C’est de ta faute, Pat !

J’ai appris qu’il courait en 2008, la semaine avant le Marathon de Montréal. Dans une entrevue accordée à « Salut Bonjour ! », il parlait de cette première pour lui dans la plus longue des distances classiques. Il visait un temps de 4 heures. Pour ma part, comme j’avais fait un 3h43 « en dedans » à ma première expérience l’année précédente, j’étais confiant de pouvoir descendre sous les 3h30. La pluie torrentielle qui était tombée dans les heures précédant la course avait été suivie par une humidité à couper au couteau. Inexpérimenté, j’avais terminé cette course de peine et misère, franchissant la ligne après 3h56 de pure souffrance. Je suppose qu’il a vécu un peu la même chose que moi, une trentaine de minutes derrière.

Je me suis mis à suivre son évolution, comme je le faisais avec d’autres personnes connues qui pratiquent la course. Nous nous croisions de temps en temps dans le cadre d’une course (habituellement au demi Scotia Bank), mais comme je n’avais rien de particulier à lui dire, ce n’était pas parce qu’il était connu que j’étais pour lui parler…

Puis j’ai remarqué qu’il semblait courir moins. À l’époque, je n’avais qu’une seule référence en la matière: SportStats.ca. Je me suis dit qu’il avait probablement ralenti la cadence, faute de temps et/ou de motivation.

Puis un jour, allant faire mon « épicerie » à la boutique Coin des Coureurs du centre-ville, j’ai émis un commentaire sur la grande quantité de gels que j’achetais. L’employé me raconta alors qu’il y avait un monsieur qui était passé et en avait acheté une quantité phénoménale parce qu’il s’en allait faire une course de 100 milles et qu’il préférait « en avoir plus que moins ».

J’avais vaguement entendu parler de ces courses-là. Un jour, j’avais vu un reportage sur le fameux Leadville 100 à la télé américaine, mais je me disais que c’était certainement marginal comme épreuve. Il me semblait toutefois qu’il y avait un 100 milles quelque part dans le Vermont….

Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, mais je me suis mis en frais de trouver le site de l’événement et ensuite, la liste des participants. Qu’est-ce que je cherchais au juste ?  Quelqu’un que je connaissais ?  Toujours est-il qu’en défilant ladite liste, je suis tombé sur son nom. Hein, lui ?  Merde, il est plus lent que moi dans toutes les courses qu’on fait et il va se taper un 100 milles ?  Non, ce n’était pas possible… Peut-être était-ce quelqu’un qui portait le même nom (ben oui Chose, dans le genre coïncidence…) ?

J’ai approfondi mes recherches et j’ai trouvé d’autre références que SportStats (duh !). Il s’était lancé dans les course plus longues que le marathon classique et à ce moment-là (nous étions en 2011), il avait déjà deux Ultimate XC, un Vermont 50 et un Bear Mountain sous la ceinture. Holly shit !

Je me suis mis à m’intéresser à ce monde si particulier des ultras en sentiers. Et plus je lisais sur le sujet, moins je comprenais. Il fallait que j’en parle à quelqu’un. Mais à qui ?  Je ne connaissais personne d’assez fou pour se lancer dans de telles aventures. Il y avait bien des blogues qui en parlaient, mais à part ça… Toutefois, tous étaient unanimes sur un point: la course en sentiers, c’est le plaisir pur et la camaraderie, rien à voir avec la route. J’avais vraiment le goût d’essayer.

J’ai contacté David Le Porho qui m’a recommandé de commencer par des distances plus courtes, question de voir si j’aimais ça ou pas. Puis, quelques mois plus tard, après avoir complété un Marathon d’Ottawa de rêve qui me permettait enfin de m’assurer une place pour Boston, je suis tombé sur Pat par pur hasard.

Je devais être sur un high, je ne sais pas trop, mais cette fois-là, je lui ai parlé. Sans avoir aucune espèce d’idée sur la performance qu’il venait de réaliser, je l’ai félicité sur le champ (il venait d’établir son record personnel). Après quelques phrases typiques d’après-course échangées avec le grand sourire entre coureurs, je lui ai parlé des ultras. En fait, je lui ai dit que j’envisageais le Vermont 50. Il me l’a recommandé chaudement pour un premier ultra, à cause de l’organisation et de son niveau de difficulté technique relativement faible. Je le cite: « Il est vraiment beau, le Vermont 50. Ça monte et ça descend beaucoup, mais il facile techniquement. La place idéale pour commencer ! ». J’avais ma confirmation. Le surlendemain, j’étais inscrit. Le conseil de David ? Heu…

La suite fait partie de l’histoire, comme on dit. Malgré une météo exécrable, j’ai vécu la plus belle course de ma vie. J’étais définitivement accroc.

J’avais prévu acquérir plus d’expérience en ultra en 2013 et me lancer dans les grande aventure du 100 milles pour le Vermont 100 2014, trois ans après avoir « découvert » l’existence même de cette course. Mais j’ai été ralenti par les blessures et n’ai pas pu participer aux courses que j’aurais voulu.

Sauf que…

Quand c’est rendu que le gars que je voyais comme mon modèle dans le domaine me sermonne gentiment pour me dire que je suis plus que prêt… Quand c’est rendu que ma conjointe me dit que je devrais le faire, que pour un premier essai sur LA distance, pouvoir le faire près de chez soi, c’est toute une chance…

Et puis à un moment donné, si j’attends que les conditions idéales soient toutes réunies (travail, conditions météo, entrainement), je ne le ferai jamais. Au pire, si je suis trop fatigué pour le compléter, j’arrêterai en chemin et me reprendrai une autre fois. Ou je finirai à la marche, DFL (dead fucking last !).

Alors voilà, je plonge. C’est fait: je suis inscrit pour le 160 km du Bromont Ultra.

Et ça, c’est de ta faute, Pat !  🙂

Lapin privé à Ottawa

Bon, je sais que le Marathon d’Ottawa est chose du passé depuis quatre longues semaines, alors un récit après un si long délai, bof…  Mais bon, vaut mieux tard que jamais, pas vrai ?

Voici donc, en version « 100 commentaires », le récit de mon expérience de lapin privé à Ottawa, une première pour moi dans un marathon. Expérience que j’ai adorée et serais prêt à recommencer demain matin.

  1. Pour la proximité des hôtels, Philadelphie peut aller se rhabiller. Le Holiday Inn où Maggie a passé la nuit, est situé à 600 mètres du départ… et ce n’est même pas l’hôtel le plus rapproché !
  2. Maggie, c’est Marie-Hélène, une ancienne collègue de travail. Son surnom provient du fait qu’elle était la plus jeune parmi nous. Hier, le « bébé » a célébré ses 40 ans…
  3. Qu’est-ce qu’on fait quand les gens qui ne connaissent pas la course (les employés de l’hôtel) nous achalent parce qu’on a mis un imperméable jetable question de se protéger du froid alors qu’il fait beau dehors ?  On les envoie promener ?
  4.  Pourquoi suis-je toujours celui qui tombe sur les bonshommes bizarres qui me racontent leur vie de façon incohérente ?  À 6 heures du matin, avant un marathon…
  5.  Maggie partageait une chambre équipée d’une cuisinette avec sa soeur Caroline (qui en sera également à son premier marathon) qui était accompagnée de son conjoint Xavier. Les enfants et les grands-partents ont dormi ailleurs (ne me demandez pas où)
  6.  Je croise Pat dans le lobby, il semble en pleine forme. Quand je lui apprends que le standard pour Boston à son âge vénérable est de 3h25, je sens un certain intérêt (il croyait que c’était 3h20). Sauf qu’il n’a pas encore pu faire de vraies longues distances cette année, alors il ne sait pas où il se situe côté endurance. Avec l’été qui l’attend, il va le savoir assez vite !
  7. Question: si Pat peut faire 3 courses de 100 milles cet été, qu’est-ce qui m’empêcherait d’en faire une alors que mon volume d’entrainement est (pour le moment) supérieur au sien ?
  8.  Les parents de Maggie et Caroline viennent nous voir avant le départ.

    Caro et Maggie

    Caroline et Maggie, moins d’une heure avant le départ de leur premier marathon

  9. Rencontre avec la gang de Team in Training. Plusieurs en sont à leur premier marathon et sont visiblement nerveux. Quand on me demande si c’est mon premier, je me demande comment répondre la vérité sans avoir l’air d’un frais chié.
  10. C’est jusqu’à ce que je me mette à jaser avec Gillian, la coach du groupe, qui en sera à son 21-22e (je ne sais plus) marathon en plus d’avoir fait 22-23 (là non plus, je ne sais plus) demis. La vue de son visage quand je lui apprends que j’ai couru des intervalles la veille en plus de prendre de la bière du vin au souper vaut 1000 $.
  11. Question: comment peut-on savoir le nombre de demis qu’on a faits quand on est rendu à plus de 20 marathons ?  Au fait, j’ai couru combien de demis ?  Le lac Brome, est-ce que ça compte pour un demi ?  Et le 28 km à Harricana, ça compte pour quoi ?
  12. L’incontournable: l’hymne national. Il fait le même effet à tous: on s’en balance !
  13. J’aperçois David Le Porho, tout sourire. Il viserait 2h20 selon ce que j’ai entendu.
  14. Nous nous installons derrière le lapin de 4h45 avant le départ. Nous sommes accompagnés par Chantal, Sylvie et Caroline, toutes de Team in Training. Je me sens un peu comme le coq dans la basse-cour. Ou comme le chien dans un jeu de quilles, c’est selon.
  15. Maggie est fébrile, mais c’est parce qu’elle me le dit que je le sais parce que son non-verbal indique tout le contraire.
  16. Le départ est donné. Maggie sort son téléphone intelligent pour poster sur Face de Bouc. Le coq se sent vieillir de quelques années…
  17. 5 minutes plus tard, nous franchissons enfin la ligne de départ. C’est parti !

    AuDepart

    Le départ pour la longue aventure !

