Le genou va bien…

Trois semaines après ma tentative désastreuse du 20 juillet, semaines au cours desquelles j’ai subi un traitement de chiropractie et deux d’ostéopathie, aujourd’hui était le jour J. Mon genou ne me faisait plus souffrir depuis quelque temps et j’étais maintenant capable de promener notre Charlotte pendant plus d’une heure sans que mon sciatique ne se plaigne. C’était le moment de passer à l’étape suivante.

Dès les premiers petits pas à la course en période d’échauffement, ma raison s’est mise à crier: « Arrête ! ». Je sentais déjà quelque chose dans le fessier. Je me disais qu’en se réchauffant, peut-être que… Mais non, la raideur est demeurée. Que faire ?  Après 1.8 km, j’ai bien failli retourner à la maison et aller enfourcher mon vélo. Mais j’ai voulu en avoir le cœur net et tant que la douleur ne montait pas dans le dos, j’allais poursuivre.

Elle n’est jamais montée plus haut et j’ai complété les 7 kilomètres prévus en tâchant d’y aller vraiment relaxe (4:31/km de moyenne, j’ai donc presque réussi ;-)). En courant, comme je pensais continuellement à mon sciatique, j’avais l’impression d’être devenu un monsieur Caron (désolé pour ceux qui ne sont pas de la génération RBO comme moi) obsédé par ses douleurs: « Garde, garde, chus maaalaaade !  Mon sciatique ! Ma prostate !!!  Ma bru m’a payé un voyage en Euthanasie… ». Je n’ai pu réprimer un sourire. Ouais, je dois l’admettre: je ne rajeunis pas.

Vers la fin, je me suis rendu compte d’une chose: je ne pensais pas du tout à mon genou, la cause première de tous les pleurs et grincements de dents des derniers temps. Bien enveloppé dans un support style « Docteur Gibaud », il a très bien répondu aux efforts que je lui commandais de faire. Ça, c’est très encourageant.

Quant au sciatique, je crois avoir reculé de ce côté, mais je sens que les étirements prescrits par l’ostéo ainsi que le traitement prévu pour demain vont le ramener rapidement dans le droit chemin. Bref, je ne suis pas tiré d’affaire, mais je vois la lumière au bout du tunnel. Il suffit maintenant d’être patient. Encore.

Le jour et la nuit

Je m’y attendais un peu, mais j’ai pu constater par moi-même la différence marquée entre les approches de professionnels (en fait, je devrais l’écrire au féminin) de la santé cette semaine.

Tout d’abord mardi en fin d’après-midi, visite dans le bureau de Sophie, mon ultra-chiro. Comme je lui avais laissé sous-entendre par courriel qu’elle avait fait quelque chose de croche la dernière fois, je m’attendais à un accueil plutôt froid. Mais non, elle était comme d’habitude: réservée et… directe.

Ça n’a pris de temps avant qu’elle m’entreprenne, avec ses tours de passe-passe que je ne comprends strictement pas. Entre autres, il a fallu que je me laisse aller vers l’arrière, comme si j’allais tomber sur le dos, pour qu’elle me rattrape. Quel est le rapport avec mon genou ?  Et avec mon sciatique (c’est la conclusion à laquelle elle, moi et plein d’autre monde en étions arrivés pour ma douleur à la fesse/hanche/dos) ???  Comme je ne pèse pas 300 livres, elle a pu me saisir par les bras facilement et à ce moment, j’ai entendu un merveilleux craquement dans le haut de mon dos. Ça y était, j’étais maintenant paralysé…

Hé non, c’était le but (le craquement, pas la paralysie) il semblerait. Ok, mais le reste ?  Ont alors suivi les multiples manipulations dont je ne vois à peu près jamais l’utilité: pousse ici, tire là, saute sur place (je le jure !). Sans oublier le désormais classique: retourne-toi sur le côté et replie ta jambe pour que je me laisse tomber dessus. Celui-là me fout la trouille à chaque fois.

Diagnostic ?  Mon sacro-iliaque était bloqué du côté gauche, amenant la douleur dans le sciatique et n’aidant évidemment pas mon genou. Son hypothèse était qu’il n’y avait rien qui lui sautait aux yeux de ce côté la première fois, alors elle s’était concentrée sur le genou. En courant à nouveau, le blocage s’était fait ou accentué et là elle a pu le voir (ô surprise !). Elle en a également profité pour régler un problème que j’avais au cou  (j’avais effectivement de la difficulté à tourner la tête sur le côté gauche).

