Une année en dents de scie

Les rétrospectives, c’est une tradition à ce temps-ci de l’année. Je l’ai fait l’an passé, alors pourquoi ne pas remettre ça cette année ?  Pour moi, l’année 2013 a été synonyme de hauts de de bas, mais à la fin, une chose demeure: la course à pied est une véritable passion que je désire continuer à partager avec vous, fidèles lecteurs.

Voici donc l’année résumée en quelques thèmes.

La consécration. Hopkinton, le 15 avril, 9h55. J’étais dans mon couloir, attendant le départ du Marathon de Boston. Le plus ancien et le plus prestigieux marathon de la planète. Après des années de travail acharné, j’y étais enfin. À ce moment, j’ai éprouvé un très grand sentiment de fierté, probablement ce qu’un athlète de haut niveau peut vivre quand il se retrouve à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. C’était à la fois simple et magique, je vais m’en rappeler le restant de mes jours.

Mauvaise évaluation. J’ai carrément sous-estimé la difficulté du parcours. Je me disais que je suis un ultrarunner, que les côtes de moumounes comme sur le parcours nous amenant à Boston, ça ne pouvait jamais être si difficile que ça… J’en ai payé le prix. Dans les dernières encablures de la Heartbreak Hill, j’ai crampé. Les 8 derniers kilomètres ont été infernaux.

L’horreur. J’étais arrivé depuis un bon bout de temps. Nous avions quitté les lieux et étions probablement en train de débarquer du métro quand les bombes placées près de l’arrivée ont explosé. Mais l’horreur des événements nous a tous touchés. À l’hôtel, les gens étaient en état de choc, personne ne parlait plus de rien d’autre. La question sur toutes les lèvres: pourquoi ?

La résilience. Celle des coureurs qui retourneront car ils refusent de se laisser intimider. Je fais partie de ceux-là. Celle de la merveilleuse ville de Boston qui a décidé elle aussi de se tenir debout devant l’adversité et de faire un pied-de-nez à ceux qui voudraient lui faire peur. Je ne suis pas un amateur de hockey, mais ce qui s’est passé deux jours plus tard avant le match des Bruins m’a donné les frissons.

La vague. Celle d’amour qui a déferlé de partout. Nos amis, notre parenté, nos collègues. Des personnes avec qui nous n’avions pas eu de contact depuis des années se sont inquiétées pour nous et nous ont demandé, nous ont ordonné même de leur confirmer que nous allions bien. Rien ne m’a jamais fait autant chaud au cœur. Merci à tous, encore une fois !

La bouette. St-Donat, le 29 juin. Le printemps avait été pluvieux, il venait de tomber une trentaine de millimètres de pluie. Devant nous, 58 kilomètres de sentiers. Un parcours déjà considéré comme difficile à la base avait été transformé en véritable soue à cochons. De l’eau jusqu’aux épaules dans la rivière, une traversée interminable du « Vietnam », des descentes impossibles à négocier. À maintes reprises, je me suis promis que « plus jamais ». Et pourtant, j’ai eu du plaisir et serai fort probablement de retour. Faut croire que je suis maso. Ce vidéo de Michel Caron qui a terminé une vingtaine de minutes avant moi est une véritable pièce d’anthologie.

LA blessure. Elle s’est manifestée au lendemain de la tragédie à Lac-Mégantic (question de me donner un peu de perspective). Une semaine plus tard, j’étais sur la liste des blessés. Ça a duré des semaines. Des semaines d’enfer au cours desquelles j’ai dû annuler ma participation à deux courses que je voulais vraiment faire cette année: le 65k du XC Harricana et le Vermont 50.

L’ostéo. Son prénom: Marie-Ève. Sa discipline: l’ostéopathie. Je ne connaissais pas ça, mais on m’avait fait plusieurs suggestions en ce sens, alors je me suis dit que j’essaierais. Elle a sauvé ma fin de saison, un point c’est tout. Sans elle, je ne serais pas allé à New York. Chaque sou que j’ai investi dans ses traitements a été un sou bien investi. Elle me chargerait le double du prix que j’y retournerais sans hésiter.

Lake Placid. Coup de cœur ou coup de foudre ?  Le beau temps a certainement aidé, mais nous sommes tombés sous le charme de cette petite ville du nord de l’état de New York. Là-bas, le sport et le plein-air sont rois. Des montagnes, des sentiers de randonnée, des routes dans un état impeccable… Nous nous promettons évidemment d’y retourner prochainement. Très prochainement.

Le plus bel entrainement. XC Harricana, le 7 septembre. Mon genou m’ayant empêché de m’entrainer convenablement, j’ai troqué le 65k pour le 28k avec dans l’idée de le faire comme un entrainement. Un vrai entrainement là, pas le moment de me tuer à l’ouvrage. Ça a été ma sortie la plus plaisante depuis le Vermont 50 2012. J’ai eu un plaisir inégalé dans la montée du mont Grand-Fonds, les sentiers de quads, la montée de la montagne Noire et tout le reste. Une course à l’organisation impeccable, des sentiers très bien marqués, une super belle expérience avec à la clé, une 15e place complètement inattendue. À répéter un jour, c’est certain.

La bonne décision. À la fin septembre, lors d’un entrainement, ma tendinite au genou est revenue. Je me suis tout de suite arrêté et dans la journée, ai contacté mon ostéo qui a réussi à me traiter dès le lendemain. Quatre jours plus tard, je reprenais l’entrainement. Nous coureurs avons l’habitude d’ignorer les signes que nous envoie notre corps jusqu’à ce que ça devienne insupportable. Ce jour-là, j’ai pris une bonne décision et ça a payé. Je devrais faire ça plus souvent…

Le plaisir entre amis. Mont Orford, le 19 octobre. Des conditions parfaites, une course que je faisais avec des amis dans un endroit superbe. Et beaucoup, beaucoup de plaisir. J’adore accompagner des amis dans une course, même si parfois je me sens un peu inutile. Pour 2014, j’ai déjà deux « accompagnements » de prévus. Et j’ai hâte.

La Grosse Pomme. New York. Ça faisait des années que j’y rêvais. Pas pour les mêmes raisons que Boston où il faut se qualifier. Ha, on peut aussi se qualifier pour New York, mais les standards sont vraiment trop stricts pour moi. J’ai donc dû passer par la loterie et attendre 3 ans avant de pouvoir faire partie du contingent de coureurs qui s’élanceraient du Verrezano-Narrows Bridge en direction de Central Park.

Des spectateurs par centaines de milliers tout au long du parcours, une organisation extraordinaire à la hauteur de cette ville qui n’a pas d’égale à travers le monde. Une expérience unique que je recommande fortement à tout le monde qui en a la chance.

À la fin, un deuxième meilleur temps à vie sur un parcours difficile et la tête remplie de souvenirs.

Pour 2014. Beaucoup de belles courses en vue. Un premier 100 km, peut-être un premier 100 milles. Va définitivement falloir que les genoux et le sciatique se tiennent à carreau !  🙂

Sur ce, un très joyeux Noël à tous ! 🙂

Un 80 km au XC Harricana

La nouvelle est sortie presque en catimini il y a une dizaine de jours et je ne l’ai tout simplement pas vue passer: en plus des épreuves tenues lors de la première édition cette année (5, 10, 28 et 65 km), le XC Harricana offrira en 2014 un choix supplémentaire aux fous de mon espèce: un 80 km (50 milles). Cette nouvelle épreuve se déroulera en fait sur exactement le même parcours que le 65 km auquel on ajoutera une quinzaine de kilomètres supplémentaires tirés du parcours du 28 km, dont l’ascension du mont Grand-Fonds.

J’avoue ne pas trop savoir quoi penser de tout ça. Comme je l’ai déjà dit, l’organisation du Harricana est excellente et je suis certain que les gens en place sauront relever ce défi avec brio. De plus, je n’ai entendu que des échos positifs à propos du 65 km et pour ma part, j’ai adoré le 28. Donc, pas de problème à prévoir de ce côté.

Par contre, je me pose des questions au niveau participation. Bien que la course en sentiers gagne en popularité (Orford en est la preuve par dix), on ne peut pas dire que le nombre d’ultramarathoniens dans notre belle province suit une progression aussi rapide. J’étais à St-Donat et au Harricana cette année et le nombre de visages que j’ai vus aux deux places était frappant. À mon avis, il risque plus d’y avoir une séparation du contingent de coureurs dans chacune des deux courses qu’autre chose.