  18. Le premier kilomètre se fait très (trop ?) lentement. Des messieurs profitent des premiers buissons pour se soulager. Je ne suis pas pour les laisser seuls…
  19. Premier point d’eau au 2e kilomètre. Il est fermé !!!  Un point d’eau fermé ?  C’est quoi cette affaire-là ?
  20. Le parcours longe le canal Rideau. C’est vraiment beau, surtout avec la brume matinale. C’est plaisant accompagner quelqu’un, on peut faire du tourisme au lieu d’être concentré sur ses affaires. Je devrais faire ça plus souvent… mais pas à Montréal !
  21. Les maisons sur le bord du canal sont également magnifiques et tellement bien entretenues…
  22. Début de marathon = convivialité. On fait un bout avec ce qui semble être une famille: un père, sa fille, son gendre, des amis. Le bonhomme est vraiment comique, il nous fait bien rire. Sa fille en a honte, mais elle n’a pas l’air en mesure de courir assez vite pour s’en « débarrasser ».
  23. Après le premier point d’eau, miracle: le Gatorade est à l’orange !  J’aime vraiment Ottawa !
  24. Maggie et moi nous détachons des trois autres. Je lui rappelle qu’un marathon, c’est long et que partir trop vite, c’est mortel. Quand les autres nous rattrapent, elle leur raconte qu’elle s’est faite chicaner. Ben quoi, c’est ma job, non ?
  25. Les filles « suivent la parade » au lieu de courir les tangentes. Je leur fais remarquer qu’un marathon, c’est déjà assez long comme ça, pas besoin de prendre des détours. Mais bon, on dirait que ce n’est pas tout le monde qui est compétitif comme moi.
  26. Un brouillard recouvre la ville depuis le lever du jour. Il est encore là et j’espère qu’il attende à midi pour se dissiper.
  27. Brouillard = humidité. Il y a même de la buée qui sort de la bouche des coureurs, nous donnant l’impression de suivre des fumeurs.
  28. Autour du 6e kilomètre, la cadence se stabilise à 6:16/km sur ma Garmin. À ce rythme, la cible de 4h30 est fort envisageable.
  29. Je trouve que Sylvie souffle beaucoup pour quelqu’un en début de marathon. Elle est capable de parler avec nous, mais on voit que c’est plus difficile. Ça n’augure pas bien pour la suite.
  30. Autour du 8e kilomètre le quartier dans lequel on se retrouve ne me dit strictement rien !  Pourtant, ne suis-je pas déjà passé par ici moi ?
  31. Les 10 km sont atteints en 1:03:35, ce qui nous donne sous les 4h30 comme cadence. So far, so good.
  32. Encore envie de me soulager, décidément…  Pourquoi c’est toujours de même quand j’accompagne quelqu’un ?
  33. Je trouve un autre buisson accueillant, puis reviens au groupe en expliquant ma théorie: quand j’agis ainsi, je le fais par galanterie. Oui mesdames. En effet, pendant que je me soulage dans un endroit naturel, je laisse la place aux dames qui doivent impérativement utiliser les toilettes. Logique, non ?
  34. C’est drôle, je ne sens pas que ma théorie soit totalement soutenue par mes compagnes de course…
  35. J’ai faim. Pourquoi c’est toujours de même quand j’accompagne quelqu’un ?  C’est vrai, quand je fais ma course, je suis correct, mais avec quelqu’un d’autre, j’ai toujours faim. Heureusement, j’ai mes bretzels !
  36. Avis à tous: ne jamais faire des économies de bout de chandelle avec les ziplocs. Celui dans lequel j’ai mis mes bretzels ne ferme pas à moitié et à chaque fois que j’en prends, il en tombe par terre. C’est gossant à la longue !
  37. Autour du 13e kilomètre, c’est le moment des comparaisons entre la laideur de ce qui nous entoure (rien, en fait) et l’usine Five Roses à Montréal. Cette dernière l’emporte finalement haut la main.
  38. 14e kilomètre atteint en 1h30, j’annonce que nous sommes encore dans le rythme pour 4h30 (en fait c’est plutôt 4h31, mais je laisse tomber ce détail). Maggie me demande comment je peux savoir ça, je lui réponds que 14, c’est le tiers de 42, non ?  Suis-je le seul à savoir ça ?
  39. On dirait bien…
  40. Long détour sur les bords de la rivière Outaouais. Vraiment la partie la plus ennuyeuse du parcours.
  41. Maggie me demande comment je vis le tapering habituellement, car elle a trouvé le sien très difficile. Elle était d’une humeur exécrable, etc. Heu personnellement, non pas si pire. Les hormones peut-être ?
  42. Heureusement, ma question n’a pas été trop mal prise…  😉
  43. Petite montée… Je me rends compte qu’elles sont beaucoup plus difficiles pour les gens qui vont moins vite car ils ne sont autant pas entrainés par leur élan que les coureurs plus rapides. Mon Dieu que ces petites montées doivent être faciles pour les coureurs d’élite !
  44. Peu avant de traverser au Québec, autour du 20e kilomètre, j’aperçois la table de ravito réservée aux coureurs d’élite. Curieux, je m’y rends et ramasse une bouteille à moitié vide (ou à moitié pleine, je m’en fous un peu).
  45. Le contenu: un liquide vert. Et quand je dis vert, c’est vraiment vert, genre crème de menthe. Il FAUT que je goûte à ce que se tape un coureur d’élite. Verdict: bof, ça ne goûte pas grand chose, finalement…
  46. Maggie s’empare de bâtons enduits de vaseline et m’avertit que les manoeuvres à venir ne seront pas des plus élégantes.
  47. En effet: elle entreprend d’étendre le tout au niveau de son aine, sous son cuissard. Drôle de gymnastique, mais bon, en course, j’ai pas mal tout vu. Depuis qu’une fille a fait pipi debout juste à côté de moi…
  48. Chantal nous suit presque au pas, Caroline joue au yo-yo au gré des ravitaillements, mais nous avons définitivement perdu Sylvie.
  49. Passage au demi: 2:15:07. Le rythme est toujours égal.
  50. Question d’encourager ces dames, je leur dis que j’ai presque toujours un passage à vide entre les 22e et 26e kilomètres d’un marathon, alors si ça leur arrive, il n’y a pas à s’en faire, ça finit par passer.
  51. Ce qui ne passe pas par contre, c’est encore l’appel des buissons…  Ceux que je choisis cette fois sont infestés de maringouins. Hé, lâchez mon monsieur, vous autres !
  52. Petit blagueur, je raconte cette super-anecdote à mon retour dans le groupe, question d’amener une certaine distraction. Résultat ?  Bof…  😉
  53. Côté paysage, Hull, on repassera…
  54. Je fais un petit check de ma partner et lui demande comment ça va. Elle me répond qu’elle sent la fatigue s’installer dans les jambes, mais le reste va. So far, so good. Ma job est tellement facile… Je me garde cependant bien de lui dire que la cadence a légèrement ralenti.
  55. Je lui suggère de se lancer dans le poker car son non-verbal ne laisse rien paraitre.
  56. Petite discussion sur les descentes. Elle est incapable de les faire autrement qu’en freinant. J’essaie de lui montrer ma technique, l’encourage à essayer. Rien à faire, elle a un blocage.
  57. Suivre des cours de descente avec moi, faut vraiment être mal pogné !  🙂
  58. Tiens, une rue plutôt chouette avec des pubs et des petits restos, ça fait changement. Une autre affaire que j’avais manquée la dernière fois ! Il faudrait bien que je revienne ici à un moment donné…
  59. Je sens que Maggie commence à faiblir, vivement l’apparition de sa famille, de l’autre côté de la rivière.
  60. Retour à Ottawa via le pont Alexandria. Un vieux pont, étroit et bien pittoresque. Quand je suis passé dessus en voiture un peu plus tôt, le brouillard était tellement épais que je ne voyais pas à 50 pieds devant. Maintenant, le soleil est bel et bien sorti, ce qui m’inquiète pour la suite.
  61. Tel que prévu, nous sommes attendus du côté ontarien. Maggie fait des grands signes, mais comme je n’ai vu que ses parents qu’une seule fois, je ne les reconnais pas. Elle par contre…  Une petite photo pour la postérité.

    RetourOttawa

    Enfin de retour en Ontario !

  62. Le meneur du demi nous dépasse et prend la direction du centre-ville. Il ne semble pas aller si vite, tellement que j’ai l’impression que je pourrais le suivre. Maggie me dit d’oublier ça.
  63. Sussex Drive, l’endroit où on passe dans les deux sens. Je surveille de l’autre côté au cas où je verrais quelqu’un que je connais. Nous croisons le lapin de 3h30, je me dis donc que Pat est probablement déjà passé.
  64. Malheureusement, il suit pas loin derrière. Je lui crie un encouragement, il me répond que sa jambe est fichue. Merde !  Ce que je souhaiterais pouvoir me séparer en deux pour aller le soutenir un peu… Il nous raconte ce qui lui est arrivé ici.
  65. Voyons, me semblait que c’était chouette ici, non ?  Qu’est-ce qui se passe, donc ?  J’allume : tout le côté nord de Sussex est en construction,  rendant l’environnement moche et inhospitalier.
  66. 28 km, nous sommes légèrement plus lents que 4h30, mais pas si mal.
  67. Changement par contre: Maggie arrête pour boire en marchant au point d’eau et demeure Chantal et Caro, ce qu’elle n’a jamais fait depuis le début. Je sens que mon travail va bientôt commencer pour vrai.
  68. Comme je m’y attendais, les deux autres partent et nous laissent derrière.
  69. Maggie me dit qu’elle ne se sent pas si mal, mais n’avance plus. Constat : ses réserves de glycogène sont vides et elle fonctionne maintenant uniquement sur ses graisses. Ma diplomatie légendaire m’empêche toutefois d’utiliser ce terme quand je parle à une femme et je me garde bien de lui parler du fameux mur.
  70. « Quoi, tu me dis que tous les glucides que j’ai absorbés depuis trois jours sont maintenant partis ? ». Heu… oui. Tu as mangé des pâtes pendant trois jours ?!?
  71. « As-tu pris des gels depuis le début ? » que je demande. Réponse : « C’est mon troisième ! ». Ouais, pour un gars qui était supposé la garder à l’œil, pas fort mon affaire…
  72. Le parcours fait une grande boucle avant de nous ramener sur Sussex. Je sais que cette boucle peut paraître très longue car on n’y retrouve à peu près aucun spectateur.
  73. La vue sur la rivière Outaouais est magnifique, mais Magie est dans sa bulle. J’essaie de l’encourager en lui pointant les gens qui marchent alors que nous courons. Elle me répond qu’elle a juste envie de se joindre à eux…
  74. Je lui donne alors le conseil des ultras: se fixer des petits objectifs. Premier objectif : se rendre à la pancarte devant. Une fois rendus, se rendre à la toilette. Puis à la pancarte, puis… Il faut fractionner la course en petits morceaux, question de la rendre un tant soit peu digestible.
  75. On dirait bien que le tout demeure indigeste…
  76. Elle me fait part d’étourdissements.
  77. Shit, c’est quoi ça ?  Je fais le tour des symptômes que je connais et ça ne me dit rien. « As-tu froid ? » Négatif. « Est-ce que tu transpires ? »  Franchement, demander à une femme si elle transpire…  Et je pousse l’audace jusqu’à vérifier. Affirmatif. Ok, ce n’est pas un coup de chaleur. Ouf !  Je lui dis de me tenir au courant, que ça va peut-être passer. (Je faisais erreur, les étourdissements sont un symptôme du coup de chaleur; heureusement, elle n’en sera pas victime)
  78. 32e kilomètre, plus que 10. Un 10k, tout le monde est capable de faire ça, non ?
  79. En bon porteur d’eau, je prends un verre supplémentaire à chaque ravito. La première fois que je lui en offre un, elle me demande : « Tu ne le veux pas ? ». Je lui rappelle mon rôle et rapidement, elle s’y habituera. Enfin, je suis un peu utile !
  80. Au 34e kilomètre, des emballages de Mr Freeze jonchent le sol. Malheureusement, il n’en reste plus…   Reminder pour moi : toujours me trainer un peu d’argent, pour ce genre d’urgence. Un dépanneur ou une pharmacie, ça ferait la job, non ?
  81. Pause-marche. Je la sers contre moi pour la réconforter. Les kilomètres semblent s’étirer de plus en plus…
  82. Des pancartes d’encouragement sont installées un peu partout. La meilleure ?  « Because 42.3 km would be insane »
  83. Je me souviens alors de ce qu’a fait Dusty, le fidèle pacer de Scott Jurek, lors du Badwater en 2005: je dis à Maggie qu’on va partir à telle pancarte et juste essayer de se rendre à la suivante.
  84. À la pancarte donnée, nous repartons. Une fois la pancarte-cible atteinte, nous courons toujours. Sa détermination est belle à voir. Je ne sais pas si elle a songé à abandonner, mais jamais elle ne m’en a parlé.
  85. Devant nous, deux filles. Il est clair qu’elles sont dans la même situation que nous: l’une est débutante et l’autre l’encourage. Son approche est légèrement plus « agressive » que la mienne, si on peut dire. Je me demande si Maggie apprécierait…
  86. Personnellement, j’arracherais la tête de quelqu’un qui m’agresse de même !
  87. Retour sur Sussex, la « boucle de la mort » est enfin terminée.
  88. 37e kilomètre, je montre ma main grande ouverte à Maggie et lui dis: « Il en reste 5, juste 5, comme les doigts de la main. On est rendus… ». Je sens que ça fait image.
  89. On entre dans le centre-ville, qui est beaucoup moins animé que lorsque j’étais passé ici en route vers mon premier Boston. Les spectateurs désertent au fur et à mesure que leurs coureurs passent et je trouve ça un peu triste pour ceux qui auraient bien besoin d’encouragements.
  90. Je sais que nous allons croiser sa famille bientôt, mais n’ose pas lui en parler au cas où elle serait déçue. J’aurais peut-être dû, car Maggie choisit ce moment pour marcher un peu.
  91. Antoine, son plus vieux, apparait.
  92. Un peu plus loin, Sylvain et le plus jeune (Émile) nous attendent. Elle leur réclame un câlin.
  93. La vérité sort de la bouche des enfants: « Ouach maman, t’es toute mouillée ! »
  94. Ils font un bout avec nous, Sylvain demande si je fais bien ça. Maggie répond que je suis parfait (je suis tout à fait en désaccord avec ça, mais bon…), ce à quoi j’ajoute: « Elle ne m’a sacré que 3 ou 4 baffes depuis le début ».

