Petite Trotte à Joan: quand les neurones s’emmêlent…

Hands

Touching hands

Reaching out

Touching me…

Touching you !

Sweet Caroline (ta-da ta daaaaa…)

Good times never seemed so good !

Ouais, j’ai beau ne pas pousser au maximum de mes capacités, un ultra, c’est toujours dur sur les neurones. Voyez-vous, c’est la façon que j’ai trouvée pour tenter de changer les idées de ma partner : chanter. Je me disais que ça la ferait immanquablement rire vu que je chante habituellement (lire : toujours) très mal.  Pauvre elle, pognée dans le bois avec un grand fanal qui chante du Neil Diamond… On est sensiblement du même âge (pour la petite histoire, elle est une vingtaine de mois plus jeune que moi), j’aurais au moins pu lui faire le coup des années 80. Mais je me connais, je serais revenu à la charge avec du U2 et dans ces cas-là, je ne suis pas arrêtable. Et comme j’ai la fâcheuse habitude de tenter d’aller chercher exactement la même note que Bono jadis, ses pauvres oreilles auraient certainement demandé grâce. D’où Neil Diamond. Pourquoi lui et pas quelqu’un d’autre ?  Je vous l’ai dit : je suis en train de faire un ultra !  Le pire, c’est que je ne connais pas le reste des paroles, alors je chante toujours le même bout. Pathétique.

« Fred, j’ai tellement l’impression d’être un fardeau pour toi…»  Ha non, je suis un gars d’équipe moi !  Alors si un membre de mon équipe est en difficulté, je l’aide, point. On vit ensemble ou on meurt ensemble. Comme le disait si bien mon vieux chum Chris : « On est un TEAM !  S’il y en a un qui a de la peine, on a tous de la peine. S’il y en a un qui a du fun, on a tous du fun. S’il y en a un qui fait l’amour, les autres on se cr… ! ».

J’ai retenu la citation avant qu’elle sorte de ma bouche, la trouvant légèrement vulgaire et de toute façon, pas tellement appropriée, vu que je fais équipe avec une dame. On ne se connait pas tant que ça après tout, et s’il fallait qu’elle garde cette image de moi… Ha, nos inhibitions sont progressivement tombées depuis le départ qui a été donné par ce bel après-midi de fête nationale (car il semblerait que la St-Jean-Baptiste, ça n’existe plus), mais il ne faudrait pas exagérer. J’ai lancé les premières salves en laissant rapidement aller les traditionnels gaz à effet de serre que j’émets avec la régularité de l’horloge quand je me retrouve dans les sentiers. Au fil des heures, les sons émis se sont même mis à faire partie de nos conversations, comme pour marquer des points d’exclamation à mes phrases.

Aussi, nous avons constaté une évolution dans la façon de « gérer » les besoins naturels. Au début, je l’avertissais que j’étais pour arrêter. Puis, c’était un arrêt avec petit sourire et maintenant, c’est rendu que je me dis qu’elle a déjà vu ça, qu’il n’y a pas grand-chose à voir de toute façon, alors je m’exécute sans cérémonie. L’important est la couleur de ce qui sort, pas l’appareil utilisé.

De son côté, disons que l’aisance avec laquelle elle s’est changée au complet (ben, je pense qu’elle s’est changée au complet) à mi-parcours alors qu’elle était à deux pieds de moi disait tout. Vrai qu’il faisait très noir, mais avec une frontale, on peut voir ben des affaires si on y tient vraiment. Mais ce n’était pas tellement le moment.

« Fred, il est zen… » avait à cet instant constaté Tania qui m’observait fouillant dans mes affaires pendant que Julie effectuait son striptease à deux pas (bon, j’ai une toune de Joe Cocker dans la tête, je me demande bien pourquoi). Effectivement, je me sentais plutôt relaxe. C’est peut-être pour ça que je fais des ultras après tout : pour trouver cette paix intérieure. Et là, sur le bord du chemin du Nordet, bien à l’abri dans une tente-moustiquaire, je l’avais probablement trouvée.

Pas que je l’aie toujours ressentie depuis le départ, loin s’en faut !  Car se perdre dans les bois, en pleine nuit, ce n’est pas la façon idéale de garder son sang froid. À quelques reprises, nous avons perdu la trace du balisage et à chaque fois, j’avais l’impression que le niveau d’inquiétude de ma coéquipière montait d’un cran. En tant que supposément membre expérimenté de l’équipe, je devais garder la tête froide, tenter d’y aller logiquement, contourner les arbres déracinés pour aller voir derrière si… Car contrairement à certaines autres épreuves auxquelles j’ai pris part, le balisage ici est toujours excellent et si on demeure le moindrement attentif, il est presque impossible de se perdre. Mais la nuit, le défi demeure. J’ai peine à imaginer comment on peut s’en sortir au Barkley.

Nos « amies » Suunto ne nous ont pas tellement aidés côté humeur. Tout d’abord, même si elles étaient réglées de façon équivalente, elles se sont mises à ne plus dire du tout la même chose côté distance parcourue. Pas tellement pratique. C’est d’ailleurs de leur faute si ma partner a vécu un beau petit découragement quand elle a vu que nous n’avions pas manqué le relais du lac à l’Appel, officiellement au kilomètre 41. Sa Suunto indiquait 47-48 kilomètres, la mienne 43. Je savais bien qu’on ne pouvait pas le rater, mais ne voulais pas la décourager non plus. Et bon, c’est vrai qu’il était pas mal plus loin de la descente de la Noire que dans mes souvenirs…

Puis, il y a eu l’épisode « 65.48 ». Peu après le demi-tour, mon compteur a décidé de jammer pendant de très longues minutes à cette valeur… pour se mettre par la suite à jour périodiquement à des valeurs pseudo-aléatoires. Dans le genre déprimant…

« Ce sont mes pieds qui sont un fardeau ! ». Ça va peut-être la rassurer un peu. Car c’est vrai : mes pieds me font souffrir. Humides depuis notre première traversée du Vietnam, je n’ai pas eu l’occasion de les sécher adéquatement et j’en subis les conséquences : des ampoules qui rendent chaque pas pénible au possible. On ne court presque plus et ça fait bien mon affaire. Plus tôt, j’ai essayé de m’accrocher à un ami habituellement moins rapide que moi, mais ça a été peine perdue. Ok, il n’avait pas passé la nuit sur la corde à linge comme moi, mais quand même.

Pourquoi je ne les ai pas séchés ? À cause du complot. Oui, le complot. Celui fomenté par les millions d’insectes piqueurs qui hantent ces bois. Non contents de s’attaquer aux pauvres visiteurs de la ville, ils poussent le bouchon jusqu’à monter des stratégies dignes des plus grandes campagnes militaires pour nous anéantir.

Les mouches à chevreuil commencent le travail en virant sans arrêt autour de la tête des pauvres coureurs qui ont eu le culot de venir s’aventurer dans leurs contrées. Une fois le travail de sape bien entamé, ils passent le relais aux maringouins qui eux, se séparent la tâche : pendant que certains travaillent à rendre l’intrus complètement fou en bourdonnant dans ses oreilles, les autres commencent à l’affaiblir en lui suçant son sang à partir des parties de son corps exposées à l’air libre, faisait fi des litres d’insecticides appliqués sur sa peau.

Toutes ces actions ont pour but de forcer l’ultramarathonien à repartir au plus sacrant, négligeant ainsi certains détails dans sa gestion de course. Dont le soin des pieds. Le pire, et je l’ignore encore, je subirai le coup de grâce à la sortie du Vietnam, alors que nous viendrons de traverser pour une deuxième fois cette section emblématique de l’événement, coup de grâce qui me sera asséné par les satanées mouches noires. Celles-là parviendront à transformer mes jambes en champ de fraises. Ou en champ de mines, c’est selon.

Avant de quitter, malgré les attaques répétées de ces monstres volants, j’avais tout de même eu la présence d’esprit de prendre à manger dans mon drop bag. Depuis le début de la course, Julie me questionnait sur le nombre de calories qu’elle devrait absorber et j’étais bien embêté de lui répondre. « 355 calories dans une bouteille d’Ensure. Ce sera suffisant, tu penses ? »  Heu, de quessé ?  Moi, les calories, ça ne me dit absolument rien. Ma principale préoccupation quand j’ai décidé quelle bouffe laisser dans mes sacs était que ça résiste aux longues heures à la chaleur. D’où mon choix du combo chips-bretzel-Doritos-noix. Ainsi, avec mes gels et autres barres Fruit 2, j’aurais mes 3 groupes d’aliments : le sucré, le salé et le graisseux. Pour le reste, je me fie à ce que mon estomac me dit et à mon goût du moment. Bon, pas vraiment le temps d’avoir envie d’un banana split, mais pour le reste, je m’accommodais plutôt bien.

