Course islandaise: Skogafoss

WOO-HOU !  WOOOU-HOOOU !!!

Ces cris qui sortent de ma bouche, ils viennent de loin. De très loin. Ça doit bien faire une douzaine d’années qu’ils sont en « préparation » et là, ils sortent tout naturellement. Des cris de pure joie, de pur bonheur.

C’est que voyez-vous, vers le milieu de la dernière décennie, mon grand ami d’enfance était posté en Suède avec sa petite famille. À maintes reprises, ils nous ont invités à aller les visiter. Imaginez: pouvoir visiter un pays scandinave sans avoir à payer le moindre sou pour l’hébergement. Quoi demander de mieux ?

Malheureusement, à l’époque, la santé de ma douce était… chancelante, si je peux m’exprimer ainsi. La maladie l’obligeait à demeurer à la maison et les douze heures de sommeil qu’elle prenait quotidiennement lui permettaient à peine de fonctionner le reste du temps. Vous devinerez donc que les longs voyages, ce n’était tout simplement pas envisageable.

À peu près à la même époque (est-ce une coïncidence ?  Je ne peux pas dire…), je me suis mis à la course. Pour moi, l’objectif était clair: j’allais faire un marathon un an plus tard.

Marathon il y a eu. Vous connaissez la suite: d’autres marathons, puis après quelques années, les ultras, le tout entrecoupé de blessures, etc. Pendant ce temps, un nouveau médicament avait commencé à faire son effet de telle sorte que, voulant profiter au maximum de cette « fenêtre d’opportunité » qui s’offrait à nous (lorsqu’on doit dealer avec une maladie chronique, on apprend vite à prendre le peu qu’elle nous donne), nous avons développé une véritable passion pour les voyages. Et par la bande, je me suis mis à chérir les opportunités de courir dans des endroits nouveaux.

Durant une tournée des trois sommets suite à son retour d’Islande, Pierre m’avait parlé d’un endroit très particulier: la chute Skogafoss. Je le cite approximativement ici: « Les touristes arrivent en bas, ils prennent 15-20 photos devant la chute, puis ils s’en vont. Pourtant, si tu te donnes la peine de monter les marches, non seulement la vue de la chute y est superbe, mais il y a un sentier qui mène à une autre chute. Puis une autre un peu plus loin. Puis une autre. Encore une autre. Et une autre. Au total, il y a une vingtaine de chutes à voir pis y’a presque personne ! »

Superbe Skogafoss…

Fallait que je vois ça.

Nous avions commencé notre journée par aller visiter la fameuse épave du DC3 échoué sur la plage. Au total, ce sont entre 7 et 8 kilomètres de marche qu’il faut se taper pour « l’admirer ». Facile, vous dites ? Pas dans des conditions météo typiquement islandaises: 2-3 degrés, des vents à 55 km/h avec rafales à 75 (non, je n’exagère pas), les averses de neige alternant périodiquement avec de rares percées de soleil.

La fameuse carcasse du DC3. Cette photo a été prise à peine deux heures avant la précédente. Quand je dis que le climat islandais est un tantinet changeant…

Bref, médicament efficace ou pas, c’était le gros effort physique que Barbara allait pouvoir se taper pour cette journée. Je suis donc parti en éclaireur, prenant d’assaut les 428 marches (certains sites parlent de 500, je ne les ai pas comptées), pour voir si ça valait la peine qu’elle revienne pour les monter le lendemain.

Je dois vous faire une confidence ici: je me suis un peu bidonné dans la montée. Les touristes sont relativement jeunes en Islande, alors de voir des petits coqs tenter de se faire l’ascension au pas de course… Allant à mon rythme habituel en montée, je les ai rattrapés un à un. Les entendre souffler péniblement alors que le vieux passait sans ralentir ?  Priceless !  🙂

Arrivé en haut, j’ai découvert les chutes « secondaires » dont mon ami m’avait parlé. Elles sont magnifiques. Et même si le sentier était fermé au bout de la troisième ou quatrième, ça valait lle coup qu’on revienne le lendemain pour que Barbara voit ça.

Une des chutes « secondaires ». Pas mal, hein ?

Comme je retournais vers l’escalier pour descendre, j’ai croisé un couple qui arrivait à la course d’un autre sentier. Moi qui suis habituellement trop antisocial pour parler aux étrangers, fallait que je sache: est-ce que ça va loin ?

« C’est un vieux chemin. Oui, c’est pas mal long, vous pouvez aller y marcher, c’est très beau. »

Ho que non: j’irais le courir !

Je me suis donc retrouvé le lendemain, encore une fois au pied des marches. Barbara irait prendre des photos des chutes « secondaires » et moi, j’irais découvrir ledit vieux chemin.

Dès que je l’ai commencé, je me suis retrouvé seul. Un vieux, très vieux chemin de terre et de pierre qui montait, montait… Mais qu’est-ce qu’ils foutaient avec ce chemin ?  Il n’y a pas un véhicule autre qu’un tank qui pourrait passer ici. Pas étonnant qu’il soit laissé à l’abandon… à la grande joie du coureur.

Monte, monte encore. La pente n’était pas trop abrupte, mais quand même… Peu importe où je regardais, la vue était magnifique. Des bouts, je me demandais si je n’étais pas en train de rêver.

Puis, je suis arrivé à un endroit à partir duquel le chemin était enneigé. Il faut dire que nous avions subi des averses de neige à tous les jours depuis notre arrivée et ce matin n’avait pas fait exception. En fait, il s’agissait plutôt de petits grêlons qui fondaient en quelques minutes une fois l’averse terminée. Mais là où je me trouvais, il faut croire qu’il faisait en-dessous du point de congélation…

Paysage lunaire dans la montée.

Au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte que si je poursuivais ainsi, je risquais de dépasser l’heure de rendez-vous pour le retour. Demi-tour donc.

Me disant que si je me plantais, j’aurais bien des chances de mourir d’hypothermie avant que quelqu’un finisse par me trouver, j’ai tout d’abord joué de prudence dans la descente. Surtout que je suis pris avec une labyrinthite qui n’en finit plus de finir. Puis progressivement, je me suis laissé aller.

Et c’est là que c’est arrivé: j’ai ressenti un sentiment de liberté totale. Les enjambées s’enfilaient les unes après les autres, sans effort. Je repensais à toutes années passées à combattre cette maudite maladie et je remerciais le ciel pour cette rémission (ils appellent ça comme ça pour l’arthrite) qui nous permettait d’être ici, maintenant.

Et j’ai crié. Une, deux, trois fois. À m’en faire mal à la gorge.

WOOOU-HOOOU !!!