    38eKM

    Avec Sylvain et Émile. Maggie garde le sourire, plus que 4 kilomètres à faire !

  95. Une fois revenus juste tous les deux, elle me demande: « Est-ce que je t’ai vraiment donné des claques  ? ».  Il est vraiment temps que ça finisse…
  96. 39 km, trois doigts. Les coureurs du demi sont maintenant avec nous et plusieurs peinent. Je dis à Maggie qu’elle est tellement meilleure qu’eux, mais elle est ailleurs.
  97. Elle m’annonce: au 40e kilomètre, on prend une dernière pause. Et directement sous la bannière, on se remet à la marche. Le lapin de 4h45 en profite pour nous dépasser.
  98. 200 au 300 mètres plus loin, on repart. C’est dur un marathon…
  99. On traverse le canal une dernière fois, on passe le 41e kilomètre, puis la pancarte annonçant le dernier kilomètre. Le fameux dernier kilomètre. Je lui dis de le savourer, on le vit qu’une seule fois, le dernier kilomètre de son premier marathon.
  100. Au loin, l’arrivée. Je prends soin de me tenir un pas derrière et lui laisse la ligne. Elle la franchit les bras dans les airs, avec le sourire. Résultat final: 4:45:41.

 

Les petites vites

De retour après quelques jours assez occupés. Voici ce qui a retenu mon attention ces derniers temps.

Virgil Crest Ultras – Ça fait 10 jours que la course a eu lieu et je n’ai pas eu l’occasion d’en parler. Pourtant, durant la fin de semaine du Marathon de Montréal, mes pensées étaient non pas ici, mais bien dans un coin perdu de l’état de New York. Comme le temps était frais et pluvieux par chez nous, je me disais que ça devait être la même chose là-bas. En plus, avec le principe du double aller-retour pour le 100 milles, pas difficile d’imaginer que l’état des sentiers devait se détériorer à vue d’oeil à mesure que la journée (et la nuit) avançait.

Nous étions en mode “ménage” à la maison, car nous avions fait des rénos et elles étaient terminées. Est-ce qu’il y a une meilleure façon d’avoir la tête ailleurs que faire du ménage ?  J’en étais pathétique: j’allais voir les mises à jour sur le site de l’événement aux 30 minutes, question de suivre l’évolution de nos coureurs québécois. J’ai vite constaté, à voir les temps de passage, que certains d’entre eux couraient ensemble.

La course a été difficile. Très difficile. Sur 66 au départ du 100 milles, ils étaient seulement 18 à l’arrivée. Plusieurs se sont arrêtés à la mi-parcours, obtenant ainsi un classement officiel pour la course de 50 milles qui se déroulait en même temps. Le gagnant, James Blandford, est un habitué des courses dures: c’est lui qui a remporté le Massanutten en mai. Les Québécois ne sont pas demeurés en reste. Joan a terminé en excellente 3e position; son récit de course est du bonbon, à ne pas manquer (me croirez-vous si je vous dis qu’il est rentré au travail en courant deux jours plus tard ?!?  T’es une machine, Joan !). Le toujours souriant Pierre Lequient a quant à lui fini 4e et Pierre Arcand, 6e. Quant à Pat, il s’est arrêté après une soixantaine de milles. Il nous raconte son expérience ici. Cette lecture m’a beaucoup fait réfléchir.

Record du monde à Berlin – Berlin a la réputation d’être un marathon ultra-rapide. Je ne sais pas ce qui se passe là-bas, mais les records du monde y tombent comme des mouches. Je suppose que le parcours est très plat, mais il y a certainement autre chose. Est-ce le climat ?  Le bitume ?  Le fait que les pacers engagés par l’organisation sont de très haut niveau ?

En tout cas, le Kenyan Wilson Kipsang y a réussi dimanche une course parfaite et a fait éclater le record du monde: 2:03:23, soit 15 secondes de mieux que l’ancien record de Patrick Makau. Kipsang est un coureur établi qui avait failli s’emparer du record en 2011 en faisant 2:03:42 à Francfort. Gagnant à Londres en 2012, il avait raté sa chance aux Jeux olympiques trois mois plus tard: il était l’un des deux Kenyans à s’être fait jouer un vilain tour par l’Ougandais Stephen Kiprotich dans les derniers kilomètres.

À Berlin, il a réussi une course parfaite. Se tenant à l’arrière du peloton de tête amené avec vigueur par deux pacers de très haut calibre, il a conservé un rythme constant du début à la fin. En effet, ses splits sur 5 km ont varié de 14:27 à 14:48 (non mais, comment ils font pour aller à une telle vitesse bout de sacrament ?!?). Du grand art.

Seul bémol: un tata qui a décidé de faire une pub pour un site de prostitution et qui a réussi à se faufiler pour franchir le fil d’arrivée juste devant Kipsang. Donc, pas de photo d’arrivée triomphale pour le nouveau recordman du monde. Dommage.

Record de parcours au Vermont 50 – Celle-là m’a fait énormément plaisir. Ma course préférée, à laquelle je ne pouvais pas participer alors qu’il faisait un temps splendide, a été remportée par David Le Porho. Le sympathique David a donné une véritable leçon de course à Brian Rusiecki, le vainqueur de l’année passée, en établissant un record du parcours (6:09:31 !) et laissant ce dernier 24 pleines minutes derrière lui.

Au cours d’une conférence à laquelle j’ai assisté récemment, David a dit être en préparation pour sa première course de 100 milles. La course visée ?  Le Western States 100, rien de moins. Comme il est très rapide (il a fait 2h21 sur marathon cet été) et qu’il n’est pas du genre à s’embarquer dans un projet à la légère, je ne parierais pas contre lui. Je pense que les chances qu’on le voit à St-Donat l’an prochain sont plutôt minces. 😉

En début de saison, j’ambitionnais de compétitionner avec les meilleures femmes lors du VT50. En effet, Amy Rusiecki (oui, la femme de l’autre) avait gagné en 8h18 l’an passé, soit 24 minutes de mieux que moi. Je me disais qu’avec un entrainement plus poussé en côtes et une meilleure gestion des ravitaillements, peut-être que… Or cette année, elle est descendue sous les 8 heures… mais ce n’est pas elle qui a gagné. C’est plutôt Aliza Lapierre qui a fait un temps-canon de 7:01:08.  Définitivement que j’aurais eu à réviser mes ambitions à la baisse !

Augmentation des mesures de sécurité à New York – Ça fait des semaines que les New York Road Runners m’envoyaient des courriels de schnoutte. De la pub pour leurs autres courses, des promos à la noix, des sondages, etc. Puis est arrivé le courriel que nous attendions en espérant ne jamais le recevoir: celui à propos des nouvelles mesures de sécurité.

On voit immédiatement les effets post-Boston 2013. En gros, on nous dit que tous les sacs à dos risquent d’être fouillés, que les spectateurs doivent se préparer à de longues files d’attente, que l’aire des retrouvailles risque d’être très difficile d’accès et qu’il serait préférable de donner rendez-vous à ses proches ailleurs (ha oui, où ça ?  À la Statue de la Liberté ?). À ça s’ajoute une longue liste d’articles qu’il sera interdit pour nous coureurs de transporter. Il y en a des évidents: couteaux, armes-qui-n’en-sont-pas-mais-qui-pourraient-l’être (genre un marteau), armes à feu (duh !), etc. Mais il y a aussi des articles qui pourraient être utiles en course qui seront interdits. Les vestes d’hydratation, par exemple. Honnêtement, celle-là me dérange un peu plus car j’avais jonglé avec l’idée d’utiliser la mienne au lieu de ma ceinture. Maintenant, comme il y a des points d’eau à chaque mille, je pense sérieusement à faire comme tout le monde: courir avec rien. Ce serait une première pour moi.

