, pas mal de monde. Une foutue belle ambiance.

J’ai posé la main sur l’épaule et lui ai dit: « God job, mon chum. Good job. » Ma Garmin indiquait une moyenne de 4:43/km (elle est toujours optimiste de 3-4 secondes, mais bon…), j’étais très impressionné. Sylvain était en train de réaliser une super-performance.

Une fois rendu à l’entrée du parc, il s’est mis à accélérer. J’allais encore me faire shifter par la personne que j’accompagne, un autre classique. J’ai bien essayé de le remonter, puis j’ai relâché mon effort: ce n’était pas le moment de me faire un claquage. Vraiment pas certain que j’aurais réussi à le rejoindre…

Son temps: 1:35:52. Le mien ? Une seconde de plus !  🙂  Un temps presque identique à celui que j’avais fait ici même en 2007. 3 mois plus tard, je complétais mon premier marathon.

C’est un Sylvain souriant et très fier de sa course que j’ai retrouvé à la sortie. Les félicitations et l’accolade étaient plus que méritées. Bravo mon ami pour ton premier 20 km !  Je sais qu’un jour, tu seras toi aussi marathonien !  Et plus vite que tu penses…

Le 50k intérieur JOGX de Sherbrooke

Dès que j’ai posé le pied sur le plancher du stade intérieur de mon alma mater, j’ai aimé ce que j’ai vu. La piste me semblait courte, alors 250 tours, c’était fort envisageable (je sais, 200 mètres c’est 200 mètres, mais j’avais un bon feeling). Mais surtout, il faisait frais. Assez pour que je doive enfiler un t-shirt à manches longues avant la course. Rien à voir avec le froid d’avant-course à Boston ou New York, mais j’étais optimiste en vue de l’épreuve.

On nous avait annoncé que la course de 1 km des petits allait débuter autour de 8h15, que le 5k se ferait tout de suite après et qu’à 9h, on donnerait les départs du marathon et du 50k. Comme d’habitude, le 1 km des petits a été retardé et il était autour de 8h45 quand le 5k est parti avec un grand total de… 4 participants. Je me disais que nous ne décollerions jamais avant 9h20-9h30, alors je me suis étendu sur le sol, en mode relaxation.

Or surprise, à 8h55, les organisateurs nous ont appelés à la tente de départ car le 50 km et le marathon allaient partir bientôt. De quessé ?   Je ne pouvais pas le croire. Au point où j’ai pris mon temps pour aller porter mon “survêtement” à ma case avant de me rendre au départ. Je m’attendais à ce qu’on reçoive un paquet d’instructions, qu’il y ait un test avec les puces électroniques, etc.

Mais non, nous allions partir. Drette là, comme on dit, pendant que le 5k se déroulait. Wo-ho, je n’étais pas le moindrement réchauffé, moi là !  J’ai à peine eu le temps de regarder le monde autour, juste assez pour voir que certains avaient l’air de se connaitre et pour spotter les coureurs qui semblaient les plus forts. Il y a des indices qui ne mentent pas: l’âge, la carrure, les jambes, l’allure générale aussi. Certains avaient l’air rapides. Avec un peu de chance, je pourrais peut-être faire un bout avec l’un d’eux, qui sait.

Puis, en moins de deux, le départ a été donné. Je suis parti à ce qui me semblait être un rythme de circonstance, soit celui de mes sorties du dimanche. Je sortais à peine du premier virage qu’il y avait un trou béant entre les autres participants et moi. Étais-je parti trop vite ?  Mon premier tour, couvert en 56 secondes, me confirma que non. Immédiatement après mon passage, le départ du marathon fut donné et assez rapidement, je me suis retrouvé avec un coureur aux fesses. Un gars de mon âge, fait sur ma shape. Après l’avoir laissé passer, je me suis accroché à lui, pour voir…  Grâce au gros chronomètre, il était facile d’évaluer notre cadence. Et quand j’ai vu que nous enfilions les tours à 52-53 secondes, j’ai décidé que c’était trop rapide et ai lâché prise. Nous allions nous revoir.