Aussi, le départ des autobus à 3 heures du matin de la station de ski en vue d’un départ de course à 5 heures risque d’en décourager plus d’un (moi le premier !). À ça s’ajoute le fait que le 65 km était considéré par plusieurs comme une épreuve de préparation pour les ultras de l’automne. Vraiment pas certain que la nouvelle épreuve présentera le même attrait.

Une avenue qui serait peut-être intéressante consisterait à faire comme à Virgil Crest: donner le départ du 65 et du 80 km en même temps et permettre à ceux inscrits au 80 d’avoir tout de même un classement à la course de 65 km s’ils désirent s’arrêter lors du premier passage à la station de ski ou après, pour quelque raison que ce soit. Je crois qu’une telle mesure aiderait à augmenter le nombre d’inscriptions pour la longue course.

D’une manière plus générale, je me questionne également sur la nouvelle date choisie. En effet, le XC Harricana s’est déroulé le 7 septembre cette année, soit le samedi après la Fête du Travail. La raison en est simple: ça permettait d’allonger la saison touristique de la région de Charlevoix d’une semaine, les hébergements affichant complet durant cette fin de semaine. Or, en 2014, les courses auront lieu la semaine suivante, soit le 13 septembre. Une semaine avant Virgil Crest, deux avant le Vermont 50. Comme je compte faire une de ces deux courses (non, pas les deux, je ne suis pas complètement débile), je serai en tapering à ce moment-là, alors les chances que je sois à Charlevoix sont bien minces. À moins que je refasse le 28 km, question d’être sage…  😉

XC Harricana: suite et fin

Ce soir, conclusion du « dossier » XC Harricana.

Je n’avais pas encore parlé du 65 km, épreuve à laquelle j’aurais tant aimé participé. Finalement, ça a pris beaucoup plus de temps que prévu avant que les premiers arrivent: presque 6 heures !  En fait, quand le gagnant, Florent Bouguin, s’est présenté, nos amis JF et Seb étaient arrivés depuis un petit bout, mais n’avaient pas encore tout à fait repris leurs esprits. Je ne connais pas Florent Bouguin, mais lorsque je l’ai vu, j’ai tout de suite trouvé qu’il avait le look coureur des bois, un peu à la Timothy Olson ou Anton Krupicka, avec la barbe et les cheveux longs. Tout un athlète, en tout cas !

Il a été suivi de peu par Éric Turgeon, que j’ai immédiatement reconnu: c’était celui que j’avais surnommé « le petit crinqué » à St-Donat. Le contraste avec le vainqueur était saisissant: look clean cut avec les cheveux courts et la barbe de 2-3 jours, il est apparu vêtu de seulement une paire de shorts et de ses souliers, son torse parfaitement musclé (vous savez du genre juste assez musclé…) bien en évidence. Un petit peu show off, le monsieur ?  Disons que pour un ultrarunner, il a des tendances plus Dean Karnazes que Scott Jurek… C’était comique de voir les quatre filles admirer le tout, particulièrement Julie et Marie-Claude qui se rinçaient l’oeil alors que leurs chums peinaient à revenir dans le monde des vivants !

Finalement, Sébastien Roulier a terminé en quatrième position. Comme c’est son habitude, il était tout sourire quand on s’est parlés par après. Ce gars-là est tellement gentil, je crois que si j’avais des enfants, je ferais le voyage à Sherbrooke spécialement pour que ce soit lui qui s’occupe de leurs divers bobos !  Il m’a raconté bien candidement qu’il menait au début, mais quand c’est devenu plus technique, il s’est fait reprendre par 5-6 gars. Tiens tiens, ça me rappelle quelqu’un… Serais-je un « mini Sébastien Roulier »  ?  😉  Nous avons également parlé de Boston pour lequel je vais avoir besoin de ses conseils (il y a participé 7 fois) pour savoir comment gérer le foutu parcours. En 2014, comme il aura 40 ans, il sera dans la catégorie des « Masters », alors il a hâte de voir s’il aura des accès privilégiés. Moi, je pense que je vais laisser faire…

Par après, Barbara et moi avons mangé avec un couple de Laval et la dame, sachant que j’avais fait le 28 km « en consolation » du 65 km, s’est mise à me poser un paquet de questions. Elle court des 10 km depuis longtemps et commence à se trouver trop « confortable » là-dedans. Elle voudrait sortir de cette zone de confort et se demandait comment j’avais fait, comment elle pouvait se motiver à passer au 28 km l’an prochain.

Mettons que j’étais un petit peu embêté. J’ai commencé sur la route. Après un 10k à l’automne, j’ai fait un demi au printemps, puis, voyant que j’étais capable de le faire, j’ai couru un marathon à l’automne suivant. Ensuite, après quelques marathons, je me suis intéressé à la course en sentiers et par le fait même, aux ultras. Je n’ai jamais eu à sortir d’une telle zone, alors je ne savais pas trop quoi lui dire.

Je lui ai suggéré de faire un demi sur route, pour voir. Elle avait déjà essayé et n’avait pas aimé. Elle, c’est les sentiers. Ok, à ce moment-là, tout ce que j’ai pu trouver à lui dire, c’était de ne pas se donner le choix: s’inscrire le plus rapidement possible à une épreuve plus longue. Le 22 km à St-Donat, par exemple. Pour moi, il n’y a pas meilleure motivation que d’avoir un objectif et de s’obliger à faire ce qu’il faut pour l’atteindre. À part ça…

En terminant, petit mot sur l’organisation et la course en général. Mis à part un repas très ordinaire, je n’ai que de bons mots. Le site est d’une beauté exceptionnelle et facilement accessible. Les sentiers étaient dans un très bon état, le parcours, bien marqué et les pancartes kilométriques, c’est un gros plus. C’était ma troisième course en sentiers et c’est celle que j’ai trouvée la mieux organisée. Pourtant, les deux autres (Vermont 50 et St-Donat) existent depuis plus longtemps. Mais bon, je n’ai pas fait la grande distance, peut-être que je serais d’un autre avis si je l’avais fait.

Vendredi dernier, j’ai assisté à une conférence sur les ultramarathons en sentiers et Sébastien Côté, le directeur de course du Harricana, était présent. Il a posé des questions reliées aux problèmes d’hydratation qui démontraient un réel souci pour la santé et de la sécurité des coureurs. C’est clair qu’il veut améliorer son événement, encore et encore. Je crois que la course est entre bonnes mains.

Le XC Harricana fera partie de mon calendrier de course l’an prochain. Parfaitement situé dans le temps (3 semaines avant le Vermont 50, 4 semaines avant Oil Creek) , je me promets bien de ne pas manquer le 65 km deux années de suite !  Je verrai alors si c’est vraiment la course la plus difficile du Québec, tel que proclamé dans cet article paru dans La Presse quelques jours avant l’événement.

Le 28 km XC Harricana: de la montagne Noire à l’arrivée

Ha, une montée ! 🙂  Le sentier est étroit, du style single track et la forêt, très dense. Assez loin devant moi, deux gars. Ok, on va voir si on peut les suivre.

Au début, j’avance au même rythme qu’eux, mais la montée est longue, alors je sens qu’ils fatiguent. Ce que ça peut être pratique, un frame de chat !  🙂  Je reprends le premier, un costaud dans les 180 livres. Il souffle fort et me fait signe de passer, un peu avec dépit. Je l’encourage en lui disant qu’il va me shifter dans la descente. J’enligne l’autre, une centaine de pieds devant. Rapidement, je gagne du terrain et le rejoins. Sa cloche à ours fait un tout petit bruit, elle semble aussi fatiguée que lui. Il doit être le seul à en avoir une, d’ailleurs. Autre mot d’encouragement, puis je le laisse lui aussi derrière. La montée est suffisamment longue pour que je ne les aperçoive plus une fois rendu dans la partie roulante… qui ne dure pas.

Deuxième section de montée de la montagne Noire. Dans ma ligne de mire, une autre cible. Je rejoins le gars et on fait un bout ensemble. Il me demande si ça achève, la montée, mais je n’en ai aucune idée. Il a la carte, j’y jette un oeil: ce n’est pas clair. Je lui dis de s’imaginer ce que ce serait si on avait à faire ça dans le cadre du 65 km (nous sommes depuis un bout sur le même parcours), que j’étais supposé le faire, mais comme je me remets d’une blessure… Il me répond que je suis chanceux de m’être blessé parce que le 65k, c’est une « ostie de paire de manches ». Je lui parle alors du Vermont 50, que ça m’avait pris 8h42 et on dirait que ça l’achève car je ne le reverrai plus.