Mais malgré toutes ces belles précautions, dans ce genre d’événement, on ne peut pas tout prévoir. Juste à voir comment un nono a réussi à s’infiltrer en fin de parcours à Berlin…

Pendant ce temps-là, du côté du blessé… – Le Grand Blessé a reçu son traitement d’ostéo vendredi dernier. Toujours le même problème: mes muscles sont trop contractés, alors les tendons sont sollicités en permanence. Et les douleurs finissent par se pointer…

Le remède ?  Repos (pas facile !), étirements (ça semble marcher) et massages. Suite au traitement, j’ai reçu l’ordre de me reposer au moins 48 heures, le temps que ses manipulations fassent effet. Pour une fois, j’ai écouté, me contentant de marches comme exercice durant la fin de semaine. Puis lundi, à vélo, je suis parti pour la première fois sans ma Garmin, question de mettre toutes les chances de mon côté pour y aller vraiment mollo. Car je me connais, quand je vois une vitesse affichée qui ne fait pas mon affaire, je pousse toujours un petit peu…

Mardi, retour à la course. Encore là, relaxe: 15 km que j’ai faits à 4:25/km de moyenne pour entrer au travail. Les genoux ont tenu le coup, mais ça faisait vraiment bizarre de terminer avec un sentiment du style “il me semble que j’aurais pu aller pas mal plus vite…”. Pas habitué à ça, le monsieur. Aujourd’hui, c’était encore le mollo-vélo et demain, un autre 15 km. En espérant que ça tienne encore…

Ultimate XC St-Donat: holly shit !

Printemps pluvieux. 30 mm de pluie samedi. Devenez de quoi avaient l’air les sentiers aujourd’hui. Une seule expression peut décrire l’état dans lequel nous les avons rapidement trouvés: de la cr… de m…

Dès le premier kilomètre, de grandes marres d’eau et surtout de boue s’étendant à perte de vue se sont présentées à nous. Et quand je parle de boue, je parle de boue assez profonde pour retenir un soulier et évidemment faisant partie intégrale d’une marre assez étendue pour nous empêcher de faire autrement que passer au travers. À plusieurs reprises, j’ai failli perdre une des godasses, aspirée par un des milliers de marais qui jonchaient le parcours. Dès le premier kilomètre, j’avais prédit planter au moins une dizaine de fois. Je ne me suis pas rendu à ce nombre, mais c’est bien parce que j’ai été extrêmement prudent.

Pour vous donner une idée de l’état décourageant des sentiers, David Le Porho et Gareth Davies ont abandonné. Pourtant,  le grand vainqueur, Jeff Gosselin de Québec, n’a été que 6 minutes plus lent que le gagnant de l’an passé, alors que les sentiers étaient très roulants (mais il faisait très chaud). Et cette année, ils ont été trois à descendre sous les 6 heures, alors que seul Davies avait réussi l’exploit l’an passé. Je me demande honnêtement comment un être humain pouvait réussir à faire ce parcours infernal en moins de 6 heures aujourd’hui…

De mon côté, mon temps officiel a été de 8:32:24, bon pour la 24e place. Pas si mal, mais j’aurais pu faire mieux. J’ai fait quelques erreurs tactiques, mais surtout, j’ai constaté une immense carence au niveau technique. Ma vitesse de croisière dans les sections boueuses et dans les descentes est borderline pathétique tellement elle est loin de ceux de mon niveau. Par contre, quand ça monte ou que c’est roulant, c’est fou la quantité de gens que je peux dépasser…

Je compte évidemment faire un récit de cette presque folle aventure. Mais ça va toutefois devoir attendre quelques jours car dès demain, ce sont les vacances qui commencent !  🙂

L’infolettre

Ils avaient dit qu’ils nous enverraient une dernière infolettre “à la mi-juin”. La dernière infolettre en vue de l’Ultimate XC de St-Donat est finalement arrivée par courriel une semaine plus tard, mais on peut dire qu’elle était assez complète merci !

L’organisateur commence en lion en annonçant que deux de ses bons amis allaient partir à la course vendredi soir avec l’intention de se taper le parcours du 58 km en sens inverse, puis revenir avec nous, les participants, qui prendront le départ de la “vraie” course le lendemain matin autour de 7h. Un petit 116 km au total… Le but ? Sensibiliser la population aux problèmes de santé mentale (heu, c’est que les gens normaux pensent déjà que les ultrarunners ont justement un problème de santé mentale… ;-)) et venir en aide aux personnes en proie avec des idées suicidaires. Si ça peut marcher le moindrement, j’appuie l’initiative à 100%. Les troubles mentaux sont tellement mal vus, voire honteux dans notre société. Et pourtant, tellement de gens en souffrent…

Et qui retrouve-t-on parmi ces deux braves ?  Sophie Limoges, ma chiro unique et préférée !  Elle qui m’avait dit qu’elle n’était pas certaine qu’elle y serait, elle va faire deux fois la distance. Quand j’ai vu son nom, j’ai décidé que tant qu’elle le voudrait bien, je serais son patient. Parce que je sais qu’elle comprend ce qui se passe dans ma tête et si ELLE me dit un jour que je dois prendre du repos, je vais suivre ses conseils.

Détail que j’ai constaté dans le reste de cet envoi: je ne sais pas si c’est volontaire, mais on y retrouve beaucoup de répétitions. Il me semble qu’il serait amplement suffisant d’écrire une seule fois que les concurrents des courses en trail doivent obligatoirement emprunter la navette pour se rendre à leur départ ou que la cueillette du dossard doit absolument se faire le vendredi soir pour les participants des course de 38 et 58 km. Mais non, on se le fait répéter. Signe d’une époque où les gens sont trop pressés ou incapables de se concentrer assez longtemps pour lire un texte de plus de 10 lignes ?  Peut-être…

L’infolettre contient aussi plein de renseignements plus ou moins utiles comme par exemple qu’il y a un bureau de poste à St-Donat (que d’émotion) ou la description de ce qui semble être un jeu que je ne connais pas et qui n’a aucun lien avec les courses. Enfin…

Ceci dit, la description des différents parcours est très intéressante et surtout, très instructive. Déjà que les cartes et les différents dénivelés étaient disponibles sur le site depuis un bon moment, un petit complément d’information, accompagné de quelques conseils, c’est vraiment excellent. On nous avertit entre autres où nous risquons (très) fortement de nous retrouver les pieds mouillés. Un beau contraste avec le Vermont 50 où ni le parcours, ni le dénivelé ne sont rendus publics.

À quoi s’attendre ?  Je ne peux pas dire avec certitude. Et ça fait un peu partie du charme de ce type d’épreuve. Je regarde les temps de l’an passé et je me dis que le parcours doit être très difficile. En effet, le gagnant avait terminé en 5h46, seulement deux autres coureurs avaient pris moins de 7 heures et la première femme (c’était évidemment Sophie) pointait à la 15e position en 7h54. Ce sont des temps qui ne sont pas très loin de ceux enregistrés au Vermont 50… qui était 22 km plus long !  Vrai qu’il faisait très, très chaud l’année dernière, mais cette année, avec le printemps pluvieux que nous avons vécu (sans compter le déluge prévu vendredi), les sentiers risquent d’être dans un piteux état et les rivières à traverser, plus profondes. Les temps devraient donc être du même ordre de grandeur, mais je peux facilement me tromper.

Si je ne peux prédire le déroulement général de la course, je peux encore moins prédire comment je vais m’y comporter. Surtout qu’un petit bobo inconnu a décidé de se monter la binette lors de ma dernière sortie de 20 km en sentiers lundi. Je ne sais pas si tous les coureurs sont comme moi, mais dans mon cas, j’ai des bobos “familiers”: ma cheville gauche et mon ischio droit en sont des exemples. Je les connais et quand ils refont de temps à autre une apparition, je sais comment les gérer. On est comme de vieilles connaissances.

Mais cette fois-ci, alors que j’étais dans la dernière descente m’amenant vers l’accueil de mon terrain de jeux, c’est une douleur au tibia droit qui est apparue. De quessé ?  J’étais en tapering, je ne m’étais vraiment pas surmené ces derniers temps, c’était quoi le problème ?  Je ne comprends pas trop, mais comme j’ai trainé ce petit malaise le reste de la journée de lundi et un peu hier aussi, j’ai décidé de ne pas faire le petit dernier 10 km que j’avais prévu pour ce matin. Ce sera la première fois que je me présente au départ d’une course avec quatre jours de repos (si on ne compte pas les 50 km de vélo par jour pour voyager au travail…). Habituellement, c’est deux jours. J’ai essayé trois pour Philadelphie et Boston et ça a plutôt bien fonctionné. Mais quatre ?  Enfin, on verra bien.

Si on suppose que tout irait bien côté santé, le top 10% que je vise sur route est à mon humble avis hors de portée (ça m’amènerait en 12-13e place, yeah right !). Une place dans les 30 premiers ?  Ouais, peut-être. Quant au temps, ça va probablement s’enligner autour de 8h.

Du côté des “tops”, je prédis le podium suivant:

1- David Le Porho

2- Gareth Davies

3- Alister Gardner

Disons que Seb Roulier m’a rendu la tâche plus facile en s’alignant sur le 21 km plutôt que le 58 (il sera aux championnats du monde de course en sentiers au Pays de Galles la semaine prochaine, alors même lui doit se ménager un peu… tout en visant la “gagne” sur le 21, quand même) !  Quant aux femmes, je ne peux pas croire que Sophie va rééditer son exploit de l’an dernier après avoir couru toute la nuit, alors j’y vais avec la fille de mon patelin natal: Rachel Paquette, de Victoriaville.

Mais LA prédiction qui a le plus de chances de se réaliser: beaucoup, beaucoup de plaisir pour les 1200 coureurs qui seront là samedi !  🙂

À recommencer

6h45, c’était un peu tôt à mon goût pour me rapporter à la tente des bénévoles de la Grande Virée des Sentiers. Mais comme le premier départ serait donné à 8h00, c’était bien normal que j’arrive un petit peu avant, non ?