Depart50k

Le départ du 50 km

Honnêtement, je doute si j’avais 3 tours de complétés quand j’ai commencé à dépasser du monde. Il y avait entre autres un monsieur qui faisait la distance en marche rapide, alors… Dès le début, je dois admettre que les dépassements s’effectuaient plutôt bien. Les gens couraient en ligne droite et les plus lents se tenaient même dans les couloirs 2 et 3. Aussi, à la longue, j’ai fini par reconnaître les gens, alors je savais comment ils couraient. J’avais prévu attendre les lignes droites pour dépasser, question de ne pas allonger mon parcours, mais la différence de vitesse était trop grande pour que j’attende 50 mètres avant d’effectuer la manoeuvre. J’estime donc avoir pris la moitié des 500 virages (oui, 500 !) à l’extérieur du couloir numéro 1.

Gagnants50k

Un des multiples dépassements dans une courbe. Ici, je suis en compagnie de la gagnante chez les femmes, Manon Jacob

Autour du 2e kilomètre, une chose m’a frappé: l’air, bien que frais, était très sec. J’avais la bouche sèche, ce qui ne m’arrive pour ainsi dire jamais. Comme j’avais apporté 4 bouteilles de GU Brew, je me suis promis sur le champ qu’il fallait que j’en passe une à l’heure. Minimum. Au pire, si je finissais mes boissons plus tôt, je passerais au Gatorade fourni par l’organisation.

L’hydratation, justement… Il y avait plusieurs tables dressées tout autour de la piste où nous pouvions déposer nos affaires. C’était la première fois que je courais “allège” et ça me faisait bizarre. Sauf que pour prendre ma boisson, je devais sortir de la piste par l’extérieur, ce qui me faisait faire un détour, et ramasser une de mes bouteilles pour courir un tour ou deux avec avant de la redéposer à l’endroit initial. Finalement, ne trouvant pas cette méthode très efficace, j’ai décidé d’utiliser une table “neutre”, située à l’intérieur de la piste, près de la ligne de départ/arrivée.

Durant la première heure, tout allait assez rondement. J’alignais les tours entre 54 et 56 secondes, dépendant de la circulation. Ayant très rapidement perdu le compte de mes tours (qui se faisait automatiquement à chaque passage grâce aux puces électroniques attachées à nos souliers), je me concentrais sur ma vitesse. Après 30 minutes, nous avons effectué notre premier demi-tour. Il en sera ainsi durant toute la durée de la course: à toutes les 30 minutes, on vire de bord ! J’avoue que ça faisait drôle, la première fois, de voir les gens venir à contre-sens le temps de quelques secondes. J’ai même failli indiquer au premier que j’ai rencontré qu’il allait dans le mauvais sens. Hi le petit cerveau…

FredDemiTour

Un demi-tour, un des sept que j’ai dû effectuer

À un moment donné, comme je commençais à avoir chaud, je me suis dit que si j’enlevais ma casquette… Mauvaise idée. Étant habitué de n’avoir rien dans la partie supérieure de mon champ de vision, les lumières au plafond m’étourdissaient à force de tourner en rond. Pour la première fois, j’ai vu l’utilité d’une simple visière pour courir au lieu de la casquette classique: meilleure ventilation tout en “isolant” les yeux. On en apprend toujours.

Comme c’est maintenant devenu une habitude, j’ai senti une baisse de régime autour des 13-14e kilomètres. Ma cadence demeurait stable dans les 55 secondes, mais c’était plus difficile. C’était le moment de prendre un gel et comme par magie, quelques tours plus tard, tout s’était replacé. C’est aussi à ce moment que mes intestins ont commencé à envoyer des signaux. Heureusement, ce n’était qu’une fausse alerte.

Pour contrer la hausse progressive de la température, l’organisation s’est arrangée pour nous faciliter la vie. Première attention: des petites serviettes humides. Le bonheur !  En plus, c’était parfait pour enlever les petits résidus de GU Brew et de gel. Aussi, le stade étant muni d’une grosse porte de garage, les organisateurs en ont profité pour laisser entrer du bon air pur. Imaginez la sensation: de l’air à -20 degrés qui entre dans un petit stade couvert où courent une trentaine de personnes depuis plus d’une heure. Rafraîchissant, vous dites ?