Bon, personne n’a pu m’entendre, mais on dirait bien que les dieux n’appréciaient guère ma voix mélodieuse puisqu’au moment même où je suis pour en pousser un autre, une tempête de grêlons commence à s’abattre sur moi.

Je ne peux m’empêcher d’en rire. Ok, c’est beau, j’ai compris, j’arrête… Non mais, j’arrête, je vous dis ! Rien à faire, la tempête se poursuit.

Ouch ! C’est que ça pince, ces petits maudits morceaux de glace tombés du ciel. Ayoye bout de viarge !

Pas le choix, malgré le vent de face à écorner un boeuf, je dois ramener la visière de ma casquette vers l’avant et couvrir mon visage avec ma main gantée. Essayez de descendre un vieux chemin cabossé et enneigé avec une main devant le visage…

Puis, comme elle a commencé, la tempête s’arrête. À peine quelques minutes plus tard, je me retrouve à nouveau sur la partie du chemin où il n’y a pas de neige. Est-ce qu’il est tombé de la schnoutte ici ou c’était vraiment une volonté de dieux de me faire taire en m’envoyant une averse très localisée ?  Je ne le saurai jamais.

Devant moi, la montagne et à ses pieds, la plaine qui va jusqu’à l’océan tout près. Ha les vues ici…

Arrive un passage plus technique. Je ralentis, pas le moment de me péter la gueule. Puis quand la pente d’adoucit à nouveau, je reprends de plus belle. Les chute sont proches, je les entends d’ici…

Se produit alors une scène qui m’est maintenant trop familière: mon pied butte sur une roche anodine, un « toc » sec se fait entendre. Comme à chaque fois, l’espace d’une fraction de seconde, je pense pouvoir rattraper la situation. Comme à chaque fois, je me retrouve face contre terre. Calv… !

Ok, pas besoin d’arrêter le chrono puisque depuis ma dernière blessure, j’ai décidé de ne plus mesurer mes sorties (j’avoue tout de même que je vais ensuite voir sur Google pour savoir les distances :-)). Deuxième étape: est-ce que quelqu’un m’a vu ?  Non. Good, l’honneur est sauf. Troisième étape; les dégâts.

Avant-bras du coupe-vent ainsi que pantalons de course bien souillés, un gant de déchiré. J’ai probablement quelques éraflures, mais rien ne parait en surface. On verra plus tard.

Je peux courir encore ?  Ouf, les genoux ont mangé un coup, c’est raide. Mais je peux reprendre et c’est en courant pleins gaz que je me retrouve sur le bord de la rivière. Allez, un dernier petit aller-retour du côté amont avant de redescendre. Ce sera peut-être la dernière fois de ma vie que je pourrai voir ces chutes-là.

Devant une autre des chutes « secondaires » (mes amis Facebook reconnaitront peut-être ce selfie que je leur ai déjà fait subir)

J’arrive à l’auto le sourire aux lèvres, tout juste après Barbara.

Puis mon amour, on va voir quoi maintenant ?

Courses anglaises: Bath, la pourtant si belle…

Ha Bath, la plus belle vile d’Angleterre…  Nous étions passés y faire un tour et nous avions tout simplement été subjugués. La beauté des lieux, la rivière qui coulait doucement en son centre, les gens qui déambulaient tranquillement, tout inspirait au calme, ce qui est rare dans un endroit aussi touristique. Un guide bénévole (qui refusait obstinément toute forme de pourboire) nous avait amenés faire un tour pour découvrir à pied cette merveille, une visite de deux heures ponctuée de capsules historiques rendues avec l’humour très particulier des gens de la place. Sublime.

Vous devinez donc que je piaffais d’impatience à l’idée d’aller arpenter à la course ces rues qui n’avaient rien à envier à Florence ou à Sienne côté beauté. Nous créchions à Bathford (hé oui, il y a plusieurs bleds dont le nom commence par “Bath” tout autour: Bathford, Bathampton, Batheaston; c’est bizarre, mais c’est de même), à environ 6 kilomètres du centre. C’était parfait: un “petit 6” pour commencer, puis je ferais la vieille ville dans tous les sens pour ensuite revenir à mon point de départ, pour un total tournant autour de 15 kilomètres.

Après avoir débuté par la longue descente menant au carrefour giratoire principal du coin (contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est bigrement plus compliqué de traverser un tel carrefour à pied que lorsqu’on conduit car les voitures ne semblent jamais arriver du bon côté), j’ai emprunté London Road, qui allait me mener à ma destination.

Après peu de temps, j’ai aperçu ce qui semblait être une piste longeant l’Avon, la rivière qui traverse Bath. Et si cette piste m’amenait en ville ?  Ce serait cool, non ?  J’ai cependant décidé de poursuivre selon mon plan original, malgré la relative “mochitude” du boulevard que je suivais. J’irais voir cette piste un autre tantôt.

Ouais, London Road, c’est vraiment ordinaire. Mais dans l’anticipation de ce que j’allais voir, je n’en faisais pas de cas. Puis graduellement, le paysage commença à s’améliorer, les bâtisses devenant de plus en plus jolies. Je reconnus la petite rue que nous avions empruntée la veille en auto et aperçus l’église St Michael’s. Ha, j’étais tout près… Les rues piétonnières à moi tout seul, j’en bavais presque d’anticipation.

Tiens, un camion de livraison. Ben oui, il faut bien que les commerces fassent livrer leurs trucs à un moment donné et si ce n’est pas durant la journée, c’est tôt le matin… Un peu plus loin, des employés de la ville qui nettoyaient les rues au jet d’eau à pression. Avec le bruit que ça implique. Puis un autre camion de livraison qui reculait celui-là, tout en produisant les bips-bips de circonstance. Sans compter les autos, là où il n’y en avait pas la veille. Bref, Bath était en mode préparation pour accueillir les visiteurs: bruyante, encombrée, inhospitalière. Déception.

J’ai tout de même fait un petit bout le long de l’Avon, question de traverser le Pulteney Bridge (le Ponte Vecchio local) et pris le chemin du retour après m’être enfilé quelques autres petits détours. À cette heure, la circulation commençait déjà à se densifier, n’aidant pas à rendre l’expérience plus agréable. C’est seulement une fois revenu à la longue montée menant à notre “cottage” que j’ai pu sentir à nouveau un certain calme dans les alentours.

Le lendemain, il n’était pas question de me rendre en ville. À moins que la piste que j’avais aperçue la veille…

Ladite piste en terre battue était vraiment belle, j’y aurais couru pendant des heures… si elle avait eu une longueur le moindrement respectable. Longeant d’abord l’Avon, elle traversait ensuite un champ où des moutons me regardaient comme une vache regarde passer un train, me rappelant mes sorties dans le Devon. Mais bon, sans trop savoir comment, je me suis rapidement retrouvé sur une propriété privée sans issue apparente et ai dû rebrousser chemin. J’ai donc décidé de m’éloigner de la ville, en suivant les petites routes.

