Deux semaines avant l’Ultimate XC, j’avais pris part au Tour du Lac Brome, question d’accompagner mon ami Sylvain pour son premier 20 km. Dans les jours qui avaient suivi, j’avais commencé à pondre un petit récit, mais il y a eu l’Ultimate, « l’urgence » de produire suite à cette course, le travail, etc. Bref, manque de temps pour peaufiner ce que j’avais débuté. Mais je m’en serais voulu de ne pas vous raconter cette superbe journée passée entre amis.
Hé oui, j’ai encore une fois joué au lapin privé, pour le Tour du Lac Brome cette fois. À croire que j’y prends goût ! 🙂
Pour l’occasion, c’était mon ancien collègue et ami Sylvain que j’accompagnais pour le tour du lac, sur une distance de 20 kilomètres. Un habitué des courses de 10 km, Sylvain en était à ses premières armes sur une distance plus longue. Peu de temps avant la course, il m’avait dit prévoir tenir une moyenne de 5:10/km, mais comme il « vaut » 45 minutes sur 10k, je m’attendais évidemment à quelque chose de plus rapide, genre 4:50 – 4:55 /km, ce qui ferait une belle sortie d’entrainement pour moi… si je me « faisais un fond » avant le départ.
Honnêtement, j’avais envisagé faire un petit Dean Karnazes de moi-même et me taper tranquillement le parcours en sens inverse avant. Mais bon, ça m’aurait amené à me lever à l’heure des poules, à me dépêcher pour faire le premier tour et risquer d’arriver un peu juste. Je n’étais pas là pour moi, mais pour un ami après tout.
J’ai donc décidé de me faire un 10 km sur le parcours du 22.2 km du « Défi marathon » avant de rejoindre Maggie et Sylvain au parc des Lions. Autour de 7h15, je suis parti à vive allure direction Bromont, croisant de nombreux visages en point d’interrogation au passage. On m’avait dit que le parcours du 22.2 km était pas mal plus difficile que celui du tour du lac, qui n’est pourtant pas piqué des vers. Hé bien, ce n’était pas une exagération ! Rapidement, je me suis retrouvé sur un chemin de terre et devant moi s’est présentée une montée en face de cochon. C’est qu’elle ne finissait plus, la satanée montée !
Après une éternité, je suis finalement arrivé en haut. Devant moi, la campagne, la vraie. Les côtes, le chemin de terre, tout me rappelait le Vermont 50. Ha, le bonheur… J’ai complété mon aller de 5 km, puis suis revenu à mon point de départ après ce que j’appellerais une bonne sortie « tempo ». Un 20 km relaxe en compagnie d’un ami, ça complèterait parfaitement une belle journée.
Comme quoi je ferais n’importe quoi pour mes amis, mon cell était ouvert pour l’occasion. Oui oui, je le jure ! Après deux ou trois appels, j’ai fini par rejoindre Maggie et Sylvain. Quelques échauffements (je ne savais pas trop si je devais m’échauffer, m’étirer ou faire les deux) plus tard, nous nous sommes dirigés vers le départ. En attendant que soit finalement donné le signal, j’ai jasé avec Robert, un collègue de Sylvain, qui est légèrement plus rapide que lui. Il était à Ottawa pour le marathon et gardait le rythme pour se qualifier pour Boston quand les crampes l’ont assailli de toutes parts. Il a terminé de peine et misère, loin de son objectif. Ha, le marathon, ce que ça peut être cruel parfois…
C’est avec 10 minutes de retard que nous sommes partis (je soupçonne que certains coureurs d’élite se sont fait attendre, mais je n’ai aucune preuve de ce que j’avance) sur un rythme un peu lent, je dirais. Mais Robert s’est rapidement mis en marche et Sylvain a tenté de le suivre, me laissant un peu perplexe. En effet, au deuxième kilomètre, la cadence moyenne flirtait autour des 4:40/km. Ha, pas la mer à boire, mais si j’avais su, j’aurais peut-être moins appuyé lors de ma « mise en jambes ». Finalement, Sylvain a décidé de lever le pied et laisser aller Robert afin de poursuivre à son rythme. La course était encore jeune.
