Petite nouvelle de Boston

L’an passé, j’ai eu la chance de prendre part aux deux marathons les plus prestigieux en Amérique et peut-être même au monde: Boston et New York.

Suite aux attentats de Boston, les mesures de sécurité avaient été accrues pour New York. Aussi, ces deux courses ont un point en commun: une attente qui ne finit plus avant le départ. Des heures à grelotter avant de finalement s’élancer. Alors bien que le parcours et le seul fait de courir dans les rues de la Grosse Pomme en valaient la peine, je me suis dit: “Plus jamais”.

Ce n’était pas la première fois que ces mots me traversaient l’esprit. À Boston, je réalisais un rêve, c’était l’aboutissement de plusieurs années d’efforts. C’est avec une énorme fierté que je me suis présenté au départ. J’ai cependant déchanté tout au long de la course, ma préparation pour un tel parcours n’étant tout simplement pas adéquate. Ajoutez à ça l’irritation d’avoir attendu avant la course et dès que j’ai franchi la mi-parcours, j’ai commencé à me dire: “Plus jamais !”. Mais il y a eu les événements que l’on connait et je ne pouvais pas ne pas retourner. Je devais ça aux victimes, à la communauté des coureurs. Ce serait toutefois la dernière fois.

Hé bien hier, j’ai reçu un courriel de la Boston Athletic Association qui m’a conforté dans mon idée. Car non seulement les mesures de sécurité seront multipliées cette année (pas la fin du monde, ce n’était pas si pire à New York), mais il ne sera pas permis de transporter de sac en direction d’Hopkinton, ni de faire ramener des effets personnels à l’arrivée. Il sera permis de laisser un sac contenant nos effets personnels près de l’arrivée au moment d’embarquer dans l’autobus nous amenant au départ et c’est tout. Dans l’aire de départ, aucun sac ne sera permis.

Donc, si on se les gèle comme l’an passé, on devra amener des vêtements chauds et les laisser sur place, c’est ça ? Vous trouvez l’attente est trop longue ?  Vous pouvez amener de la lecture, mais devrez l’abandonner derrière vous ou transporter votre livre tout au long du parcours. Vous avez faim ?  On a tout ce qui faut dans le Village des athlètes. Ha oui ?  Même des bretzels au beurre d’arachides ?

Ce qui me dérange dans cette affaire-là, ce n’est pas le fait d’être forcé de donner mon vieux linge laid à des organismes de charité. C’est plutôt de perdre la liberté de choisir mon habillement de course juste avant le départ. Supposons que la température anticipée est borderline entre porter mon coupe-vent ou pas, je fais quoi ?  Comment savoir, plusieurs heures à l’avance, alors que le soleil n’est même pas levé ?  Si je l’enfile et qu’il fait trop chaud, je vais péter dans les Newton hills, c’est certain. Au contraire, si je choisis de ne pas l’utiliser et qu’un vent froid se lève, je me les gèle pendant des heures. Bref, ne pas avoir ce choix au départ d’un grand marathon, je trouve ça très, très ordinaire.

La raison invoquée ?  Aucune. La raison d’après moi ?  La logistique qui entoure le transport des effets personnels. Ça prend beaucoup d’autobus/camions, ça coûte cher et ça implique que les coureurs demeurent plus longtemps dans l’aire d’arrivée. Sans compter l’apport de dizaines de bénévoles supplémentaires. Avec un contingent de coureurs beaucoup plus imposant cette année, c’est une décision que l’organisation a prise.

C’est leur droit. Comme ce sera mon droit de ne pas y retourner.

Cout’ donc, avec Montréal, New York et maintenant Boston sur ma liste des marathons que je ne compte plus faire à l’avenir, une question s’impose: vais-je continuer à faire des marathons ?

Une année en dents de scie

Les rétrospectives, c’est une tradition à ce temps-ci de l’année. Je l’ai fait l’an passé, alors pourquoi ne pas remettre ça cette année ?  Pour moi, l’année 2013 a été synonyme de hauts de de bas, mais à la fin, une chose demeure: la course à pied est une véritable passion que je désire continuer à partager avec vous, fidèles lecteurs.

Voici donc l’année résumée en quelques thèmes.

La consécration. Hopkinton, le 15 avril, 9h55. J’étais dans mon couloir, attendant le départ du Marathon de Boston. Le plus ancien et le plus prestigieux marathon de la planète. Après des années de travail acharné, j’y étais enfin. À ce moment, j’ai éprouvé un très grand sentiment de fierté, probablement ce qu’un athlète de haut niveau peut vivre quand il se retrouve à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. C’était à la fois simple et magique, je vais m’en rappeler le restant de mes jours.

Mauvaise évaluation. J’ai carrément sous-estimé la difficulté du parcours. Je me disais que je suis un ultrarunner, que les côtes de moumounes comme sur le parcours nous amenant à Boston, ça ne pouvait jamais être si difficile que ça… J’en ai payé le prix. Dans les dernières encablures de la Heartbreak Hill, j’ai crampé. Les 8 derniers kilomètres ont été infernaux.

L’horreur. J’étais arrivé depuis un bon bout de temps. Nous avions quitté les lieux et étions probablement en train de débarquer du métro quand les bombes placées près de l’arrivée ont explosé. Mais l’horreur des événements nous a tous touchés. À l’hôtel, les gens étaient en état de choc, personne ne parlait plus de rien d’autre. La question sur toutes les lèvres: pourquoi ?

La résilience. Celle des coureurs qui retourneront car ils refusent de se laisser intimider. Je fais partie de ceux-là. Celle de la merveilleuse ville de Boston qui a décidé elle aussi de se tenir debout devant l’adversité et de faire un pied-de-nez à ceux qui voudraient lui faire peur. Je ne suis pas un amateur de hockey, mais ce qui s’est passé deux jours plus tard avant le match des Bruins m’a donné les frissons.

La vague. Celle d’amour qui a déferlé de partout. Nos amis, notre parenté, nos collègues. Des personnes avec qui nous n’avions pas eu de contact depuis des années se sont inquiétées pour nous et nous ont demandé, nous ont ordonné même de leur confirmer que nous allions bien. Rien ne m’a jamais fait autant chaud au cœur. Merci à tous, encore une fois !