Conseils: ok pour le retour à la maison en vélo, mais si je promettais d’y aller relaxe. Pas la bonne journée pour essayer de battre mon record (je ne fais jamais ça ;-)). Pour ce qui est de la course, je devais attendre 36 heures. Pour la première fois, elle a ouvert la porte à une autre discipline: la physiothérapie qui serait peut-être nécessaire si la douleur au genou persistait.

Je suis donc reparti en boitillant, affichant un optimisme prudent. Je me disais que si effectivement le problème du sciatique était réglé, je pourrais peut-être courir en fin de semaine. Avec un peu de chance, je pourrais même envisager vendredi, surtout si l’ostéo… Pour les 36 heures, je n’y pensais même pas !

Mercredi matin, pour la première fois depuis des lunes, je me suis levé sans la moindre douleur au sciatique. Je marchais normalement dans la maison. Je sentais l’enthousiasme remonter, commençais même à envisager à nouveau une participation aux ultras de septembre. Comme mon rendez-vous chez l’ostéo était à 11h30, je suis allé promener Charlotte avant. Après 10 minutes, j’ai commencé à sentir une raideur dans la fesse gauche. Ça n’a pas pris de temps à se propager au bas du dos. Et moi de reprendre ma superbe démarche de tout croche. MERDE !!!  Vivement l’ostéo, pour voir si elle pouvait faire quelque chose.

Ça a débuté par la série de questions habituelles. Des chirurgies ? Non. Des allergies ?  Pas que je sache. Des médicaments ?  À part des Advil quand j’essaie de courir avec de la douleur, non. Alimentation ?  Pas le choix de bien manger. Cout’ donc, je suis dont ben plate, moi (pas de question sur les liqueurs douces ou l’alcool, je ne me suis donc pas fait chicaner) !  Quand est venu le temps d’énumérer mes blessures, elle a été étonnée que je puisse me rappeler des dates et des endroits. C’est pas compliqué, c’est toujours un muscle arrière (ischio ou mollet) de la jambe… Pour les dates, ça doit être mon côté Rain Man.

J’ai été heureux d’apprendre qu’elle avait fait sa maitrise en étudiant les genoux des coureurs de haut niveau (shit, ça ne me concerne pas !  ;-)). Good, elle connait la course. De mon côté, je lui ai appris en quoi consistaient les ultramarathons, mais comme bien du monde, elle s’est arrêtée aux distances alors que les ultras, c’est plus le terrain qui les rend… différents. Enfin…

En ce qui concerne les traitements en tant que tels, c’est pour ainsi dire le jour et la nuit. Tout se fait en douceur, au point même où à un moment donné, je me suis dit: “Faudrait peut-être faire quelque chose, j’ai envie de guérir cette année, moi.”. Mais contrairement à la chiropractie, on voit tout de suite le rapport: j’ai mal au genou, elle travaille autour du genou; j’ai mal au sciatique, elle travaille dans ce coin-là. Tout est en étirements et en pressions autour des zones touchées. En chiro, je me suis retrouvé plus d’une fois à me demander ce qu’elle pouvait bien foutre à essayer de démantibuler une partie de mon corps qui ne semblait pas avoir rapport à ce que j’avais.

La principale difficulté ?  Établir un seuil de douleur. “Dites-moi quand la douleur sera à 6 sur 10.”  Ça veut dire quoi, 6 sur 10 de douleur ?  C’est quoi, 10 sur 10 ?  Une pierre aux reins ?  C’est que nous, les coureurs, ne sommes généralement pas plaignards (quoi que je commence à me trouver pas mal lamenteux sur les bords), alors 6 sur 10…  Une crampe, c’est quoi ?  8, 9, 9.5 ?

Détail qui m’a frappé: l’ambiance. Peut-être que ça a à voir avec la personnalité de la thérapeute, mais dans le bureau de l’ostéo, l’ambiance est plus feutrée. En plus de la table de traitement, on y retrouve deux chaises confortables, des petits chocolats (du Costco, mais quand même), de la musique-qui-fait-faire-des-dodos. Dans celui de la chiro, il y a la table, un comptoir où elle prend des notes et c’est tout. Assis-toi là, fais ci, fais ça. Pas de niaisage. Différent, mettons.