Dans ce pays, lorsqu’on s’éloigne le moindrement des cours d’eau, le terrain prend invariablement une « légère » tendance à la verticale. Montée, montée, descente, descente, je me serais cru dans le Vermont. À un moment donné, j’ai aperçu du coin de l’oeil un sentier et ai bien failli l’emprunter. Toutefois, je ne faisais pas confiance à mes GORun Ultra R usés sur des racines humides et ai continué sur le bitume jusqu’à ce que je me retrouve dans un cul-de-sac, dans ce qui me semblait être le fin fond des bois. Et pourtant, je n’étais vraiment pas si loin de la civilisation…

Le surlendemain, j’ai tout misé sur une sortie campagnarde et ne l’ai pas regretté. Bath, ça se visite foutrement bien à pied durant les “heures d’ouverture”, mais un petit matin de semaine, bof…

Courses anglaises: le Devon

« C’est le paradis ici… »

Après quatre journées de temps radieux dans la capitale, nous avons eu droit à quelques gouttes de pluie pour nous rendre dans le Devon. Pas les conditions idéales pour « apprendre » à conduire du côté gauche de la route, mais bon, fallait faire avec…

Un arrêt « obligé » à Stonehenge nous ayant retardé, nous sommes arrivés autour de 18h30 chez Tina, notre hôtesse (il me semble que ça fait bizarre d’utiliser ce mot comme traduction de host…) pour les 4 jours suivants. Tout sourire, elle nous attendait dans sa véranda et avant même d’avoir échangé 2-3 phrases, elle nous avait offert une tasse de thé. Nous avons dû décliner, lui expliquant qu’il était déjà tard, que nous n’avions rien à manger, que nous devions trouver quelque chose pour le souper et le déjeuner du lendemain, et vu que c’était dimanche, ce serait compliqué, etc.

En moins de deux, elle nous avait réservé une place au pub du village (il y avait un pub ici et ça prenait une réservation ?!?) et ajoutait qu’elle nous avait laissé de quoi déjeuner dans le frigo. L’accueil royal.

Le lendemain matin, je revenais de ma course quand Barbara m’a posé la question : « Pis, comment c’était ? ». Définitivement, c’était le paradis et jamais je ne voudrais repartir…

Après le bruit de la cité, le contraste a été saisissant. Personne autour, pas le moindre son.  À la place des grands boulevards où filaient à vive allure des milliers de véhicules et des trottoirs encombrés de touristes et de gens pressés, mon terrain de jeu était constitué d’enchainements de chemins étroits, (très) ondulés et bordés de haies. De l’autre côté desdites haies, des moutons et des vaches broutant nonchalamment. Des humains ?  Pas vu beaucoup.

Les chemins étaient tellement étroits que deux véhicules ne pouvaient pas s’y croiser. En fait, même à pied je devais m’engouffrer dans les haies lorsque je rencontrais une rare automobile sur mon trajet. Ce qui faisait que j’étais dans l’obligation de ralentir mes ardeurs dans les descentes, de peur de faire un face à face à la moindre courbe. À pied. Faut le faire, quand même !

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Quand je dis que les chemins étaient étroits, je n’exagérais pas. Et non, ce n’était ni un sens unique, ni une piste cyclable !

Mon premier objectif : aller voir de quoi avaient l’air le pub et le village. Car je ne comprenais pas comment on pouvait exploiter un établissement de ce type dans ce qui me semblait être un endroit minuscule. Mais comme je l’avais vu de nuit, je me disais que peut-être que…

Hé bien, je ne comprends toujours pas !  Dalwood est vraiment microscopique: tout au plus 20-25 maisons constituent le village. Il y a bien une école primaire, mais je ne vois pas d’où peuvent bien provenir les enfants qui la fréquentent. Quant au magasin général, la personne qui y travaille doit souvent trouver le temps long. Et le pub, vous me demandez ?  Toujours la même incompréhension, mais honnêtement, si un jour vous passez dans le coin, payez-vous une visite chez Tucker’s Arms, vous ne le regretterez pas !

Ensuite, je me suis mis à enfiler les montées et les descentes, y allant selon mon instinct. C’était l’endroit idéal et la température parfaite pour courir, les vallons verdoyants de la campagne et le léger brouillard matinal au-dessus du ruisseau offrant à mes yeux émerveillés un paysage que je n’oublierai jamais.

Chemin faisant, j’ai eu une illumination. Pendant longtemps, je me suis demandé pourquoi les Britanniques produisaient autant de coureurs de haut niveau. Dans mon jeune temps, il y avait Coe, Ovett, Cram, les spécialistes du demi-fond. Il y avait aussi Steve Jones, qui a été recordman du monde sur marathon. Et plus récemment, que dire de la légendaire Paula Radcliffe ou de Mo Farah ?  Sans oublier tous ceux qui les ont précédés…

Hé bien, j’avais peut-être un élément de réponse là, juste devant moi : et si les campagnes étaient toutes comme celle-là dans ce merveilleux coin du monde ?  Cet environnement ne demandait qu’une chose : être parcouru dans tous ses sens à la course. Je n’étais tout de même pas pour me gêner…

Ceci dit, il faut croire que les coureurs ne sont pas légion dans le coin car au détour d’une courbe,  j’ai été accueilli par un chien berger qui semblait plus surpris que fâché de me voir apparaître. Mais bon, contrairement à ce qui se passerait en ville, je ne pouvais pas vraiment m’offusquer du fait qu’il soit laissé libre parce qu’après tout, ça faisait partie de sa « description de tâche » qui est, ne l’oublions pas, de garder des moutons. Ce qu’il semblait faire plutôt bien d’ailleurs.

Mais comme il n’y a pas un chien sur cette terre qui me fasse peur si je suis seul à seul avec lui (c’est un tantinet différent quand Charlotte est avec moi), j’ai entamé les pourparlers comme tout bon négociateur : en observant le non-verbal de mon interlocuteur. De toute façon, je me doutais bien que le verbal ne m’apprendrait pas grand-chose, alors… On a fini par s’entendre sur le fait que je rebrousserais chemin (comme je prévoyais le faire incessamment) et que lui, retournerait (dans les deux sens) à ses moutons. Ha, quand on sait se parler…

Parlant des moutons, disons qu’ils ont peut-être été le seul élément « négatif » de cette sortie dans le Devon. Pas qu’ils aient été dérangeants, bien au contraire, et j’avoue que j’aimais bien voir leur face en point d’interrogation quand je passais tout près. Sauf que bon, ces pacifiques bestiaux n’ont pas l’habitude de garder leurs « surplus » pour eux quand ils utilisent nos routes pour changer d’endroit où mâchouiller leur foin, alors… Ce qui fait que j’en ai été quitte pour une bonne séance de décrottage (c’est le cas de le dire !) de mes GORun Ultra R après mon arrivée.