La bouette. St-Donat, le 29 juin. Le printemps avait été pluvieux, il venait de tomber une trentaine de millimètres de pluie. Devant nous, 58 kilomètres de sentiers. Un parcours déjà considéré comme difficile à la base avait été transformé en véritable soue à cochons. De l’eau jusqu’aux épaules dans la rivière, une traversée interminable du « Vietnam », des descentes impossibles à négocier. À maintes reprises, je me suis promis que « plus jamais ». Et pourtant, j’ai eu du plaisir et serai fort probablement de retour. Faut croire que je suis maso. Ce vidéo de Michel Caron qui a terminé une vingtaine de minutes avant moi est une véritable pièce d’anthologie.

LA blessure. Elle s’est manifestée au lendemain de la tragédie à Lac-Mégantic (question de me donner un peu de perspective). Une semaine plus tard, j’étais sur la liste des blessés. Ça a duré des semaines. Des semaines d’enfer au cours desquelles j’ai dû annuler ma participation à deux courses que je voulais vraiment faire cette année: le 65k du XC Harricana et le Vermont 50.

L’ostéo. Son prénom: Marie-Ève. Sa discipline: l’ostéopathie. Je ne connaissais pas ça, mais on m’avait fait plusieurs suggestions en ce sens, alors je me suis dit que j’essaierais. Elle a sauvé ma fin de saison, un point c’est tout. Sans elle, je ne serais pas allé à New York. Chaque sou que j’ai investi dans ses traitements a été un sou bien investi. Elle me chargerait le double du prix que j’y retournerais sans hésiter.

Lake Placid. Coup de cœur ou coup de foudre ?  Le beau temps a certainement aidé, mais nous sommes tombés sous le charme de cette petite ville du nord de l’état de New York. Là-bas, le sport et le plein-air sont rois. Des montagnes, des sentiers de randonnée, des routes dans un état impeccable… Nous nous promettons évidemment d’y retourner prochainement. Très prochainement.

Le plus bel entrainement. XC Harricana, le 7 septembre. Mon genou m’ayant empêché de m’entrainer convenablement, j’ai troqué le 65k pour le 28k avec dans l’idée de le faire comme un entrainement. Un vrai entrainement là, pas le moment de me tuer à l’ouvrage. Ça a été ma sortie la plus plaisante depuis le Vermont 50 2012. J’ai eu un plaisir inégalé dans la montée du mont Grand-Fonds, les sentiers de quads, la montée de la montagne Noire et tout le reste. Une course à l’organisation impeccable, des sentiers très bien marqués, une super belle expérience avec à la clé, une 15e place complètement inattendue. À répéter un jour, c’est certain.

La bonne décision. À la fin septembre, lors d’un entrainement, ma tendinite au genou est revenue. Je me suis tout de suite arrêté et dans la journée, ai contacté mon ostéo qui a réussi à me traiter dès le lendemain. Quatre jours plus tard, je reprenais l’entrainement. Nous coureurs avons l’habitude d’ignorer les signes que nous envoie notre corps jusqu’à ce que ça devienne insupportable. Ce jour-là, j’ai pris une bonne décision et ça a payé. Je devrais faire ça plus souvent…

Le plaisir entre amis. Mont Orford, le 19 octobre. Des conditions parfaites, une course que je faisais avec des amis dans un endroit superbe. Et beaucoup, beaucoup de plaisir. J’adore accompagner des amis dans une course, même si parfois je me sens un peu inutile. Pour 2014, j’ai déjà deux « accompagnements » de prévus. Et j’ai hâte.

La Grosse Pomme. New York. Ça faisait des années que j’y rêvais. Pas pour les mêmes raisons que Boston où il faut se qualifier. Ha, on peut aussi se qualifier pour New York, mais les standards sont vraiment trop stricts pour moi. J’ai donc dû passer par la loterie et attendre 3 ans avant de pouvoir faire partie du contingent de coureurs qui s’élanceraient du Verrezano-Narrows Bridge en direction de Central Park.

Des spectateurs par centaines de milliers tout au long du parcours, une organisation extraordinaire à la hauteur de cette ville qui n’a pas d’égale à travers le monde. Une expérience unique que je recommande fortement à tout le monde qui en a la chance.

À la fin, un deuxième meilleur temps à vie sur un parcours difficile et la tête remplie de souvenirs.

Pour 2014. Beaucoup de belles courses en vue. Un premier 100 km, peut-être un premier 100 milles. Va définitivement falloir que les genoux et le sciatique se tiennent à carreau !  🙂

Sur ce, un très joyeux Noël à tous ! 🙂

Conclusion dans la Grosse Pomme

Le Marathon de New York est tellement un événement hors normes qu’il “mériterait” peut-être même un récit seulement pour l’après-course. Mais bon, à un moment donné, les récits, faudrait pas abuser…

Je vais donc résumer en disant qu’une fois la ligne d’arrivée franchie, on est loin d’avoir fini. Après avoir reçu la médaille, pris la pose traditionnelle (beau bonhomme, hein ;-)), ramassé le petit lunch offert,  puis m’être protégé du froid avec la couverture d’aluminium (comme à Boston, il y avait une bénévole dont l’unique tâche consistait à coller un bout de scotch tape sur la couverture pour l’aider à tenir), j’ai suivi le flot des coureurs qui marchaient vers le nord du parc. Nous avons marché, marché, marché… Il y avait des bénévoles à tous les 20 pieds qui ne cessaient de nous féliciter et surtout, nous incitaient à continuer à avancer, encore et toujours. Quand un coureur voulait s’arrêter un peu, il se faisait assaillir: ou bien il devait repartir en marchant, ou bien les bénévoles appelaient le service médical. Ils étaient toujours extrêmement gentils, mais ne nous laissaient pas tellement nous reposer. Je présume qu’ils avaient ordre d’éviter la congestion à l’arrivée.

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La photo classique après l’arrivée

À un moment donné, les gens ayant décidé de ne pas utiliser le transport de bagages ont eu le droit de sortir, au niveau de la 76e rue (l’arrivée était situé autour de la 65e). Pour nous qui avions fait transporter des choses, la marche continuait jusqu’aux camions UPS. “Finalement !” que je me suis dit en apercevant les premiers horribles camions bruns. Sauf qu’ils étaient stationnés dans l’ordre inverse des numéros de dossard. Le premier camion, c’était pour les dossards 72000 et plus !  Comme il n’y avait que l’équivalent de 2000 numéros par camion, ça m’a pris une autre éternité avant de réussir à arriver au mien.

C’est là que l’organisation de New York s’est démarquée de Boston: les sacs nous attendaient bien classés dans l’ordre numérique. Aussitôt arrivé, aussitôt récupéré. Rien à voir avec le fouillis total de Boston et son transport de marchandises par autobus scolaires.