Pas loin du sommet, je rejoins un autre gars, qui a un look latino.. On fait un bout dans le lichens en se suivant. Il me lance un « Hello ! » comme j’arrive à sa hauteur au moment d’embarquer sur un chemin de terre, ce à quoi je réponds: « Ça va faire du bien, un boutte en chemin d’terre, hein ? ». Après 2 ou 3 secondes, j’analyse qu’il n’a probablement rien pigé de mon accent québécois. Bah, tant pis. Je le laisse avant la descente pour arriver bien avant lui au dernier ravito, kilomètre 20. Je réclame aussitôt de la bière, mais je dois me contenter de bananes. 2-3 verres d’eau et c’est reparti. 8 petits kilomètres à faire, piece of cake !  🙂

Cette section commence par du très technique, mais elle devient relativement roulante. Comme je suis maintenant totalement seul, je résiste très bien à la tentation de courir les montées et prends ça relaxe. C’est un entrainement, je ne dois pas l’oublier. Pas le temps de me blesser. Mais les descentes, c’est vraiment frustrant. Non seulement ça va moins vite en descendant, mais je perds mon momentum quand vient le temps de monter par après. Maudite blessure de mes deux !

Je sors du bois et que vois-je ?  Le mont Grand-Fonds et une tabarn… de descente. En terre, avec de grosses roches un peu partout. Et ça descend en face de cochon. Merdeux !  Bon ben, pas le choix… Commence alors un long slalom, un enchainement infini de petits pas pour un, ménager mon genou et deux, ne pas me casser la marboulette. Je m’attends à me faire rattraper par 5-6 gars tellement j’ai l’impression d’y aller lentement. Mais non, je suis toujours seul. Et que dire des gazelles du 65 km ?  Ils sont partis deux heures avant nous et l’organisation s’attend à ce que le gagnant fasse 4h30 (ce qui me semble un tantinet rapide), alors…

Deux kilomètres interminables à descendre. L’enfer. C’est là que je me rassure sur ma décision de faire le 28 km ici et d’annuler ma présence au Vermont 50: c’était la chose à faire. Mon genou n’aurait pas duré de telles distances sur de tels terrains. Quoi que le 50 km du VT50, dans trois semaines…

Après une éternité, j’arrive en bas. Pas facile de reprendre un semblant de rythme après ça. Ok, 4 petits kilomètres. Coup d’oeil au chrono: définitivement que je vais faire sous les 3 heures. Mais tant qu’à faire, j’aimerais bien faire mieux que 6:00/km, donc 2h48. Sauf que je ne sais pas ce qui m’attend…

C’est un sentier de ski de fond qui m’attend. Vallonné, bien roulant… à part quand il y a des trous de bouette. Et il y en a plusieurs. Certains sont couverts de branches de sapin, mais d’autres, non. Mon soulier reste même pris à un endroit, me rappelant de merveilleux souvenirs de St-Donat. Welcome to the swamp !  Ha hiiiiiii !!!

Comme je niaise un peu, le latino me rejoint. Je le félicite (en anglais cette fois) pour sa cadence et tout sourire, il m’offre de terminer ensemble. Toutefois, le manque d’entrainement commence à se faire sentir. J’ai beau ne pas avoir trop poussé, je suis un peu juste. Quand nous arrivons sur le chemin de terre à 2 kilomètres de la fin, je lui dis d’y aller, de ne pas m’attendre. On se reverra à l’arrivée. Je demeure derrière lui, assez près, mais quand arrive le dernier kilomètre je décroche.

Car le dernier kilomètre, c’est une longue montée, juste assez abrupte pour ne pas être un faux-plat. Mais pas moyen de la marcher, il faut la courir. Bande de sadiques ! C’est dans cette montée que je double un gars qui m’avait shifté dans la partie technique (lalalère !). Voilà, nous longeons maintenant le stationnement du centre de ski. Quelques spectateurs nous encouragent. Je cherche Barbara du regard, mais ne la trouve pas. Puis j’entends Maryse crier mon nom. Elle accourt à ma rencontre, me donne un high-five et me dit qu’elle va me rejoindre à l’arrivée (je dois faire un détour, pas elle).

Petit plat bienvenu, puis dernière montée, encore un coup de fierté pour la faire en courant. Il y a des spectateurs, quand même… Je cherche Barbara, ne la trouve toujours pas. Elle est où ? Je traverse la ligne en arrêtant mon chrono, entends l’animateur annoncer mon nom: good, ma puce a fonctionné. Mon temps: 2:44:51. 15 minutes de moins que ce que j’avais prévu, cadence de 5:50/km. Je ne peux pas demander mieux.

En sortant du petit couloir qui nous est attitré, deux personnes m’attendent: Maryse et mon ami latino. Et les deux me tendent les bras. Heu… C’est que Maryse est beaucoup plus jolie, genre… Je décide de me « débarrasser » du mon partner en premier. Il est tout content, me félicite et me remercie. C’est vrai qu’on a fait une foutue belle course !  Puis c’est l’accolade avec Maryse, ma chère amie, qui est tout sourire. Sa course semble s’être bien déroulée et comme à chaque fois à une arrivée, on se félicite chaleureusement. Arrivent Marie-Claude et Julie avec qui j’échange des high fives. Elles aussi semblent de fort belle humeur.

Où est donc Barbara, mon amour ?  La pauvre, comme je lui avais dit que je m’attendais à faire « au moins 3 heures », il fallait qu’elle choisisse ce moment-là pour s’éclipser aux toilettes, pensant qu’elle avait une marge avant mon arrivée. Tu parles d’un timing… Il semblerait que Charlotte me sentait arriver car elle ne voulait rien savoir d’entrer dans le Johnny on the spot. L’instinct animal… Mais ce n’est pas tellement grave. J’embrasse ma chère épouse, celle qui me soutient dans cette activité un peu folle qu’est la course. Si ma blessure a été pénible pour elle, jamais elle ne me l’a fait sentir. Merci pour tout, mon amour.

Bon, le problème avec les courses en sentiers, c’est qu’on n’a aucune idée de ce qui se passe avec les autres concurrents. L’organisation nous tient au courant pour les trois premiers du 65 km (Seb Roulier menait au ravito du 8e kilomètre, mais après ça, son nom n’est plus cité, au point où je me demande s’il ne lui est pas arrivé quelque chose), mais pour les autres… Donc, aucune nouvelle de Seb et JF. Je m’attends à ce qu’ils arrivent 30, peut-être 45 minutes après moi. Mais en sentiers, c’est très difficile à évaluer. En tout cas, j’ai le temps de me changer, ça j’en suis certain. Et je vais le faire parce qu’il ne fait pas chaud pour la pompe à eau !

Une fois changé, nous nous dirigeons tous vers la fin de la « montée du stationnement », derrière le chalet et commençons à attendre. J’en profite pour faire mes étirements. Charlotte étant très entreprenante, il devient facile d’entamer la conversation avec une  fille qui attend elle aussi, juste à côté. Une jeune femme, fin vingtaine, qui attend son chum. Elle est un peu nerveuse car il était premier du 65 km aux dernières nouvelles. Ha oui ?  Son nom ?  « Éric Turgeon ». Connait pas. Il semblerait qu’il était à St-Donat, qu’il menait pendant un long bout de temps avant de tout simplement « casser ». Bien hâte de voir c’est qui, je l’ai certainement aperçu. Quoi que les premiers et moi…

Le temps passe et l’inquiétude monte. 3h15. 3h30. Toujours rien. Finalement, un t-shirt orangé monté sur un colosse semble se pointer à l’horizon. C’est JF.  La blonde du super-coureur-que-je-ne-connais-pas n’en revient pas qu’un gars avec une telle carrure puisse se taper 28 km en montagnes. Impressionnant, en effet.

Toutefois, sa foulée est pénible. Et tout juste derrière lui, nous reconnaissons Seb, tout de gris vêtu. Lui aussi semble en arracher. L’un comme l’autre ne regarde même pas dans notre direction quand les filles crient leurs encouragements. Ils ont l’air grave, ils souffrent. J’avoue ne pas aimer du tout ce que je vois. J’ai déjà souffert en fin de course, souvent. Mais à chaque fois j’étais heureux de voir les miens, de leur faire un sourire. Ça ne semble pas être le cas ici.