Aussitôt, j’ai fait la connaissance de Chantal, la responsable des bénévoles. Et tout de suite je l’ai aimée. Sympathique, affable, le genre de personne qu’on sent immédiatement qu’elle est agréable à côtoyer. Dès que je lui ai donné mon nom, elle s’est confondue en excuses à propos de la petite confusion qui s’était produite durant la semaine. En effet, elle croyait m’avoir rencontré aux entrainements du Club des Coureurs sur Route de Mont St-Bruno (ce sont eux qui organisent l’événement) et m’avoir donné mon assignation alors qu’il n’en était rien. Ce n’était vraiment pas grave…

Après quelques minutes de confusion, je me suis retrouvé dans une fourgonnette accompagné de 5 autres personnes en direction… des rues de la ville. En effet, j’agirais comme signaleur sur le parcours. Or, une partie de la course de 20 km (environ 3-4 km) se déroule dans les rues. Donc, après avoir aidé les autres à monter deux tables pour un point d’eau, on m’a amené à « mon » intersection, située entre les kilomètres 15 et 16. Moi qui connais les sentiers par cœur, j’étais assigné dans les rues d’une ville que je ne connais pas du tout. Ironique, n’est-ce pas ?

Il était 8h30. Comme David Le Porho avait gagné la course en 1h07 l’an passé, je m’attendais à le voir se pointer entre 8h50 et 8h55. J’avais donc du temps devant moi. Je l’ai passé en nettoyant la rue de quelques branches mortes sur lesquelles les coureurs, fatigués par la montée et les kilomètres, pouvaient trébucher ou glisser. J’ai aussi déplacé légèrement les cônes marquant le passage réservé pour les coureurs de façon à leur donner plus d’espace. Un policier à vélo est venu me voir et on a discuté un peu. Je lui ai fait part de mes craintes au niveau circulation, mais il avait l’air habitué et m’a dit en souriant que les automobilistes étaient respectueux en très grande majorité.

N’empêche que de la manière dont l’intersection était faite, les automobilistes n’allaient pas voir arriver les coureurs sur leur droite, des arbres cachant la vue. J’allais donc devoir être prévenant pour éviter qu’un coureur voit son rythme brisé ou pire, un accident.

Les minutes s’écoulaient. 8h50. 8h55. Ben voyons que se passait-il ?  Bientôt une heure que le départ avait été donné et toujours pas signe de vie… Le départ avait-il été retardé ?  Ou peut-être que David n’était pas là. Mais Sébastien lui ?

À 9h pile ou à peu près, j’aperçus un premier coureur au loin. La casquette vissée sur la tête avec la visière vers l’arrière et ses lunettes lui donnant un petit air intello (il est tout de même médecin !) je reconnus tout de suite le sympathique Sébastien Roulier. Spontanément, je me suis mis à taper des mains et à lancer des encouragements. Comme j’étais fin seul, ça faisait bizarre. Mais je me suis vite arrêté car le trouble se pointait derrière lui: un groupe de cyclistes.

Ils étaient 5 ou 6 et au rythme où ils avançaient, ils allaient couper le meneur de la course, c’était certain. Merde… Tout ce que je pouvais faire, c’était crier, alors je me suis exécuté: « On laisse passer le coureur s’il-vous-plait !  On laisse passer le coureur !!! ». Sébastien a poursuivi sa route sans broncher, tâchant d’éviter les vélos qui lui coupaient le chemin.  « Il faudrait nous avertir avant ! » m’a lancé un des cyclistes.

Vous avertir avant ?  Vous venez de remonter une rue qui fait un bon kilomètre de long sur laquelle des pancartes de stationnement interdit et des cônes orangés forment un couloir que je considèrerais comme assez évident merci. Vous avez certainement dépassé plusieurs coureurs sur ce kilomètre, il semble que c’était plutôt clair qu’il y avait une course d’organisée, non ?  Tu voulais quoi, du con ?  Une enseigne sur une feuille de plywood de 4′ x 8′ à tous les 10 pieds pour t’avertir ?  Tabarn…

Bref, j’étais en petit crapaud et je sentais que j’avais raté mon premier call. J’espérais juste que Sébastien ne s’était pas trop fait briser son rythme dans l’opération…

Après une éternité, un autre coureur se pointa. Puis deux autres. À chaque fois, j’envoyais des encouragements et les dirigeais au bon endroit. À un moment donné, la concentration de participants se mit à augmenter. Et bien évidemment, la circulation automobile aussi. C’est là que je me suis senti vraiment utile, arrêtant le trafic le temps que les coureurs passent, puis faisant signe aux voitures quand le chemin était libre. Plusieurs participants m’ont remercié, ça m’a fait chaud au cœur.

Quant aux automobilistes, ils ont été super pour la très grande majorité. À part un qui a montré une certaine impatience (il avait probablement été obligé d’attendre une loooongue minute), tout le monde a été très gentil. Il faut dire que je me faisais un devoir de les remercier à chaque fois, ça aidait peut-être…

Après un certain temps, de mois en moins de coureurs se sont mis à passer. Puis, plus rien. Heu, je faisais quoi, moi ?  Finalement, j’aperçus un monsieur qui avançait lentement, suivi de deux bénévoles. C’était le dernier coureur. J’ai décidé de me joindre à eux et terminer la course. Le coureur était monsieur Gilles Rancourt. Il avançait, lentement mais sûrement. Jamais il ne s’est arrêté, jamais il n’a marché.

Au fil des kilomètres, le bénévole qui fermait la course se faisait demander par walkie-talkie où nous étions rendus, car l’organisation s’inquiétait pour l’heure de départ du 5 km. Disons que c’est toute une gestion, organiser plusieurs épreuves qui partent et finissent toutes au même endroit. Car il n’était pas question que le 5 km parte avant la fin du 20 km, vu que nous allions arriver en sens inverse…

Finalement, à mesure que nous approchions, une foule se formait et voyant monsieur Rancourt accompagné de gars portant des t-shirts orangés, elle se mit à se faire entendre. Les cris fusaient de partout, j’en avais des frissons. Mais on dirait que ce n’était pas assez, alors j’en demandais plus et les gens répondaient. Monsieur Rancourt a terminé en 2:27:46 sous les acclamations du public. Un bien beau moment.

Le reste de la journée a été tout aussi plaisant. J’ai eu l’occasion de regarder le départ et l’arrivée du 5 km (remporté par Dany Croteau), puis de servir de « poteau » pour tenir les câbles limitant l’accès au parcours durant ce qui constitue toujours un moment fort dans ces événements: les courses de 1 km des petits.

Et  par pur hasard, qui s’est retrouvé à côté de moi pendant que je jouait au piquet ?  Le vainqueur du 20 km lui-même !  Comme nous avions déjà échangé par courriel, je me suis présenté et nous avons amorcé une petite jasette. Il se rappelait à peine l’incident de « mon » intersection. ce qui m’a soulagé. Nous avons parlé du parcours, de la course, du fait qu’il avait couru 140 km durant la semaine (gulp !) et 1 heure et demie au mont Orford la veille (double gulp !). Et il venait de planter tout le monde !  Je me demande bien par combien de minutes il aurait pu gagner s’il avait été le moindrement reposé…

Son fils étant inscrit dans une des courses, il l’a suivi, mais nous avons eu la chance reprendre notre conversation par après. Comme je lui parlais de marche en ultramarathon, il ne semblait pas trop comprendre. La raison est fort simple: il ne marche jamais !  Je n’en revenais pas. Même pas au Vermont 50 ?  Même dans le mur au 47e mille ? Shit…  Seb, es-tu vraiment certain d’être humain ? Après ça je me demande pourquoi il a terminé presque 2 heures avant moi… 😉

Un ultrarunner bien connu s’est ensuite joint à nous, la conversation tournant autour des futures courses, des championnats mondiaux auxquels Sébastien participera en juillet, du Vermont 100 (où les deux se retrouveront, espèces de chanceux !) et de bien d’autres choses.  C’est fou ce que la course peut me rendre sociable !  🙂

Puis, les gens ont commencé à s’en aller. Mais pour nous bénévoles, la journée n’était pas terminée: il fallait tout ramasser. Ça s’est fait dans la bonne humeur et je ne comptais plus les chaleureuses poignées de main que j’ai reçues avant de partir, vers 14h30.

Organiser un tel événement, c’est vraiment beaucoup, beaucoup de petites choses à penser, à prévoir. Et c’est beaucoup de travail, j’ai pu le constater. Mais le faire dans le plaisir et la bonne humeur, ça a été un pur bonheur. Originalement, mon but était d’amasser des heures en vue du Vermont 100 de l’an prochain. Mais j’ai tellement apprécié que je crois bien que ce sera un rendez-vous pour les prochaines années, Vermont 100 ou pas.

Pour une première fois de « l’autre côté »

Depuis que je cours, j’ai eu la chance de prendre part à un grand total de 23 compétitions organisées. À chaque occasion, des bénévoles étaient là pour nous aider, nous supporter, nous encourager. Peu importe la température, qu’il fasse chaud et humide ou froid, pluvieux et venteux, ils étaient là, toujours souriants, dévoués pour nous. À quelques occasions, j’ai eu beaucoup d’admiration pour ces personnes qui étaient présentes, malgré le mauvais temps. Nous coureurs avions payé et étions entrainés pour ce jour précis, alors la pluie n’était qu’un inconvénient. Mais rien n’obligeait ces valeureux bénévoles à braver les intempéries dans le seul et unique but de nous aider. Il aurait été bien plus facile pour eux de demeurer à la maison. Mais non, ils étaient là.

À chaque point d’eau, je me fais toujours un devoir de remercier la/le bénévole qui me tend un verre. À mon sens, c’est la moindre des politesses. Car sans eux, il n’y aurait pas de courses, tout simplement.

Hé bien, pour la première fois demain, je serai de « l’autre côté », c’est-à-dire que ce sera (enfin) mon tour d’aider les coureurs dans le cadre de la Grande Virée des Sentiers du Mont St-Bruno. À ce que j’ai compris, mon rôle sera de guider les coureurs sur les différents parcours. Ça tombe bien, disons que j’ai une assez bonne connaissance de l’endroit. Je vais tâcher de faire ça comme du monde tout en profitant au maximum de la chance que j’aurai de pouvoir observer de près la technique des meilleurs de la discipline au Québec. Je vais également essayer de rendre une partie des encouragements que j’ai reçus au cours des années. Car je connais très bien l’effet que peuvent avoir de bons mots bien placés sur le moral et au bon du compte, sur la performance d’un compétiteur.

Allons-nous assister à un 5e sacre consécutif pour David Le Porho dans l’épreuve-reine, le 20 km ?  Je m’attends également à voir un certain Sébastien Roulier aux avant-postes…  🙂

Bonne chance à tous et à toutes !

Un week-end de course chargé

La fin de semaine dernière, pendant que je retrouvais mes sentiers sur le bord du fleuve samedi et que je reprenais l’entrainement sérieux dimanche au mont St-Bruno en vue du Ultimate XC de St-Donat, plusieurs courses qui se déroulaient dans le nord-est du continent ont retenu mon attention.