Je trouve toujours très drôles les débuts de courses, surtout quand j’accompagne des gens. C’est frappant de constater à quel point plusieurs personnes qui nous entourent partent trop rapidement, c’est aussi évident que le nez dans le visage. Il y avait entre autres celui qui respirait comme Darth Vader. Pensait-il vraiment pouvoir avancer à ce rythme pendant 20 km en respirant de même ? Et que dire du gars avec un léger surpoids qui nous a clenchés dans la première descente ? Dès la montée suivante, il a explosé. Est-ce que c’était la première fois de sa vie qu’il courait ? Il se pensait où, au juste ?
Car le Tour du Lac Brome, sans être d’une difficulté extrême, n’est pas une mince affaire non plus. Je le surnomme affectueusement le « mini-Boston »: un enchainement infini de montées et de descentes. Ha, elles ne sont pas particulièrement difficiles, mais ça n’arrête pas: monte, descend, monte, descend… Pas un parcours pour débutant. Mais je n’avais aucune crainte de ce côté pour Sylvain, un habitué des côtes (il habite pour ainsi dire au pied du mont St-Hilaire).
Autre particularité du Lac Brome: des points d’eau vraiment mal espacés. Ça prend 4 kilomètres avant d’en atteindre un, puis le suivant est seulement un kilomètre plus loin. Tout juste si je n’avais pas encore mon verre dans les mains nous y sommes arrivés. C’est à n’y rien comprendre.
Comme c’est mon habitude quand je joue au lapin privé, je suis incapable de me fermer le clapet. Je me dis que c’est une bonne façon de distraire mon partner de course. Sylvain étant particulièrement réceptif à l’exercice, nous en avons jasé un coup durant le trajet. Je lui ai entre autres dit que je préférais accompagner Maggie parce qu’à la vitesse à laquelle il court, la gente féminine se fait plus rare. Pour citer un de mes amis du secondaire qui se plaignait du manque de filles lors dans ses cours au Cegep: « Des queues, des queues, il n’y a que des queues ! ». Sylvain a semblé la trouver drôle et m’a gentiment invité à attendre Maggie si je n’étais pas satisfait de ma situation. C’était bien envoyé, mais ça ne m’a pas empêché de protester quand il a ignoré ma supplication (hum hum) de demeurer derrière deux charmantes personnes. Ha, on n’a plus les amis qu’on avait… 😉
Mis à part ce sujet hyper-essentiel à la vie d’un coureur, nous avons échangé sur le parcours (qu’il ne trouvait pas si difficile), sur les spectateurs légèrement moins nombreux qu’à Ottawa et sur l’immensité de la carcasse d’un castor gisant sur le bord de la route. Sans blague, il était énorme et quand un spectateur a suggéré d’aller chercher une pelle pour l’enlever de là, j’ai répondu que ce serait une pépine dont il aurait besoin (pour mes amis européens, une « pépine » au Québec, c’est une pelle mécanique; ne me demandez pas d’où ça vient !).
Après un gel pris au 9e kilomètre, nous avons franchi la mi-parcours en 48:15, un excellent chrono. Quand j’en ai glissé un mot à mon partner, il m’a répondu qu’il ne prévoyait pas vraiment un negative split ici. Ha Sylvain et sa prudence, on ne le changera pas ! Sauf qu’il semblait ignorer un détail: la deuxième partie du Tour du Lac Brome est souvent plus rapide que la première… quand il ne fait pas trop chaud. Et ce jour-là, les conditions étaient idéales.