Nous nous précipitons vers l’arrivée. Nos deux comparses arrivent. Ils sont vidés, plus rien. Julie essaie d’aller voir JF, mais celui-ci s’éloigne. Marie-Claude tente de parler à Seb, il la repousse. Puis il se penche et commence à émettre de drôles de bruits. Nausées, vomissements ? Merde, ça va mal. Il a les yeux remplis d’eau. Marie-Claude dans tous ses états, peine à retenir ses larmes. Je lui suggère fortement de le garder à l’oeil car je ne suis vraiment pas rassuré par ce que je vois. Je sais, pas tellement rassurant, le gars d’expérience qui a le regard inquiet…

JF s’assoit sur un pare-choc de camion. Ok, il va s’en tirer. Peu à peu, Seb semble reprendre ses esprits. Ouf !  Quand il finit par pouvoir parler, il me lance: « Un sac de Camelbak, man, c’est ça que ça prend ! ». De quessé ?

Il s’avère que le sac de sa veste Alpha d’UltraSpire (la même que la mienne, sauf qu’il a le format pour homme, pas celui pour petit garçon comme moi) a percé dès le début de la course. Et bien évidemment, le trou était dans le bas du sac, question que les deux litres qu’il contenait se déversent gentiment dans le dos de son propriétaire. À chaque station d’aide, Seb a demandé du duct tape, mais personne n’en avait. Il a donc fait la course en ne buvant qu’aux stations. Certains sont capables de le faire (hein Joan ?  ;-)), d’autres, comme moi,  non.

Mais tu parles d’une malchance !  J’ai parcouru des centaines de kilomètres avec cette veste et jamais je n’ai eu de problème semblable. Dans sons cas, je crois qu’il en était seulement à sa deuxième utilisation. Il soupçonne que le coin de sa couverture de survie ait frotté sur le sac, finissant par le percer. Mais bon, j’en prends bonne note: pour le prochain ultra, j’aurai un autre sac soit dans mon drop bag, soit amené par ma super-équipe de support. On peut toujours apprendre des autres…

Mes impressions sur la course et d’autres petites anecdotes suivront bientôt.

Le 28 km XC Harricana: du départ jusqu’à la montagne Noire

Barbara et moi (et Charlotte !) arrivons au mont Grand-Fonds très tôt samedi matin, en partance de notre petit chalet que nous avons loué avec Maryse. En fait, il est si tôt que notre amie a préféré embarquer avec d’autres amis qui logent eux aussi dans un des chalets Bellevue et qui vont partir un peu plus tard, soit à une heure raisonnable.

La raison de cette arrivée si hâtive ?  À part le fait que je suis maladivement ponctuel (c’est fou le temps que je peux perdre dans ma vie parce que je ne veux jamais arriver en retard), je redoutais des difficultés pour récupérer le chèque qui m’est dû, par rapport à mon changement d’épreuve. Donc, aussitôt arrivés, nous nous dirigeons vers le chalet de ski où se tient la remise les dossards. Déjà, ça grouille car plusieurs concurrents ont choisi l’option de camper sur place. Quelques VR sont stationnés, des dizaines de tentes sont installées dans le stationnement et, pour faire vraiment coureur des bois, un gars (je suppose que c’est un gars) a poussé le minimalisme à l’extrême: nous apercevons un hamac attaché entre deux arbres et recouvert d’un abri de fortune. Wow, ça c’est un vrai !

Arrivé aux dossards, petite frousse: j’ai oublié mon portefeuille au chalet (en fait, il est dans l’auto, mais je l’ignore). Oups. Quand la préposée me demande une pièce d’identité, je me mets à patiner. Ce que je dois avoir l’air du gars qui invente des histoires, moi là…  En tout cas, à sa place, je ne me croirais pas !  Heureusement, j’ai deux courriels: un confirmant mon inscription, l’autre pour le chèque. Ça semble lui suffire. Ouf, pas besoin de retourner au chalet… Non mais, m’auriez-vous vu retourner au chalet pour un portefeuille qui était dans l’auto ? Je prends possession du précieux dossard et des quelques cossins fournis avec. Mais pas de t-shirt pour moi, je n’ai pas payé pour.

Au tour du chèque maintenant. Connaissant le côté un peu broche-à-foin des courses en sentiers, je m’attends à avoir à tout expliquer, encore et encore. En plus, sans pièce d’identité…  Hé bien non. J’ai juste à présenter le courriel à la gentille bénévole pour qu’elle se mette à fouiller dans une enveloppe où il y a une pile de chèques. Et miracle, il y en a un à mon nom !  C’est mon jour de chance, je devrais peut-être acheter un billet de loterie après la course…

Finalement, nous avons évidemment du temps à la tonne à tuer. Après avoir fait un peu le tour de la place, jasé avec quelques personnes (Charlotte a le don d’attirer les gens), nous retournons à l’auto. Tiens, Maryse et ses amis sont arrivés et leur voiture est stationnée tout près. Le non-verbal est assez clair: les filles, qui font le 10 km, sont relaxes et de bonne humeur. Les gars, qui font le 28 km et pour qui il s’agit de LA grande course de leur vie, transpirent la nervosité.

Je les observe et ne peux réprimer un petit sourire. Je me sens comme le vieux lion qui voit les jeunes arriver. Disons que j’en ai vu d’autres, mais eux… Pendant que je relaxe, confortablement assis à mâchouiller un bagel, eux restent debout sur place, tournent en rond, sautillent. Il n’y a pas meilleure façon de vous fatiguer les jambes avant de commencer, les boys !   Je fais la remarque à Maryse, qui se dépêche de la relayer à Seb. Celui-ci me regarde et tasse rapidement mon conseil du revers de la main. Ok,  on verra bien tantôt… Mais bon, ils sont jeunes. Seb n’a probablement pas 35 ans et JF le très jeunot, en a 22. Shit, il pourrait être mon fils (théoriquement du moins: il fait 6’3 » et 240 livres; on pourrait assez difficilement passer pour père et fils) !  À leur âge, je ne courais même pas.

Après une éternité, l’heure du départ approche. Nous nous dirigeons tranquillement vers la ligne de départ/arrivée. Petit réchauffement, je monte et redescends une partie de la montagne en trottinant. Pour l’occasion, j’ai choisi mes Salomon, que je connais beaucoup mieux que mes Montrail. Comme la première montée semble être sur du gazon mouillé, je préfère y aller « safe », quitte à être moins confortable.

8h55, c’est le moment de nous aligner pour le grand moment. Baiser à Barbara, caresse à Charlotte, petit câlin à Maryse en lui souhaitant bonne chance, high fives à Marie-Claude et Julie, puis je me place place tout juste devant Seb et JF, dans le milieu du peloton d’environ 150 coureurs. Le directeur de course nous donne un petit briefing, nous rappelant les règles et nous avisant de bien suivre les rubans roses (ça semble être la couleur-fétiche des trails au Québec). Il nous avertit également que les 16 derniers kilomètres se feront sur le même parcours que le 65 km, alors de ne pas nous en faire avec le changement de couleur des pancartes (hé oui, une course en sentiers marquée à chaque kilomètre, cool hein ?).

Finalement, le briefing s’allonge et on doit attendre 3 minutes pour partir à 9h05 juste. 3 minutes qui semblent bien trop longues pour mes compagnons. Nerveux les gars ?  Seb fait « oui » de la tête en sautillant. J’essaie de leur dire de prendre cette course comme un entrainement, mais ça ne marche pas tellement.

Le départ est donné. Première section de notre parcours: la montée du mont Grand-Fonds. Au complet. Tout le monde court dans la première petite montée, alors je suis la cadence. Après un petit faux-plat, la vraie montée se dresse devant nous et rapidement, je me mets en mode power-hiking, beaucoup moins difficile sur le cardio pour une vitesse presque équivalente. D’ailleurs, je suis en mesure de demeurer avec ceux qui courent encore, alors…

Passe à côté de moi un gars que j’ai croisé à St-Donat et avec qui j’avais fait 7-8 km avant qu’il me laisse sur place dans les parties techniques. Je me mets donc en frais de le suivre. Tout le monde est maintenant à la marche, mis à part deux freaks à l’avant. Le peloton s’étire, s’étire. On entend les souffles courts tout autour. Ça monte en ta…

Pour le plaisir, coup d’oeil à la cadence moyenne: 9:39/km !  À la blague, je fais l’annonce aux autres, leur disant qu’on est pourris en ta… Réponse: rien. Pas un son. *Criquets, criquets…* Moi et mon humour « différent »… Puis, quand je me retourne pour admirer le paysage, spectaculaire malgré les nuages bas, même réaction quand je lâche un « Wow ! ». Décidément… Vous manquez quelque chose, les gars, c’est vraiment beau !