Le tout a commencé vendredi par le Défi de la Tour du Stade olympique. C’était une épreuve assez inusitée. En effet, elle consistait en une course de 4 km suivie de l’ascension des 850 marches de la Tour.  Certainement pas facile comme défi, les participants devant se garder des réserves durant la partie « course » afin de pouvoir grimper la tour à un bon rythme…

La course a été remportée, en 19:59 et avec 44 secondes d’avance, par le sympathique David Le Porho dont j’ai déjà parlé sur ce blogue. Disons que lorsque David s’aligne au départ d’une course, particulièrement au Québec, il la gagne plus souvent qu’autrement. Je m’attends à le voir (en fait, à ne pas le voir, justement) devant à St-Donat… Mon amie Chantale, celle qui m’a donné le goût de me mettre à la course jadis, était de la partie. Elle a terminé en 30:27.

Le lendemain avaient lieu les courses de 1, 2, 5 et 10 km dans le cadre du même événement. Des grosses pointures étaient présentes: le 5 km a été remporté par Baghdad Rachem en 15:27 et le 10 km, par Amor Dehbi en 32:33. Chantale n’est pas demeurée en reste, réalisant un impressionnant 24:41 sur le 5 km. Sous les 5 minutes/km de moyenne !  Un gros bravo pour ton week-end de course !!!  🙂

Toutefois, ce jour-là, c’était plutôt le North Face Endurance Challenge de Bear Mountain qui retenait mon attention, particulièrement l’épreuve-reine: le 50 milles. Remportée par l’Américain Jordan McDougal en 7:13:52, cette épreuve a mis en évidence la progression des coureurs québécois dans le domaine de la course en sentiers: 4 des 8 premiers sont effectivement originaires de la Belle Province. Parmi eux, Sébastien Roulier, qui a gagné une course de 100 km en mars et qui était à Boston où il a fait 2h38. Il s’est « contenté » de la huitième place à Bear Mountain. Une vraie machine.  Je me demande encore et toujours comment il fait…

J’avais un sentiment ambivalent en regardant les résultats « entrer ». J’aurais vraiment aimé y être, mais j’avais anticipé (avec raison) ne pas être totalement remis de Boston à ce moment-là. Que voulez-vous, je ne suis qu’un pauvre être humain, alors que d’autres… J’espère y être l’an prochain, mais Boston sera encore plus près dans le temps et je n’aurai pas eu plus de temps pour m’entrainer en sentiers. Enfin, on verra bien.

Puis dimanche, c’était dimanche de course dans la région de Toronto avec les deux marathons ennemis qui se déroulaient en même temps: celui de Toronto dans la ville-reine et celui de Mississauga, en banlieue.

Le premier a été assombri par le décès d’une jeune fille de 18 ans qui en était à son premier marathon et qui s’est effondrée dans les derniers kilomètres. Ce sont des choses qui arrivent malheureusement assez régulièrement et qui s’expliquent difficilement. On parle souvent de problèmes cardiaques congénitaux, condition inconnue des personnes qui en sont atteints. Ces personnes sont souvent des coureurs expérimentés qui ont déjà plusieurs courses à leur actif. C’était le cas de la jeune fille en question, qui avait fait plusieurs demi-marathons. Fait étonnant, la grande majorité des cas, ce sont des hommes qui succombent suite à un tel malaise. Peut-être suis-je moi aussi en train de mettre ma vie en danger parce que j’ai une malformation cardiaque dont j’ignore même l’existence. Mais pensez-vous que je vais arrêter « au cas où » ?  Jamais.

Du côté sportif, le marathon de Toronto a été remporté par un Québécois très connu dans le milieu, Terry Gehl, en 2h37. Preuve que cette course n’attire vraiment pas l’élite, le temps relativement lent du vainqueur et le fait qu’il soit âgé de… 44 ans !  Du côté de Mississauga, ça s’est gagné en 2h29… par un autre homme dans la quarantaine. Décidément…

Ce qui m’intéressait le plus dans ces deux courses, ce n’était pas tant les exploits sportifs que le niveau de participation. À Toronto, 1694 personnes étaient de la partie alors que dans sa banlieue, à peine la moitié, soit seulement 850, y étaient pour souligner le 10e anniversaire de cette épreuve. Ceci qui confirme le déclin de cette dernière, car nous étions 250 de plus en 2011, quand j’y ai participé. Mais on dirait bien  que la controverse qui a suivi la disqualification de deux coureurs d’élite cette année-là suite à une erreur des cyclistes-guides fait encore mal. Il faut dire que le parcours, moche à souhaits par bouts, ne doit pas aider non plus…

J’ai comme l’impression que le Marathon de Mississauga est appelé à disparaitre à moyen terme, car il n’est pas normal qu’en plein boom de course à pied, une épreuve connaisse une telle régression dans son niveau de participation. Il va falloir que ce marathon se renouvelle s’il veut tout simplement réussir à survivre.

Deuxième moitié à Philadelphie

Ok, 1:33:26… Je creuse ma petite mémoire et j’arrive à la conclusion qu’il s’agit du deuxième demi-marathon le plus rapide que j’ai fait en compétition, seulement devancé par mon Scotia Bank couru au mois d’avril. Et contrairement à cette fois-là, il m’en reste encore autant à parcourir. Merde, vais-je être capable de tenir un tel rythme pendant 21 autres kilomètres ?  Mais bon, un 1h38 dans la deuxième partie me permettrait tout de même de battre Ottawa, alors j’ai du lousse comme on dit. Parce que oui, maintenant j’ai un objectif: un autre PB qui serait la cerise sur le sundae d’une saison de rêve.

Je sais toutefois ce qui m’attend. La deuxième moitié du Marathon de Philadelphie est théoriquement plus facile que la première parce que presque complètement plane. Par contre, en pratique, elle fait presque littéralement un aller-retour sur Kelly Drive, en longeant la rivière Schuylkill (tu parles d’un nom bâtard, j’ai de la misère à l’écrire à chaque fois). Ha, les paysages risquent d’être agréables, mais je déteste le principe de l’aller-retour. À l’entrainement, on n’a pas toujours le choix, mais en compétition, je préfère de loin la boucle, un peu comme le premier demi ici. Un aller-retour, ça a le don d’achever un moral quand ça va mal… Croiser les coureurs plus rapides qui semblent si frais, voir les mile markers en sens inverse, ça me fout les jetons. Enfin, je le savais en m’inscrivant…

C’est ici que mon expérience va jouer. Pour l’avoir vécu auparavant, je sais pertinemment qu’on vit une espèce d’euphorie quand on arrive à la mi-parcours. On se dit: “Yes, déjà la moitié de faite !” et comme ça va habituellement bien, on est pompé comme jamais. Puis, un ou deux kilomètres plus loin, ce qui reste à parcourir nous rentre dedans: “Merde, encore 20 km…  Comment je vais faire pour tenir ce rythme ?”. Les bobos commencent alors à vouloir sortir. Bref, quand on s’y attend, disons que ça se passe mieux.

C’est avec ces pensées en tête que je passe devant la très jolie Boathouse Row. C’est aussi chouette vu de devant que de derrière. Peu après, je prends un autre gel, question de passer au travers du coup au moral anticipé. Et on ne niaise pas avec le puck: un full octane chocolat-bleuets ! 🙂

Par endroits, Kelly Drive passe carrément au travers du roc. Ça fait bizarre de passer dans de tels tunnels, mais ça fait changement. Et ça me distrait un peu. Pas trop, tout de même car les kilomètres commencent à faire leur oeuvre. Ma moyenne est toujours à 4:23, mais je dois travailler pour la conserver. Je me rassure légèrement en voyant deux ou trois “couloir marron” abandonner: ça veut dire que je ne suis pas seul à souffrir. Je me compte chanceux, je ne me suis jamais blessé en course et n’ai jamais eu à baisser pavillon. J’espère que ça ne m’arrivera jamais…

Une chose qui ne me rassure pas, par contre: j’ai l’impression que nous descendons depuis la mi-parcours. Et comme ma cadence moyenne n’a pas changé, est-ce que ça veut dire que je commence à faiblir ?  Un petit brin d’inquiétude fait donc tranquillement son nid dans mon esprit. Je ne peux m’empêcher de penser au retour qui sera fort probablement difficile…

15e mille, je commence à m’attendre à croiser des coureurs d’élite. Une voiture de sécurité arrive et qui la suit ?  Le premier handcycle. Hé, ça a l’air de bien aller, ces machins-là !  Le gars enroule un braquet qui semble assez grand, mais il a les bras pour le faire, mettons. Je me demande si ça va plus vite avec un “vélo” comme ça ou avec une chaise roulante de course…

Rendu au 16e mille, je me dis qu’il ne m’en reste plus que 10, soit 16 km. C’est l’équivalent d’une sortie de semaine ou du samedi. Mes jambes commencent à me faire souffrir, mais ne semblent pas vouloir cramper à courte échéance. Tiens, encore des voitures de sécurité, peut-être que cette fois-ci…  Hé oui, il y a un coureur derrière. Et surprise: il est.. blanc !  Je n’ai aucune idée du rythme auquel il avance, mais à première vue, ça n’a rien à voir avec l’élite mondiale. Il ne vaut probablement « que » 2h20. Je commence à surveiller ses poursuivants: j’essaie de “spotter” David Le Porho, qui est supposé être ici.

Michael McKeeman, l’éventuel gagnant en 2:17:47

Je compte les coureurs. 3, 4, 5, 6, 7…  Merde, il est où ?  Je commence à m’inquiéter. Ouais, je sais, je m’inquiète pour un gars à qui je n’ai jamais vraiment parlé et avec qui j’ai eu un petit échange de courriels (remarquez qu’il m’en avait écrit pas mal long, vraiment sympathique). Après 10 coureurs, je ne les compte plus. Et le pont du 17e mille qui approche, nous allons bientôt être séparés des meneurs… Finalement, au loin, je crois reconnaitre sa silhouette élancée. À mesure qu’il s’approche, je fixe son dossard et c’est effectivement lui. Quelques instants avant qu’on se croise, faisant bien attention à mes mots pour montrer que je suis Québécois, je lui lance un “Vas-y David, let’s gooooo !!!”.