Avant de partir, l’ostéo m’a demandé de faire des exercices d’étirements. Et pour la première fois, j’ai senti une certaine autorité dans sa voix. J’avais bien l’intention de l’écouter de toute façon car je n’ai qu’un seul objectif: reprendre le collier. Parce que je commence à en avoir ras le pompon de vous parler de mes bobos. Et j’ai hâte de redevenir un être humain et non pas un air bête perpétuel.

Mais pour mieux sauter, je vais peut-être devoir me résoudre à reculer. Je commence sérieusement à envisager un repos complet de quelques jours. Oui, moi, au repos complet. Faire comme la majorité des gens: prendre l’auto pour me rendre au train, le train pour me rendre au boulot puis faire le chemin inverse le soir avec comme seul exercice la petite marche entre la gare et le bureau. En plein été. Je ne suis vraiment pas certain que je vais pouvoir réussir à faire ça sans commettre un crime quelconque. Présentement, j’envie les gens sédentaires, ceux pour qui l’été ou l’hiver, ça ne fait pas vraiment de différence puisqu’ils sont toujours à l’intérieur. Vous savez, ceux qui passent leur temps devant l’ordinateur ou la télé. Quelques jours à ne rien faire, c’est quoi pour eux ?  Alors que pour moi…

Je préfère de loin demeurer actif quitte à retarder la guérison. Sauf que si le fait d’arrêter quelques jours me permettait de reprendre la course plus rapidement ? Je ne suis pas décidé encore.

Où donner de la tête ?

Ça va mieux. En fait, c’est un peu une façon de parler parce qu’on ne peut pas dire que côté guérison, ça se fait à la vitesse de l’éclair. Mais on dirait que dans ma tête, j’ai réussi à me faire l’idée: il n’est pas impossible que ma saison soit terminée. Je sais, il est beaucoup trop tôt pour lancer la serviette et je ne la lancerai pas de toute façon, mais on dirait que j’ai trouvé un semblant de paix intérieure. Peut-être que le sevrage physique est passé et que le psychologique réussit à se satisfaire du vélo (pour le moment)…

Il faut dire que ma douleur à la fesse/hanche/dos « aide » beaucoup. C’est probablement un mal pour un bien car elle m’empêche de marcher confortablement durant plus d’une heure. Après ce laps de temps, chaque appui que je prends sur le pied gauche devient inconfortable et ma démarche en est affectée. Alors je ne me vois tout simplement pas me mettre à courir. Pendant ce temps-là, je laisse mon genou tranquille.

Il y a une chose qui m’a frappée depuis que je suis au garage: c’est très compliqué de se faire soigner. On ne sait pas où donner de la tête. Tous les gens à qui j’en parle ont leur opinion et me donnent des références en physio, en ostéo, en médecine sportive, etc. Et j’ai une impression étrange: ces gens ne travaillent pas en équipe. Pas moyen d’avoir un diagnostic de base et se faire aiguiller vers la bonne personne par après. Chacun tire la couverture de son côté et croit pouvoir nous guérir.

Qu’est-ce qui me fait penser ça (et je me trompe peut-être) ?  Trois de mes lecteurs, qui sont aussi des coureurs (désolé mesdames pour l’utilisation du masculin pour alléger le texte :-)) m’ont fortement conseillé d’aller voir un ostéo. À ce que j’ai compris, l’ostéopathie se fait tout en douceur, tout le contraire de la chiropractie. Pourtant, les deux professionnels pensent pouvoir régler mon problème.  Heu, qui dois-je croire, moi ?  Est-ce qu’il serait possible de prendre deux chemins totalement différents pour atteindre la même destination ?

Je vais donc faire le cobaye cette semaine: des rendez-vous mardi avec Sophie et mercredi en ostéo. On verra bien ce que ça va donner…  Mais encore là, on me dit que ce n’est peut-être pas une bonne idée de se taper deux traitements coup sur coup comme ça. Mais comment je peux savoir, moi ?  Je ne suis qu’un pauvre ingénieur, je ne connais rien au corps humain. Ça prendrait l’avis d’un super-professionnel de la santé, un médecin sportif, par exemple. Et si je pouvais le voir avant le mois d’octobre, ça ferait bien mon affaire. Seb, tu n’en connaitrais pas un ?