Mais ça en valait largement la peine. Sauf que lors des deux sorties subséquentes, j’ai tout de même pris bien soin d’éviter les secteurs plus à risques.

Quand nous avons quitté, le coeur gros à l’idée qu’on ne verrait peut-être plus jamais une hôtesse qui était presque devenue une amie, je me consolais un peu en pensant à Bath, la plus belle ville d’Angleterre, qui serait ma prochaine découverte.

2015, une drôle d’année

Les traditions étant les traditions, pas moyen de passer à côté de celle qui en est rendue à sa quatrième édition, soit la revue de ma dernière année dans le merveilleux monde de la course.

Voici donc ce qui m’a « frappé » au cours des 12 derniers mois…

Les femmes de la course – Contrairement aux années précédentes, j’ai cru remarquer qu’elles avaient eu un rôle plus important dans mon activité en 2015. Je ne peux donc tout simplement pas laisser leur apport sous silence.

Tout d’abord, je me dois évidemment de souligner, encore une fois, tout le soutien venant de la part de ma (la plupart du temps) tendre épouse Barbara. Contrairement à bien d’autres qui prétendent soutenir leur homme et qui profitent ensuite de la moindre occasion pour leur ramener ça sur le nez quand ça va moins bien, je sens vraiment qu’elle est derrière moi. Elle me connait mieux que personne et sait que je pourrais difficilement vivre sans mon sport. Or, quand je me suis blessé et aussi quand j’ai eu une grosse baisse de régime en fin d’année, au lieu de me casser les oreilles avec les classiques « Je te l’avais dit » et « Tu en fais trop », elle a cherché avec moi à trouver des solutions. Ajoutez à ça qu’elle a passé une autre nuit blanche à me suivre dans les coins le plus reculés de la Virginie profonde pour ensuite avoir l’immense bonheur d’avoir à me ramasser quand je suis tombé dans les pommes dans la salle de bain…

Donc, très humblement, merci pour tout, mon amour.

Une qui n’a pas eu à passer une nuit blanche, mais presque, et qui a gardé le sourire tout le long, c’est ma « petite » sœur Élise. Prise pour dormir sur le fauteuil de la chambre d’hôtel avant et après la course, elle n’a jamais perdu sa contagieuse bonne humeur tout au long de la journée. Et le sourire, elle l’avait encore par cette belle journée de novembre, quand elle a complété avec brio son premier demi-marathon. Je l’ai dit et le répète, il y a une marathonienne et même une ultramarathonienne dans ma frangine.

Dans un autre créneau, que dire de Fanny, celle pour qui j’ai joué au pacer à Bromont ?  Je l’ai rejointe alors qu’elle avait 124 longs kilomètres dans les jambes. Elle claudiquait, avançait lentement. Mais elle avait un moral d’acier et son esprit était si vif que je me suis trouvé nul de me sentir moche alors que j’avais dormi quelques heures.

Comme le lapin Energizer, elle a avancé, encore et toujours, grugeant lentement, mais sûrement un à un les obstacles qui se dressaient devant elle. Jamais je ne l’ai entendue se plaindre. Une battante, une vraie de vraie. Une inspiration.

Puis, comment oublier Christina, Kathleen et Amy, celles qui m’ont donné tant de fil à retordre en compétition ?

Christina, elle n’avait l’air de rien. Mais elle enfilait les kilomètres en enchainant les petites enjambées à une cadence époustouflante. Au fur et à mesure que la course progressait à Washington, elle s’éloignait de moi, me laissant croire que je n’étais pas vraiment dans une bonne journée. Et pourtant…

De Kathleen, je me rappellerai toujours le fait qu’elle n’arrête jamais, mais jamais de courir, même si elle avance plus lentement que quelqu’un qui marche dans certaines montées.  Et surtout, elle est ce qu’on appelle ici un cr… d’air bête. Autant à Massanutten qu’au Vermont, nous avons fait de longs bouts ensemble et la seule fois qu’elle m’a glissé un mot, c’était pour répondre au « Great job ! » que je lui avais lancé. Elle m’a répondu « You too ! » pour, quelques centaines de mètres plus loin, me dépasser sans me dire un foutu mot. Bout de viarge, elle a parlé plus aux chevaux qu’à moi durant toutes ces heures !

Quant à Amy, bien que son flot incessant de paroles m’ait un peu agacé à Massanutten, la longue jasette qu’on s’est piqué après le Vermont (où elle était directrice de course) m’a fait découvrir une femme charmante et drôle à souhait. Une vraie de vraie trail runneuse, contrairement à l’autre…

Aussi, un petit mot pour Anne, qui aurait bien pu être la première femme à me chicker dans un ultra au Québec. Si ce n’est pas elle, ce sera une autre, car le monsieur ne rajeunit pas et les femmes commencent à pousser pas mal fort ici…

En terminant, bien qu’on ne se soit pas côtoyés en course, j’ai suivi de près (mais à distance) l’impressionnante progression de mon amie Julie cette année. 4 ultras, en plus de plusieurs autres courses pas piquées des vers, c’est toute une saison qu’elle a eue. Et en juin prochain, nous ferons équipe dans le cadre de la Petite Trotte à Joan. J’y reviendrai.

Monsieur dream team – Il a été de tous mes 100 miles, il est sans contredit mon fan numéro un. Homme discret qui n’aime pas être le centre d’attention (c’est génétique, que voulez-vous…), il tient mordicus à faire partie de mon équipe de soutien. Et sa place est réservée à perpétuité (sauf pour les épreuves que je ferai en solo, bien évidemment). Un gros, gros merci pour tout papa.

Mon « entourage » – Bien que la course soit le sujet de ce blogue et que mes interventions Facebook ont presque toutes rapport à ça, c’est seulement quelque chose que je fais, ce n’est pas ce que je suis. Non mais, est-ce qu’il y a quelque chose de plus fatigant que quelqu’un qui parle toujours de la même affaire ?

Ma femme, ma famille, mes amis, mes collègues de travail me permettent d’échanger sur d’autres sujets d’intérêt. En fait, même entre ultrarunners, on parle souvent d’autre chose. Car, il n’y a pas que la course dans la vie, n’est-ce pas ?

« Mes jeunes » – C’est comme ça que je surnommais les étudiants de l’école Gérard-Filion avec qui je courais les lundis. Eux s’entrainaient pour le Grand Défi Pierre-Lavoie et moi, ben, je courais, comme d’habitude.