David Le Porho dans sa bulle... Il finira 19e en 2:26:47

David Le Porho dans sa bulle…
Il finira 19e en 2:26:47

Ou bien il est dans sa bulle, ou bien ses affaires ne vont pas tellement bien parce qu’il ne réagit pas du tout. Par contre, on dirait que le fait de crier m’a donné un boost d’adrénaline. Je me sens revigoré et c’est rempli d’énergie que je traverse le petit pont nous amenant de l’autre côté de la rivière pour un détour que mon amie Maryse aurait certainement trouvé VRAIMENT poche. Je l’entends chiâler d’ici… 🙂

Traversant le pont. Je ne porte pas attention à ce moment-là, mais tout autour de moi, des « marron » qui sont supposés être plus rapides et sont partis 2 minutes avant moi. Si j’avais su…

Une fois rendus sur l’autre rive, une surprise nous attend: ça descend. Et là, c’est vraiment clair que ça descend !  Sauf qu’il va falloir remonter tantôt.  Enfin… Je me lance dans la descente comme c’est maintenant rendu mon habitude. Encore une fois, je dépasse beaucoup de coureurs. Encore une fois, certains me reprennent quand le relief s’aplanit. Ho, le demi-tour me semble loin… Un Asiatique se tient là, planté en plein milieu de la route. Il fait quoi, au juste ?  Il s’étire ? Il est blessé ?  Tu fais quoi dans le milieu de la place, du con ?  Pourquoi j’ai l’impression qu’il ne se rendra pas au détour celui-là ?

J’atteins finalement le demi-tour (toujours pas de tapis anti-tricheurs), puis reviens sur mes pas. Je croise à nouveau l’Asiatique qui en est maintenant rendu à faire du yoga ou à imiter les flamants roses, je ne sais pas trop. Arrive la montée (peut-être la dernière vraie), ça va toujours bien. Je reprends le pont et retourne sur Kelly Drive: pas de dommage.

C’est ce que je crois… Pas tellement plus loin, dans une partie où les spectateurs n’ont pas vraiment accès, je suis frappé encore une fois par la lassitude. Merde, une autre mauvaise passe. Des idées noires commencent à m’emplir l’esprit. Je me souviens de Montréal l’an passé quand, après 28 km où ça allait relativement bien, mon mollet a décidé de cramper, rendant la fin de course atrocement difficile. Il faut que je mette cette mauvaise passe derrière moi au plus vite, je ne suis même pas rendu au 30e kilomètre…

Je prends un autre gel full octane chocolat-bleuets, dans l’espoir de stimuler mon organisme un peu. Mais je continue à peiner. Regard inquiet au GPS: la moyenne est toujours à 4:23. Ok, je n’ai pas ralenti sans m’en rendre compte. De plus, je ne me fais pas dépasser à outrances, alors je ne dois pas être si pire. Je suis d’ailleurs toujours dans le “positif” de ce côté. Ok, on tient le coup, ça va passer. Ça DOIT passer.

Sur sommes maintenant dans Manayuk, un petit coin qui me semble bien pittoresque. Les spectateurs sont nombreux, bruyants et enthousiastes. Je tiens toujours le rythme, malgré la souffrance qui continue à s’installer. Une belle petite descente m’aide à récupérer un peu, mais envoie un signal sans équivoque dans ma tête: il va falloir que je la monte en sens inverse. Puis, sur les côtés, je vois une enseigne: “Beer ahead”. Petit sourire: c’est vrai qu’elle va être bonne, la bière après la course…  Pas tellement plus loin, que vois-je sur une table ?  Une centaine de petits verres de bière !  Un groupe s’est installé là et distribue ce qui semble être une bière artisanale aux coureurs. Celle-là je la trouve bonne (la joke, pas la bière) !  J’en ris même un petit coup. Non mais, il faut vraiment vouloir, amener de la bière ici !  Je passe mon tour pour la dégustation, mais mon moral remonte un peu.

Je croise le lapin de 3h05, il y a encore pas mal de gens avec lui. Au loin, je peux voir les spectateurs qui bouchent la rue: c’est le dernier demi-tour du parcours. Mon retard sur le lapin n’est donc pas énorme, je suis encore dans un excellent temps. La Garmin me confirme le tout: toujours 4:23 de moyenne. Une vraie horloge… si on suppose qu’il arrive à une horloge de souffrir.

Demi-tour: à partir de maintenant, chaque coureur que je vais croiser est forcément plus lent que moi. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’encourage. J’arrive rapidement à la montée et de façon assez surprenante, l’avale sans problème. Peu après, nous croisons le marker des 20 milles: ça y est, 32 km de parcourus, le vrai marathon commence ici. Mon énergie est renouvelée, je me sens d’attaque. Pas  assez pour accélérer, mais les 10 kilomètres qui restent ne me font pas peur. 10 kilomètres, qu’est-ce que c’est, hein ?

Mais ho, qui vois-je devant ?  Mais c’est ma paire de jambes du début de course, ma parole !  Il n’y a plus que le gars du début qui l’accompagne, la fille n’y est plus. Ha, toujours aussi agréable pour la vue, malgré les heures passées sur la route… Puis, pervers-pépère se transforme. Le compétiteur en moi ressort quand je songe à une phrase que j’ai lue à quelque part et qui m’a marquée. C’était un “vieux” comme moi qui avait lancé à un jeune (son fils peut-être) avant un marathon: “Sur 10 km ou même un demi, je ne peux pas aller à ta vitesse. Mais au 20e mille, your ass is mine. [Je n’ai pas pu trouver une traduction qui punchait autant que l’originale]”. Et voilà les jeunes, le vieux renard vous botte maintenant le derrière (en tout cas, il botte au moins un des deux…) !  🙂

J’hésite pendant quelques secondes, puis passe devant. Ils ont vraiment ralenti. Your ass is mine… Autant ce sport est purement physique, autant le psychologique joue une rôle immense. C’est fou. Ce petit épisode me donne des ailes. Coup d’oeil à ma Garmin au moment même où un kilomètre se termine. Gros avertissement: la base de données est remplie, il va détruire les enregistrements les plus anciens. Je m’en fous, espèce de machin de mes deux, donne-moi ma cadence ! Non mais, tu parles d’un timing pour me faire ch…

La jolie Rebecca Flink, 24 ans, accompagnée de celui que j’ai supposé être son chum. Ils termineront ensemble, en 3:08:42

Arrive le 21e mille. Plus que 5 et on peut dire que ça va bien. Je m’accroche un bout derrière une dame, puis passe devant quand elle faiblit. J’ai encore l’impression que ça descend tout comme à l’aller, alors que c’est bien sûr impossible. Bah, c’est toujours mieux que si j’avais l’impression de monter en permanence, non ?

Mille 22, plus que 4 petits milles et 385 verges, soit environ 7 kilomètres à faire. Je me rends compte que je suis comme dans un état second, ce qui arrive souvent lors de longues courses: mon esprit est fatigué, je sens que mon corps l’est tout autant, mais le son de chacun de mes pas est le même qu’en début de course. C’est comme si mes jambes avaient enregistré la cadence à suivre et que je n’avais plus rien à faire, seulement les suivre. Bizarre comme sensation.

Avec ce qui me reste de cerveau, je constate que mes 4 bouteilles principales (celles de 8 onces) sont maintenant vides, il ne me reste que mes deux bouteilles d’appoint de 6 onces. C’est amplement suffisant pour terminer, mais comme elles sont attachées par un velcro et plus difficiles à “gérer”, je décide de faire une entorse à ma règle et prends un verre de Gatorade à un point d’eau. Et bien sûr, il fallait que ce soit du Gatorade au citron. Beurk…  Pourquoi donc fournissent-ils toujours du Gatorade au citron, voulez-vous bien me dire ?  Parce qu’ils ne réussissent pas à en vendre, alors ils le passent comme ça ?  C’est dégueux, les machins au citron !

Je prends également un verre d’eau, question de faire passer le goût de citron et le dernier gel avant l’arrivée. Arrivée qui approche de plus en plus. Maintenant j’en suis certain: d’ici quelques minutes Ottawa ne sera plus mon PB. Et je demande d’avance pardon à Barbara: je ne serai pas le compagnon de visite le plus agréable cet après-midi et encore moins demain. En effet, avec ce que j’ai imposé à mes jambes ce matin, je risque de m’en ressentir par après et marcher comme un petit vieux. Mais il est maintenant trop tard, le “mal” est fait, alors…

Autour du 23e mille, au moment où je suis en train de remonter un gars fait sur ma shape, un de ses chums sort de la foule et se met à courir avec lui. On voit ça assez souvent, un ami qui se joint à un coureur pour prendre de ses nouvelles, jaser un peu. Ça dure généralement 500 mètres, 1 kilomètre tout au plus. Mais celui-là est équipé pour la grosse ouvrage: en plus de l’attirail complet du coureur, il porte un Camelbak. Aussitôt qu’il a joint son ami, la cadence accélère un peu. Comme ils courent côte à côte, je demeure derrière, à l’abri.

Le coureur “officiel” rend compte de l’état des choses à son ami: le 3h05, c’est foutu, il ne vise plus que son PB. L’autre lui suggère d’essayer quand même, avec des milles en 6;30, peut-être que… 6:30 du mille, joual vert, c’est 4:00/km ou à peu près, ça ne va pas, le malade ?!?  On a 37 km dans les pattes, nous !  À une ou deux reprises, l’ami se retourne et voit que je les suis. À un moment donné, tant qu’à faire, j’entame la conversation, lui demandant s’il a l’intention de pacer. Il répond que c’est ce qu’il va essayer de faire, alors j’ajoute que je vais rester avec eux. Le gars m’offre une gorgée de son Camelbak (tu veux qu’on s’enfarge ou quoi ?) et un gel.  Très gentil de sa part, mais je suis autonome. Et je n’ai pas envie de planter par terre non plus.

Je demeure donc dans leur sillage un petit bout de temps. Le pacer se retourne et me demande si ça va. Je réponds que oui, puis ajoute qu’ils vont vite pas à peu près, que j’ai 42 ans, moi… Les deux gars, tout étonnés qu’un bonhomme de mon âge puisse les suivre, me donnent un high five. Le coureur me dit qu’il aimerait bien être capable d’aller à ce rythme à 42 ans…  Ouais, ben il est rapide, justement, ce rythme !  Lui a 32 ans. Je lui dis qu’à son âge, la plus longue distance que j’avais courue était un 3 km, alors il est largement en avance sur moi !  Pour Boston, il doit faire sous 3h05 et je suis vraiment désolé pour lui. Moi, le chanceux, c’est pour ainsi dire dans la poche. Hé, il n’y a pas que des désavantages à être vieux !  🙂

Après notre petite conversation, je demeure derrière et peine à suivre. À quelques reprises, je dois résister à la tentation de leur dire que je les laisse aller. À chaque fois je me dis, comme durant mes intervalles longs: “Un petit 500 mètres de plus…” et je tiens la cadence. Mais ce n’est pas facile, j’ai l’impression que mes jambes tournent plein régime. J’ai aperçu des kilomètres en 4:16 et 4:17 tantôt. C’est très limite de mes capacités à ce point-ci.