Une fois mon linge sec et très laid (règle de base: il faut être prêt à ne pas revoir les choses qu’on fait transporter, ça fait que…) enfilé, j’ai pu reprendre la longue marche vers la sortie… au niveau de la 85e rue. Les retrouvailles avec les familles se déroulaient entre les 61e et 65e rues, sur l’avenue Central Park West. J’ai regardé sur Google par après: c’était encore 2 kilomètres de marche !

L’expérience était un peu surréaliste. Cette très large avenue était pour ainsi dire déserte. Après avoir été entourés par des milliers de spectateurs tout au long du parcours, plus personne. Seulement nous, les coureurs, retournant péniblement vers le sud. Çà et là, des bénévoles et des policiers. J’ai demandé à la blague à un constable qui semblait s’emmerder royalement dans son auto s’il ne me donnerait pas un lift, il m’a répondu par un “No” aussi sec que son air était bête. Quand j’ai raconté l’anecdote à Barbara, elle m’a fait remarquer que je n’étais probablement pas le premier à lui faire le coup. Bon point.

Fait intéressant, les coureurs qui avaient choisi de ne pas faire transporter de linge entre le départ et l’arrivée pouvaient non seulement sortir plus rapidement du parc, mais recevaient également un poncho supplémentaire pour se protéger du froid. Définitivement, New York, c’est la grande classe !

Sur le site web de la course, l’organisation prévient que le délai entre l’arrivée d’un coureur et le moment où il atteint l’aire des retrouvailles est de l’ordre de 45 à 60 minutes. Ils ont raison. Et c’est un minimum. Mais une fois arrivé, j’ai pu retrouver mon fan club. La récompense du coureur !  🙂

Maintenant, quelques nouvelles des autres participants. La course a été remportée par le Kenyan Geoffrey Mutai qui est en passe de devenir une légende. Après le doublé Boston –  New York en 2011, il a remporté Berlin en 2012 avant de récidiver à New York cette année. Son temps à l’arrivée, 2:08:24, était plus de 3 minutes plus lent que le record du parcours qu’il avait établi il y a deux ans. La raison ?  Le vent qui a forcé les coureurs d’élite à courir en peloton durant la majeure partie de la course. Mutai a attaqué dans le dernier quart pour finir détaché.

GeoffreyMutai

Geoffrey Mutai en route vers la victoire

Du côté des femmes, c’est un véritable exploit qu’a accompli la Kenyane Priscah Jeptoo. En effet, elle est demeurée sagement dans le peloton durant la première moitié de la course, passant au demi avec 3 minutes et 22 secondes de retard sur les deux premières qui s’étaient détachées. Puis, elle s’est lancée dans une contre-attaque en solitaire et a rattrapé tout le temps perdu. Avec un tel vent, c’était vraiment remarquable. Ce qui était tout aussi remarquable, c’était sa technique de course. Peu orthodoxe, c’est le moins qu’on puisse dire (on la voit clairement à partir de la 35e seconde de ce petit vidéo) !  Mais bon, on dirait bien que c’est efficace.

Jeptoo

Un style peu orthodoxe, mais bigrement efficace

Côté “participation” maintenant. J’en avais glissé un mot suite à notre visite à l’expo-marathon: Ultramarathonman lui-même était présent. Hé oui, tout comme à Boston, j’ai partagé la route avec Dean Karnazes, 51 ans. Et tout comme à Boston, je ne l’ai jamais vu !  Là-bas, il avait terminé 5 minutes derrière moi. À New York, il m’a pris 6 minutes…

DeanKarnazes

Dean, tu m’écoeures !

Mes amis français du départ, quant à eux, semblent avoir fait la distance au complet ensemble avec leur Tour Eiffel comme couvre-chef. Je ne sais pas s’ils ont gardé le sourire tout le long, mais à l’arrivée, ils semblaient avoir le même air qu’au départ. Un temps de 3:34:05 pour les cousins. 🙂

Francais

Vachement sympas, les mecs !

Vous reconnaitrez peut-être Marc Cassivi, le sympathique (j’ai eu beaucoup de plaisir à courir avec lui lors de l’événement-hommage pour Boston) chroniqueur culturel de La Presse. Remis de la blessure qui l’avait empêché de terminer à Paris au printemps, il a bouclé le parcours en 3:53:13.

MarcCassivi

Je pense que Marc a trouvé les derniers kilomètres un peu pénibles

La dernière mais non la moindre, la fameuse participante numéro 67329 dont j’ai parlé au lendemain de la course: la seule et unique Pamela Anderson, 46 ans. Hé oui, la célèbre “actrice”, connue pour bien d’autres choses que ses talents athlétiques (et ses talents d’actrice !), a terminé son premier marathon peu de temps avant le coucher du soleil, en 5:41:03.

PamAnderson

Soyez honnêtes: dites-moi que vous ne l’auriez jamais reconnue !

Au final, New York est un marathon à faire une fois dans sa vie. Le départ sur le Verrazano Narrows Bridge, la foule immense, l’arrivée dans Central Park… Et pouvoir courir dans les rues de la Grosse Pomme, que demander de plus ?  Avec une organisation rodée au quart de tour, je crois sincèrement que l’expérience en vaut le coût. Des images de cette journée resteront à jamais gravées dans ma mémoire.

Pour les gens qui accompagnent les coureurs, ce n’est malheureusement pas l’idéal. La foule est très dense à peu près partout et les indications n’étaient vraiment pas claires. Ainsi, après avoir attendu de longues minutes pour entrer dans l’aire des retrouvailles, mes accompagnatrices se sont vu refuser l’accès parce qu’elles étaient à une entrée VIP. Sauf que rien n’était indiqué à ce sujet. Même confusion à la sortie, quand nous nous sommes mis à suivre la foule pour finir par nous faire barrer le chemin par la sécurité. Personne ne pouvait nous dire que nous ne pouvions pas passer par là ?  Bref, une organisation hors pair, mais le contrôle de la foule par la police et la sécurité était carrément déficient.

Je dois aussi avouer que le touriste en moi a été un peu déçu. Tout comme le Marathon de Montréal, celui de New York y va dans le pratico-pratique. Certains endroits sont donc évités et plusieurs quartiers résidentiels et sans véritable intérêt sont traversés. Ceci dit, ça donne une excellente idée de la densité de population de cette ville et dans le fond, c’est le “vrai” New York qu’on a pu voir et non une série de cartes postales.