C’était beau de voir des jeunes motivés par le projet et des profs dévoués les encadrer. Une belle expérience de vie.

Ils nous ont quittés –  Quelques jours avant la course à Washington, j’ai appris le décès de mon oncle Claude, qui n’avait que 70 ans. Je ne le voyais pas tellement souvent, mais c’était toujours un immense plaisir d’être en sa compagnie. Il avait le don de nous faire rire, alternant taquineries et autodérision. Les funérailles ayant lieu le jour où nous partions, nous n’avons pas pu y assister.

Dans les 10 derniers miles, alors que le soleil était à son zénith et que je serrais les dents pour tâcher de terminer, je l’entendais me traiter de débile et rire de moi. J’ai ri tout seul parce que j’étais un peu d’accord avec lui…

Puis, peu avant le Vermont 100, j’ai appris le décès de Christian. Celui-là, je l’ai pris encore plus dur, probablement parce qu’il avait mon âge. Durant la course, dans les moments les plus difficiles, je me rappelais de ses expressions colorées et encore là, je riais tout seul. Deux jours plus tard, à la sortie de l’église de Ste-Julie, je n’ai pas retenu mes larmes. Il me manquait déjà.

Le froid – C’est difficile à croire avec le mois de décembre hyper-clément que nous avons eu, mais l’hiver a été dur dans la partie nord-est du continent. Très dur, même. Jamais vu autant de journées avec des températures descendant sous les -20 degrés, jamais vu un hiver aussi long. Pas les conditions idéales pour se préparer en vue de la saison des ultras, mettons.

La chaleur – Bon, j’ai beau m’en plaindre, mais mon corps vit plutôt bien avec le froid. Malgré les conditions extrêmes, je ne suis jamais allé au bout de ma garde-robe. Je ne protège que très rarement mon visage et n’ai aucun problème à respirer dans le froid. Ha, si mes mains pouvaient être comme le reste de mon corps…

Par contre, la chaleur… Ouch !  Là, c’est plus difficile. Et comme le hasard fait « bien » les choses, il fallait qu’il fasse chaud autant à Washington qu’à Massanutten. Si au moins ça s’était déroulé en fin de saison…  Mais non, c’était en avril et en mai. Dire que j’ai souffert serait un euphémisme.

Un parcours à ma mesure – En banlieue de Washington, sur les bords du Potomac. Deux parcs reliés entre eux par un sentier. Parcours peu technique, relativement rapide. Des boucles, des allers-retours. Un parcours fait pour moi (il le serait encore plus s’il y avait de vraies montées, mais bon…). Je pensais que j’aurais pu faire mieux, mais finalement…

WHAT ?!? – C’est ce qui est sorti de ma bouche. La première fois, alors que j’avais 75 km dans les jambes et que le pauvre bénévole m’annonçait que je devais me taper le foutue boucle de 2.2 miles qu’on s’était tapée plusieurs heures auparavant. Pendant que je bougonnais, les coureurs du 50 km que je venais de dépasser passaient tout droit. Quand j’ai vu Christina sortir de ladite boucle, je me suis résigné : j’y suis allé, la queue entre les jambes, comme si on m’envoyait à l’abattoir.

Puis, une fois l’arrivée franchie, alors que j’envisageais sérieusement de retourner à mon auto pour aller récupérer moi-même mon drop bag, je suis passé à la tente de chronométrage. Comme j’avais eu une course somme toute correcte, je m’attendais à avoir terminé entre les 20e et 30e places. Au mieux, la 15e. Puis, j’ai vu le chiffre : 9e, avec à la clé, une première place dans ma catégorie.

WHAT ?!?

Les roches – Massanutten Mountain Trail 100-Mile Run. Les roches en font sa réputation. J’en ai fait une indigestion, littéralement.

Abandonner ? – En course, j’y avais souvent songé, mais jamais sérieusement. C’était avant de connaitre Massanutten. Il faisait chaud, le parcours très technique faisait que j’avançais à pas de tortue. Je détestais ça profondément. Je voulais juste partir, être ailleurs. Avant même le premier tiers, j’ai songé à abandonner.

Je me suis trainé jusqu’au ravito. Puis jusqu’au suivant. Mon enthousiasme est revenu, avant de repartir. À la mi-parcours, j’étais en mode death walk. La providence a mis Pierre sur mon chemin. Sa présence m’a rassuré, revigoré. Ce n’est que beaucoup plus tard que je resongerai à abandonner, quand, envahi par la fatigue, mon corps ne voulait tout simplement plus avancer.

Le bourbon – Bird Knob, mile 81.6. Je me demande comment je fais pour tenir debout. Le ravito est minuscule et sur place, les bénévoles sont sur le party. Ils nous offrent du bourbon, il me reste tout juste assez d’intelligence pour décliner. Pierre accepte avec plaisir, alors que je me contente d’un concentré de café au chocolat (ou était-ce du chocolat au café ?).

En tout cas, c’est ce que Pierre m’a raconté, car honnêtement, ceci n’est qu’un vague souvenir pour moi.

Pas un pique-nique – Picnic Area, mile 87.9. Je suis au bout du rouleau. J’ignore si c’est la fin ou pas, mais je dois prendre un temps d’arrêt : je dors debout. Le problème est que je ne dors pas une fois couché, alors j’attrape au passage mon partner avant qu’il quitte et nous repartons ensemble.

Quelques centaines de mètres plus loin, mon système digestif me signifie son ras-le-bol. Il refera plusieurs fois des siennes pendant les 3 heures que durera le trajet nous menant au dernier ravito, à peine 9 miles plus loin.

Voulez-vous bien me dire pourquoi ils ont appelé ce ravito Picnic Area ?!?

Les hallucinations – Une dame qui nous fait des grands signes. Un chapiteau. Je les vois, clairement même. Mais Pierre ne les vois pas. J’hallucine, mais le pire est passé. Nous en rions encore.

Le « sprint » –  Nous avons enfin regagné la route. Plus que 6 petits kilomètres. Ma Garmin ayant rendu l’âme, je ne sais pas à quelle vitesse nous allons, mais j’ai l’impression que c’est très vite. Un à un, nous rejoignons des coureurs, les laissant dans notre sillage.

Quelques heures auparavant, je pensais que j’allais mourir. Pourtant, en ce moment, je vole. Et je n’ai jamais pris de repos entre les deux. C’est bizarre, le corps humain.

Mon partner – Nous avons passé 17 heures ensemble. 17 heures à échanger sur tout, à se soutenir, à s’encourager. On dit que pour vraiment connaitre une personne, il faut courir un ultra avec elle. Hé bien, je crois qu’on a vraiment eu la chance de se connaitre tout au long de cette journée et de cette nuit.