Mes deux compagnons de route, Christopher Pilla et son pacer. Chris terminera en 3:08:35. La grosse différence au niveau temps s’explique par le fait qu’il était un « marron »

Puis, dans une courbe, mes compagnons gardent instinctivement l’extérieur alors que je coupe par l’intérieur et sans effort supplémentaire, je me retrouve à leur hauteur. Courbe suivante, je suis devant. Mille 25, plus que 2 km. Allez, 9 petites minutes…  Afin d’éviter un autre traumatisme citronné, j’ai pris une bouteille d’appoint. Le problème est que je suis incapable de la remettre dans ma ceinture, alors je me résigne à la garder dans ma main. C’est chiant, mais moins pire que l’échapper par terre et devoir m’arrêter pour la récupérer…

Quelque part dans les deux derniers kilomètres. Je sais que mon record personnel est dans la poche

De l’autre côté de la rue, je croise encore et toujours des participants. Je suis honnêtement découragé pour eux: ils ont à peine fait la moitié du chemin !  Ha,  revoici Boathouse Row, ça achève vraiment !  Je ne peux le savoir avec certitude, mais je m’en doute: je suis maintenant dans le dernier kilomètre. Le fameux dernier kilomètre. Je sens l’euphorie monter, ça y est, je l’ai. Le parcours est en faux-plat ascendant et ça me motive encore plus car je vois les autres en difficulté devant. J’essaie d’aller en chercher le plus possible, même si ça ne donne strictement rien. On ne peut pas dire que je sprinte, mais disons que je ne ralentis pas.

Je scrute la foule maintenant très dense au passage, cherchant Barbara du regard, mais en vain. Je passe à la hauteur des marches de Rocky, fais le tour de l’ovale Eakins et voilà, devant moi, l’arrivée. Je monte encore l’effort d’un cran et le muscle arrière de ma cuisse droite m’envoie un signal: la crampe est toute proche. Petit sourire, je relâche légèrement la pression. Ok, de toutes façons c’est gagné, on ne poussera tout de même pas trop…

Tout comme à Ottawa, je lève le poing dans les airs en signe de triomphe. Je vois l’horloge qui est encore dans les 3h08, je vais donc faire dans les 3h06 !  Moi, le coureur du dimanche, je vais faire 3h06 !!!  Lance Armstrong, qui a des capacités physiques qui n’ont aucune mesure avec les miennes, a eu toutes les misères du monde à faire sous les 3 heures à son premier marathon et moi, je suis à peine 6 minutes plus lent. Je n’en reviens pas…

Le maire nous attend. Il est sur la “piste” et donne un high five à chaque concurrent qui arrive. Je lui donne le mien, puis arrête mon chrono: 3:06:11. Je ne réalise pas tout à fait ce que je viens d’accomplir…  Mon PB n’est pas seulement battu, il est littéralement écrabouillé: c’est plus de 5:30 que je viens d’enlever à mon meilleur temps. En un an, c’est presque 14 minutes d’amélioration. 20 pleines secondes au kilomètre de retranchées. Shit…

High five au maire à l’arrivée

Avant de me rendre à la sortie, j’attends le gars qui était accompagné du pacer. Ça lui prend un bout de temps à arriver, au point que m’en inquiète un peu. J’étais certain qu’il serait sur mes talons. Finalement, il arrive. Ouf… Aussitôt, c’est l’accolade. Je ne le connais pas, il ne me connait pas. Nous avons peut-être couru 4 kilomètres ensemble. Mais le lien s’est forgé et nous allons probablement nous en rappeler le restant de nos jours, même si les chances qu’on se revoit sont à peu près nulles. Je le remercie, il me remercie aussi, sans que je sache trop pourquoi. Nous nous sommes soutenus, poussés l’un l’autre durant ces quelques minutes passées ensemble. Nous n’étions pas des adversaires, mais des compagnons d’armes qui combattaient un ennemi commun: le parcours. Et nous l’avons vaincu.

Je poursuis ma route, à la recherche de Barbara. Soudainement, je reconnais sa voix: elle est là, toute proche, de l’autre côté de la clôture. On s’embrasse, ce que je suis heureux de la voir !  Surtout, heureux de partager ce moment magique avec elle. Elle me félicite pour mon 3h08, mais je la corrige: nous sommes partis 2 minutes plus tard, alors c’est 3h06 et des poussières que j’ai fait. Je lui ai tellement cassé les oreilles avec mes histoires de temps qu’elle comprend l’ampleur de ce qui vient d’arriver. Moi non plus je ne sais pas comment j’ai pu faire ça, mon amour…

Le sourire du gars satisfait

Mais comment font-ils (bis) ?

Au cours de mes premières années dans le merveilleux monde de la course, au lendemain d’une compétition, je me garrochais sur SportStats.ca pour aller voir les résultats. Bah, j’avoue que je le fais encore, mais là n’est pas mon point.

Après quelques visites sur ce site, j’ai vite constaté que des noms revenaient souvent. Ceux qui m’ont frappé dès le début: Terry Gehl et Myriam Grenon. Bien que loin de l’élite mondiale, ces deux-là se classaient presque toujours parmi les premiers lors de courses organisées au Québec. De plus, Terry faisait régulièrement des excursions hors-Québec. Au-delà de leurs performances, ce qui me fascinait le plus était la quantité phénoménale de compétitions auxquelles ils participaient à chaque année: autour de la vingtaine pour Myriam, plus de 30 pour Terry. Je ne cessais de me demander: comment font-ils ?

Surtout que quelques recherches m’ont démontré qu’ils ne sont pas des coureurs professionnels, ils ont des emplois et des obligations familiales comme tout le monde. Comment trouvaient-ils le temps pour s’entrainer, avoir une vie “normale” ET faire autant des compétitions ?  À cette époque, je faisais trois courses par année et je trouvais que je négligeais pas mal l’entretien de la maison… Comment pouvaient-ils y arriver en compétionnant 10 fois plus que moi  ?  Mystère…

Puis la folie s’est emparée de moi et je me suis lancé dans les ultramarathons. Ça voulait dire encore plus d’entrainement, encore moins de temps pour faire le nécessaire à la maison. Heureusement, mes horaires de travail sont flexibles et je cours souvent pour aller ou revenir du travail. Cette année, ça me fera un total de 6 courses auxquelles j’aurai pris part et je ne me vois pas en faire beaucoup plus.

Surtout qu’il faut théoriquement récupérer entre chaque épreuve. La règle du pouce est de se laisser un jour de récupération par mille parcouru en compétition. Ça ne veut pas dire de rester à ne rien faire, mais bien d’y aller relaxe pendant ces journées. Ainsi donc, grosso modo, pour un 10 km, ce serait une semaine de récupération; pour un demi, 2 deux semaines et pour un marathon, un mois. Selon la même logique, pour un 50 milles, ce serait… 7 semaines !

Il va sans dire que je ne respecterai cette règle en vue de Philadelphie. Et que les personnes citées plus haut ne la respectent généralement pas non plus. Sauf qu’il y a pire. Bien pire…

Premier “cas”: Sébastien Roulier, celui qui a terminé deuxième au Vermont 50. Pédiatre à Sherbrooke, il doit donc être légèrement occupé par son travail, non ? Pourtant, j’ai compté une quinzaine de courses dans son calendrier cette année. Et pas les moindres. En plus de 6 marathons, il s’est tapé trois courses de 50 milles et quelques autres courses en trail. Sans compter une course de 30 km qu’il a remportée… alors qu’il poussait son enfant dans un baby-jogger !  Imaginez: quatre petites semaines après le Vermont 50, il s’est fait le difficile marathon de Magog pleins gaz (2h42, un temps semblable à ce qu’il avait fait à Ottawa en mai) puis moins d’une semaine plus tard, a terminé 3e au Stone Cat Ale 50-miler dans le Massachusetts…  Bonjour la récupération.

Deuxième “cas”: Debbie Livingston, la fille avec qui j’ai joué au yo-yo autour du 35-40e mille au Vermont. Celle-là se spécialise dans les ultras. Et elle en gagne souvent (elle m’a raconté par après avoir été déçue de son temps au Vermont 50 !). Son calendrier de l’année:

Pinhoti 100M  AL 20 4 23:25:10 Nov 3, 2012
Monroe Dunbar Brook Trail 10M  MA 16 2 1:38:28 Oct 7, 2012
VASS Vermont 50M  VT 42 4 8:43:18 Sep 30, 2012
Vermont 100M  VT 22 3 19:20:27 Jul 21, 2012
Laurel Highlands 70M  PA 4 1 13:34:12 Jun 9, 2012
Zane Grey 50M  AZ 21 5 11:18:23 Apr 21, 2012
TARC Spring Thaw 6 Hour 6HRS  MA 4 1 33.5 Mar 18, 2012

Ok, il n’y a pas un nombre effarent d’épreuves. Mais j’ai trouvé des résultats seulement sur Ultra Signup, il y en a probablement ailleurs. Pour le reste, vous avez bien lu: alors que je me demande si j’aurai vraiment récupéré du Vermont 50 pour Philadelphie dans 11 jours, elle s’est tapé un 100 milles en Alabama la fin de semaine passée !  Sans compter le Vermont 100 et les autres courses de 50 milles ou plus… Et ce n’est pas parce qu’elle ne fait que ça dans la vie: elle est mariée et maman de jeunes enfants de 3 et 6 ans…

Troisième « cas » et non le moindre: David Le Porho, celui qui avait agi comme « mon » lapin lors de mon premier marathon. En tout, plus de 30 courses cette année. Il a commencé par des courses en raquettes (il est double champion du monde de la discipline), puis a enfilé toutes les distances, du 5 km au 100 km, sur toutes les surfaces. Une vraie machine… fort sympathique par ailleurs !  Son 100 km, il l’a fait le même jour que le Vermont 50 et il sera à Philadelphie comme moi. Mais bien évidemment, contrairement à moi, il aura fait quelques courses entre les deux…

Je n’en reviens pas…  Comment font-ils ?  Et en plus, pour faire un ultra, ça prend du temps et de l’argent. Il faut se rendre sur place (et c’est habituellement loin), avoir un endroit pour dormir. Ce n’est pas strictement essentiel, mais disons aussi que le soutien d’une ou plusieurs autre(s) personne(s) est fort apprécié, donc des frais supplémentaires et surtout, du temps pour ces gens si gentils qui nous accompagnent. Il y a aussi les frais d’inscription qui sont les mêmes pour tous car à ce que je sache, il n’y a pas vraiment d’élite en ultras (quoi que je crois que Davis a été invité par l’organisation pour son 100 km…), vu il n’y a généralement pas assez de concurrents et de commanditaires pour “absorber” leurs frais.

Bref, je lève mon chapeau à ces personnes qui réussissent ce qui est pour moi un double exploit: compétitionner sur une base (très) régulière à un (très) haut niveau ET réussir à concilier le tout avec la vie quotidienne. S’il y a un truc, j’aimerais bien le connaitre…