Côté sportif, le parcours est loin d’être facile, bien au contraire. Après Boston, c’est le marathon le plus difficile que j’ai eu à affronter. Rarement plat, exposé au vent, New York représente tout un défi, car y garder une cadence constante tient de l’impossible. En ce qui concerne le contingent de coureurs, il est probablement relativement le plus faible que j’ai pu voir, toutes compétitions confondues. Ce n’est tout simplement pas “normal” que je termine dans le top 3% d’une course. C’est dire le nombre de personnes (comme madame Anderson) qui font de ce marathon leur premier… et fort probablement leur dernier. Sur plusieurs photos, on voyait des pelotons entiers de gens qui marchaient. Est-ce mal ?  Non. Juste différent.

Comme New York.

Du Queens à Central Park: Marathon de New York, suite et fin

Je me retourne pour apercevoir le lapin de 3h10, qui devrait logiquement être 30 secondes derrière moi. Rien. J’ai perdu ma partenaire, qui a maintenant une cinquantaine de mètres de retard sur moi. Je ne la reverrai plus. J’envisage la suite des choses: puis-je réaliser un negative split ?  Mes affaires vont bien, mais je me sens peut-être un peu juste. Aussi, il y a deux obstacles majeurs dans la deuxième partie du parcours: le Queensboro Bridge autour du 25e kilomètre et la montée dans Central Park, autour du 37e. Donc, une deuxième moitié plus difficile que la première. Un 3h09 serait plus qu’excellent dans les circonstances, mais un 3h10 demeure un objectif plus réalisable.

Le pont est exposé au vent et je suis seul comme un beau crétin. En plus, la vue est plutôt quelconque. Heureusement, je me retrouve dans le Queens assez rapidement. Sauf que le Queens, ça demeure… le Queens. C’est un quartier dur par endroits et pour la première fois, il y a même des coins où on se sent comme à Montréal: personne sur les côtés. Ça fait bizarre.

Tiens, une spectatrice toute seule… Comme je passe, elle lance: “Vive la France !” (il y a beaucoup de Français dans la course). Une touriste ma parole !  Mais qu’est-ce qu’elle fait spécifiquement ici ?

Arrive le Queensboro Bridge qui nous amènera sur Manhattan. J’entame la montée, longue, très longue. Encore un pont Jacques-Cartier, mais en plus long il me semble. Et sur le béton de l’étage inférieur, alors pour la vue, on repassera. On se sent comme si on était enfermé dans une cage géante, condamné à courir en montée pour l’éternité. D’ailleurs, mon GPS ne semble pas apprécier particulièrement lui non plus: la cadence qu’il lit devient complètement fuckée. Voir si je vais à 6:00/km, woh minute ! Bah, pas grave, je me dis que ça pourrait l’aider à mieux “recoller” à la réalité du parcours côté distance et que ma cadence moyenne sera peut-être plus fiable.

Je rejoins pas mal de monde dans la montée, dont un gars qui court avec un Camelbak. Comment, ils l’ont laissé partir avec ça ?  C’était pourtant bien spécifié dans les règlements. Avoir été certain qu’ils me laisseraient partir avec mon UltraSpire…  En même temps, ça va bien avec ma ceinture, je n’ai pas trop à me plaindre. Finalement, je ne vois plus la tête des coureurs qui sont loin devant moi, preuve qu’ils ont commencé la descente. Ça a l’air que ça finit un jour, cette montée-là.

Je passe le 25e kilomètre, mais le temps indiqué n’allume rien dans mon esprit. Ai-je beaucoup ralenti ?  Aucune idée. Quand je dis que mon cerveau gauche est dans le cirage… Finalement, j’arrive à la descente. Je m’applique à la faire en enchainant les petites enjambées rapides, question de ne pas taxer mes genoux. J’ai hâte qu’on laisse le béton, je déteste courir sur cette surface. C’est tellement dur…

Tout en bas, Manhattan, notre quatrième borough. Comme nous foulons le sol de l’île, les spectateurs refont leur apparition (ils étaient interdits d’accès au pont) et leurs cris forment un véritable mur. Je me sens comme une rock star à son arrivée sur scène. Wow, quel accueil !

Passage au 16e mille, je me dis qu’il n’en reste plus que 10, donc 16 kilomètres. Une sortie de semaine, rien de plus. Dans 2 petits kilomètres, les deux tiers du parcours seront derrière moi. Allez, on tient le coup !

Devant moi, une autre interminable ligne droite: 6 kilomètres à faire sur la première avenue avant de se retrouver dans le Bronx. Tout le monde a entendu parler des avenues célèbres de Manhattan: Broadway, Park, la cinquième. Mais la première ?  Il y a une raison pour ça: parce qu’il n’y a rien !  Ben rien, on s’entend là: on y retrouve évidemment énormément de bâtisses, probablement des tours à bureaux ou des condos. Mais des choses intéressantes ?  Pas vraiment. Pour moi, c’est un autre long et large boulevard où des milliers et des milliers de spectateurs sont massés. Et sur lequel 50000 débiles vont passer en courant aujourd’hui. À part ça…

Autour du 17e mille, deux gars passent à côté de moi. Ils ont l’air “faciles”, alors je décide de les suivre. Comme depuis le début, le vent tourbillonne, arrivant parfois de la droite, puis changeant brusquement de direction pour nous ramasser sur la gauche. Ou vice-versa. Bref, mes nouveaux amis me servent plus de guides pour la cadence que d’abri contre le vent.

“Glory Days” de Springsteen joue à une cheering station (comme s’ils avaient besoin de ça ici…). Je ne sais pas pourquoi, je me mets à chanter en même temps que le Boss. Mes compagnons se retournent, l’air surpris. Ou peut-être que leurs oreilles ont été écorchées ?  Ouais, je peux sembler être “en dedans” moi aussi. Pourtant non. Je suis correct, mais pas plus.

30e kilomètre, temps de passage dans les 2h14. Petit calcul rapide: à 5 minutes au kilomètre, je ferai autour de 3h14. Non, pas acceptable. Pas aujourd’hui où ça va plutôt bien merci depuis le début. Je peux définitivement faire mieux si je ne fais pas de connerie. Allez, du nerf, ce n’est pas le temps de se relâcher !

Comme ça arrive souvent (et ça m’est arrivé aussi), nous sommes maintenant rendus au point où les organismes commencent à en arracher. La plupart des coureurs font un maximum de 30-32 kilomètres à l’entrainement et il arrive qu’à partir de là, ça flanche. Aussi, comme on court plus vite en course, il se peut que plusieurs se soient surestimés. Donc, quelques-uns se sont mis à marcher, probablement pris de crampes. Ça aussi, ça m’est déjà arrivé !