J’ai pris le départ de cette course sans trop savoir à quoi m’attendre. Je l’ai terminée avec un ami.

Lapin de cadence – Un rêve devenu réalité 8 ans plus tard. À cause de mon déguisement (ou malgré lui, c’est selon), plusieurs personnes sont venues me parler. Et pendant plus d’une heure, j’ai été leur guide. Une responsabilité que j’assumais pleinement, espérant secrètement avoir contribué un tantinet à la réussite de certains d’entre eux.

Je n’avais juste pas prévu faire les 6-7 derniers kilomètres tout seul…

On s’habitue à tout – St-Donat, la première fois, j’ai détesté. Profondément détesté. Trop technique, trop de bouette, pas moyen de prendre un semblant de rythme. Puis, par masochisme, j’y suis retourné. Bah, pas si pire, que je me disais. J’en ai donc remis une couche cette année.

Ha ben bout de viarge, j’ai même aimé ça !  Comme quoi, on s’habitue vraiment à tout.

Perdu – Mon ami Pierre a la fâcheuse tendance à se perdre quand il court des ultras et j’avoue que nous le taquinons un peu avec ça. Mais cette fois-ci, à St-Donat, c’est moi qui me suis royalement fourvoyé peu après le sommet de la Noire.

Têtu comme une mule, je me suis enfoncé, encore et encore. C’est par une chance incroyable que j’ai fini par retrouver le bon sentier. À ne pas refaire.

Le kyste – Je le trainais depuis longtemps. Des mois, des années ?  Je ne sais pas trop. Il était dans mon dos, alors il ne paraissait pas et ne me dérangeait pas, alors pas de presse à le faire enlever, n’est-ce pas ?

Erreur. Durant les 8 heures que j’ai passées dans les sentiers de St-Donat, le frottement incessant de ma veste d’hydratation a probablement fini par causer une ou plusieurs micro-blessures et ledit kyste s’est infecté. Après quelques jours à l’endurer, j’ai dû me rendre à l’évidence : je ne m’en sortirais pas seul.

On l’a ouvert, vidé, puis on y a installé une mèche que je devais faire changer tous les jours. On m’avait dit que ça durerait 7 à 10 jours, le temps que la plaie se referme. Ça a pris 6 interminables semaines.

Finalement, c’est un chirurgien que j’ai rencontré par hasard la veille du Vermont 100 qui m’en a débarrassé, plusieurs semaines après.

« And you ran a 100 miles with that… » – C’était Amy, après le Vermont 100, alors que je venais de lui expliquer pourquoi je devais retourner au Québec avant le traditionnel barbecue. Tu aurais fait pareil, chère Amy.

« Il est tout mouillé » – L’infirmière qui a effectué le changement de pansement-mèche le lendemain du Vermont. C’est que voyez-vous, j’ai couru 100 miles dans la grosse humidité et pour couronner le tout, je me suis fait arroser non pas par un, mais bien deux orages.

Alors oui, c’est possible qu’il soit mouillé.

Monte, descend, monte, descend… – Dans le milieu, on le dit « facile ». Vrai qu’il n’est pas tellement technique, vu qu’il se passe à 70% sur des chemins de terre. Quand on sait que le record de parcours se situe sous les 15 heures…

Ceci dit, ça n’empêche pas le Vermont 100 d’être tout un test. 100 miles, 161 foutus kilomètres, toujours en montée ou en descente. Aucune de ces montées ne peut se targuer d’être une véritable ascension. Il en va de même pour les descentes, qui se font à peu près toutes à pleine vitesse. Mais c’est l’ensemble, qui est beaucoup plus difficile que la somme des parties, qui fait de ce parcours ce qu’il est : un défi à ne pas sous-estimer.

La cheville – Bang, bang, bang. Des milliers de fois, mes pieds ont frappé le sol. Au bout d’un certain temps, ma cheville en a eu marre. Deux semaines de repos, je la pensais guérie. Erreur. La persistance de ce mal m’a forcé à essayer de changer ma technique de course.

Changement de technique – En course à pied, il faut toujours, toujours y aller graduellement. Ce que je n’ai évidemment pas fait. Des mollets et des tendons d’Achille sollicités au maximum, des malaises qui ne finissent plus de guérir. Je suis maintenant contraint de recommencer à zéro, en espérant que ma cheville me le permette…

Pacer – Étant dans l’impossibilité de compétitionner pour moi-même, je me suis rabattu sur le pacing en fin de saison. Tour à tour, Sylvain, Fanny et ma sœur Élise ont eu à m’endurer, parfois pendant des heures. Je les plains.

Porteur de bière – Mon ami Sylvain était blessé, je me sentais tellement, mais tellement inutile. Quand il m’a réclamé de la bière, j’ai tout d’abord cru à une blague. Constatant son sérieux, je me suis exécuté avec plaisir. Si au moins je pouvais servir à ça…

Réflexion toutefois : 5$, était-ce suffisant pour acheter cette grosse canette de Heineken dans un dépanneur ?

Bénévole –  C’était ma première « vraie » expérience en tant que bénévole dans un ultra. Observer les autres agir, ça nous permet d’en apprendre beaucoup, autant sur eux que sur soi-même, tout en se rendant utile. À refaire.

Courir à travers l’histoire – Rome, Florence. La Place St-Pierre, le Tibre, le Circo Massimo, le Colisée, l’Arno, le Ponte Vecchio, le Duomo, le Palazzo Vecchio.  Des endroits célèbres, « courus » par les touristes. Hé bien moi, j’étais le touriste qui les ai découverts en courant au (très) petit matin, alors qu’il n’y avait personne.

Une manière de découvrir le monde autrement. Je ne l’avais jamais fait, je ne pourrai plus m’en passer. Merci pour le tuyau, Didier.

Ambassadeur – Hé oui, je suis maintenant ambassadeur Skechers. Qui l’eût cru ?

Le down – Retour d’Italie, petite sortie de 10 km en vue du demi avec ma sœur trois jours plus tard. Catastrophe : je fais du 4:23/km de moyenne, de peine et misère. Je mets ça sur le compte du décalage horaire.

Les semaines se suivent et je n’avance toujours pas. La nouvelle technique peut être en cause, mais comme je reviens peu à peu à mes premières amours, il me semble que… Puis, un dimanche, après 11 petits kilomètres à St-Bruno, étourdissements. Je persiste, puis finis par capituler après 18 kilomètres. La semaine suivante, ma « longue sortie » ne fera que 16 misérables kilomètres.

Entre les deux, les sorties plus courtes étaient somme toute convenables. J’en parle aux copains qui ont des propos rassurants. Je consulte tout de même un médecin qui décèle un léger souffle au cœur et commande un bilan médical complet. Une fois « sevré » d’alcool, je me retrouve une aiguille enfoncée dans le bras avant de faire pipi dans le petit pot pour ensuite jouer dans mon caca avec un petit bâton. La joie. J’aurai les résultats d’ici 2 semaines.