« JULIE !!! ». Des coureurs nous rattrapent, nous qui n’avions pas vu âme qui vive depuis que nous avions quitté la mi-parcours, vers 3 heures du matin. Le premier a été Gareth Davies, le grand favori du 60 km. « Sorry !» qu’il nous a lancé de loin, dans la difficile montée de la Noire. J’avais averti Julie : il va passer en coup de vent, avec juste sa petite maudite bouteille à la main. Comme de fait : il était torse nu en prévision de la chaleur à venir et transportait une mini-bouteille, 500 mL tout au plus. Il grimpait cette montagne en sautillant, avec la même aisance que je montais une volée de marches dans ma jeunesse. Je dis souvent que je suis fort en montée, je me ravise : je suis relativement fort en montée. Ce gars-là ne fait pas partie de mon monde. « Wait for us Gareth, we’re coming ! » que je lui ai crié. Il était déjà loin, mais je l’ai tout de même entendu rire. Il va mettre plus d’une heure au second.

Ceux qui nous dépassent proviennent en très grande majorité du 38 km. Et des lecteurs reconnaissent Julie. Mais pourquoi elle et pas moi ? Ok, elle est pas mal plus cute que moi, je vous l’accorde, mais quand même… Peut-être parce qu’elle porte des lunettes de course ?  Ou que ses tenues sont légèrement plus voyantes que les miennes ?  Non mais, c’est-tu de ma faute si Skechers me fournit du linge aussi discret que ma personnalité (on, je dois avouer que j’ai tendance à le choisir pas trop flashant de toute façon) ?  Vrai que son nom apparait sur son blogue, alors que moi, c’est moins évident…

Pas le temps d’y penser trop trop que des lecteurs se mettent à me reconnaitre à mon tour. Plusieurs se présentent (désolé si j’oublie vos noms, il faut me pardonner; vous savez, quand un gars est rendu qu’il chante du Neil Diamond…), nous disent qu’ils ont hâte de lire le récit de notre épopée. Ça fait chaud au coeur de savoir qu’on peut divertir un tant soit peu les gens… ou les aider à s’endormir les soirs d’insomnie. À vous tous, je dis un gros merci.

« Vous cherchez les demandes en mariage, vous… ». La bénévole vient de me vider une quantité appréciable d’eau sur la tête et mon corps en savoure chaque goutte. Il fait chaud en ta… Nous sommes au ravito du lac Bouillon, à 11 kilomètres de l’arrivée. Le chalet que nous avons loué est tout près, on pourrait s’y arrêter et mettre un terme à cette folie. Mais à 11 kilomètres, ce serait vraiment plate. Et la coupure est encore possible. Au pire, on pourrait terminer en même temps que les derniers du 60 km, nous venons d’ailleurs d’en dépasser quelques- uns.

« J’ai peur de m’évanouir dans la montée de la côte de l’Enfer ». Oups. Celle-là, je ne l’avais pas vue venir. Julie venait de me dire de la monter à mon rythme et de l’attendre en haut. Heu… non. Déjà que je n’étais pas chaud à l’idée, s’il fallait qu’elle perde la carte dans la montée pendant que je me débats avec les bestioles tout en m’inquiétant de son sort au sommet… Je vais demeurer derrière, je pense que c’est plus prudent. Je sais, j’ai parfois une certaine tendance à l’euphémisme.

Sous le soleil de plomb, la progression dans la quatorzième (c’est elle qui les a comptées) et dernière grosse montée de cet infernal parcours est (très) lente, mais constante. Et au sommet, les bénévoles qui restent nous encouragent bruyamment. Ma partner s’est rendue, ne reste plus qu’à descendre et ce sera terminé.

Seuls au monde. Premiers partis, derniers arrivés. Les ravitos que nous croisons sont maintenant vides, ayant été nettoyés par les bénévoles qui ont quitté. Le parc des Pionniers sera certainement vide lui aussi, mais on s’en fout, on va avoir réussi. ELLE sera parvenue au bout de ce long et difficile périple.

Galvanisée par l’arrivée qui se pointe et à la pensée de son amoureux qui l’attend, Julie presse le pas. Elle est incapable de courir, mais son passage à travers de la dernière section boueuse est tout simplement magistral, j’ai peine à la suivre.

Quand nous apparaissons finalement à l’embouchure du sentier, c’est la surprise : nous sommes accueillis par des cris de joie et des applaudissements. Des coureurs et des bénévoles en plein démontage des installations nous ont attendus, ces derniers nous ont même gardé à manger… et à boire !  Quelle gentillesse, quelle délicatesse !

Nous nous présentons main dans la main. Voilà, c’est terminé. Elle s’est rendue au bout, après en avoir tant douté.

Bravo Julie, bravo partner. Ça a été un privilège de passer ces heures en sentiers en ta compagnie.

(Pour avoir un récit un tantinet plus exact afin d’en savoir un petit peu plus ce qui s’est passé durant notre périple, je vous suggère le blogue de Julie, où notre histoire est racontée en trois partie: ici, ici et ici. Bonne lecture ! :-))

Lettre à Dan Des Rosiers

Salut Dan,

Tout d’abord, je tiens sincèrement à vous remercier, ton équipe de bénévoles et toi, d’avoir offert encore une fois cette année l’Ultimate XC St-Donat à la communauté des coureurs en sentiers. C’est un travail colossal que vous accomplissez et aujourd’hui, cet événement est devenu un incontournable dans notre petit monde.

Plus particulièrement, je t’avoue avoir été impressionné par toute la logistique que vous avez mise en place pour que nous, participants de la Petite Trotte à Joan, puissions réussir le défi que nous nous étions lancé. Je n’en revenais pas que des bénévoles passent la nuit dans le refuge du lac à l’Appel et au soixantième kilomètre afin de venir en aide à seulement une poignée de coureurs. Votre dévotion à notre réussite m’a fait chaud au cœur.

Ceci dit, tu devines bien que je ne t’écris pas seulement pour cette raison. En fait, j’ai une seule et unique question à te demander : fallait-il vraiment que ça se termine ainsi ?

En partant, tu avoueras qu’il est un paradoxal qu’un temps limite (dont nous avons appris l’existence moins d’un mois avant le départ) soit imposé à une course… qui n’est pas chronométrée !  Mais je comprends très bien l’idée derrière : éviter que des coureurs prennent tout leur temps pour faire le parcours, dorment en chemin, se baignent dans les lacs, etc. Bref, éviter le niaisage de façon à ce que les bénévoles et toi puissiez être libérés à une heure raisonnable le samedi en fin de journée. Et je suis 100% d’accord avec ça.

Julie et moi avons bien tenté de respecter cette coupure, mais malheureusement, ma coéquipière était trop éprouvée physiquement pour être en mesure de tenir le rythme nécessaire durant les dernières heures. Au pied de la côte de l’Enfer, nous avions accepté le fait que nous arriverions dans un parc des Pionniers vide et que nous n’aurions pas droit à l’immense sous-verre (il est tout simplement génial !) que les autres ont reçu. Et c’était bien correct ainsi. Le plus important pour nous était qu’elle puisse réussir son défi, soit compléter cet infernal trajet de 120 km.

Peut-être aurions-nous dû te tenir au courant en cours de route car probablement étiez-vous inquiets de ne pas nous voir arriver. Mais nous nous disions qu’à chaque ravito, les bénévoles pouvaient te rapporter notre passage (mettons qu’on se faisait remarquer) et lorsque la fermeuse du 60 kilomètres nous a rejoints, elle a bien vu que nous étions encore dans un état tout à fait acceptable. Elle nous a aussi dit qu’elle t’avertirait par texto. Bref, dans notre tête, le monde savait que nous avancions, encore et toujours. Lentement, mais nous avancions.

C’est à quatre kilomètres de l’arrivée que nous avons commencé à nous douter que cette belle aventure allait peut-être mal se terminer. En effet, tu avais envoyé un très gentil bénévole nous chercher avec « ordre de vous ramener ». Il nous a rapporté tes paroles: « La course est terminée, ils n’ont plus d’affaire sur le parcours !». Le pauvre en semblait gêné et n’a vraiment pas insisté lorsque nous lui avons dit que nous comptions terminer sur nos jambes.

Ainsi donc, la course était terminée. Vraiment ?  Tu fais quoi de ce qu’on retrouve sur le site même de la Petite Trotte ?  N’y est-il pas écrit que cette épreuve n’est PAS une compétition, mais simplement une belle aventure humaine ?  Tu voulais mettre fin à cette belle aventure, l’aventure d’une vie pour mon équipière, à 4 kilomètres (de loin les plus faciles du parcours en plus) de l’arrivée pour une simple question de minutes ?  Nous allions arriver 1 heure en retard, pas 5 ou 6…

De toute façon, à partir de ce moment, cher Dan, nous te dégagions de toute responsabilité, mais on dirait que tu l’as plutôt pris comme un affront, un acte de rébellion, ou même, de trahison. Et quelle a été ta réponse à ça ?  Nous « barrer » de tes épreuves pour l’avenir. C’est comme si des parents mettaient leur ado à la porte parce que celui-ci est rentré trop tard un vendredi soir. L’équivalent de la peine capitale pour avoir fumé un joint. Wow. Alors qu’à ce que je sache, nous n’avons fait que « désobéir » à tes ordres basés sur des règlements que tu es le seul à connaitre.