Phénomène tout nouveau pour moi en compétition: ne pas savoir où j’en étais rendu. J’avais une petite idée, vu que je voyais assez bien ma cadence à chaque tour, mais comment en être certain ?  Il fallait tendre l’oreille quand la bénévole nommait le nombre de tours parcourus par chacun, mais encore là, pas facile de bien comprendre, l’acoustique de l’enceinte laissant à désirer. En plus, il ne semblait pas y avoir d’ordre particulier pour l’énumération du nombre de tours, alors…

Bref, autour du 22e kilomètre, j’ai pris un autre gel. Et j’ai eu un beau boost. Depuis un petit bout de temps, un gars que je dépassais régulièrement me félicitait et/ou m’encourageait à chaque fois que je passais. Mais à partir de là, il était presque admiratif, ça en était gênant. Du genre: “Régulier comme une horloge” ou “Wow, t’es une machine !” sans oublier le “Criss que t’es fort !” (pas certain pour le juron, par contre). Ça faisait plaisir à entendre, mais je me disais qu’il devait certainement avoir déjà vu des coureurs pas mal plus forts que moi… En tout cas, personnellement, j’en connais plusieurs ! (J’apprendrai plus tard qu’il fait partie de cette catégorie)

Peu de temps après, j’ai porté attention à la dame qui annonçait les tours complétés par chacun et j’ai entendu “Sur le 50 km, Frédéric, tu es parti sur un rythme rapide: déjà 125 tours !”. J’ai aussi entendu “Gilles Gervais, 127 tours”. Effectivement, le seul coureur plus rapide que moi m’avait dépassé 3 fois en tout et comme il était parti une minute après moi, qu’il ait parcouru 2 tours de plus, ça tombait sous le sens. En fait, je ne me préoccupais pas de lui, mais plutôt de conserver ma cadence, encore et encore. J’avais dépassé la mi-parcours, mes troubles intestinaux étaient chose du passé. Plusieurs personnes alternaient course et marche, prenaient des pauses aux tables de ravito. Moi je continuais, en mode métronome. Keep moving, comme ils disent. J’avais réussi à trouver une façon de faire qui me convenait, en buvant souvent, alternant eau (les gentils bénévoles remplissaient nos bouteilles à notre demande, vraiment efficaces) et GU Brew. J’accumulais les tours, encore et toujours.

Bien que ce n’était pas l’expérience la plus exaltante de ma vie, je me rendais compte que j’étais loin de m’ennuyer, bien au contraire. La musique était bonne (des reprises des années 80, en bonne partie), ambiance relaxe, tout le monde souriait, l’organisation se montrant très efficace. Vraiment, c’est le genre d’expérience à vivre au moins une fois dans sa vie.

Mais bon, une course longue distance étant une course longue distance, il a fallu que quelque chose se mette à clocher peu après qu’on ait annoncé que j’en étais rendu à 150 tours: mon estomac s’est mis à crier famine. Merde, vraiment pas le moment d’avoir faim… J’ai avalé mon en-cas pour ces moments-là: un gel au beurre d’arachides. Ça a semblé faire effet un peu, mais une dizaine de tours plus loin, même affaire. Double merde !  J’ai dû m’arrêter quelques secondes à “ma” table, question de m’emparer de mon ziploc contenant une Power Bar coupée en morceaux.

Un peu plus loin, mon estomac ne criait plus, mais ma cadence avait perdu quelques plumes. Moins que certaines personnes on dirait car, alors que je me disais que ça faisait un bout que je ne l’avais pas vu, j’ai aperçu le meneur du marathon… devant moi. Sa longue foulée toute en fluidité avait perdu de son efficacité et bien que j’en arrachais, je gagnais du terrain sur lui. Une fois rendu sur ses talons, je l’ai suivi un peu, mais après la moitié d’un tour, j’ai constaté qu’il allait définitivement trop lentement, alors j’ai passé.