À l’approche du sommet, je m’aperçois que je suis assurément dans les 10 premiers car je suis dans le premier peloton et il y a seulement 3-4 gars devant nous. Pas mal pour un convalescent, hein ?  🙂  Ok, je l’admets: c’est pratique de n’avoir que 150 livres à trainer. Un gars demande combien de temps a pris l’ascension: 16 minutes. C’est définitivement plus haut de la côte de l’enfer à St-Donat, qui m’avait pris 13 minutes à gravir après 48 km dans la bouette.

En fait, ça fait presque 2 kilomètres de montée car peu de temps après avoir atteint le sommet, nous passons la pancarte nous annonçant qu’il reste 26 km à franchir. Une fois en haut, je me dis que maintenant, pas le choix, ça va descendre. Déjà que je suis pourri d’avance dans les descentes, si on ajoute le manque de pratique et le fait que je doive demeurer prudent à cause de mes genoux, je suis cuit. Je m’attends donc à perdre de vue mes compagnons de montée et à me faire shifter à tour de bras.

Mais, agréable surprise, c’est plutôt une section de chemin pour quatre-roues qui nous attend. Suffisamment large, vallonnée, assez technique avec de la roche. Je perds évidemment du terrain quand ça descend et me fais également rattraper, mais je ne me fais pas larguer. Ok, si j’étais seul, il y a bien quelques montées que je ferais en marchant, mais orgueil oblige… Je demeure avec mes 5-6 compagnons sans trop forcer.

Les kilomètres passent alors assez rapidement, notre cadence avoisinant les 5:00/km. Puis, autour du 7e kilomètre, la vraie descente se pointe. Dans un chemin de terre carrossable. Je tâche de faire des petits pas, d’y aller relaxe pour ne pas taxer mon genou. Et comme c’est assez abrupt, les autres ne se laissent pas aller complètement non plus.

Mais merde, c’est bien long comme descente !  Ça ne finit plus…  Ce que ça peut être gossant, faire attention comme ça ! Arrive enfin un bout moins abrupt et autour du 9e kilomètre, la première station d’aide. J’y avale un verre d’eau (pour faire changement du GU Brew que je transporte dans ma super-veste), puis repars.

Section technique maintenant. Très technique. C’est étroit, des roches, des racines, ce n’est jamais plat. Je suis toujours en train d’essayer de relancer, mais rien à faire, mon jeu de pied ne suit tout simplement pas. On dirait que je choisis toujours la mauvaise roche, qu’il y a toujours un pied qui coince à quelque part. Manque de pratique, encore une fois. Dire qu’à Lake Placid, il y avait un sentier très semblable à ça et je me faisais un devoir de l’éviter. Du con.

Je laisse passer deux gars qui me suivent de près. Puis un autre qui me remercie en m’appelant « Monsieur ». Comment ça, « Monsieur » ?!?  Bout de viarge, j’ai 43 ans, pas 83 !  C’est quoi la prochaine affaire ?  « J’espère être aussi rapide que vous quand j’aurai votre âge » ?  Ou pourquoi pas un « Vraiment bon pour un membre de la FADOQ ! » ?  Je vais t’en faire un « Monsieur », jeune perdu !  Mais que voulez-vous, je suis dans l’incapacité totale de le suivre. De toute façon, j’entends déjà deux autres gars qui arrivent derrière moi… en jasant. Je sens qu’ils gagnent du terrain juste à entendre leurs voix. Merde, ils me rattrapent en placottant !  Je suis vraiment nul quand ça devient technique, il n’y a pas à dire !  D’autres passeront aussi avant la fin de la section. J’ai l’impression qu’une quinzaine de gars m’ont dépassé, je m’attends à voir Seb et JF arriver. Allez, un gel au miel pour s’encourager !

Finalement, plus personne dans le derrière. Ça y est, je suis dernier (je niaise, évidemment, la première femme ne m’ayant pas rejoint). Heureusement pour moi, il y en a un gars devant, presque aussi nul que moi. Nous rencontrons des randonneurs juste avant de retrouver un semblant de civilisation: un autre chemin pour quatre-roues qui nous mènera à la deuxième station d’aide, au 13e kilomètre.

Cette station est carrément bordélique car les gens du 10 km y arrivent en même temps que nous. Je crie mon numéro de dossard en arrivant, mais je ne suis pas certain que la bénévole, qui semble dépassée, l’ait entendu. On s’en fout, je n’ai pas l’intention de me perdre dans le bois, moi… J’avale deux morceaux de banane et part dans le sentier menant à la montagne Noire. En espérant que ce ne sera pas trop technique.

Un super bel entraînement

Comme je suis sur mon iPad, je vais y aller au plus court. Des détails suivront sous peu.

J’ai eu un super bel entraînement aujourd’hui au XC Harricana. 28 km dans les côtes et les sentiers de Charlevoix, ma plus longue sortie depuis ma blessure. Des beaux sentiers, bien entretenus et pas trop techniques pour pépère Fred qui a toujours un peu de difficulté quand ça se corse à ce niveau.

Résultat officieux: 2:44:51, bon pour la 15e place à ce qu’il paraît. J’attends avec impatience que SportStats sorte les résultats officiels. Mes genoux ont bien tenu le coup, malgré quelques descentes pas piquées des vers. Je ne regrette toutefois pas d’avoir annulé ma participation au 65 km et au VT50: ils n’auraient tout simplement pas « toughé la run », comme on dit. Et moi non plus ! 🙂

Mon amie Maryse, qui faisait le 10 km avec deux amies, semble avoir adoré l’expérience . Après St-Donat, mettons que la barre n’était pas tellement haute !  Son collègue Seb ainsi qu’un ami de celui-ci nous ont toutefois fait une belle frousse à l’arrivée du 28 km. Ils avaient l’air complètement vidés, pire que moi après mon fameux Montréal 2008… Mais ils sont jeunes et ont retrouvé le sourire rapidement !

On se reconnecte plus tard.

C’est officiel, plus d’ultras pour cette année

25 kilomètres au mont St-Bruno ce matin. Ce matin, j’étais convaincu à 99%, maintenant je le suis à 100%: les ultras, c’est fini… pour cette année !

Je voulais faire un dernier test, au cas où. Mais la forme n’y est tout simplement pas. Car si on veut faire un ultra, on ne s’en sort pas, il faut courir. Beaucoup. Pendant des semaines (qui m’ont semblé durer des mois et pour ma conjointe qui devait m’endurer, ça a dû sembler des années), je n’ai pas couru du tout et depuis que j’ai repris il y a maintenant une quinzaine de jours, j’ai à peine fait le kilométrage que je fais normalement en une semaine quand je me prépare pour une compétition. Ajoutez à ça que je dois encore faire très attention dans les descentes (il y en a énormément au Vermont 50, alors que pour le Harricana, je l’ignore), que l’an passé, malgré un entrainement très poussé, j’avais terminé pété de partout, et une seule solution s’imposait: déclarer forfait.

Autre détail non négligeable: les frais de déplacement et surtout, d’hébergement. Pour le Vermont 50, c’est deux nuits à l’hôtel (je l’admets, je ne suis pas un vrai ultrarunner, j’ai un petit côté douillet). Je ne me voyais pas nous engager dans ces frais pour devoir abandonner après seulement 19 km de course. Je viens donc d’écrire au directeur de l’épreuve pour lui annoncer que je me retirais. À grand regret. Ils sont supposés me rembourser une partie des frais d’inscription, c’est déjà ça.

Quant au Harricana, les frais engagés étant moindres (nous partagerons un chalet avec mon amie Maryse) et comme je suis tout de même en mesure de courir un peu, je suis maintenant inscrit au 28 km. C’est une course que je compte faire comme une sortie d’entrainement pour le Marathon de New York, sans plus. Et nous allons en profiter pour voir notre amie que nous ne voyons jamais assez souvent.