Tu aurais tout simplement pu nous « condamner » à des « travaux communautaires » en nous demandant de faire partie de ton équipe de bénévoles l’an prochain. Ça m’aurait fait plaisir de jouer le jeu et de m’occuper du relais du lac à l’Appel durant la nuit ou d’être là au soixantième kilomètre pour m’occuper des coureurs et je suis certain que Julie aurait été partante également.

Mais bon, tu en as décidé autrement et si je comprends bien, tu vas nous refuser l’accès à l’Ultimate XC pour le restant de nos jours. Et en fait, pourquoi au juste ?  Pour avoir utilisé des sentiers de randonnée après l’heure de coupure ?  Je tiens à te rappeler que ces sentiers sont publics et qu’aux dernières nouvelles, ils ne t’appartiennent pas. Nous avions tout à fait le droit de les emprunter pour nous rendre au parc comme n’importe quel autre citoyen.

Au final, tu sais quoi ?  Malgré la « sentence » que tu nous imposes, je recommanderais tout de même l’Ultimate XC (particulièrement la Petite Trotte à Joan) à mes amis. Hé oui, je suis niaiseux de même. Pour l’ambiance, pour le parcours qu’on aime détester profondément et surtout, pour les bénévoles. Ces gens-là sont tout simplement extraordinaires. Ils étaient encore une vingtaine à nous attendre à l’arrivée, malgré l’heure tardive. Et quel accueil ils nous ont fait !  Tu as de quoi être fier d’eux.

Quant à toi Dan, je te remercie de t’être éclipsé et d’avoir fait parvenir le message par Lambert de façon à éviter que nous recevions la nouvelle à la manière « Lieutenant Dan » (c’est-à-dire très brutale) et que ça gâche la petite fête que nous vivions à l’arrivée.

J’espère qu’on se reverra un jour, car malgré cet épisode malheureux, je dois dire que je t’aime bien. Mais ce ne sera pas dans le cadre de l’Ultimate XC car, même si tu revenais sur ta décision, il était très clair pour moi durant la Petite Trotte que j’allais passer à autre chose une fois l’arrivée franchie. Le parcours que je me suis tapé un total de 5 fois, le Vietnam, la bouette, les foutues bibittes, pus capable !!!

Mais qui dit que je n’aurais pas (encore) changé d’idée ?

Sur ce, je te souhaite un bon repos,

Fred

Découvrez la Maison bleue

De retour de Massanutten depuis quelques jours, après un petit crochet pour une visite-éclair de Washington avec mon paternel. Un deuxième Massanutten beaucoup moins éprouvant que le premier et dont je vous reparlerai très bientôt.

Avant d’aborder le sujet principal de ce billet, j’aimerais d’abord dire un gros merci à tous ceux qui ont laissé des commentaires (que ce soit sur ce site ou par Facebook) suite à mon dernier article. J’apprécie beaucoup votre honnêteté et j’ai tiré plusieurs leçons de la « mini-saga des parcours ». Pour ceux qui se poseraient la question, non, monsieur Houde n’a pas donné de suite à ma réponse. Par contre, mes comparses n’ont pas raté l’occasion de me taquiner durant notre séjour dans la Virginie profonde. Et c’était tout à fait mérité.

Bon, le sujet du jour. J’ai longuement (moi, longuement, ben voyons…) élaboré sur le sujet quand j’ai fait Bromont en 2014 : j’éprouve un grand malaise quand vient le temps de prendre part à une levée de fond. Je ne sais pas, c’est probablement causé par une timidité maladive ou une peur de me faire « revirer », mais bref, j’ai toujours, toujours eu beaucoup de difficulté avec ça.

Lorsque ma partner Julie et moi nous sommes inscrits à la Petite Trotte à Joan, un des prérequis à la participation à cette épreuve était d’épouser une cause et de transporter un objet la symbolisant tout au long de notre odyssée.

Jusque là, pas de problème. Puis Julie m’a dit : tant qu’à faire, on devrait faire une levée de fond !

Heu…

Et puis merde, si elle sortait de sa zone de confort en se lançant dans une aventure presque deux fois plus longue que les 65 kilomètres qu’elle s’était tapés à Harricana en guise de plus grosse course à vie, pourquoi je ne ferais pas un effort moi aussi ?

Ok, mais c’était elle, la dame extravertie (en tout cas, elle l’est certainement plus que moi !) qui allait se faire les démarches. Moi, parler au téléphone… Vous savez que lorsqu’on utilise ces bidules, il y a parfois de vrais gens à l’autre bout ?  C’est traumatisant, parler à du vrai monde, vous savez…

Bon, on fait ça pour qui ?  Après discussions, nous nous sommes arrêtés sur une cause bien connue. Julie leur a écrit, à plusieurs reprises. Elle les a aussi appelés. Aucun accusé de réception, aucun retour. Nada. Je ne les nommerai pas, mais mettons qu’ils semblent plus intéressés à organiser leur spectacle annuel mettant en vedette le chanteur des pubs de Canadian Tire que de répondre aux gens « ordinaires » qui voudraient faire un petit effort pour les aider. À moins qu’ils soient du genre à avoir peur qu’il y ait quelqu’un à l’autre bout du fil s’ils devaient retourner un appel… Vous savez, il y a des gens comme ça, j’en connais !

Toujours est-il que ce fut peut-être un mal pour un bien car nous avons mis le cap sur la Maison Bleue. Et nous ne l’avons pas regretté, loin de là.

Qu’est-ce que la Maison bleue ?  C’est un centre qui accompagne les familles durant la grossesse et, le plus important selon moi, durant le développement de l’enfant. Si vous désirez avoir plus de détails, je vous conseille d’aller visiter leur site web. Aussi, Guylaine Tremblay, leur porte-parole, en parle plus longuement ici.

Salma, la responsable du financement, nous a chaleureusement accueillis à la maison de Parc-Extension. Tout de suite, le courant a passé. Elle nous a expliqué en détails l’histoire de la Maison, les services qui y sont offerts, la clientèle visée, les projets de développement, etc. Nous avions bien choisi notre cause. Et elle n’en revenait tout simplement pas que des êtres humains puissent se taper 120 kilomètres à pied. Tu sais Salma, ce ne sont pas tous les êtres humains qui sont doués de raison…

Suite à cette rencontre, je me tourne maintenant vers vous chers lecteurs afin d’aider à faire un petit quelque chose qui fait une grosse différence dans la vie de gens qui ne l’ont pas toujours facile. Car malheureusement, ce n’est pas vrai qu’on naît tous égaux. À nous les privilégiés de faire en sorte que certains, moins chanceux que d’autres, puissent effectuer leurs premiers pas dans notre merveilleux monde sans avoir à se soucier de choses dont ils ne devraient pas avoir à se soucier.

Pour effectuer vos dons, une page a été créée tout spécialement pour notre Petite Trotte. Ne vous gênez pas pour aller y jeter un coup d’oeil, elle est très chouette. On y retrouve même une belle photo de nous deux prise lors de notre tournée des trois sommets. En fait, la photo serait vraiment belle si je n’étais pas dessus, mais bon, que voulez-vous, il n’y a rien de parfait dans ce monde…

2015, une drôle d’année

Les traditions étant les traditions, pas moyen de passer à côté de celle qui en est rendue à sa quatrième édition, soit la revue de ma dernière année dans le merveilleux monde de la course.

Voici donc ce qui m’a « frappé » au cours des 12 derniers mois…

Les femmes de la course – Contrairement aux années précédentes, j’ai cru remarquer qu’elles avaient eu un rôle plus important dans mon activité en 2015. Je ne peux donc tout simplement pas laisser leur apport sous silence.

Tout d’abord, je me dois évidemment de souligner, encore une fois, tout le soutien venant de la part de ma (la plupart du temps) tendre épouse Barbara. Contrairement à bien d’autres qui prétendent soutenir leur homme et qui profitent ensuite de la moindre occasion pour leur ramener ça sur le nez quand ça va moins bien, je sens vraiment qu’elle est derrière moi. Elle me connait mieux que personne et sait que je pourrais difficilement vivre sans mon sport. Or, quand je me suis blessé et aussi quand j’ai eu une grosse baisse de régime en fin d’année, au lieu de me casser les oreilles avec les classiques « Je te l’avais dit » et « Tu en fais trop », elle a cherché avec moi à trouver des solutions. Ajoutez à ça qu’elle a passé une autre nuit blanche à me suivre dans les coins le plus reculés de la Virginie profonde pour ensuite avoir l’immense bonheur d’avoir à me ramasser quand je suis tombé dans les pommes dans la salle de bain…

Donc, très humblement, merci pour tout, mon amour.

Une qui n’a pas eu à passer une nuit blanche, mais presque, et qui a gardé le sourire tout le long, c’est ma « petite » sœur Élise. Prise pour dormir sur le fauteuil de la chambre d’hôtel avant et après la course, elle n’a jamais perdu sa contagieuse bonne humeur tout au long de la journée. Et le sourire, elle l’avait encore par cette belle journée de novembre, quand elle a complété avec brio son premier demi-marathon. Je l’ai dit et le répète, il y a une marathonienne et même une ultramarathonienne dans ma frangine.