Il avait ralenti d’au moins 5-6 secondes au tour, sinon plus. Mon esprit compétitif reprenant le dessus, cet épisode me redonna des ailes. De petites ailes, mais des ailes quand même. On annonça que j’étais rendu à 168 tours. Ok, presque 34 km de faits, plus qu’une sortie de semaine et c’était terminé. Une fois de plus, j’ai dépassé celui dont j’apprendrai plus tard qu’il s’appelle Denis (nous nous sommes jasé dans le vestiaire après la course, vraiment sympathique), il m’a lancé: “Ça a donc l’air facile !”, ce à quoi j’ai répondu: “Ça l’est de moins en moins !”. Son comportement en course était remarquable: il se tassait pour me laisser passer à chaque fois, me montrant le passage par l’intérieur. La grande classe.

DenisMichaud

Denis Michaud, un homme très sympathique. J’espère qu’on se reverra bientôt.

Puis arriva ce qui devait arriver: début de crampe à l’ischio droit. Merde, merde, merde !  Pas déjà…  Tout de suite, j’ai mis mon “plan de contingence” en oeuvre: petites enjambées, ralentir un peu et surtout, ma mantra de l’Ultimate XC de St-Donat: “Bois, bois, bois !”. On ne sait pas d’où viennent les crampes. Certains parlent de problèmes du côté des électrolytes et de l’hydratation, d’autres de fatigue musculaire. Si je ne pouvais rien faire pour la fatigue des muscles, j’allais au moins contrôler l’hydratation et les électrolytes. Je me suis donc mis à boire encore plus, alternant toujours eau et GU Brew.

Bien évidemment, les idées noires ont commencé à me traverser l’esprit. Allais-je être obligé d’abandonner ?  De quoi aurais-je l’air ?   Du gars qui a fait son show devant les autres pour ensuite se planter avant la fin ?  Non, ce n’était pas une option. Je me suis mis à penser aux grands ultramarathoniens qui disent avoir appris à apprivoiser la souffrance. J’ai essayé de me mettre dans cet état d’esprit, question de voir où ça me mènerait…

Puis, belle surprise: malgré mes problèmes, j’avais encore une fois le meneur du marathon en point de mire. Je me suis donc concentré sur lui. Je ne regardais plus vraiment ma cadence, y allant au feeling. Et je gagnais du terrain, lentement, mais sûrement. J’allais le dépasser quand il s’est arrêté à sa table quelques secondes. Voilà, nous étions dans le même tour.

Le 200e tour. 40 kilomètres, 80% du parcours derrière moi. J’écoutais où en étaient rendus les autres et beaucoup n’avaient pas encore parcouru 150 tours. Je n’en revenais pas. J’avais dépassé tant de monde aussi souvent ? Puis je me suis mis à penser que je pourrais demander aux organisateurs la permission d’arrêter au marathon et me faire “créditer” mon temps. Il ne me resterait plus que 11 tours au lieu de 50…

Je jonglais sérieusement avec cette idée. Très sérieusement. C’était quoi le but, 50 km ?  Personne ne court 50 km comme ça, sur le plat. Dans le bois, ok, mais ici ?  Non, je ne voyais pas le but. Un marathon, c’est un standard, mais 50 km ?  Ce n’est même pas un “vrai” ultramarathon… En plus, l’annonceuse s’est mise à dire que j’achevais. “Frédéric Giguère en est à son dernier tour !”. Mais j’ai résisté à la tentation d’appliquer les freins au 211e passage, me contentant de lancer “Je fais le 50 !” en passant près d’elle. J’ai aussi porté attention à mon temps: 3:14:30.

Hé, pas mal !  Je me disais que je valais 3h12-3h15 sur marathon présentement, alors moins de 3h15 comme temps de passage, c’était amplement satisfaisant. Maintenant, avais-je le jus pour poursuivre ?

Quelques secondes plus tard, on annonça que Gilles Gervais venait de gagner le marathon (temps de 3:14:13, n’oublions pas qu’il était parti 1 minutes après moi). L’aurais-je battu si j’avais fait “seulement” le marathon ?  On ne le saura jamais. En tout cas, probablement qu’on se serait relancés à quelques reprises durant la course…  Comme il faisait son retour au calme en marchant à l’intérieur de la piste, je suis passé près de lui et lui ai fait un signe “Thumb up” et un sourire. Il m’a répondu en m’envoyant la main et en souriant. J’aimerai toujours ce respect mutuel entre coureurs. On n’est pas là pour s’arracher la tête, juste pour dompter un parcours, une distance. Les coureurs sont plus des frères d’armes que des compétiteurs. En tout cas, c’est comme ça que je vois le tout.