Je dois avouer que j’ai eu un pincement au cœur lorsque j’ai vu la liste des inscriptions après avoir confirmé la mienne. En effet, deux connaissances qui étaient à St-Donat s’étaient inscrites au 65 km très récemment. Grrr !!!  En plus, j’y aurais retrouvé beaucoup de coureurs d’élite d’ici, des gens avec qui il est toujours plaisant d’échanger. Aussi, si j’avais été au sommet de ma forme, j’aurais beaucoup aimé me comparer avec une athlète de haut niveau comme l’ancienne cycliste Lyne Bessette qui y sera. Ce sera pour une prochaine fois…

Toujours pas changé d’avis

Hé oui, c’est toujours la lune de miel avec la région de Lake Placid. Hier, nous sommes allés faire un tour en « ville » et j’ai pu faire une épicerie type ultrarunner en faisant le plein de gels GU (à 99 cents !!!) et de barres énergétiques. Et comble de bonheur, ils avaient toutes les saveurs et la date de péremption n’était pas la mi-septembre.  Je pourrais m’habituer à ça, moi…

En plus, il me semble que j’aurais tant d’endroits à découvrir, à explorer… Juste à partir des sentiers situés tout près, il y a trois sommets qui sont accessibles et je n’ai pas encore pu y aller. Hier, j’ai fait un essai avec ma compagne quadrupède, mais comme il faisait chaud, elle a fini par me faire savoir qu’elle n’avait vraiment pas envie de se taper l’ascension au complet, alors nous avons rebroussé chemin, sans savoir si le sommet était proche ou non. Ce sera pour une prochaine fois. Ça m’a tout de même permis de faire un entraînement en montée et certains passages n’étaient pas piqués des vers. Pour la descente, disons que j’enviais son centre de gravité situé à 6-8 pouces du sol. Elle passait son temps à se retourner, ayant l’air de dire: « Ben voyons, tu te grouilles le derrière ou pas ? ». Ouais ouais, mademoiselle chose, tu ne disais pas la même affaire en montant !

Pour ce qui est de la course, tout va encore relativement bien. Évidemment, le protecteur que je porte me nuit un peu, mais je ne me vois pas encore courir sans lui. Je ne fais tout simplement pas assez confiance à mes tendons pour ça. Par contre, je fais assez confiance au reste pour me lancer dans un demi en sentiers demain matin. Si le test est concluant, ce sera le 28 km pour moi au Harricana… s’il n’est pas trop tard pour changer d’épreuve. Un 28 km que je ferais relaxe, comme un entraînement en vue de ce qui est devenu l’objectif ultime de la saison: le Marathon de New York pour lequel une seule chose importera: m’amuser en visitant la Grosse Pomme.

Et en attendant, ma tendre moitié à la chance d’avoir un homme qui a réappris à sourire. Et ça, c’est très plaisant. Et ce le sera encore plus le jour où Internet fonctionnera comme du monde. Car honnêtement, il est à ch… ici !

L’air bête

“Ça va pas, hein ?”

Dimanche matin , nous étions dans la voiture. Nous avions un pique-nique avec des collègues de travail et c’est là que nous nous rendions. Quand ça fait 26 ans qu’on est avec la même personne, dont les 23 dernières à vivre ensemble, disons qu’on n’a pas besoin de se parler pour se comprendre.

“Non.”

Depuis la veille, je n’avais qu’une seule chose en tête: mon foutu genou. Et toutes les questions que cette blessure apporte avec elle.  Vais-je pouvoir être au Harricana ?  Au Vermont 50 ?  À New York ?  Vais-je seulement courir à nouveau ?  Quand ???

Et la douleur à la hanche/dos/fesse… Merde, tout allait bien de ce côté avant que Sophie y touche. Est-ce récupérable ?  Ai-je des dommages ?  Moi qui n’avais jamais cru à la chiropractie, j’en étais devenu un fervent défenseur. Plus maintenant. Le doute s’est installé. Et le lien de confiance, à défaut d’être rompu, s’est un peu fragilisé.

Ça fait que je traine un maudit air bête à longueur de journée. Et Barbara qui est tellement compréhensive… Elle pourrait bien me sermonner, me dire que sa situation est 1000 fois pire que la mienne (elle aurait raison), mais non. Elle sait à quel point j’ai besoin de courir pour me sentir bien. Me sentir libre. Me sentir moi-même. Quand on parle de soutien de la part de sa conjointe…

J’essaie de me dire que ce n’est pas la fin du monde, que je ne suis pas le premier à passer par là. Je m’encourage en pensant à Pat qui a été sur le carreau pendant des semaines au printemps, puis qui a réussi à se taper deux courses de 100 milles presque coup sur coup. S’il a réussi à se rétablir à temps, pourquoi pas moi ?  Surtout que les courses que j’ai au programme sont pas mal moins longues que les siennes…

Je pense aussi à ces coureurs professionnels qui ratent des marathons importants pour cause de blessures. Eux, c’est leur job, leur gagne-pain. Moi, c’est juste un passe-temps. Des courses, dans le pire des cas, il va y en avoir d’autres, non ?  Aussi, je suis encore capable de pédaler sans douleur (ou presque). Hier, j’ai fait 60 km, ma plus longue randonnée de vélo depuis des années. Si au moins je peux garder le cardio intact, en attendant…

Mais tout ça, c’est seulement de la belle rationalisation. La réalité, c’est que je me sens comme un pur-sang enfermé dans son enclos. Je piaffe d’impatience, rue dans les brancards (je commence à comprendre d’où viennent ces expressions-là). J’ai fait quelques appels aujourd’hui. J’ai pris un rendez-vous avec une ostéopathe dont on me dit énormément de bien. Elle est spécialisée dans le genou et va certainement m’aider pour ma hanche. J’ai aussi contacté des spécialistes en médecine sportive: pas de place avant octobre !  C’est que je devrais normalement avoir fait deux ultras d’ici là, moi…

Bon, pour se changer les idées un peu, petit mot sur le Vermont 100. Un coureur de chez nous s’est  illustré: Sébastien Roulier, qui en était à sa première course de 100 milles, a terminé en septième position et ce, seulement deux semaines après nous avoir fièrement représentés aux championnats de monde. Toutes mes félicitations Seb !  🙂

Il semblerait toutefois que la course a été très difficile cette année, probablement à cause de l’humidité. En tout cas, le taux d’abandons a été élevé et certains ultrarunners aguerris n’ont pas été en mesure de terminer, alors ça donne une bonne idée.  J’y avais d’ailleurs pensé durant les jours de chaleur accablante que nous avons subie la semaine dernière et j’y songe de plus en plus sérieusement: peut-être (advenant que je puisse recommencer à courir un jour ;-)) que finalement, le Vermont 100, ce n’est pas une bonne idée pour mon premier 100 milles. Comme je tolère très mal la chaleur quand je cours (en fait, je la tolère mal tout le temps: je porte des chemises à manches courtes à longueur d’année), je devrais peut-être m’orienter vers des courses à l’automne.

Dans ma mire: Haliburton Forest (Ontario) en septembre, Virgil Crest (New York) aussi en septembre et Oil Creek (Pennsylvanie) en octobre. Les deux premiers sont de type double aller-retour d’un parcours de 25 milles alors que le troisième est constitué d’une boucle de 50 km à faire trois fois suivi d’une “mini-boucle” de 11 km. J’opterais probablement pour ce dernier, mais j’ai encore bien du temps pour y penser.

Ultimate XC St-Donat: le Vietnam… et le reste

Hum, ça fait 5 heures que j’avance ?  Donc, mon amie Maryse doit être à la veille de prendre le départ. J’espère que ça ira bien pour elle qui en est à sa première expérience en trail. Dans son cas, je crains surtout la fameuse côte du centre de ski, car à ce que j’ai compris en jasant avec Seb Roulier hier, les sentiers des 11 derniers kilomètres sont relativement faciles (ce que je peux comprendre mal, des fois…). Allez Maryse, on s’envoie des ondes positives, on est ensemble, comme à Ottawa l’an passé !  🙂

En quittant la station, une descente nous attend. Boueuse ?  Bien sûr !  En chemin, on doit traverser des petits ruisseaux. Probablement qu’en temps normal, on peut les franchir en sautant légèrement par dessus, mais bon, on n’est pas en temps normal, alors je dois les traverser avec de l’eau jusqu’aux chevilles. Certains ont même de forts courants… En traversant ce que j’appellerais une rivière, une pancarte: « Bienvenue au Vietnam ». Ha, le voici, le fameux Vietnam. Voyons voir s’il est si pire que ça.