Toujours est-il que quand ça va bien, voir les autres qui vont mal me donne toujours un boost. C’est pervers, mais c’est comme ça. Tout comme à Ottawa l’an passé, je me dis: “Amenez-les vos kilomètres !”. Et pour être certain de mon affaire, j’avale un gel full-octane chocolat-bleuets à la vue d’un point d’eau.

Sauf que ce n’est pas un point d’eau, c’est un point de… gels !  Des gentils bénévoles distribuent des gels Power Bar, ceux que j’aime bien prendre quand il fait -15 degrés. Autrement, je les trouve trop liquides: ils coulent sur les doigts qui deviennent tout gommés, beuh… Je passe donc mon tour et reste avec mon GU qui est maintenant bien collé dans ma bouche. Bout de viarge, il n’y a plus d’eau ou quoi ?  Je me rabats sur mon GU Brew, mais c’est pas mal moins efficace que l’eau pour passer un gel. Je finirai par l’avoir, environ 500 mètres plus loin.

Je ne sais pas ce qui s’est passé au “point de gels”, mais un de mes compagnons a glissé derrière et ne revient plus. Bon ben, on n’est plus que deux. Ha, un petit pont, ça doit être ça qui va nous amener dans le cinquième borough: le Bronx. Le vent y est toujours présent. Je m’accroche de mon mieux à mon partner qui a encore l’air très fort. Sur le pont, c’est de nouveau la désolation. Ça fait bizarre de passer de la foule à plus personne du tout.

PatrickBernal

Mon partner Patrick Bernal et moi traversant le pont nous amenant dans le Bronx

Arrivés dans le Bronx, constatation: c’est foutrement moche. C’est industriel ou manufacturier, je ne sais pas trop. Mais c’est moche. Se présente ensuite un quartier plus résidentiel qui sauve un peu la mise, mais quand on a 32 kilomètres dans les jambes, bof… En plus, mon gel ne semble pas vouloir fonctionner. Ça vaut la peine de les payer plus chers, ces foutus “full octane” !

Nous tournons sur la 138e rue (le Queensboro nous avait amenés à la 59e !) et sur celle-là, un joyeux détour de merde que mon amie Maryse aurait détesté à mourir. J’y pense et un sourire me vient aux lèvres. Je l’entends chiâler d’ici…

Dans le détour, je profite d’un virage pour dépasser devant mon Partner par l’intérieur. Il me fait le coup au virage suivant. Ha ben mon espèce de toi là !  De retour sur la 138e rue, nous devons prendre un virage assez large pour nous diriger vers le Madison Avenue Bridge qui nous ramènera à Manhattan. La fatigue commence définitivement à s’installer dans le peloton car tout le monde demeure à l’extérieur de la courbe, suivant sagement le coureur devant. Il y a de l’espace en masse pour couper le coin, les clôtures pour les spectateurs nous indiquant le chemin à suivre. Je ne me gêne donc pas et longe les barrières à l’intérieur du virage, dépassant par le fait même une cinquantaine de personnes. Pensez-vous sérieusement que l’élite est passée par l’extérieur ?  Vous savez, le parcours est mesuré par le chemin le plus court… Mon partner semblait vouloir suivre la masse, alors je le laisse derrière. Il faut croire qu’il n’était pas si “facile” que ça: je ne le reverrai plus lui non plus.

21e mille, retour à Manhattan, dans le fameux quartier Harlem. Ouf, le Bronx et sa déprime sont choses du passé. Prochain objectif: Central Park. Je ne sais pas pourquoi, le simple fait d’avoir shifté tant de monde sans forcer m’a donné des ailes. Ben, si on peut avoir des ailes après 34 km de course…  J’avale un dernier gel, expresso celui-là, puis me mets à la recherche d’arbres au loin. Coup d’oeil au GPS en même temps qu’un kilomètre se termine: 4:16 !  Nah, ce n’est pas possible, je ne peux pas aller à une telle cadence. Je prends cette information avec un grain de sel… mais ça fait tout de même plaisir à voir !  🙂

Ha, des arbres, ça y est, j’arrive au parc. Erreur. En fait, j’arrive au Marcus Garvey Memorial Park, un petit parc que nous devons contourner. Grr, encore un détour qui fait ch… Après avoir fait ledit détour, je me retrouve au niveau de la 120e rue. Il commence où, votre foutu parc ?  Au loin se dresse l’Empire State Building. Cout’ donc, est-ce qu’il va falloir que je me rende jusque là ?!?  Je sais bien que non, vu qu’il est sur la 34e, mais à un moment donné, un gars commence à se poser des questions.

L’irritation commence à monter en moi. La petite euphorie que j’ai traversée à été bien éphémère. Je sens mes jambes qui commencent à demander grâce. Entre autres, mon mollet droit envoie des signaux: une douleur commence à s’installer dans sa partie supérieure. Près du genou. Je n’aime vraiment pas ça. Allez, tiens le coup, il ne reste même pas 7 kilomètres !

À mesure que la course a progressé, les coureurs se sont espacés. Et à une intersection non gardée par un policier (ça doit bien être la seule), des gens commencent à traverser la rue devant moi. Les premiers ont attendu qu’il y ait un bon espace pour le faire, mais vous connaissez la théorie du bétail: quand le monde commence à traverser, les autres suivent sans se poser de question et sans regarder. C’est que j’approche, moi là !  Et pas question de casser mon rythme, surtout en fin de course. Je laisse donc échapper un “Come on guys, GET OUT OF THE WAY !!!”. J’ai réussi à retenir les gros mots, je ne sais pas comment parce que je suis hors de moi. Les derniers du groupe obtempèrent et accélèrent leur traversée. Je réussis tout juste à passer sans ralentir ni dévier ma route.

Bon, ce petit incident va peut-être m’envoyer une dose d’adrénaline dans le système…  J’attends un peu, mais non. Rien. Shit, j’en aurais bien pris. Heureusement, devant moi, sur la droite, je commence à voir LES arbres tant attendus. Enfin, la 110e rue et Central Park !  Nous allons finalement laisser les rues de la ville et nous promener dans le parc !

Déception: le parcours continue de suivre la 5e avenue. Merde. Et c’est la montée du 23e mille qui se pointe devant. Encore une fois, rien de très abrupt, mais elle semble s’étendre à l’infini. Je l’entame, tâchant de conserver un rythme constant tout en raccourcissant les enjambées. Je regarde les rues défiler: 105, 104, 103. Sur la gauche, des édifices résidentiels où habitent plusieurs célébrités. Sur la droite, le parc, qui nous semble interdit d’accès. Devant, la 5e avenue, qui ne finit plus de monter.