Le reste de la course ne sera plus qu’un dur labeur. Après mon 211e tour, je me suis mis à les compter, pour rapidement ne plus savoir où j’en étais rendu. Les crampes se pointaient le nez de temps en temps, dont une qui m’a parcouru la jambe gauche au complet, de la fesse jusqu’au mollet. Mes rares coups d’oeil au chrono confirmaient ce que je savais déjà: j’avais ralenti. Maintenant, les tours se faisaient en 58, 59 secondes. Il m’arrivait de prendre une pleine minute. La machine est programmée pour tenir un rythme constant sur 42.2 km, pas 50. Denis m’encouragea en me disant que j’avais une avance insurmontable, que je pouvais ralentir. Mais je voulais terminer fort…

Après 3h30 de course, autre demi-tour. Dans ma tête, ce serait mon dernier. J’allais descendre sous les 4 heures, mais par combien ? 4, 5, 6 minutes ?  L’annonceuse nous tenait de plus en plus souvent au courant de nos progrès. 225 tours. 230 tours. Allez, 4 petits kilomètres, ça achève. 235 tours. Une éternité plus tard, 240 tours. 2 kilomètres. À partir de ce moment, je n’ai plus perdu le compte. Je ne savais pas si ça allait tenir, mais je savais que je terminerais. Et que je gagnerais. Moi, gagner une course… C’était dans mes rêves les plus fous, et encore…

245 tours. Ha, le fameux dernier kilomètre. Je courais maintenant dans les rues près de chez moi, il ne me restait plus que la rue des Écluses à parcourir, entre le fleuve et le boulevard St-Laurent. À la fin du 249e tour, j’ai demandé confirmation au passage et l’annonceuse l’a clamé au micro: “Frédéric Giguère, le gagnant du 50 km, est dans son dernier tour ! Et il va battre le record !”. Gagnant. Record. Moi ?!?

Dans le dernier virage, j’ai dépassé une dernière fois Denis. Il m’a tendu la main, m’a félicité chaleureusement. Ça m’a fait tout drôle. Je l’ai remercié, tout aussi chaleureusement. Je le soupçonne d’avoir ralenti pour m’attendre. À la sortie du virage, j’ai eu la vision de Bruce Jenner, terminant le 1500 mètres du décathlon des Jeux de Montréal. Non, je ne m’en souviens pas (j’avais 6 ans, quand même…), mais j’ai vu la photo des centaines de fois et j’ai toujours rêvé de le faire. C’était l’occasion, probablement la seule que j’allais avoir, alors je me suis fait plaisir. Prenant bien soin de me diriger vers l’extérieur de la piste, question de ne pas nuire aux autres participants (car j’allais m’arrêter immédiatement une fois l’arrivée franchie), j’ai traversé la ligne en brandissant les bras dans les airs, comme Jenner jadis.

BruceJenner

Montréal 1976: Bruce Jenner termine son décathlon

Je voulais marcher un peu, faire un tour ou deux dans le couloir extérieur de la piste, question de chasser un peu d’acide lactique de mes jambes (surtout mes quads !), mais j’ai vu que je nuirais quand même, alors je me suis dirigé vers l’intérieur. Les organisateurs sont tout de suite venus me voir, me félicitant avec beaucoup de vigueur. “Tu sais que tu as démolli le record ?  3h53, je ne serais même pas capable de faire ça sur un marathon !”. C’était quasiment trop. Je suis un coureur ordinaire qui s’est adonné à être le plus rapide ce jour-là, c’est tout. Joan et Seb auraient déjà fini de prendre leur douche s’ils étaient partis en même temps que moi…

J’étais tout de même extrêmement heureux quand on m’a remis le très beau petit trophée en bois avec “50km – Sherbrooke 2014 – #1” écrit dessus. J’aurais peut-être dû le montrer un petit peu plus pour la photo officielle, par contre. Que voulez-vous, un gars pas habitué aux honneurs…  🙂

FredMedaille

J’exhibe « fièrement » mon trophée ! 😉

De mauvaise foi

Bon, vous allez dire que je suis de mauvaise foi. Que c’est la pluie d’aujourd’hui qui m’a empêché d’enfourcher mon vélo pour me rendre au travail qui m’a rendu d’humeur maussade. Et vous avez peut-être un peu raison, mais que voulez-vous, à 43 ans, on ne me changera pas !