Les kilomètres ont continué à défiler, le rythme constant de Sylvain faisant que nous rattrapions pas mal de coureurs. Il y a bien celui qui poussait son petit avec un baby jogger qui nous a dépassés, mais à part ça…
Au 14e kilomètre, Sylvain a pris un gel et sentant mon estomac qui commençait à gargouiller, je m’en suis enfilé un aussi. Puis, devant nous, la fameuse côte nous amenant au 15e kilomètre. Une fille avec qui nous jouions au yo-yo depuis un petit bout nous a lancé un encouragement comme nous arrivions au pied de ladite côte: « Allez les gars, je suis sûre que vous êtres capables ! ».
Si elle avait su… Je ne suis même pas certain si nous avons ralenti dans la montée. Autour de nous, ça tombait comme des mouches. À partir des deux tiers de la côte, impressionné, je me suis mis à lâcher des « Ho yeah !!! » à répétition. Mon ami était en train de détruire le parcours (ok, je l’avoue, je m’emporte un peu) !
Puis suivit la descente, longue et agréable. Peu après, mon esprit compétitif a été réveillé par des bruits derrière. Un gars s’en venait en encourageant les gens qu’il dépassait au passage. Rendu à notre hauteur, il nous a lancé un encouragement, mais son sourire exprimait une satisfaction… un tantinet arrogante. Du genre l’air de dire « Hé hé, je vais plus vite que vous ! ». Je sais que ma tendre moitié va être découragée en lisant ça, mais mon sang n’a fait qu’un tour. Tous mes muscles m’ordonnaient de coller aux semelles de ce petit baveux et ensuite lui placer une couple d’accélérations pour lui montrer que j’en avais encore beaucoup sous la pédale. Question de lui faire avaler, son petit sourire… Mais je me suis retenu et l’ai laissé à ses illusions. Je n’en ai même pas glissé mot à Sylvain, qui continuait au rythme établi, sans broncher.
Ce n’est qu’à partir du 17e kilomètre que je l’ai senti faiblir un peu. Le parcours suivait un profil en faux-plat ascendant, le vent soufflait de façon défavorable pour la première fois… Je me suis placé devant, question de lui couper le plus de vent possible, mais nous ralentissions, je le savais. Puis le « bip » de sa Garmin lui annonçant qu’il avait franchi 18 kilomètres se fit entendre. « Oups, on a ralenti. Je ne m’en étais pas rendu compte. » Je venais de voir passer un kilomètre en 5:06.
Aussitôt, ce fut l’accélération. C’est presque en trombe que nous avons traversé le village. 19e kilomètre dans les 4:20. « Ho yeah… » que je murmurais. Puis arriva le chemin qui mène au parc des Lions qui était maintenant en vue. La boucle était presque bouclée. Sur les côtés, les coureurs ayant terminé, ceux du 10 km, les accompagnateurs, bref, pas mal de monde. Une foutue belle ambiance.
J’ai posé la main sur l’épaule et lui ai dit: « God job, mon chum. Good job. » Ma Garmin indiquait une moyenne de 4:43/km (elle est toujours optimiste de 3-4 secondes, mais bon…), j’étais très impressionné. Sylvain était en train de réaliser une super-performance.
Une fois rendu à l’entrée du parc, il s’est mis à accélérer. J’allais encore me faire shifter par la personne que j’accompagne, un autre classique. J’ai bien essayé de le remonter, puis j’ai relâché mon effort: ce n’était pas le moment de me faire un claquage. Vraiment pas certain que j’aurais réussi à le rejoindre…
Son temps: 1:35:52. Le mien ? Une seconde de plus ! 🙂 Un temps presque identique à celui que j’avais fait ici même en 2007. 3 mois plus tard, je complétais mon premier marathon.
C’est un Sylvain souriant et très fier de sa course que j’ai retrouvé à la sortie. Les félicitations et l’accolade étaient plus que méritées. Bravo mon ami pour ton premier 20 km ! Je sais qu’un jour, tu seras toi aussi marathonien ! Et plus vite que tu penses…