Sur les côtés, j’entends un homme dire à sa femme: “This is the hardest part of the course”, ce à quoi je réponds: “Yeah, and it’s fucking hard !”. Oups, j’ai sorti le gros mot dans l’un des quartiers les plus cossus de New York. Le fameux f-word que les Américains essaient d’éviter à tout prix. Moi qui m’attendais à des rires suivis d’encouragements (un peu comme si j’avais dit “Ouais, pis c’est dur en tabarnak !” au Québec), je suis accueilli par un silence. Au Marathon de New York. Faut le faire, quand même !

Bah, tant pis pour eux s’ils sont trop coincés, je poursuis ma route. J’ai tout de même un marathon à finir, moi ! Je vois passer un kilomètre sur mon GPS: 4:47. Ok, la montée ne me ralentit pas trop. Mais quand même…  Je ne sais plus si je vais être en mesure de descendre sous les 3h10. Vivement la pente vers le bas pour rattraper le temps perdu.

Finalement, la 90e rue arrive et avec elle, la fin de la montée et l’entrée dans le parc. Ça fait tout de même un mille complet en pente ascendante que je viens de me taper, ce n’est pas rien. Toutefois, je suis très encouragé par le nombre de personnes que j’ai dépassées. Dans le parc, j’entame la descente. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai dans ma petite tête que ce sera ainsi jusqu’à son extrémité sud. Ben oui, chose…

Ce que la mémoire, ça peut être sélectif quand ça veut. Je devrais pourtant me souvenir que Central Park, c’est tout sauf plat. Ha, encore une fois, pas des grosses côtes, mais de belles ondulations. Et c’est super beau, avec les arbres autour, les talus en haut desquels des milliers de spectateurs sont rassemblés pour nous encourager. Le sentiment est un peu surréaliste. La réalité me rejoint toutefois: ça monte et ça descend. Sans cesse.

Ok, je vais avoir une idée plus claire de mon temps final quand je traverserai le point de chronométrage du 40e kilomètre. Si je suis en bas de 3 heures, mon 3h10 est plus qu’envisageable, vu que je me laisse 4:30 par kilomètre, plus 1 minute pour les derniers 200 mètres (le cerveau gauche a repris ses droits, on dirait). Mais en haut de 3 heures… Regard inquiet au GPS: 3:00:22. Merde, 22 secondes à rattraper. Aille aille, ça va être juste. Ça va être très juste !

Je me retourne pour voir si le lapin est là, toujours rien. Je voudrais bien donner un petit coup de plus, accélérer pour aller chercher les secondes manquantes, mais je me rends bien compte que le volume d’entrainement qui me permettait de le faire l’an passé n’est tout simplement pas là cette année. Après ça, on viendra me dire qu’il faut courir moins pour aller plus vite. Yeah right !

Ça descend à la sortie du parc, peut-être que… Nous déboulons sur Central Park South et c’est la marée humaine qui nous attend. Les gens sont quoi 5, 10, 20 de profond ?  La densité de la foule est incroyable. Et elle crie, elle crie… Mais je n’entends rien, toute mon attention est maintenant portée sur le bout de la rue d’où nous entrerons à nouveau dans le parc.

J’essaie de tenir un rythme élevé, à la limite de mes capacités. Il ne faut pas que ça lâche. Je voudrais tellement un “0” comme deuxième chiffre sur mon temps. Juste pour dire que j’ai fait SOUS 3h10… Nous passons une pancarte: ½ mille à faire. 800 mètres. Je regarde le chrono: il me reste à peine plus de 3 minutes. Shit, je vais manquer de temps !

J’essaie d’appuyer, encore et encore. Je dépasse plein de monde, mais un gars me dépasse. Je le félicite pour son pace, car je suis incapable de le soutenir. Arrive l’entrée du parc. J’essaie d’y aller le plus efficacement possible, en choisissant une trajectoire à la fois serrée et qui me permettra de conserver ma vitesse. Je manque un peu mon coup et dois relancer la machine.

J’aurais dû m’y attendre, mais je ne l’ai pas vu venir: ça monte en entrant dans le parc. Double shit !  Ça ne monte pas beaucoup, mais juste assez pour me rentrer dedans. 400 verges à faire. Normalement, c’est le relâchement, on se dit que c’est fini, on est soulagé. On est dans le fameux dernier kilomètre. Mais là, je veux absolument faire sous les 3h10. Je ne sais toujours pas pourquoi, d’ailleurs. Je donne tout ce que j’ai.

Fred2

Dans les derniers mètres…

À la pancarte des 100 verges, il ne me reste plus qu’une poignée de secondes et je dois m’avouer vaincu. Je franchis la ligne avec le sourire, fier de ma deuxième meilleure performance à vie. Et heureux d’avoir joué au petit jeu de la performance à la fin, même si je n’ai pas réussi. Je me suis bien amusé.

Temps à l’arrivée: 3:10:08.

De Staten Island jusqu’au Queens: le premier demi à New York

Coup de klaxon et c’est le départ. ENFIN !!!

Aussitôt, on entend les premières notes du fameux “New York, New York” de Sinatra. Je n’aime pas Sinatra et son style de musique non plus, mais cette chanson-là aura toujours un petit quelque chose. En plus, je ne sais pas s’il y a un système de haut-parleurs installé sur le pont ou si c’est ajouté seulement pour l’événement, mais la chanson jouera tant et aussi longtemps qu’on y sera. Quand j’entends la phrase: “If we can make it there” (le “I” de la version originale a été changé par un “we” dans celle-ci), je sens ma motivation monter d’un cran.

La course commence par une montée en pente plutôt douce, un peu comme le pont Jacques-Cartier. J’essaie de demeurer avec le lapin de 3h15, mais son rythme trop lent me fatigue. Un premier kilomètre en 4:57 ?  Nah, définitivement trop lent, alors je pars et le laisse derrière. J’en ai maintenant fait une habitude, alors…

Nous, les “bleus” (c’est nous qui faisons exactement le même parcours que l’élite, soit dit en passant) occupons la partie de droite de l’étage supérieur du pont. Les orangés courent à côté de nous sur la gauche et les verts, quelque part en dessous. Mon réflexe est de me concentrer sur mon rythme, ma foulée, ma course quoi. Mais je me rappelle que je suis ici pour visiter un peu, alors je regarde sur ma gauche. La vue sur Manhattan est imprenable. Quelle belle ville, quand même ! Je suis sorti de mes rêveries par deux bonshommes qui avancent à pas de tortue. Malgré tous les contrôles, il y en a toujours qui réussissent à se placer au mauvais endroit au départ et qui nuisent. Je les contourne en bougonnant, puis reprends mon chemin. Pour le reste, tout se déroule bien dans le peloton. L’organisation a vraiment bien réparti les coureurs.