Dans un autre créneau, que dire de Fanny, celle pour qui j’ai joué au pacer à Bromont ?  Je l’ai rejointe alors qu’elle avait 124 longs kilomètres dans les jambes. Elle claudiquait, avançait lentement. Mais elle avait un moral d’acier et son esprit était si vif que je me suis trouvé nul de me sentir moche alors que j’avais dormi quelques heures.

Comme le lapin Energizer, elle a avancé, encore et toujours, grugeant lentement, mais sûrement un à un les obstacles qui se dressaient devant elle. Jamais je ne l’ai entendue se plaindre. Une battante, une vraie de vraie. Une inspiration.

Puis, comment oublier Christina, Kathleen et Amy, celles qui m’ont donné tant de fil à retordre en compétition ?

Christina, elle n’avait l’air de rien. Mais elle enfilait les kilomètres en enchainant les petites enjambées à une cadence époustouflante. Au fur et à mesure que la course progressait à Washington, elle s’éloignait de moi, me laissant croire que je n’étais pas vraiment dans une bonne journée. Et pourtant…

De Kathleen, je me rappellerai toujours le fait qu’elle n’arrête jamais, mais jamais de courir, même si elle avance plus lentement que quelqu’un qui marche dans certaines montées.  Et surtout, elle est ce qu’on appelle ici un cr… d’air bête. Autant à Massanutten qu’au Vermont, nous avons fait de longs bouts ensemble et la seule fois qu’elle m’a glissé un mot, c’était pour répondre au « Great job ! » que je lui avais lancé. Elle m’a répondu « You too ! » pour, quelques centaines de mètres plus loin, me dépasser sans me dire un foutu mot. Bout de viarge, elle a parlé plus aux chevaux qu’à moi durant toutes ces heures !

Quant à Amy, bien que son flot incessant de paroles m’ait un peu agacé à Massanutten, la longue jasette qu’on s’est piqué après le Vermont (où elle était directrice de course) m’a fait découvrir une femme charmante et drôle à souhait. Une vraie de vraie trail runneuse, contrairement à l’autre…

Aussi, un petit mot pour Anne, qui aurait bien pu être la première femme à me chicker dans un ultra au Québec. Si ce n’est pas elle, ce sera une autre, car le monsieur ne rajeunit pas et les femmes commencent à pousser pas mal fort ici…

En terminant, bien qu’on ne se soit pas côtoyés en course, j’ai suivi de près (mais à distance) l’impressionnante progression de mon amie Julie cette année. 4 ultras, en plus de plusieurs autres courses pas piquées des vers, c’est toute une saison qu’elle a eue. Et en juin prochain, nous ferons équipe dans le cadre de la Petite Trotte à Joan. J’y reviendrai.

Monsieur dream team – Il a été de tous mes 100 miles, il est sans contredit mon fan numéro un. Homme discret qui n’aime pas être le centre d’attention (c’est génétique, que voulez-vous…), il tient mordicus à faire partie de mon équipe de soutien. Et sa place est réservée à perpétuité (sauf pour les épreuves que je ferai en solo, bien évidemment). Un gros, gros merci pour tout papa.

Mon « entourage » – Bien que la course soit le sujet de ce blogue et que mes interventions Facebook ont presque toutes rapport à ça, c’est seulement quelque chose que je fais, ce n’est pas ce que je suis. Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus fatigant que quelqu’un qui parle toujours de la même affaire ?

Ma femme, ma famille, mes amis, mes collègues de travail me permettent d’échanger sur d’autres sujets d’intérêt. En fait, même entre ultrarunners, on parle souvent d’autre chose. Car, il n’y a pas que la course dans la vie, n’est-ce pas ?

« Mes jeunes » – C’est comme ça que je surnommais les étudiants de l’école Gérard-Filion avec qui je courais les lundis. Eux s’entrainaient pour le Grand Défi Pierre-Lavoie et moi, ben, je courais, comme d’habitude.

C’était beau de voir des jeunes motivés par le projet et des profs dévoués les encadrer. Une belle expérience de vie.

Ils nous ont quittés –  Quelques jours avant la course à Washington, j’ai appris le décès de mon oncle Claude, qui n’avait que 70 ans. Je ne le voyais pas tellement souvent, mais c’était toujours un immense plaisir d’être en sa compagnie. Il avait le don de nous faire rire, alternant taquineries et autodérision. Les funérailles ayant lieu le jour où nous partions, nous n’avons pas pu y assister.

Dans les 10 derniers miles, alors que le soleil était à son zénith et que je serrais les dents pour tâcher de terminer, je l’entendais me traiter de débile et rire de moi. J’ai ri tout seul parce que j’étais un peu d’accord avec lui…

Puis, peu avant le Vermont 100, j’ai appris le décès de Christian. Celui-là, je l’ai pris encore plus dur, probablement parce qu’il avait mon âge. Durant la course, dans les moments les plus difficiles, je me rappelais de ses expressions colorées et encore là, je riais tout seul. Deux jours plus tard, à la sortie de l’église de Ste-Julie, je n’ai pas retenu mes larmes. Il me manquait déjà.

Le froid – C’est difficile à croire avec le mois de décembre hyper-clément que nous avons eu, mais l’hiver a été dur dans la partie nord-est du continent. Très dur, même. Jamais vu autant de journées avec des températures descendant sous les -20 degrés, jamais vu un hiver aussi long. Pas les conditions idéales pour se préparer en vue de la saison des ultras, mettons.

La chaleur – Bon, j’ai beau m’en plaindre, mais mon corps vit plutôt bien avec le froid. Malgré les conditions extrêmes, je ne suis jamais allé au bout de ma garde-robe. Je ne protège que très rarement mon visage et n’ai aucun problème à respirer dans le froid. Ha, si mes mains pouvaient être comme le reste de mon corps…

Par contre, la chaleur… Ouch !  Là, c’est plus difficile. Et comme le hasard fait « bien » les choses, il fallait qu’il fasse chaud autant à Washington qu’à Massanutten. Si au moins ça s’était déroulé en fin de saison…  Mais non, c’était en avril et en mai. Dire que j’ai souffert serait un euphémisme.

Un parcours à ma mesure – En banlieue de Washington, sur les bords du Potomac. Deux parcs reliés entre eux par un sentier. Parcours peu technique, relativement rapide. Des boucles, des allers-retours. Un parcours fait pour moi (il le serait encore plus s’il y avait de vraies montées, mais bon…). Je pensais que j’aurais pu faire mieux, mais finalement…

WHAT ?!? – C’est ce qui est sorti de ma bouche. La première fois, alors que j’avais 75 km dans les jambes et que le pauvre bénévole m’annonçait que je devais me taper le foutue boucle de 2.2 miles qu’on s’était tapée plusieurs heures auparavant. Pendant que je bougonnais, les coureurs du 50 km que je venais de dépasser passaient tout droit. Quand j’ai vu Christina sortir de ladite boucle, je me suis résigné : j’y suis allé, la queue entre les jambes, comme si on m’envoyait à l’abattoir.

Puis, une fois l’arrivée franchie, alors que j’envisageais sérieusement de retourner à mon auto pour aller récupérer moi-même mon drop bag, je suis passé à la tente de chronométrage. Comme j’avais eu une course somme toute correcte, je m’attendais à avoir terminé entre les 20e et 30e places. Au mieux, la 15e. Puis, j’ai vu le chiffre : 9e, avec à la clé, une première place dans ma catégorie.

WHAT ?!?

Les roches – Massanutten Mountain Trail 100-Mile Run. Les roches en font sa réputation. J’en ai fait une indigestion, littéralement.

Abandonner ? – En course, j’y avais souvent songé, mais jamais sérieusement. C’était avant de connaitre Massanutten. Il faisait chaud, le parcours très technique faisait que j’avançais à pas de tortue. Je détestais ça profondément. Je voulais juste partir, être ailleurs. Avant même le premier tiers, j’ai songé à abandonner.

Je me suis trainé jusqu’au ravito. Puis jusqu’au suivant. Mon enthousiasme est revenu, avant de repartir. À la mi-parcours, j’étais en mode death walk. La providence a mis Pierre sur mon chemin. Sa présence m’a rassuré, revigoré. Ce n’est que beaucoup plus tard que je resongerai à abandonner, quand, envahi par la fatigue, mon corps ne voulait tout simplement plus avancer.

Le bourbon – Bird Knob, mile 81.6. Je me demande comment je fais pour tenir debout. Le ravito est minuscule et sur place, les bénévoles sont sur le party. Ils nous offrent du bourbon, il me reste tout juste assez d’intelligence pour décliner. Pierre accepte avec plaisir, alors que je me contente d’un concentré de café au chocolat (ou était-ce du chocolat au café ?).

En tout cas, c’est ce que Pierre m’a raconté, car honnêtement, ceci n’est qu’un vague souvenir pour moi.