Qu’est-ce qui me fait râler ?  Un petit article paru dans La Presse+ hier qui ne faisait ni plus ni moins que je répéter ce qu’on retrouve ici. Ainsi donc, selon une étude de l’Institut de Cardiologie de Montréal, le sport à haute intensité pendant plusieurs années peut être nuisible pour le coeur.

En fait, ça, c’était le titre de l’article. Quand on se donne la peine de lire un peu plus loin, on retrouve une belle phrase qui diminue passablement la crédibilité de l’ensemble du texte. Je cite: “Les résultats sont probants: la pratique de l’exercice physique à haute intensité peut provoquer une susceptibilité à la fibrilation auriculaire chez certains sujets.” (les caractères gras sont de moi). On va peut-être m’accuser de jouer sur les mots, mais pour moi, l’utilisation du verbe “pouvoir” et du mot “certains” démontrent que les résultats ne sont vraiment pas probants, justement…

Mais il y a plus. Les résultats sont basés sur la reproduction en laboratoire de l’exercice à haute intensité chez l’être humain en la transposant chez des rongeurs. En effet, les chercheurs en ont fait courir une heure par jour pendant 8 à 16 semaines, “l’équivalent de 10 ans d’exercice chez l’être humain”. D’où vient cette équivalence  ?  D’une bête règle de trois ?  Et 10 ans, c’est pour 8 ou 16 semaines ?  Ce n’est pas vraiment la même chose… Et désolé de vous l’apprendre, messieurs les chercheurs, mais n’importe quelle personne qui a eu un hamster sait que ces petites bêtes courent bien plus que ça et ce, durant toute leur vie. En les faisant courir une heure par jour, vous les avez restreints, pas le contraire… Bon, probablement que les rongeurs utilisés étaient des rats et que peut-être que génétiquement, les rats sont plus proches de l’être humain que du hamster et qu’ils ne courent normalement pas durant toute la nuit.  Mais j’en doute. Quelqu’un peut m’éclairer à ce sujet ?

Les chercheurs stipulent que ces résultats devront être confirmés par des études sur des cohortes d’êtres humains (duh !?!). Question simpliste du profane: ils n’auraient pas pu tout simplement commencer par là ?  Une petite enquête auprès d’anciens athlètes de tous les niveaux, puis comparer le tout à la population en général, genre…

L’article se termine par un paragraphe sur la fibrilation auriculaire. De beaux chiffres sont lancés: “on estime qu’une personne sur 4 souffrira de fibrilation auriculaire au cours de sa vie. Au Canada, près de 250000 personnes sont atteintes de cette forme d’arythmie”. Selon le dernier recensement, notre pays comptait environ 33.5 millions d’habitants en 2011. J’ai beau faire le calcul de tous bords tous côtés, ça ne marche pas. Est-ce que ça se guérit ?  Ce qui expliquerait que certaines personnes en ont souffert et n’en souffrent plus ?  Est-ce que tant de personnes que ça vont en souffrir plus tard ?  Parce que 250000 sur 33.5 millions, c’est une personne sur 134. On commence à être loin du compte…

Bref, comme je disais, je suis probablement de mauvaise foi. Mais quand on nous attire avec un titre accrocheur du style “Le marathon est dur pour le coeur” (ça, c’était sur La Presse+) et qu’on nous garroche des chiffres qui ne tiennent pas debout après nous avoir présenté les résultats d’une étude faite sur des rongeurs, je n’ai qu’une chose qui me vient en tête: retournez faire vos devoirs. Ça me rappelle la fameuse étude qui avait conclu que le port du soutien-gorge augmentait de façon extraordinaire le risque de développement du cancer du sein chez la femme. Du grand n’importe quoi.