Dans la descente, quelques uns défient les consignes et risquent la disqualification en soulageant la pression. On voit ça à tous les marathons, c’est immanquable. Au fur et à mesure que je descends, je vois ma cadence moyenne qui s’améliore. Bon, ça se replace, mes affaires…  Finalement, nous aurons franchi plus de 3 kilomètres sur ce pont. Une fois rendu en bas, je sais que le vent sera moins mordant, alors j’enlève mes manches. Il fait peut-être même assez chaud pour retirer mon coupe-vent au complet et le laisser à Barbara en passant. À voir tantôt.

En arrivant à Brooklyn, le deuxième borough que nous visiterons aujourd’hui, je remarque les coureurs des autres groupes qui passent au-dessus de nous ou à côté. Ça fait bizarre de ne pas suivre exactement le même parcours. Quant à nous, nous sommes sur la 4e avenue, une artère commerciale et… plutôt moche. En effet, l’urbanisme y est très ordinaire et les magasins, pas tellement attirants. Ça me rappelle la rue quétaine de Niagara Falls ou la rue Chestnut de Philadelphie. On dirait que toutes les bâtisses sont vieilles et entretenues au minimum. L’environnement idéal pour se concentrer sur sa course. Mais bon, c’est très large: trois voies de chaque côté. Le groupe orangé occupe toujours le côté gauche et nous, le côté droit.

Je croise la 95e rue. Je m’attends à voir Barbara, ma soeur Élise et son amie Mimi entre les 10e et 20e rues, alors j’ai du temps devant moi. J’observe les styles de course qui, comme chez les golfeurs du dimanche, varient beaucoup d’une personne à l’autre. Certains font de longues enjambées, d’autres ne bougent pas les bras, etc. D’ailleurs, j’aimerais bien me voir courir. Il semblerait que je n’ai pas l’air tellement viril. Que voulez-vous…

Ha le vent tant annoncé… Il est plutôt présent et très difficile à jauger à cause des nombreux édifices. J’essaie de m’abriter derrière certains coureurs, mais je n’arrive jamais à trouver l’angle idéal pour me protéger. Depuis le milieu de pont, je suis un Danois (c’est écrit sur son t-shirt, je n’ai tout de même pas deviné) et je me rends compte que ma cadence moyenne est maintenant à 4:22/km depuis le début. Ho ho, woh les moteurs !  Plus rapide qu’à Philadelphie ?  No way, je dois ralentir, sinon je vais me planter. Je le laisse donc aller et jette mon dévolu sur un gars qui est vêtu d’une simple paire de shorts.

C’est qu’il ne doit pas avoir chaud, la bedaine à l’air comme ça… Et effectivement, après une bourrasque de vent, il enfile… une tuque !  Et une grosse en laine, pas une petite tuque moumoune de coureur. Un gars qui court torse nu avec une tuque sur la tête. Only in America !  D’ailleurs, il l’avait cachée où, sa tuque ?

Bon, celui-là semble ralentir tout d’un coup, alors je le dépasse. Il va trouver le chemin long, je pense. Nous passons le premier point d’eau au niveau du 3e mille. Ouch, ça c’est un point d’eau !  Il occupe les deux côtés de chacune des deux moitiés de l’avenue. Des bénévoles, en voulez-vous, en v’là !  Bien décidé à ne pas me déshydrater, je prends un verre d’eau au passage. Tout au long de la course, j’alternerai eau et Gatorade (encore une fois au citron, bout de calv… !) avec le GU Brew que je traîne dans ma ceinture.

Passage au 5e kilomètre: 22:12. Premier constat: mon GPS est déjà décalé. Deuxième constat: pas de record personnel pour aujourd’hui car je suis 12 secondes en retard. Et je n’ai aucunement l’intention de le battre. Par contre, j’aimerais bien faire mieux qu’à Ottawa en 2012 et pourquoi pas, descendre sous les 3h10. En tout cas, ça va plutôt bien car je sens que je dois me retenir. Et c’est parfait ainsi.

Les verts se joignent à nous au niveau de la 77e rue, mais on ne sent aucun effet du petit surplus de coureurs. On dirait vraiment que tout a été pensé, il n’y a pas à dire. Je me concentre donc sur le parcours. L’avenue, en plus d’être ennuyante, a l’aimable particularité d’être une longue ligne droite composée d’une série de faux-plats alternant entre le descendant et l’ascendant. Je me méfie de ces faux-plats, ils ont le don de rentrer dans les jambes et gruger l’énergie…

À partir de la 30e rue, je commence à surveiller plus attentivement sur les côtés, au cas où j’apercevrais mon fan club. Et à partir de la 20e, je surveille de très près. Depuis quelques minutes, j’anticipe ce petit moment de bonheur où je m’arrêterai pour embrasser la femme de ma vie, donner un high five à ma soeur et son amie, puis repartirai recrinqué comme un ressort.

Peut-être suis-je distrait à cause du passage au 10e kilomètre (44:29) qui se fait à peu près en même temps. Peut-être aussi que j’ai commencé à regarder de l’autre côté de l’avenue quand je suis arrivé au niveau de la 12e. Peut-être ne les ai-je pas aperçues parmi la foule très dense qui occupe les côtés du chemin. Toujours est-il qu’elles sont là, au niveau de la 10e rue, sous un viaduc, du même côté que moi. Et je les rate. Même chose pour elles qui ne voient que des milliers de coureurs qui arrivent tel un raz-de-marée arrive sur un plage.

Moi qui n’avais pas eu de down depuis le début, j’avoue que ce mini-épisode vient me déranger un peu. En plus, comme pour me narguer, se dresse devant moi, tout au bout de l’avenue, le One Hanson Place Building dont la forme me rappelle beaucoup un doigt d’honneur. Ha oui ?  Ben va te faire foutre aussi, espèce de building à la con !