Pas un pique-nique – Picnic Area, mile 87.9. Je suis au bout du rouleau. J’ignore si c’est la fin ou pas, mais je dois prendre un temps d’arrêt : je dors debout. Le problème est que je ne dors pas une fois couché, alors j’attrape au passage mon partner avant qu’il quitte et nous repartons ensemble.

Quelques centaines de mètres plus loin, mon système digestif me signifie son ras-le-bol. Il refera plusieurs fois des siennes pendant les 3 heures que durera le trajet nous menant au dernier ravito, à peine 9 miles plus loin.

Voulez-vous bien me dire pourquoi ils ont appelé ce ravito Picnic Area ?!?

Les hallucinations – Une dame qui nous fait des grands signes. Un chapiteau. Je les vois, clairement même. Mais Pierre ne les vois pas. J’hallucine, mais le pire est passé. Nous en rions encore.

Le « sprint » –  Nous avons enfin regagné la route. Plus que 6 petits kilomètres. Ma Garmin ayant rendu l’âme, je ne sais pas à quelle vitesse nous allons, mais j’ai l’impression que c’est très vite. Un à un, nous rejoignons des coureurs, les laissant dans notre sillage.

Quelques heures auparavant, je pensais que j’allais mourir. Pourtant, en ce moment, je vole. Et je n’ai jamais pris de repos entre les deux. C’est bizarre, le corps humain.

Mon partner – Nous avons passé 17 heures ensemble. 17 heures à échanger sur tout, à se soutenir, à s’encourager. On dit que pour vraiment connaitre une personne, il faut courir un ultra avec elle. Hé bien, je crois qu’on a vraiment eu la chance de se connaitre tout au long de cette journée et de cette nuit.

J’ai pris le départ de cette course sans trop savoir à quoi m’attendre. Je l’ai terminée avec un ami.

Lapin de cadence – Un rêve devenu réalité 8 ans plus tard. À cause de mon déguisement (ou malgré lui, c’est selon), plusieurs personnes sont venues me parler. Et pendant plus d’une heure, j’ai été leur guide. Une responsabilité que j’assumais pleinement, espérant secrètement avoir contribué un tantinet à la réussite de certains d’entre eux.

Je n’avais juste pas prévu faire les 6-7 derniers kilomètres tout seul…

On s’habitue à tout – St-Donat, la première fois, j’ai détesté. Profondément détesté. Trop technique, trop de bouette, pas moyen de prendre un semblant de rythme. Puis, par masochisme, j’y suis retourné. Bah, pas si pire, que je me disais. J’en ai donc remis une couche cette année.

Ha ben bout de viarge, j’ai même aimé ça !  Comme quoi, on s’habitue vraiment à tout.

Perdu – Mon ami Pierre a la fâcheuse tendance à se perdre quand il court des ultras et j’avoue que nous le taquinons un peu avec ça. Mais cette fois-ci, à St-Donat, c’est moi qui me suis royalement fourvoyé peu après le sommet de la Noire.

Têtu comme une mule, je me suis enfoncé, encore et encore. C’est par une chance incroyable que j’ai fini par retrouver le bon sentier. À ne pas refaire.

Le kyste – Je le trainais depuis longtemps. Des mois, des années ?  Je ne sais pas trop. Il était dans mon dos, alors il ne paraissait pas et ne me dérangeait pas, alors pas de presse à le faire enlever, n’est-ce pas ?

Erreur. Durant les 8 heures que j’ai passées dans les sentiers de St-Donat, le frottement incessant de ma veste d’hydratation a probablement fini par causer une ou plusieurs micro-blessures et ledit kyste s’est infecté. Après quelques jours à l’endurer, j’ai dû me rendre à l’évidence : je ne m’en sortirais pas seul.

On l’a ouvert, vidé, puis on y a installé une mèche que je devais faire changer tous les jours. On m’avait dit que ça durerait 7 à 10 jours, le temps que la plaie se referme. Ça a pris 6 interminables semaines.

Finalement, c’est un chirurgien que j’ai rencontré par hasard la veille du Vermont 100 qui m’en a débarrassé, plusieurs semaines après.

« And you ran a 100 miles with that… » – C’était Amy, après le Vermont 100, alors que je venais de lui expliquer pourquoi je devais retourner au Québec avant le traditionnel barbecue. Tu aurais fait pareil, chère Amy.

« Il est tout mouillé » – L’infirmière qui a effectué le changement de pansement-mèche le lendemain du Vermont. C’est que voyez-vous, j’ai couru 100 miles dans la grosse humidité et pour couronner le tout, je me suis fait arroser non pas par un, mais bien deux orages.

Alors oui, c’est possible qu’il soit mouillé.

Monte, descend, monte, descend… – Dans le milieu, on le dit « facile ». Vrai qu’il n’est pas tellement technique, vu qu’il se passe à 70% sur des chemins de terre. Quand on sait que le record de parcours se situe sous les 15 heures…

Ceci dit, ça n’empêche pas le Vermont 100 d’être tout un test. 100 miles, 161 foutus kilomètres, toujours en montée ou en descente. Aucune de ces montées ne peut se targuer d’être une véritable ascension. Il en va de même pour les descentes, qui se font à peu près toutes à pleine vitesse. Mais c’est l’ensemble, qui est beaucoup plus difficile que la somme des parties, qui fait de ce parcours ce qu’il est : un défi à ne pas sous-estimer.

La cheville – Bang, bang, bang. Des milliers de fois, mes pieds ont frappé le sol. Au bout d’un certain temps, ma cheville en a eu marre. Deux semaines de repos, je la pensais guérie. Erreur. La persistance de ce mal m’a forcé à essayer de changer ma technique de course.

Changement de technique – En course à pied, il faut toujours, toujours y aller graduellement. Ce que je n’ai évidemment pas fait. Des mollets et des tendons d’Achille sollicités au maximum, des malaises qui ne finissent plus de guérir. Je suis maintenant contraint de recommencer à zéro, en espérant que ma cheville me le permette…

Pacer – Étant dans l’impossibilité de compétitionner pour moi-même, je me suis rabattu sur le pacing en fin de saison. Tour à tour, Sylvain, Fanny et ma sœur Élise ont eu à m’endurer, parfois pendant des heures. Je les plains.

Porteur de bière – Mon ami Sylvain était blessé, je me sentais tellement, mais tellement inutile. Quand il m’a réclamé de la bière, j’ai tout d’abord cru à une blague. Constatant son sérieux, je me suis exécuté avec plaisir. Si au moins je pouvais servir à ça…

Réflexion toutefois : 5$, était-ce suffisant pour acheter cette grosse canette de Heineken dans un dépanneur ?

Bénévole –  C’était ma première « vraie » expérience en tant que bénévole dans un ultra. Observer les autres agir, ça nous permet d’en apprendre beaucoup, autant sur eux que sur soi-même, tout en se rendant utile. À refaire.

Courir à travers l’histoire – Rome, Florence. La Place St-Pierre, le Tibre, le Circo Massimo, le Colisée, l’Arno, le Ponte Vecchio, le Duomo, le Palazzo Vecchio.  Des endroits célèbres, « courus » par les touristes. Hé bien moi, j’étais le touriste qui les ai découverts en courant au (très) petit matin, alors qu’il n’y avait personne.

Une manière de découvrir le monde autrement. Je ne l’avais jamais fait, je ne pourrai plus m’en passer. Merci pour le tuyau, Didier.

Ambassadeur – Hé oui, je suis maintenant ambassadeur Skechers. Qui l’eût cru ?

Le down – Retour d’Italie, petite sortie de 10 km en vue du demi avec ma sœur trois jours plus tard. Catastrophe : je fais du 4:23/km de moyenne, de peine et misère. Je mets ça sur le compte du décalage horaire.

Les semaines se suivent et je n’avance toujours pas. La nouvelle technique peut être en cause, mais comme je reviens peu à peu à mes premières amours, il me semble que… Puis, un dimanche, après 11 petits kilomètres à St-Bruno, étourdissements. Je persiste, puis finis par capituler après 18 kilomètres. La semaine suivante, ma « longue sortie » ne fera que 16 misérables kilomètres.

Entre les deux, les sorties plus courtes étaient somme toute convenables. J’en parle aux copains qui ont des propos rassurants. Je consulte tout de même un médecin qui décèle un léger souffle au cœur et commande un bilan médical complet. Une fois « sevré » d’alcool, je me retrouve une aiguille enfoncée dans le bras avant de faire pipi dans le petit pot pour ensuite jouer dans mon caca avec un petit bâton. La joie. J’aurai les résultats d’ici 2 semaines.

Entre temps, j’ai décidé de contrôler ce que je peux contrôler, soit mon alimentation. Donc, moins de sucre et moins d’alcool. Pas de coupure drastique (la vie serait tellement plate et c’est tout de même le temps des Fêtes !), mais un certain contrôle. Ça ne peut pas nuire.