Un trou de boue me semble plus profond que les autres. Hum… pas moyen de le contourner, va falloir passer au travers. Je m’attends à caler jusqu’aux mollets. Erreur:  c’est jusqu’à la taille que je m’enfonce !  Ayoye !  Définitivement que ça n’avancera pas tellement vite au cours des prochaines minutes.

Je progresse donc, du mieux que je peux, dans la soue à cochons. Je continue à boire, le plus souvent possible. Jusqu’à ce que je constate que je commence à siphonner du vide. Plus de GU Brew, merde !  Erreur de débutant: j’ai carrément oublié de vérifier mon niveau de liquide à la dernière station. Mais comme je n’avais fait qu’une douzaine de kilomètres depuis le dernier remplissage, je ne m’en souciais pas vraiment. Sauf qu’à force de boire…

Moment de panique, puis je me calme. J’ai beaucoup bu au cours des deux dernières heures et cette section, bien que laborieuse, n’est longue que de 4 km. En plus, j’ai tout de même calé plusieurs verres à la dernière station, alors je devrais m’en remettre.

Comme j’arrive à la « vraie » rivière, un gars me rejoint (ça ne descendait pas tant que ça, mais c’était technique, alors…). Ho que ça a l’air profond !  Je laisse aller mon pied gauche et touche à… rien !  C’est tellement creux que ma jambe droite plie complètement, sauf que mon pied demeure coincé à une racine. Pas d’appui en bas, coincé en haut sur la rive. Et pour combler le tout, une merveilleuse crampe dans la cuisse et le mollet droits !

L’autre m’offre de l’aide, mais je réussis à me sortir de cette fâcheuse position seul pour me retrouver avec de l’eau jusqu’à la poitrine. La rivière n’est pas large, heureusement !  J’avance à tâtons, cherchant à poser les pieds sur les branches qui jonchent le fond, question de ne pas plonger plus creux, et finis par arriver de l’autre côté. Au bout du compte, ça nettoie son homme et l’eau n’était pas si froide, juste assez pour faire du bien.

Je me masse un peu, question de passer les crampes et laisse aller mon poursuivant. Le Vietnam n’est évidemment pas terminé. On doit maintenant traverser des marais, avec de l’eau passant de la mi-cuisse au nombril, dépendant où on réussit à poser les pieds. L’équilibre est toujours précaire, alors j’essaie de me retenir avec les petits arbres qui longent le « parcours ». Sauf que certains sont déracinés et ne tiennent plus…  J’ai presque l’équivalent d’un marathon dans les jambes et je dois me taper ça.  J’ai vraiment payé pour être ici, moi ?  😉

Mais que vois-je ?  Je ne peux m’empêcher de rire: l’organisation a installé un squelette en plastique portant le t-shirt de l’événement en plein milieu du marais !  Avouez qu’elle est vraiment bonne !

Je finis par sortir de l’eau, mais les petits rubans roses sont toujours installés au-dessus de cette dernière. Shit, devrait-on « théoriquement » toujours avancer dans l’eau ?  Heille, laissez faire !  J’avance donc, dans le semblant de sentier qui longe le ruisseau, en surveillant encore et toujours les rubans roses. Finalement, j’arrive à la traversée de la route 329. Marcher dans deux pieds d’eau qu’ils disaient… Je suis très heureux d’apprendre que mes jambes ne font que deux pieds de long !  Parce que l’eau, elle est jusqu’à ma taille. Et le courant, il est assez fort merci.

Je finis par enfin sortir de l’eau pour emprunter la montée boueuse (duh !!!) qui m’amènera à la station Chemin Wall (km 40.2). Dans la montée, un bénévole avec des jumelles nous regarde arriver et crie les numéros aux autres postés à la station, un peu plus haut. Quand j’arrive sur place, mon drop bag m’attend, devant une chaise. Wow, ça c’est du service !

La bénévole est très, très dévouée. Elle m’offre de m’amener de l’eau pour me rincer les pieds, mais j’hésite: je ne sais pas si je vais changer mes souliers. Ceux que je porte sont complètement détrempés et remplis de boue, d’accord, mais est-ce que ça vaut vraiment la peine si on retrouve autant de boue par après ?  Elle me répond que tous les coureurs qui ont changé leurs souliers ont dit que c’était un pur bonheur. Bon, ok, j’accepte son offre. J’enlève mes souliers et mes bas. Ce que je découvre n’est pas tellement joli. D’accord, mes pieds ne sont pas tellement beaux d’avance, mais le 4e orteil du pied droit est complètement rouge. J’appuie dessus: ouch !  C’est dur et douloureux cette affaire-là !  On dirait qu’il y a une grosse ampoule à l’intérieur, je n’ai jamais vu ça. Bah, tant pis, si ça tient jusqu’à l’arrivée, on verra bien par après.

Tant qu’à faire, aussi bien tout changer: bas (évidemment !), t-shirt, casquette. Ok, je vais garder mes shorts, quand même… Je jette un oeil à la fille à côté de moi et lui demande: « On ne s’est pas vus, tantôt ? ».  Non non, je ne la cruise pas (de toute façon avec l’air que j’ai…). Ben oui, nono, elle fait le 38 km, alors elle a pris un raccourci, ça fait qu’on se retrouve.

Retour à la bénévole, qui m’offre d’aller à nouveau chercher de l’eau pour me rincer les pieds si j’en ai encore besoin, me demande si je désire autre chose. C’est fou à quel point ces gens-là sont serviables. Avez-vous un psychiatre de disponible ?  C’est que je commence à me questionner sur mon état mental… Je la remercie et lui glisse que plusieurs personnes risquent de manquer le cutoff . Ça fait maintenant 6 heures que je suis parti (ouais, presque une heure pour faire 4 km !), il ne reste donc qu’une heure avant la coupure qui se fait ici. Je sais que je suis loin d’être le dernier et demande des nouvelles des premiers, question de me jauger. Selon eux, les tops sont passés il y a seulement une heure et je serais autour de la 15e position.

15e, ha oui ?  De quoi me donner un petit boost. Finalement, le top 10%, c’est peut-être possible, surtout si ça devient plus roulant… Je mange et bois un peu, n’oublie pas de remplir mon réservoir (encore une fois des problèmes avec la petite poudre !) et entame la partie à-peu-près-post-marathon de la course, me sentant presque propre comme un sou neuf.

Ça ne me prend vraiment pas beaucoup de temps avant de me rendre compte que changer mes souliers a été une erreur. Car moins d’une minute après m’être engagé dans la trail, mes pieds sont à nouveau mouillés et la boue reprend progressivement ses droits. De plus, cette paire-là est vraiment usée, au point qu’il n’y a pour ainsi dire plus de crampons sur la partie avant des semelles. Pas l’équipement idéal pour remonter le véritable ruisseau qui coule dans la côte que nous devons grimper.

Suite à la descente je tombe sur deux filles du 38 km carrément arrêtées à une intersection, la face en point d’interrogation. De quessé ?  Elles sont perplexes: elles ne savent pas si elles doivent aller à gauche ou à droite, vu qu’il y a des rubans roses de chaque côté. Avec mon esprit de déduction hors norme, je dis qu’on doit aller à gauche, vu qu’il y a une flèche nous indiquant d’aller dans cette direction.  Et me voilà parti aussitôt.

Peu de temps après, j’arrive à la station Lac Lemieux (km 44). C’était donc le bon chemin. 🙂  On me demande tout de suite si je sais où est la première femme du 58 km. Ils en ont vu du 38, mais pas du 58. Je leur annonce que leur attente tire à sa fin: elle est probablement à 5 minutes derrière moi, 10 tout au plus.

Plus loin, après un peu de boue, je crois voir un mirage: un chemin de terre praticable !  Enfin, on peut avancer !  J’enclenche donc une vitesse supérieure et finis par rejoindre un autre gars. Je lui glisse au passage: « Ça va bien, hein ? », ce à quoi il me répond: « C’est bien d’enfiler les kilomètres ». Effectivement !  C’est le bonheur, enfin je suis dans mon élément: une surface comme à St-Bruno. 🙂

Et question de me motiver encore plus, la station lac Bouillon (km 47) approche. Je sais que mes parents m’y attendront avec du GU Brew tout prêt. Mais j’ai surtout hâte de les voir. J’adore voir mon monde durant une course, c’est fou à quel point c’est motivant.