Entre temps, j’ai décidé de contrôler ce que je peux contrôler, soit mon alimentation. Donc, moins de sucre et moins d’alcool. Pas de coupure drastique (la vie serait tellement plate et c’est tout de même le temps des Fêtes !), mais un certain contrôle. Ça ne peut pas nuire.

Depuis deux semaines, je sens que je remonte la pente. J’étais peut-être juste fatigué après tout…

Les loteries – L’année a commencé par celle de Massanutten, où j’ai « gagné ». Elle s’est terminée par une « défaite » en vue du Western States (j’avais un gros 3.6% de chance d’être pigé) et un suspens en vue de l’UTMB. Hé oui, j’ai appris tout récemment que mon résultat à Massanutten était admissible pour l’obtention des fameux « points » nécessaires pour avoir le droit de participer à la mythique épreuve.

Mais, tout comme quelques-uns de mes comparses, j’avoue que toutes ces loteries commencent à me peser. Bientôt, on ne pourra plus avoir la moindre idée de notre programme de la saison avec tous ces foutus jeux de hasard…

2016 ? – Le programme se dessine tranquillement. Encore une fois, pas de marathons, à moins que ce soit comme accompagnateur. Les marathons et moi…

Malgré toutes mes belles promesses, je compte retourner à Massanutten. J’ai un compte à régler avec cette course-là et comme je l’ai déjà terminée, j’ai à peu près 100% des chances d’y retourner si c’est ce que je veux.

Ensuite, ce sera la Petite Trotte à Joan, puis, comme je ne suis qu’un être humain, je ne crois pas que ce soit une bonne idée de me faire le Vermont 100 trois petites semaines plus tard. De toute façon, si je suis pris à l’UTMB… Je sais, Joan s’est farci les trois l’an passé, mais je le répète, je ne suis qu’un être humain, moi. Et si ça ne fonctionnait pas du côté des Alpes, ce sera l’Eastern States, qu’on dit très, très difficile. Ok, c’est moins glamour, mais bon, c’est aussi pas mal moins loin !

À l’automne, j’espère bien effectuer un retour à Bromont, mais c’est encore loin. Puis, j’aimerais bien me faire  quelque chose de plus petit en mars ou avril. Un 50 km ou un 50 miles. On verra.

Encore une fois, bien des beaux projets ! 🙂

Bonne année 2016 à tous !

Des petites vites

Beaucoup de choses à raconter ces derniers temps, mais malheureusement, pas tellement de temps pour le faire. Je dois donc me résoudre aujourd’hui à y aller en mode « petites vites », sinon certaines histoires seront perdues à jamais. Et ce serait tellement dommage… 😉

« C’est le lapin… »

Avant-veille de notre départ pour l’Italie, je suis à mon poste habituel du mardi matin, soit le mont Royal. Tradition oblige, je m’arrête quelques instants sur le belvédère face au chalet, même si ce ce jour-là, la météo n’est vraiment pas propice aux grands spectacles, contrairement à ce qu’elle était quelques jours auparavant. En effet, le ciel est gris, il y a de la brume et même les édifices du centre-ville, pourtant tout près, sont difficiles à distinguer. Alors pour les monts St-Hilaire et St-Bruno, on repassera…

Toujours est-il que pendant que j’admire le non-paysage, je me rends compte que trois dames (à partir de quel âge doit-on abandonner le terme « fille » pour le remplacer par le mot « dame » ?  C’est qu’elles sont tout de même plus jeunes que moi, je dirais…) en tenue de course me jettent des regards furtifs tout en murmurant entre elles.

Bon, qu’est-ce que j’ai, au juste?  Je suis trop vieux pour avoir des substances verdâtres qui me pendent au bout du nez et comme je porte des shorts de course (règle numéro un: il fait plus de 5 degrés, je cours en shorts), pas de risque que ma braguette soit à découvert. Alors, qu’est-ce que c’est ?

J’entreprends de recommencer à courir quand, passant près d’elles, j’entends clairement: « C’est le lapin… Oui, c’est le lapin.. ». Ha ben, du monde qui vient de mon coin de banlieue… Mais suis-je si reconnaissable (tes genoux, du con, il n’y a pas grand monde qui court avec des machins aux genoux !) ?

Au passage, l’une d’elles me demande si j’étais le lapin à la Course des 7. Une petite jasette s’ensuit et j’apprends qu’elle habite à un coin de rue de chez moi. Et pourtant, bien que son visage me semble familier, je ne l’aurais jamais parié. C’est fou à quel point on ne connait pas ses voisins…

Avant de repartir, je lui ai suggéré de jeter un œil à son édition du lendemain du journal local…

L’entrevue

En fait, c’est l’édition de la semaine suivante qu’il aurait fallu qu’elle regarde, mais bon, je ne pouvais pas le savoir.

Car, comme mes amis Face de bouc le savent depuis un bout de temps, on retrouvait ma face en gros plan dans un article du Reflet (dans la version papier, ça faisait presque peur), notre hebdo local. Le sujet ?  Les ultras, bien évidemment.

Pour faire une longue histoire courte, les gens des loisirs de la ville ont parlé de moi aux gens du Reflet et après quelque temps, un journaliste m’a contacté. L’entrevue, qui devait durer une quinzaine de minutes à l’origine, en a duré au moins le double et aurait pu se prolonger encore très longtemps. Pas volubile de nature, je suis difficile à arrêter quand j’entreprends le sujet. J’ai tâché de faire de mon mieux pour être à la fois instructif et précis dans mes réponses. Surtout que, contrairement à ma première expérience dans le domaine, je ne venais pas de tout juste terminer un 160 kilomètres à la course, alors je n’avais pas d’excuse pour dire des idioties !  🙂

Les ultras faisant partie de ma vie depuis quelques années, je m’étonne toujours un peu de voir (ou entendre) des personnes tomber à la renverse quand je parle des distances parcourues. Ben oui, il m’est arrivé de faire plus de 100 miles à pied, je ne suis pas le seul, vous savez…

N’empêche, j’aime toujours quand on me demande quelque chose du genre: « Vous faites ça en combien de jours ? ». Ma réponse, toujours la même: « On part tous en même temps et c’est le premier qui arrive qui gagne. Des fois, oui, on part un matin et on termine le lendemain. ». Ça a toujours un effet bœuf ! 🙂

Monsieur Penven, le journaliste qui a mené l’entrevue, a été hyper-sympathique et très intéressé durant notre entretien. Aussi, il a plutôt bien synthétisé ce que je lui ai raconté afin que ce soit accessible aux gens dits normaux. Il y a bien quelque petites erreurs factuelles dans l’article, mais dans l’ensemble, je suis très satisfait du résultat. Si ça peut aider à promouvoir notre sport et permettre aux épreuves locales de continuer à exister…

Maintenant, c’est rendu que les dames Témoins de Jéhovah qui nous rendent parfois visite le samedi matin m’appellent notre « vedette du Reflet »…

Course à Florence

J’ai déjà raconté mon expérience de course à Rome, je ne peux pas garder sous silence celle que j’ai vécu à Florence, quelques jours plus tard.