En tout cas, ma date-butoir est fixée: si je suis incapable de m’entrainer normalement durant nos deux semaines à Lake Placid à la mi-août, les deux ultras prévus en septembre vont sauter. Pour New York, on avisera. Pour celui-là, nous allons faire le voyage peu importe ce qui arrive, quitte à transformer le séjour en vacances d’automne. Parce qu’au bout du compte, il n’y a pas que la course dans la vie, n’est-ce pas ?  (Ho que ma douce moitié va être contente de lire ça ! :-))

L’air bête

“Ça va pas, hein ?”

Dimanche matin , nous étions dans la voiture. Nous avions un pique-nique avec des collègues de travail et c’est là que nous nous rendions. Quand ça fait 26 ans qu’on est avec la même personne, dont les 23 dernières à vivre ensemble, disons qu’on n’a pas besoin de se parler pour se comprendre.

“Non.”

Depuis la veille, je n’avais qu’une seule chose en tête: mon foutu genou. Et toutes les questions que cette blessure apporte avec elle.  Vais-je pouvoir être au Harricana ?  Au Vermont 50 ?  À New York ?  Vais-je seulement courir à nouveau ?  Quand ???

Et la douleur à la hanche/dos/fesse… Merde, tout allait bien de ce côté avant que Sophie y touche. Est-ce récupérable ?  Ai-je des dommages ?  Moi qui n’avais jamais cru à la chiropractie, j’en étais devenu un fervent défenseur. Plus maintenant. Le doute s’est installé. Et le lien de confiance, à défaut d’être rompu, s’est un peu fragilisé.

Ça fait que je traine un maudit air bête à longueur de journée. Et Barbara qui est tellement compréhensive… Elle pourrait bien me sermonner, me dire que sa situation est 1000 fois pire que la mienne (elle aurait raison), mais non. Elle sait à quel point j’ai besoin de courir pour me sentir bien. Me sentir libre. Me sentir moi-même. Quand on parle de soutien de la part de sa conjointe…

J’essaie de me dire que ce n’est pas la fin du monde, que je ne suis pas le premier à passer par là. Je m’encourage en pensant à Pat qui a été sur le carreau pendant des semaines au printemps, puis qui a réussi à se taper deux courses de 100 milles presque coup sur coup. S’il a réussi à se rétablir à temps, pourquoi pas moi ?  Surtout que les courses que j’ai au programme sont pas mal moins longues que les siennes…

Je pense aussi à ces coureurs professionnels qui ratent des marathons importants pour cause de blessures. Eux, c’est leur job, leur gagne-pain. Moi, c’est juste un passe-temps. Des courses, dans le pire des cas, il va y en avoir d’autres, non ?  Aussi, je suis encore capable de pédaler sans douleur (ou presque). Hier, j’ai fait 60 km, ma plus longue randonnée de vélo depuis des années. Si au moins je peux garder le cardio intact, en attendant…

Mais tout ça, c’est seulement de la belle rationalisation. La réalité, c’est que je me sens comme un pur-sang enfermé dans son enclos. Je piaffe d’impatience, rue dans les brancards (je commence à comprendre d’où viennent ces expressions-là). J’ai fait quelques appels aujourd’hui. J’ai pris un rendez-vous avec une ostéopathe dont on me dit énormément de bien. Elle est spécialisée dans le genou et va certainement m’aider pour ma hanche. J’ai aussi contacté des spécialistes en médecine sportive: pas de place avant octobre !  C’est que je devrais normalement avoir fait deux ultras d’ici là, moi…

Bon, pour se changer les idées un peu, petit mot sur le Vermont 100. Un coureur de chez nous s’est  illustré: Sébastien Roulier, qui en était à sa première course de 100 milles, a terminé en septième position et ce, seulement deux semaines après nous avoir fièrement représentés aux championnats de monde. Toutes mes félicitations Seb !  🙂

Il semblerait toutefois que la course a été très difficile cette année, probablement à cause de l’humidité. En tout cas, le taux d’abandons a été élevé et certains ultrarunners aguerris n’ont pas été en mesure de terminer, alors ça donne une bonne idée.  J’y avais d’ailleurs pensé durant les jours de chaleur accablante que nous avons subie la semaine dernière et j’y songe de plus en plus sérieusement: peut-être (advenant que je puisse recommencer à courir un jour ;-)) que finalement, le Vermont 100, ce n’est pas une bonne idée pour mon premier 100 milles. Comme je tolère très mal la chaleur quand je cours (en fait, je la tolère mal tout le temps: je porte des chemises à manches courtes à longueur d’année), je devrais peut-être m’orienter vers des courses à l’automne.