Après avoir traversé un chantier de construction inoccupé, je les aperçois, bien installés avant la station. Je m’arrête, embrasse ma mère, échange une poignée de main avec mon père. Une mère, ça s’inquiète toujours, alors la mienne me demande si ça va. Je leur dis que « c’est de la cr… de m… ! « , leur parle de mes crampes et de mon orteil « d’une couleur bizarre ». Elle me suggère de faire voir ça par un aide médical, je réponds que je n’ai pas le temps. On remplit mon réservoir, pose pour la photo (finalement, le cell de mon père n’a pas fonctionné, God knows why) et je repars… en prenant soin de mon tromper de chemin en quittant la station. Heureusement qu’il y avait quelqu’un pour m’aiguiller vers le bon endroit, sinon…

Je vois la pancarte du départ du 11 km. J’ai une petite pensée pour Maryse: est-ce que ça a bien été ?  Comment s’est déroulée sa course ?  Et la côte ?  Au moins, je me dis qu’elle n’aura pas vécu la foutue bouette comme moi (ce que je peux être dans le champ, des fois)…

759-4597

Mon amie Maryse à l’arrivée. Elle m’a dit qu’elle avait trouvé ça très très dur, mais son beau sourire semble indiquer qu’elle n’a pas totalement détesté…

Je reprends un concurrent du 38 km, puis le laisse dans mon sillage aussitôt. Ça va vraiment bien mes affaires. J’arrive au pied de la montagne. Sur une enseigne: « Côte de l’enfer ». Amenez-la, votre côte !  Dans l’infolettre, l’organisation nous avertissait qu’elle prenait entre 15 et 45 minutes à gravir. Je regarde mon chrono en entamant l’ascension.

Elle est boueuse, mais on a vu pas mal pire. Toutefois, la pente est vraiment, vraiment raide. Il est même parfois difficile d’avancer sans prendre appui sur les mains. Ce que je suis content de ne pas la faire en descendant (quand je pense à Sophie et Jocelyn qui se sont tapés ça…) !  Je rejoins des concurrentes du 38 km et les perds de vue rapidement. Je continue, à un bon rythme. Le souffle est un peu court, mais ça va. Puis j’arrive au bout. C’était ça votre côte de moumoune ?

Heu non, c’est seulement un virage. À ma gauche, une autre face de cochon se présente à moi. OK… Allez, on monte encore !  Mes quads font leur travail. Les jambes font un peu mal, mais c’est très tolérable. Arrive le sommet. Est-ce vraiment le sommet ?  Il y a un indice qui ne trompe pas: les télésièges arrêtent ici, alors la montagne ne peut pas tellement monter plus haut, n’est-ce pas ?

Coup d’oeil au chrono: ça m’a pris 13 minutes. Non !?!  Plus vite que le « minimum » prévu ?   L’élite doit faire ça en moins de 10 minutes, je ne peux pas croire…

Je suis les petits rubans jusqu’à l’entrée du bois où une merveilleuse surprise m’attend: de la cr… de bouette !  Ok, pas de panique, c’est juste une petite section. Erreur. La descente de la montagne commence par un single track très étroit, à flanc de montagne. Je dois avancer les pieds penchés sur le côté, les chevilles sont sollicitées au possible. C’est extrêmement pénible. Devant moi, un gars du 38 km et je n’arrive pas à le rattraper. À un moment donné, c’est carrément un précipice qu’il y a sur ma gauche et pas moyen de prendre appui solidement. C’est débile, cette affaire-là !

Puis, c’est la descente, la vraie. Aussi abrupte que la montée de tout à l’heure, avec de la boue en bonus. Je dois me tenir aux arbres pour ne pas dégringoler, arrêter à tout bout de champ pour essayer de trouver une trajectoire le moindrement potable. Et la plupart du temps, je ne trouve rien. Un gars me rejoint, j’essaie de passer aux mêmes endroits que lui, mais il va trop vite et je finis par le perdre de vue. Maudite descente à la m… !!!

Après une éternité, j’atteins la station Ravary (km 52.5), un autre coureur sur mes talons. Un bénévole nous lance: « 20e et 21e » !  Quoi ?  J’ai perdu 5 places depuis le chemin Wall ?  J’aurais plutôt dit que j’étais « kif-kif », moi (j’ai dépassé pas mal de monde dans la partie roulante)… Je m’informe des premiers: toujours une heure devant. Je commence à douter de cette info, mais bon, je me dis que dans le pire, c’est 1h30.

Moi qui pensais tomber sur du roulant vers la fin, la suite mettra mon moral à dure épreuve. Roche, boue molle et profonde, un véritable calvaire. Je m’accroche aux arbres pour ne pas tomber, j’avance plus lentement qu’une tortue. Je tombe à quelques reprises, invoquant tous les saints de l’église au passage. Je suis officiellement en tab…, je me jure qu’ils ne me reverront plus ici.

Et j’ai une pensée pour Maryse, qui s’est tapée ça comme première course en trail, la pauvre. Dans le genre baptême de feu, c’est difficile de trouver mieux. Ou pire, c’est selon. J’essaie (je dis bien: j’essaie) de me consoler en me disant que les sentiers étaient peut-être dans un meilleur état quand elle est passée. Car nous, les débiles du 58 km, passons après tout le monde.

Un autre coureur arrive derrière. Comment ça se fait que les autres sont si habiles dans la boue et pas moi ?  Je le laisse passer et poursuis en silence. Finalement, je sors de la foutue boue. Un jeune garçon m’avertit que la prochaine station (329, km 54.5) est proche. C’est la dernière, je me permets un bon Coke en plus de l’eau. Quand je dis à la jeune bénévole que ça fait plus de 8 heures que je suis parti, elle passe proche de tomber dans les pommes: elle n’en revient pas qu’on puisse « courir » tout ce temps. Hé oui…

Ha, enfin, le parcours de cross !  C’est roulant, quel bonheur !  Et pour nous encourager, les distances sont maintenant marquées à tous les 500 mètres. Je cours à ce qui me semble être une très vive allure (alors qu’en fait, je vais à peine à 5:00/km !). Devant moi, le dernier qui m’a repris dans la section boueuse. Lentement, mais sûrement, je gagne du terrain sur lui. Arrivé tout près, je songe à lui jaser un peu et lui offrir de terminer ensemble. Puis je me ravise: il ne m’a pas dit un traitre mot d’encouragement tantôt, alors que j’en arrachais, qu’il aille se faire voir. C’est mon derrière qu’il aura dans son champ de vision.

Je le dépasse donc sans laisser sortir le moindre son de ma bouche. Tiens toé !  Je passe les petites pancartes, une à une. La fin est proche !  Dans les 500 derniers mètres, on sent l’effervescence. Il commence à y avoir des spectateurs, chaque personne que je croise lance des encouragements. Mes chevilles font mal, je crains des troubles au niveau des tendons, comme j’en ai déjà eu, mais ça me passe 100 pieds par-dessus la tête: rien ne va m’arrêter !

Petit bonjour au photographe en passant, et finalement, dernière petite descente et je vois l’arrivée. Sur ma droite, ils sont là: mes parents, ma soeur, une de ses amies et Maryse, ce qui m’étonne, vu qu’ils ne se connaissent pas (Barbara n’a pas pu venir, les entités canines zoothérapeutiques comme notre Charlotte étant pour ainsi dire canina non grata au nord de St-Jérôme)… Je donne des high five à tout le monde. On m’annonce au micro: 24e place du 58 km !  Quoi, 24e ?!?  Bah, on s’en fout…

759-6516

Un petit bonjour au photographe

Aussitôt la ligne d’arrivée franchie, on m’enlève ma puce électronique (comment elle a fait pour tenir à ma cheville dans cette schnoutte, je l’ignore), me félicite, me donne ma médaille. J’ai à peine le temps de sortir de l’aire d’arrivée que Maryse apparait devant moi. Elle s’est téléportée ou quoi ? On se donne la grosse accolade de coureurs, se félicite mutuellement. Puis ma famille arrive. Autres accolades (mais pas trop, je suis tellement dégueux), autres félicitations. Je suis vraiment chanceux d’avoir tout ce beau monde autour de moi…

Deux ultras derrière la ceinture. Prochaine étape: l’Ultra-trail Harricana, le 7 septembre. J’ai déjà hâte.

En terminant, je vous suggère fortement de visionner ce petit bijou  qui a fait le tour de la petite communauté. Gracieuseté de Michel Caron, un ultrarunner de Sherbrooke. Ça donne une excellente idée de ce par quoi nous sommes passés !  🙂