Depuis deux semaines, je sens que je remonte la pente. J’étais peut-être juste fatigué après tout…

Les loteries – L’année a commencé par celle de Massanutten, où j’ai « gagné ». Elle s’est terminée par une « défaite » en vue du Western States (j’avais un gros 3.6% de chance d’être pigé) et un suspens en vue de l’UTMB. Hé oui, j’ai appris tout récemment que mon résultat à Massanutten était admissible pour l’obtention des fameux « points » nécessaires pour avoir le droit de participer à la mythique épreuve.

Mais, tout comme quelques-uns de mes comparses, j’avoue que toutes ces loteries commencent à me peser. Bientôt, on ne pourra plus avoir la moindre idée de notre programme de la saison avec tous ces foutus jeux de hasard…

2016 ? – Le programme se dessine tranquillement. Encore une fois, pas de marathons, à moins que ce soit comme accompagnateur. Les marathons et moi…

Malgré toutes mes belles promesses, je compte retourner à Massanutten. J’ai un compte à régler avec cette course-là et comme je l’ai déjà terminée, j’ai à peu près 100% des chances d’y retourner si c’est ce que je veux.

Ensuite, ce sera la Petite Trotte à Joan, puis, comme je ne suis qu’un être humain, je ne crois pas que ce soit une bonne idée de me faire le Vermont 100 trois petites semaines plus tard. De toute façon, si je suis pris à l’UTMB… Je sais, Joan s’est farci les trois l’an passé, mais je le répète, je ne suis qu’un être humain, moi. Et si ça ne fonctionnait pas du côté des Alpes, ce sera l’Eastern States, qu’on dit très, très difficile. Ok, c’est moins glamour, mais bon, c’est aussi pas mal moins loin !

À l’automne, j’espère bien effectuer un retour à Bromont, mais c’est encore loin. Puis, j’aimerais bien me faire  quelque chose de plus petit en mars ou avril. Un 50 km ou un 50 miles. On verra.

Encore une fois, bien des beaux projets ! 🙂

Bonne année 2016 à tous !

Ultimate XC St-Donat 2015: la course

J’entame la course dans le milieu du peloton, ou à peu près. J’aime bien la première section du « nouveau » parcours : elle est ondulée, assez roulante, pas trop technique. Parfaite pour une mise en jambes en début de course. Je constate toutefois sas tarder que Dan nous a encore emplis avec son histoire de « parcours plus sec que jamais ». Ben oui, Chose. Déjà à ce point, il me semble y avoir plus de boue que l’an passé. Rien à voir avec 2013, bien évidemment, mais quand même.

Guillaume, un de mes lecteurs, me rejoint et me reconnait, probablement grâce à mes maudits protecteurs aux genoux dont je n’arrive pas à me débarrasser. On jase un peu, du parcours, surtout. Quand je lui demande si c’est sa première fois ici, il me répond que oui. Je lui demande alors s’il est bon dans les descentes et aussitôt, autre réponse affirmative… suivie d’un petit rire gêné. Ha, un vrai coureur : il n’aime pas se vanter. Mais entre nous, il n’y a pas de honte à se dire si on est plus habile dans tel ou tel aspect de la course, bien au contraire.

Toujours est-il que lorsque je réponds par un simple « Non » à sa question à savoir si je sens que j’ai récupéré de Massanutten, on dirait que ça lui donne un coup de fouet et il s’envole, comme s’il s’était dit que bon, calquer sa course sur celle d’un gars qui n’est pas remis d’une course qui a eu lieu 6 semaines auparavant, ce n’était pas vraiment une bonne idée.

Denis est un autre que j’ai vite perdu de vue. Il me suivait depuis le départ, puis soudain, il m’a dépassé et lui aussi semble parti pour la gloire. Décidément…

Le rythme est plutôt rapide depuis le début et c’est avec un certain soulagement que je vois la première montée se pointer. Ça va me permettre de regagner un peu de terrain.

Tiens, il me semble que c’est moins efficace mon affaire. Encore une fois, je rejoins du monde, mais moins que les autres années. Peut-être suis-je simplement parti plus à l’avant du peloton ?  Toujours est-il que je réussis tout de même à reprendre Guillaume, mais il demeure collé à mes baskets. C’est qu’il grimpe bien, le jeunot, particulièrement pour un gars de sa taille. S’il est le moindrement fort en descente…

Au sommet, je me tasse pour lui laisser le passage. Il me sourit et se transforme en véritable fusée. Pas moyen d’observer sa technique, question d’apprendre un peu, il est déjà hors de ma vue. Ayoye !  Il va vraiment falloir qu’il « casse » pour que j’aie la moindre chance de le rejoindre !

Dans la section technique nous amenant au pied de la Grise, je jure comme un bûcheron à chaque fois que je m’enfarge, c’est-à-dire très souvent. Non mais, c’était quoi l’idée que tu avais de rêver à un podium ici ?  Tu es nul en descente, presque aussi nul dans le technique, c’est quoi qui t’est passé par la tête ?  Tu as eu une crampe au cerveau ou quoi ?  Du con…

Je me retrouve seul, déjà. Mais en quelle position puis-je bien être ?  10e ?  15e ?  20e ?  Aucune espèce d’idée. Peu importe, la course est encore jeune. Et il commence à faire moins froid. Donc, out les arm warmers. Mais où les foutre ?  Mes poches sont pleines, alors pas le choix : dans mes shorts. À la guerre comme à la guerre !

Au sommet de la Grise, je décide d’arrêter pour relacer mes souliers, trouvant que mes pieds s’y promènent un tantinet trop allègrement. Toutefois, les moustiques ont décidé que tout arrêt était interdit ici et se mettent en meute pour m’attaquer. Au final, un seul soulier verra ses lacets resserrés, étant dans l’incapacité d’endurer ces voraces bestioles une seconde de plus.

Dans la petite montée avant la grande descente, je rejoins Denis qui me dit qu’il a bien tenté de demeurer avec Laurent et Benoit, mais qu’il a décidé de les laisser aller. Dans la descente, miracle, un coureur qui ne va pas plus vite que moi ! On la fait donc ensemble, pour ensuite arriver au Nordet (12.5 km).

Sur place, pas de verre. Bah, je m’en tire en utilisant un couvercle de thermos. Ici, le système utilisé par l’organisation n’est pas au poil, chaque coureur devant attendre après la pompe qui tire l’eau directement d’une cruche de 18 litres. Dans les autres courses, les bénévoles utilisent des pichets, ce qui accélère le processus. J’avoue que c’est un peu chiant, devoir attendre que l’autre coureur ait fini de remplir sa bouteille avant de pouvoir prendre une ou deux gorgées d’eau.

La première femme arrive comme je lève les feutres. Bon, vais-je me faire chicker encore une fois cette année ?  Bah, on verra si elle est encore sur mes talons dans la montée de la Noire. Et puis cout’ donc, si elle est plus forte que moi, elle passera, un point c’est tout !

Dans la section plus technique nous menant au lac à l’Appel (19 km), Denis me distance plus ou moins. Quand on est ensemble, lui aussi se pose des questions sur le parcours supposément plus sec que jamais. « Il avait l’air de quoi, avant ? ». T’aurais dû voir… Mais je demeure persuadé qu’il était dans un meilleur état l’an passé.

Au ravito, je demande des nouvelles des coureurs du 38 km. On me dit qu’ils sont tous passés. Ha oui ?  Déjà ?  Seraient-ils plus forts ?  Ou peut-être est-on partis en retard ?

Enfin, je ne perds pas de temps à la station : je mange quelques morceaux de banane, avale un verre d’eau et reprends aussitôt les sentiers. Denis, qui remplit son réservoir, me rejoindra bien assez vite. Quant à moi, je juge pouvoir me rendre au lac Lézard (29.8 km) avec ce que j’ai.

Tiens, ne fallait-il passer dans le lac ici ?  Je ne sais plus. Peu importe, c’est en traversant un petit pont en bois que je croise les « fermeuses» de parcours de la course de 38 km. Je vais donc bientôt me mettre à rejoindre des coureurs.

Ce qui se produit effectivement un peu plus loin. Je les encourage en passant à chaque fois, puis entame la montée de la Noire. J’aime bien cette montée : longue, ardue et même technique par moments, elle se fait en plusieurs sections, ce qui peut décourager les gens à la longue. J’espère bien y gagner quelques positions.

Malheureusement, à chaque fois que je vois une silhouette se profiler, c’est celle quelqu’un qui prend part à la course de 38 km. Pas un chat du 60 km en vue, ça en est frustrant. Arrivé au sommet, mise à part une vue superbe, rien. Par les années passées, le ravito était installé ici, mais cette année, il est 3 km plus loin, à l’endroit où les parcours des deux courses se séparent momentanément. Petit coup à la réserve sur mon dos : ok je devrais me rendre, surtout que ça descend.

Ça descend, mais c’est technique, bout de viarge !  Je réussis quand même à gagner du terrain sur quelqu’un. Ce n’est pas un gars de ma course, je ne peux pas croire… Je parviens à diminuer progressivement la distance qui nous sépare, puis soudain, il se retourne et me lâche la question qui tue : « Tu ne trouves pas que ça fait longtemps qu’on n’a pas vu un flag rose ? »

Ha ben, TABAR… !!!