Dans ma mire: Haliburton Forest (Ontario) en septembre, Virgil Crest (New York) aussi en septembre et Oil Creek (Pennsylvanie) en octobre. Les deux premiers sont de type double aller-retour d’un parcours de 25 milles alors que le troisième est constitué d’une boucle de 50 km à faire trois fois suivi d’une “mini-boucle” de 11 km. J’opterais probablement pour ce dernier, mais j’ai encore bien du temps pour y penser.

Au garage

Le rendez-vous avec Sophie s’est super bien passé. Elle a longuement travaillé mon genou et évidemment, fait quelques tours de passe-passe typiques des chiros sur lesquels on ne se pose pas de questions. On a jasé course, de son gros objectif de la saison (le TDS), des miens (le Vermont 50 et New York), du Ultimate, etc. Bref, difficile de demander mieux comme visite chez un professionnel de la santé.

Mon problème ?  Il semblerait que mon tibia était vraiment déplacé, ce qui faisait que mon genou travaillait mal, amenant des problèmes aux tendons. Selon elle, je m’étais très fort probablement fait ça à St-Donat et les dommages au genou étaient survenus par après. C’était plausible.

Je pouvais reprendre la course dès le lendemain si je promettais d’être sage, c’est-à-dire d’y aller mollo. Pas le moment de faire des intervalles. Chef, oui chef !  🙂

Je suis donc sorti de la clinique rempli d’optimisme. J’ai même poussé la sagesse jusqu’à voyager au travail à vélo hier (question de me faire prendre par la pluie le matin… et le soir !) pour faire un petit essai tranquille ce matin.

Au programme: une douzaine de kilomètres relaxes, la majorité sur le chemin de terre longeant le fleuve. Au début, tous mes efforts étaient concentrés sur une chose: y aller mollo. Pas facile quand on est habitué à un certain rythme. J’ai tout de même réussi à me « retenir » pour un premier kilomètre en 4:23. Tout allait bien. Le premier signal est arrivé 500 mètres plus loin.

J’ai poursuivi, en me disant que je ne faisais que me dérouiller. Après la montée vers le pont des écluses, j’ai même emprunté les marches pour descendre sur les bords du fleuve, question de ne pas taxer mon genou. Mais à mesure que j’avançais, je le savais: ça n’allait pas mieux. Puis, à 3.75 km, j’ai senti une douleur vive, identique à celle de dimanche dernier, qui m’a forcé à arrêter.

Après de longues minutes à me masser les muscles et à me demander quoi faire, j’ai essayé de reprendre. Maintenant, ce n’était plus seulement le genou, la hanche s’était mise de la partie. Je n’avançais pour ainsi plus. Découragé, je me suis encore arrêté et rendu à l’évidence: je n’allais définitivement pas mieux. C’était peut-être même pire.

Je me suis assis sur une espèce de banc (il ont construit ça ces dernières années et je ne sais toujours pas pourquoi: il n’y a jamais un chat qui va là !) donnant vue sur le fleuve. Ce cours d’eau qui m’a si souvent apaisé… Puis, j’ai eu une vision: au moment même où se déroulait la course à laquelle je rêve participer (le Vermont 100), sur ma gauche se trouvait le Mont Royal, sur ma droite, le Mont St-Bruno et, perdu dans le nuages, le Mont St-Hilaire. Mes trois terrains de jeux, les endroits où j’aime tant aller m’entrainer. Ils étaient si loin, ils me semblaient terriblement hors d’atteinte.

J’ai bien essayé de reprendre la course pour le retour à la maison, mais j’ai terminé en marchant. Aussitôt arrivé, j’ai envoyé un courriel à Sophie: je fais quoi ?