Ha, Florence… Moins spectaculaire que Rome, la capitale de la merveilleuse Toscane est d’une beauté inégalée (quoi que Sienne ne donne pas sa place non plus). Autre occasion que je ne pouvais, que je ne devais absolument pas manquer.

6 heures du matin encore une fois donc, je me suis élancé. Après avoir longé l’Arno de par ses deux rives (le traversant entre autres par un Ponte Vecchio entièrement désert), je me suis un peu perdu en cherchant la Piazzale Michelangelo, les indications n’étant pas tellement claires. Quand c’était rendu qu’on annonçait un terrain de camping et un autodrome, j’ai reviré de bord, comme on dit chez nous.

J’ai terminé en sillonnant le labyrinthe des rues pavées formant la ville historique, tâchant de passer à travers chaque place connue, devant chaque église ou monument. Visiter une ville à la course avant qu’elle soit envahie, ha…

Territoires inconnus

Je l’avoue bien candidement, je ne lis pas beaucoup. On dirait que ça prend une occasion spéciale pour que je me donne le « droit » de le faire: les vacances, avant le dodo la veille d’une course, les longs voyages en avion (qui n’arrivent vraiment pas souvent), etc.

Ainsi donc, avant de partir en voyage, je n’avais pas encore terminé la lecture de Territoires inconnus, le livre de Pat, que j’avais amorcée lors du lancement. L’avion n’était pas atterri que j’avais passé au travers.

Comme je ne suis vraiment pas objectif, je ne m’éterniserai pas dans une longue tirade dithyrambique. Je vais plutôt me contenter de dire que Pat s’y livre avec une belle simplicité et authenticité hors du commun. Pas de détours, pas de faux-fuyants. Comme ce qu’il est quand on a la chance de le côtoyer le moindrement.

Pour apprendre à connaitre l’homme et aussi, l’ultramarathonien. Car les deux sont indissociables. À lire absolument.

Un dommage collatéral du conclave

“En tout cas, ça me ferait vraiment chier que tu aies décidé de faire le Marathon de Rome cette année…”.  C’était hier soir, durant l’heure au cours de laquelle on se permet de regarder la télé. Les manchettes du jour parlaient, ho surprise, du conclave qui allait finalement débuter aujourd’hui (non mais, ils niaisaient quoi depuis tout ce temps, au juste ?).

Heu… de quessé ?  Puis j’ai allumé: le Marathon de Rome, ça se court à ce temps-ci, il me semble… En tout cas, elle s’en rappelait, elle. Petite vérification sur le site de l’événement: c’est dimanche !  Holly (excusez-la) shit, effectivement, dans le genre mauvais timing, c’est plutôt difficile à battre. Car juste à avoir un aperçu de ce qui se passe présentement dans la capitale italienne, ça doit être le bordel total. Des milliers de journalistes qui feront le pied de grue au cours des prochains jours dans l’attente de la fameuse fumée blanche, des centaines de milliers de pèlerins/fidèles/touristes/curieux qui sont là pour le grand jour… Vous imaginez les hôtels, les restaurants, les marchés ?  Ça doit être rempli à craquer, du monde partout.

Et tant qu’à faire le voyage, aussi bien faire un peu de tourisme aussi, non ?   Sauf que je présume qu’il doit être assez difficile de visiter St-Pierre de Rome par les temps qui courent (un autre jeu de mots, un vrai Guy Mongrain !)…  Et la chapelle Sixtine ?  Désolé, les cardinaux en auront besoin pendant quelques jours pour décider qui succédera à Benoit XVI. Ouais, ça a l’air que ça prend tout ce temps pour choisir un cardinal parmi la centaine présents. Pas moyen de faire comme dans une course à la chefferie d’un parti politique ?  Premier tour, si on n’a pas de majorité absolue, on élimine celui qui a reçu le moins de votes et tous ceux qui n’en ont pas reçu et on passe au tour suivant. À 120 personnes, il me semble que ça prendrait 2-3 heures et l’affaire serait réglée, non ?  Ben non, pour être élu, le pape doit avoir obtenu les deux tiers de votes. Ils font quoi s’il n’en reste que deux et qu’ils sont 50-50 ?  Pile ou face ?  Enfin…

Bon, ça c’est pour les dérangements au niveau touristique. Au niveau sportif maintenant. Hé bien on apprend sur le site de l’événement que si le nouveau pape devait être couronné dimanche, jour de la course, le départ de celle-ci serait retardé jusqu’en après-midi et le parcours serait modifié.

Pardon ?  Un marathon en après-midi ?  C’est quoi cette affaire-là ?  La raison principale pour laquelle les marathons se déroulent le matin est la chaleur. Je ne sais pas de quoi a l’air la température à Rome à la mi-mars, mais au Québec, le soleil est (relativement) fort à ce temps-ci de l’année. Quand il fait 5-6 degrés, ça fait juste du bien, mais avec 20 degrés de plus, ça risque d’être terrible.

Autre détail non négligeable: l’alimentation. On fait quoi avec un marathon en après-midi ?  Est-ce qu’on prend deux repas ?  On mange quoi ?  Des pâtes le matin et l’équivalent de son déjeuner habituel sur l’heure du midi ? Et on fait quoi de son avant-midi ?  On se tourne les pouces à la vitesse grand V ?

Je n’ose même pas imaginer de quoi auront l’air les stations de métro. Et comment retrouver les êtres chers après la course dans un tel fouillis ?

Pour ce qui est du parcours, s’il est modifié, je suppose bien que ce sera pour éviter le plus possible la Cité du Vatican. Le communiqué officiel demeure imprécis à ce sujet. Côté sportif, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, le parcours semblant plutôt plat de toute façon. Mais côté touristique, c’est certain que le cachet que revêt la participation à cet événement serait entaché.

Bref, bien content de ne pas y être. Et si Marc Ouellet devait être élu, je doute qu’il soit du genre à abdiquer son trône. De plus, comme il est relativement jeune et en bonne forme, il devrait y être pour un bon bout de temps. Suffisamment de temps pour que je puisse m’aligner au départ et admirer le Colisée qui sera juste à côté de moi sans avoir à me soucier du reste…