Effectivement, on n’en voit pas autour. Je retourne sur mes pas et en aperçois un au loin. Ok, nous sommes sur le bon chemin. Nous poursuivons, mais les rubans se font rares… On en voit de temps en temps, mais ils sont tous défraichis. L’autre gars aperçoit une aile d’avion. « Ce n’est pas la première fois que tu le fais ?  As-tu déjà vu un avion écrasé ? ». Ils en parlent sur le site de la course, mais non, je ne l’ai jamais vu…

MERDE !!!

Je m’entête. Trouvant que ça n’avance pas assez vite, je pars devant, suivant le sentier. Pas de rubans. Je poursuis, m’enfonce. Je me doute bien, non, je SAIS que je ne suis plus sur le parcours.  À chaque enjambée, je m’éloigne du point où je devrais revenir. Mais je ne retournerai pas. Pas question. Où je m’en vais ?  Aucune espèce d’idée. Mais je ne retournerai pas, un point c’est tout.

Maudit que j’ai la tête dure…

Après le technique, du roulant. Je fonce à vive allure, comme si c’était pour améliorer la situation. Je ne retournerai pas. Si je me perds, il y a bien quelqu’un qui va me retrouver et j’aurai mon premier DNF. Mais je ne retournerai pas. C’est-tu assez clair ?

Je croise des randonneurs. Avez-vous vu des coureurs ?  « Oui, pas tellement loin, en montant sur la droite. »  Ça me conforte dans mon idée. Mais « pas tellement loin », ça veut dire combien, ça ? C’est parce que je commence à être très bas côté liquide…

Après une éternité à rouler, j’entends des voix. Serait-ce le ravito ?

Je poursuis, à pleine vitesse, puis arrive sur une montée. En haut, des tables, du monde qui parle fort. Le ravito. Ouf !

Il est rempli de coureurs du 38 km. J’en aperçois un seul du 60, un gars qui m’a dépassé plus tôt. Il a l’air vidé et se laisse tomber sur une chaise. Le plus dur est passé, mec, si ça peut t’encourager.

Avec l’aide d’une bénévole très efficace (ils le sont tous à cet endroit), je remplis mon réservoir et vide deux sachets de « LG » (la boisson énergétique de Louis Garneau, un test en vue du Vermont 100) dedans. Petite bouffe et je prends le (bon) sentier exclusif à notre gang du 60k.

Cette section est un peu décourageante, car relativement longue et répétitive. Elle se fait bien, n’est pas trop technique, mais on a l’impression de ne pas avancer, qu’elle ne finit plus.

Mais ce n’est pas le sentier qui me préoccupe en ce moment. J’ai plutôt des problèmes de conscience. De sérieux problèmes de conscience. À Bromont, je m’étais trompé de la même façon, mais sur pas mal moins long et je savais que je ne m’étais pas avantagé, autant sur la distance que sur la difficulté du chemin emprunté.

Ici, je ne le sais pas. Côté distance, ma Garmin semble dire que c’est équivalent. Mais pour ce qui est de la difficulté ?  Là est le problème. Et si ce petit « détour » m’avait fait sauver du temps ?  Et s’il me permettait de gagner une ou plusieurs places ?  Déjà, est-ce que j’aurais rejoint le gars que j’ai vu au ravito ?

Et que dire si je termine devant Guillaume ou quelqu’un d’autre qui m’a déjà dépassé ? Et si je terminais sur le podium ?  Ça non, je ne pourrais pas vivre avec cette idée. Faire un podium illégalement, jamais. Je me dénoncerais.

De toute façon, théoriquement, je n’ai pas suivi le parcours, alors je devrais être disqualifié, peu importe mon rang. Ha, que faire ?

C’est décidé, je vais terminer cette course, mais en arrivant, je vais aller me dénoncer. Voilà, c’est la bonne chose à faire.

Bon, on a beau avoir l’esprit occupé, la section ne passe pas plus vite. Et toujours personne devant, personne derrière. À croire que je suis le seul à faire cette satanée course. Quand se présente finalement la montée menant vers Inter-Centre (38.3 km), c’est une véritable bête que j’ai à affronter. Elle est longue, ardue par moments. De plus, les mouches à chevreuil m’obligent à me métamorphoser en ado et retourner ma casquette, palette vers l’arrière. C’est qu’elles ont le don de venir me bouffer le cuir chevelu juste par le petit trou situé derrière… Sales bestioles !

Pendant que je monte, je songe à ce que je ferai une fois rendu au ravito. C’est un des avantages de connaitre le parcours : on sait quand on approche et on peut se préparer au lieu de se planter devant les tables en se demandant ce dont on a besoin.

Pendant que je pige dans les chips, on m’apprend que je suis dans les premiers. Ha non, ne me dites pas que je suis premier… « Non, mais vous êtes dans les premiers ! ».  Shit, définitivement que je vais devoir me disqualifier en arrivant.

Direction Vietnam. Après une belle petite descente, on entre dans le vif du sujet. Pour une fois, Dan exagérait à peine : il y a effectivement beaucoup de petits rubans roses. Pas aux 6 pouces, mais quand même. La première section passe plutôt bien, puis je crois reconnaitre l’endroit où j’étais demeuré coincé en 2013. Cette fois, ça passe comme du beurre dans la poêle. La traversée des rivières ?  Bof…

Puis le Vietnam, le vrai, celui qui est annoncé avec une pancarte, se pointe. Ouch !  C’est le retour dans le monde du « si vous ne vous tenez pas aux arbres, vous allez faire un plongeon; note: les arbres pourraient toutefois être déjà déracinés ». Ça, il n’y en avait pas l’an passé, je suis prêt à le jurer. On ne s’enfonçait pas dans la boue jusqu’à la taille non plus. Ha, espèce de Dan Des Rosiers à la m… !

Je rejoins une nouvelle fois les derniers du 38 km. Leur verbal et leur non-verbal sont unanimes : ils détestent ça !  J’avoue que j’ai aussi hâte que ça finisse et c’est avec un certain soulagement que je me retrouve sous la 329, de l’eau jusqu’aux genoux.

Suite à la remontée du ruisseau, que je fais évidemment du mauvais côté, question d’avoir des acrobaties à accomplir pour le traverser et regagner le sentier, c’est la montée qui m’amènera au Chemin Wall (42.2 km). Ha, on peut relaxer…

Hé non. Ça monte, oui, mais c’est aussi faux-plat par bouts et ce n’est pas un 100 miles que je fais, c’est un 60k, alors je dois courir. Avec ces maudites mouches à chevreuil qui tournent et tournent encore… Et quand elles piquent, elles partent avec un morceau viande, les espèces de…

J’aperçois une chaise, à l’endroit même où un bénévole devrait normalement se tenir pour annoncer nos numéros aux autres qui sortiraient nos sacs.  Et là, il n’y… qu’une chaise. Bizarre.

J’arrive sur place, les trois bénévoles sont en pleine discussion sur la délinquance chez les poissons rouges en Amazonie ou quelque chose du genre. Heu, s’cusez, c’est que j’ai une course à faire, moi là…

Ils se mettent alors à chercher mon sac. Moi qui ai hésité avant de décider si je le réclamerais ou pas, voilà que je perds du temps à l’attendre. Vous me direz : oui mais on s’en fout, tu vas te disqualifier de toute façon… Ben… peut-être pas. Comme je ne vois personne depuis belle lurette, je suppose que les coureurs plus rapides, ceux qui étaient devant, sont toujours devant. Alors si c’est le cas… Bref, après de longues recherches, on me tend mon sac. Je l’ouvre.

Mais il est où, mon Playboy ?

La blague tombe un peu à plat. Ok, j’avoue qu’elle fait très « années ‘80 », mais quand même… Et puis, est-ce que ça existe encore, le Playboy ?

Je récupère des sachets de LG et redonne mon sac aux bénévoles afin qu’ils puissent reprendre leur conversation de haute importance. Pas de changement de souliers, ni de casquette, ni de t-shirt cette année. J’ai appris que ça ne servait pas à grand-chose.

Tant qu’à arrêter, je fais faire un dernier plein (cette bénévole est pas mal plus efficace que ceux attitrés aux drop bags) de mon réservoir, puis reprends les sentiers. Ça devrait être la dernière fois que je m’astreins à l’opération.

La section m’amenant au lac Lemieux (46 km), je la connais sans vraiment la connaitre. Je sais qu’elle est technique et je sais qu’elle monte. Longtemps. Je la fais donc sans me presser, mais sans niaiser non plus. Et elle me semble encore une fois beaucoup plus longue que les 3.8 km qu’elle mesurerait officiellement.

Ha merde, j’ai oublié de laisser mes arm warmers dans mon drop bag. Pas fort. Finalement, ils auront passé 5 kilomètres sur mes bras et 55 dans mes shorts…

Au ravito, un grand gaillard et deux femmes. Du monde du 38 km ?  Hum, ils ont l’air pas mal trop forts pour être du genre que je rejoins… Coup d’œil à leurs dossards : ils sont de la petite trotte à Joan !  Wow, ce monde-là est dans les sentiers depuis 24 heures maintenant, ils sont en train de finir l’aller-retour de ce parcours infernal !