Elle m’a répondu très rapidement. Elle va essayer de me trouver un trou cette semaine. En attendant, ok pour le vélo. mais pas de course. On dirait bien qu’elle veut que je guérisse autant que moi, ce qui est très encourageant. Mais si c’était au-dessus de ses compétences ?  Et si elle me faisait plus de mal que de bien ?

J’ai fait quelques recherches, je vais faire des appels en début de semaine. J’envisage maintenant d’autres solutions: la médecine sportive, l’ostéopathie. Parce que je n’ai définitivement pas envie de demeurer au garage bien bien longtemps.

C’est de la sorcellerie ou quoi ?

Depuis que j’ai été contraint pour la deuxième fois à arrêter la course à cause de ma blessure subie à Philadelphie, je ne cessais de me poser des questions. Combien de temps dois-je encore attendre ? Et si je n’attends pas assez longtemps, vais-je devoir recommencer un autre « cycle » de guérison ?  De combien de temps, celui-là ?  Devrais-je consulter un professionnel ?  Lequel ?  Médecin sportif, physiothérapeute, ostéopathe, chiropraticien ?

J’ai reçu les avis de mes amis Maryse et Christian (deux de mes plus fidèles lecteurs). Ce dernier me suggérait fortement de voir un ostéopathe, car le sien l’a littéralement sauvé (à voir ses performances, je peux le croire !). Maryse quant à elle m’a fait un topo des spécialités de chacun et dans mon cas, comme ça semblait être une déchirure/élongation musculaire, elle m’a suggéré de voir un physio.

Avec la période des Fêtes qui approche, le timing n’était toutefois pas tellement bon. Puis je me suis souvenu d’une rencontre que j’avais eue dont j’ai déjà parlé ici à la fin août. Alors que je m’entrainais pour le Vermont 50 au mont St-Bruno, j’avais jasé une bonne dizaine de minutes avec une chiropraticienne qui faisait des ultras. Je me disais que si une personne était bien placée pour me conseiller, c’était bien elle.

Suite à cette rencontre, j’avais identifié cette gentille personne comme étant Marie-Josée Dufour de Québec. Mais je ne retrouvais pas son nom dans le bottin de l’ordre des chiropraticiens du Québec. Ni dans les classements du Vermont 50 des dernières années (elle m’avait dit avoir déjà fait le 50k), ni sur Ultra Signup. Hum…

Finalement, je suis allé revoir le classement final du XC de la Vallée et fait des recoupements. En troisième place chez les dames: Sophie Limoges de Brossard. Coup d’oeil sur le site de l’ordre des chiros: bingo !  Avant de la contacter, je suis allé voir ses résultats sur Ultra Signup. Ma mâchoire a failli décrocher. Elle ne fait pas que courir des ultras, elle performe !  Gagnante à deux reprises du 50k à Bear Mountain, gagnante à St-Donat (58k) l’an passé, gagnante de la Canadian Death Race (125 km dans les Rocheuses) en 2009 (où elle a terminé 5e au général, seulement 25 minutes derrière Dean Karnazes)… Définitivement s’il y a quelqu’un qui peut conprendre l’empressement d’un coureur à reprendre le colier, c’est bien elle !

Je lui ai donc écrit samedi dernier, lui rappelant notre rencontre, lui décrivant mon mal et lui demandant conseil. Réponse dimanche matin: elle se souvenait de moi (il semblerait que ce n’est pas tous les jours qu’on croise quelqu’un qui fait 50 km au mont St-Bruno), déjà ça de pris. Elle connait très bien ce genre de blessure et m’offrait de me traiter dès cette semaine, malgré le fait que son horaire était déjà plein. Elle était prête à faire du temps sup pour moi !  Ha, la fraternité des coureurs…

Jeudi midi, je me pointe donc à la clinique où elle travaille. Avant le traitement, petit formulaire à remplir. Antécédants médicaux, blessures, médicaments, etc. Alcool ?  Heu, pas facile celle-là… 9-10 consommations par semaine peut-être ?  Drogues récréatives ?  Jamais de ma vie (suis-je assez plate à votre goût ?). Boissons gazeuses ?  4-5 par semaine je dirais.

Référencé par qui ?  Ben, heu… la chiro elle-même ?