Bon, c’est la semaine du Grand Prix…  Il est où le médecin qui va nous sortir comme à chaque année que piloter un Grand Prix, c’est aussi dur pour le corps que courir un marathon ?  Tant qu’à chiâler…  😉

Marathon vs ultramarathon: Scott Jurek était-il si fort ?

En faisant quelques petites recherches sur Scott Jurek pour mon dernier article, je suis tombé sur ceci écrit par un autre blogueur. En tant que marathonien, l’auteur avance que un, courir un marathon est plus difficile qu’un ultra et que deux, les exploits de Scott Jurek sont surévalués.

En résumé, son argumentation tient sur le fait que les grands marathoniens courent seulement deux, au gros maximum trois marathons par an à cause des dommages engendrés par une course à l’organisme qui a besoin de beaucoup de temps pour récupérer. En contre-partie, Jurek a gagné le Western States 100 et le Badwater 135 à deux demaines d’intervalles, ce qui n’arriverait jamais au niveau marathon. Il remet donc largement en question la force de l’opposition à laquelle Jurek devait faire face. Il met également en doute l’effort consenti par Jurek lors de ces courses car si logiquement elles étaient si difficiles, il n’aurait jamais été capable de performer de telle façon en deux occasions aussi rapprochées.

Ma réponse,  comme celle de bien de ses lecteurs, est la suivante: bien que je respecte son opinion et que ses arguments tiennent d’une certaine façon la route, il ne sait tout simplement pas de quoi il parle. C’est vrai que la compétition est moins forte en ultra et c’est normal: il y a beaucoup moins de coureurs qui en font. Les plus « gros » ultras ont rarement un contingent de plus de 600 participants (nous étions 320 au Vermont 50) alors qu’un marathon de cette taille serait considéré comme « petit », « très petit » même. Moins de participants, donc probabilité moindre que les plus talentueux y soient. C’est aussi simple que ça. Donc, quand quelqu’un aux capacités extraordinaires comme Jurek se présente, ses chances de gagner sont effectivement augmentées. En ce sens, je suis un peu d’accord avec lui.

Ceci dit,  il parle carrément au travers de son chapeau en ce qui concerne la difficulté des épreuves. Pour lui, un ultra, ça se fait en « joggant » et on a juste une chose à faire: endurer. Pour le marathon, ce ne serait pas la même chose car le coureur va à la vitesse maximale qu’il peut tenir sur 42.2 km. Hé bien, j’ai des petites nouvelles pour lui: un marathon, c’est de la petite bière par rapport à un ultra. Et celui que j’ai fait, c’était « seulement » un 50 milles, dans des sentiers à peu près dénués de roches et de racines. Bien que plutôt nanti côté dénivlé (9000 pieds en montant, autant en descendant, ça fait tout de même 2.75 km ça !), le Vermont 50 n’est pas considéré comme difficile dans le milieu. Et pourtant, pour faire cette course-là, je me suis entrainé comme jamais, j’ai appris à monter et à descendre dans des sentiers sinueux. Pour moi, une sortie de 32 km sur route était rendue de la routine alors que pour l’entrainement du marathon, c’est le « peak » du programme.

Après la course, mes quadriceps étaient complètement finis, j’avais mal aux épaules, aux bras. Quelques semaines plus tard, à l’expo-marathon de Philadelphie, je me suis arrêté quelques instants pour écouter une conférence. Quand je me suis rendu compte que la dame donnait des conseils sur comment se comporter si ça commençait à aller mal autour du 20e mille, j’ai souri et ai poursuivi mon chemin. Le marathon le dimanche a été mon plus facile depuis mon premier et pourtant, j’y ai battu mon record personnel. Courir 42 km sur un terrain presque plat, sur une surface parfaite ?  Piece of cake  (je ne dirais toutefois pas ça aujourd’hui, mais ça, c’est une autre histoire) !

Je dirais donc ceci à monsieur Smith qui a écrit l’article: prenez le départ d’un ultra, essayez de le terminer et si par après votre opinion n’est pas changée, alors je la respecterai complètement.