Disons que la course semble avoir laissé des traces. Une des deux filles a l’air complètement écoeurée. Le bénévole tente de lui offrir de l’aide, tout semble la déranger. Elle est à bout. Je connais, mettons. J’essaie de les encourager en leur faisant part de mon admiration. J’espère que ça va marcher un tantinet…

Direction Lac Bouillon (49 km), par une autre section qui mesure 5 kilomètres alors qu’elle est affichée à 3. La section est roulante à souhait et je me sens comme à Washington: je dois garder le rythme, serrer les dents alors que tout mon corps me demande d’arrêter ou au pire, de ralentir. Pourtant, je ne lève pas le pied et tiens le coup.

Je dépasse plusieurs concurrents du 38 km, mais toujours personne du 60 km. Cout’ donc, ils sont où ?  Je n’en ai pas vu un seul depuis la mi-parcours ! Je regarde ma Garmin. Elle indique 6h26. Comme je me donne 1h30 à partir du lac Bouillon, je constate que ça va être très juste si je veux faire sous les 8 heures… Et le foutu lac Bouillon, je ne le vois toujours pas !

Je m’attends à tomber sur un chantier de construction, c’est plutôt un joli petit développement de condos en bois bâtis sur le bord du lac qui m’accueille finalement, avec en prime, trois, oui trois spectateurs qui me crient des « Bravo » et des « On lâche pas ! ». Même si on est habitué à un relatif anonymat en sentiers, ça fait toujours plaisir à entendre.

En sortant du « quartier » neuf, j’arrive au ravito où cette fois, ce sont des percussionnistes qui soulignent mon arrivée. Ouais, bon, je ne suis pas tellement « musique » quand je cours, surtout après des heures et des heures. Mais je ne suis pas pour leur faire savoir.

Un bénévole, tout sourire, me tend un petit verre contenant un liquide qui semble précieux. C’est quoi, ça ? « De l’eau d’érable » qu’il me répond. Ha non, je n’ai pas envie de me chier le corps, surtout avec le maudites bibittes qu’il y a ici !

Aussitôt dit, aussitôt regretté. J’ai été bête et surtout vulgaire envers un bénévole et c’est un sacrilège. Ces gens-là sacrifient leur journée pour nous, la moindre des choses, c’est de les remercier, qu’ils fassent un bon travail ou pas. En plus, celui-là était très attentionné. Pas fort, mon affaire.

Il ne semble pas m’en vouloir, car aussitôt l’eau d’érable reposée sur la table, il se met à énumérer tout ce qu’il y a de bon à manger. Et comme je m’emplis un peu l’estomac, il m’offre de me verser une verre d’eau dans le cou. Puis un deuxième. Il est si gentil. Je ne me prive pas de le remercier abondamment, espérant compenser un peu pour mon impair, puis prends la direction de la côte de l’enfer.

Après une partie roulante ou je me permets tout de même de petites pauses-marche d’une dizaine de pas pour reposer mes jambes, j’arrive au pied de ladite côte. Regard vers le haut : aussi loin que je puisse voir, je ne vois absolument personne. Bout de viarge…

Prenant soin d’éviter de regarder le chrono, j’entame la première montée en face de cochon. Je sens que je grimpe bien. Arrive la deuxième partie : toujours personne devant, même pas le moindre coureur d’une autre épreuve. Ben voyons…

Arrivé au sommet, je fais part de mon « inquiétude » aux bénévoles : est-ce qu’il y a quelqu’un qui fait cette course ?  Oui oui, il y en a justement qui viennent de passer. Ok, merci de me rassurer. Coup d’œil à la Garmin : 7h. Ok, une heure pour terminer, c’est jouable.

Je finis par rejoindre des gens dans la partie très technique avant la descente. Enfin, du monde !  Parmi eux, le gars avec qui je me suis « perdu » plus tôt. Lui aussi, il est théoriquement « DQ », tout comme le « dude » qu’il a vu là-bas. Heu, le « dude », il te parle présentement. Tu ne le reconnais pas ?

La descente, la dernière vraie descente, est une véritable torture pour l’empoté que je suis. Technique au possible, abrupte comme la côte de l’enfer, je la déteste profondément. En fait, je me lève la nuit pour la détester…

À la station Ravary (54.5 km), un autre band, de cornemuses cette fois, est là pour nous coureurs. Pas certain d’apprécier vraiment ce son grinçant, je dois avouer… De toute façon, le chrono me rappelant que je dois déguerpir sans tarder, je me lance dans la section assez technique, mais bien agréable qui suit. Il y a bien des petits bouts boueux, mais rien pour écrire à sa mère.

J’arrive en peu de temps au poste d’Hydro. Yes, le dernier ravito est proche ! Sur place, une dizaine de bénévoles, mais ils semblent tous trop occupés à discuter du problème de prostitution chez les mammouths au Brésil pour prendre soin des coureurs. Je devine bien qu’ils sont là depuis un bon bout de temps, qu’ils ont vu passer les coureurs de toutes les autres épreuves et que la journée commence à se faire longue pour eux, mais je trouve désolant d’arriver à une station d’aide avec 57 kilomètres dans les jambes et de me faire complètement ignorer.

En fait, il y a en une qui est empressée et qui fait tout pour m’aider. Mais les autres… C’est au point que lorsque vient le temps de partir, j’arrive pour les remercier, puis me ravise: je m’adresse seulement à la dame qui s’est affairée à nous aider. Les autres ?  C’est comme si je n’étais pas là, de toute façon.

Honnêtement, c’est la première fois que je vois ça dans le monde de la course en sentiers et en fait,  je n’avais vu ça qu’au 40e kilomètre du Marathon de Mississauga, où j’avais carrément engueulé les ados qui « s’occupaient » du dernier point d’eau. Ils s’étaient probablement bien bidonné du vieux frog qui les avait enguirlandés en français, mais ça m’avait fait du bien.

Les pancartes décroissantes des 3.5 derniers kilomètres ont fait leur apparition. C’est roulant jusqu’à la route, mais j’évite de me faire des illusions: il reste du beurre de peanut, je le sais. Mais je me fais des espoirs: peut-être en reste-t-il moins que dans mes souvenirs ?

À la traversée, les deux gentils bénévoles me confirment qu’il me reste encore quelques parties boueuses. Puis je tombe sur une section de schnoutte qui s’étend à perte de vue. Ha, calv… !  Était-ce vraiment nécessaire ?  Celle-là, j’avoue bien candidement que je m’en serais passé. Et le chrono qui égraine les secondes…

Je parviens à passer, parfois en prenant carrément le côté du bois. C’est fou de voir à quel point c’est dégueux comme bouette. Et le fait que tout le monde ait piétiné le parcours à cet endroit n’arrange pas les choses. Mais ça finit par se traverser et après quelques autres sections à « obstacles », je tombe définitivement sur du roulant. Ondulé, mais roulant. Enfin !

2 kilomètres, il me reste un peu plus de 10 minutes. Ça va être juste, mais j’ai des chances. Dernier kilomètre: 5:45 de jeu. Je relâche un peu: je vais l’avoir.

Tiens, un photographe. Petit sourire. 🙂

899-6828

Le look ado à 45 ans, avec 59 kilomètres dans les jambes, bof…

Puis, surprise sur ma droite: un sentier balisé avec des rubans roses. Dois-je passer par là ?  Dans le dernier kilomètre ?  Ça ne me dit strictement rien. Tic-tac, tic-tac, j’entends le chrono qui continue à avancer…

Nah !!!  Je ne me souviens pas de cette section, je poursuis sur le roulant. 500 mètres. Good, je suis sur le bon chemin !  J’entends l’animation, le bruit provenant du parc des Pionniers. Je suis à pleine vapeur, les spectateurs m’applaudissent.

Voilà, ça achève. Je passe devant le chrono, il indique 8h01. Hein ?!?  C’est quoi, cette affaire-là ?  Quand je traverse la ligne, le mien indique 7:58:44. Mission accomplie… ou presque.

Pour la petite histoire, après avoir placoté un bon bout avec Gilles à l’arrivée, je suis allé voir les résultats affichés. Constatant que je n’étais pas dans les 10 premiers (contrairement à Guillaume, toutes mes félicitations, mon cher !), j’ai vu que ça ne donnait vraiment pas grand chose d’aller me « dénoncer ». Plus tard, quand j’ai vu que j’avais terminé en 13e position, 9 minutes derrière le 12e et presque 17 minutes devant celui qui me suivait, j’en suis venu à la conclusion que mon « écart » n’avait rien changé au classement final. De plus, ma Garmin m’indiquait que j’avais parcouru la même distance que l’année passée, alors les résultats sont « moralement » acceptables. Mais un petit bémol demeure tout de même…

En terminant, je vous laisse sur un petit film tourné par mon ami Pierre et son frère lors de leur expédition. Ça donne une excellente idée de quoi ça a l’air, l’Ultimate XC…