Avant de signer le formulaire, un gros avertissement: les manipulations chiropratiques peuvent, dans des cas extrêmement rares, entrainer la paralysie. Ben là, pour un muscle de la cuisse, jamais je ne croirai…

J’ai à peine terminé de remplir le formulaire que Sophie (entre coureurs, on s’appele par notre prénom) vient me chercher. Elle fait le tour dudit formulaire et acroche sur un point: 4-5 boissons gazeuses par semaine ?!?  Heu, oui, avec mon lunch le midi… Ne ne non, c’est beaucoup trop !  Pardon ?  Tu ne vas pas me dire que je ne peux pas courir parce que je bois 4-5 canettes de Diet Pepsi par semaine ?!?  Je ne me mettrai pas au jus de carottes, bout de viarge !

Elle m’explique de long en large les « méfaits » des boissons gazeuses, données scientifiques à l’appui. Ok, ok, je vais voir… Mais l’alcool ?  Ça non, c’est beaucoup moins néfaste. À la limite, ça a presque certaines qualités. J’ai dans mon idée qu’elle ne boit pas de boissons gazeuses, mais ne déteste pas un prendre un bon verre de vin…

Commencent ensuite les exercices/manipulations. Tiens-toi sur un pied. Sur l’autre. Pousse avec ta jambe comme ci, force avec l’autre jambe comme ça. Je me demande bien où elle veut en venir. Ma cuisse, elle ?  Mais bon, elle ne vient pas me dire comment tester un relais d’alternateur, alors je ne lui dirai certainement pas comment faire sa job. Je me plie donc de bonne grâce.

Après quelques maniplulations, elle m’annonce que c’est ce qu’elle pensait: ma jambe gauche est plus faible que la droite, alors celle-ci compense. À la longue, elle finit pas se fatiguer, l’exposant ainsi aux blessures. En tout cas, c’est ce que je comprends. Elle me dit donc qu’elle va devoir « redresser » mon côté gauche. Merde, ça va bien prendre 6 mois !  Pour une petite élongation ? Je commence sur le champ à réviser mes plans: tout va être retardé d’un an, ma parole…

Elle enchaine avec le traitement. assis, couché sur le ventre, couché sur le dos. Pousse comme ça, tire ici. Vers l’intérieur, vers l’extérieur. À un moment donné, je suis couché sur le côté et elle se laisse littéralement tomber sur ma jambe. Ouch !  Merde, une chance que tu ne ne pèses pas 200 livres ! J’ai l’impression que si elle voulait me démantibuler, elle pourrait le faire sur le champ sans même que je m’en rende compte. Et avec l’enfilade de niaiseries que je fais sortir de ma bouche, je n’aide peut-être pas ma cause (au bout d’un certain temps, j’allume: elle doit toutes les avoir entendues des milliers de fois, mes jokes insignifiantes).

Après quelques minutes à subir toutes sortes de maniplutations qui ne semblent avoir aucun rapport entre elles, je refais les tests du début. Et je vois le miracle qui vient de se produire. En début de séance, j’avais de la difficulté à me tenir sur le pied gauche tout en pliant mon genou droit vers l’avant. Maintenant, je suis aussi fort avec le gauche qu’avec le droit. Même chose en poussée. Hein ?!?  C’est quoi, cette affaire-là ?  De la sorcellerie ou quoi ?  Juste en me faisant subir une série de manipulations, elle a réussi à redresser ce que j’avais pris 42 ans à mettre croche ?  Ce n’est pas possible !?!

Il semblerait que oui. Selon elle, je suis correct et aurai peut-être à la revoir seulement une autre fois début janvier. Mon plan de reprendre la course demain dimanche est parfait pour elle. Je dois y aller mollo pour commencer, mais elle semble certaine que mon trouble est chose du passé. Je dois toutefois porter une genre de bandage autour de mon mollet droit pour quelques semaines, question de maintenir le tibia et le péroné ensemble, rendant plus facile le travail de mon ischio-jambier.

Elle m’a dit de lui écrire si j’avais des problèmes, mais elle est à peu près certaine que je n’en aurai pas. J’ai vraiment hâte à demain pour voir ça, moi. Peu importe ce qui arrive, je suis déjà très impresionné des résultats.

À suivre…