OneHansonPlace2

Le One Hanson Place dans toute sa provocation

Bon, je me remets tout de même rapidement de ce petit épisode moins heureux. Dès le 7e mille, je remarque que nous passons par un point de chronométrage. À partir de maintenant, en plus d’être enregistrés à tous les 5 kilomètres, nos temps de passage le seront également à tous les milles, le tout retransmis en direct sur internet afin que les gens puissent suivre leur coureur à distance.  En tout cas, quelqu’un qui veut tricher dans de telles circonstances devra faire preuve d’une belle imagination !

Finalement, après 13 km de course (dont presque 10 exclusivement sur cette 4e avenue !), à la hauteur du doigt d’honneur, nous tournons sur Flatbush. À cet endroit, les trois parcours convergent en un seul et c’est tout le monde ensemble que nous entamons la montée sur LaFayette. Et c’est ce moment que je choisis pour avoir mon premier down. C’est bizarre, le corps humain. Je suis bien reposé, bien hydraté. J’ai seulement 13 km de parcourus à 4:24 – 4:25 de moyenne et il m’envoie des signes comme si j’étais fatigué. Pourtant je ne le suis pas, mais mon subconscient commence à dire à mon corps de ralentir.

J’enfile donc un gel, à saveur caramel-salé (je sais, ça peut paraître bizarre, mais c’est très bon) en montant, tâchant de synchroniser le tout avec un point d’eau. J’ai beau avoir de l’expérience, à chaque fois que je frappe un down en début de course, j’envisage l’abandon. Pourtant, je devrais savoir, surtout que je n’ai jamais abandonné…

15e km: 1:07:02. Mon ordinateur mental s’emballe. Ça veut dire quoi en termes de cadence réelle ?  Mon GPS est à 4:25, mais la supposée réalité, elle est à combien ?  Après une ou deux minutes, mes pensées sont trop embrouillées et je laisse tomber. Pourtant, le calcul n’était pas si compliqué, mais que voulez-vous, en course, il arrive que le cerveau…

Sur Bedford Avenue, je commence à sentir que les choses se replacent. Aussi, mes genoux continuent de faire leur travail sans broncher. Quant à ma mini-périostite, elle se tient à carreau. Le gel ayant fait son effet, tout baigne.

Bon, mon cerveau gauche a beau être en mode “repos”, le droit, de son côté, fonctionne parfaitement. Il me permet donc de remarquer que depuis peu, je suis en mode yoyo avec une jolie jeune femme au visage rousselé. Elle est grande, au moins 5’8” et relativement costaude. Ça m’avait frappé à Boston et c’est le même phénomène ici: je suis impressionné par le nombre de femmes “ordinaires” qui vont au même rythme que moi. Par “ordinaire”, je veux parler de femmes qui ne sont pas montées sur un frame de chat et qui pèsent moins de 100 livres comme les athlètes d’élite, mais qui sont constituées “normalement”. À Ottawa, j’avais fait la course entière seulement avec des hommes. À Philadelphie, c’était un peu moins vrai, mais rien à voir avec Boston et ici, où il y a beaucoup de femmes qui tiennent un rythme sous les 3h10. Quand on pense que toutes les dames qui courent sous 3h35 se qualifient pour Boston, ça donne un bon indice sur leurs qualités athlétiques. Chapeau bien bas…

Toujours est-il que la jeune femme en question et moi jouons au chat et à la souris. Elle me devance dans la montée, je m’accroche à elle pour ensuite la dépasser dans la descente. Puis nous recommençons le manège. Et le tout sans échanger le moindre mot, le moindre regard. Ça arrive souvent en course sur route: des “liens” se créent ainsi, sans se parler.

JuliaBezgin

Julia Bezgin, 31 ans, ma partner de course entre les kilomètres 15 et 20. Elle terminera avec un excellent 3:14:44

Nous passons au 20e kilomètre en 1:29:37. Bon, j’ai encore ralenti. Les combinaisons montées-descentes ajoutées au vent tourbillonnant commencent peut-être à faire leur oeuvre. Mais en même temps, ça me fait sourire quand je me rappelle mon premier Tour du lac Brome que j’étais tout fier d’avoir fait en 1h36. Il est loin, ce jour-là…

Arrive ensuite un pont que je ne connais pas. Serait-ce le Queensboro Bridge ?  Traverserait-on sur Manhattan tout de suite ?  J’avais dans mon idée que c’était autour du 25e kilomètre que nous retournions en ville. Bon ça y est, je suis encore tout mêlé, moi là !

Finalement, il s’avère que je me retrouve sur le Pulaski Bridge, qui permet de passer de Brooklyn au Queens, le troisième des cinq boroughs de New York. Et sur le pont, j’atteins la mi-parcours où j’aurai vraiment une bonne idée de ma progression. Le verdict: 1:34:30. Je suis exactement sur un rythme de 3h09. Hum…

Marathon de New York: l’avant-course

Le Marathon de New York est un événement très spécial. Tout comme Boston, il nécessite une bonne dose de patience avant que le départ soit donné. Aujourd’hui, un « petit » récit qui raconte tout ce que j’ai dû me taper avant de finalement m’élancer.

J’ai presque 6 heures de sommeil dans le corps, dont une supplémentaire gracieuseté du retour à l’heure normale. C’est amplement suffisant pour moi la veille d’une course. Quand je mets le nez dehors à 4h10, agréable surprise: il fait relativement doux et le vent annoncé ne s’est pas encore levé. Peut-être le fera-t-il plus tard, mais pour l’instant, on est vraiment bien dehors. Définitivement que le combiné short – t-shirt sera de mise pour la course d’aujourd’hui.

15-20 minutes de marche sur les bords du Propect Park me séparent de la station où j’emprunterai le métro en direction du quartier des affaires, d’où je prendrai le traversier pour Staten Island. Comme le métro de New York fonctionne 24 heures par jour, pas de souci à se faire malgré l’heure. Ils disent que New York est la ville qui ne dort jamais. Hé bien, on ne peut pas dire ça de tous ses quartiers car ce matin, à Brooklyn, je la trouve assez engourdie merci.

Chemin faisant, je passe devant un bonhomme en tenue de nuit, confortablement installé sur un banc de parc, une tasse de café à la main. Dans son regard, je lis qu’il pense la même chose que moi: “Mais qu’est-ce qu’il fout là, lui ?”.

Arrivé au métro, agréable surprise: comme nous sommes encore la nuit, la ligne m’amenant à la station Bowling Green s’arrête à la station où je suis (le métro de New York est parfois compliqué). Donc, pas de transfert à faire. Par contre, le prochain train arrivera en gare dans… 19 minutes. J’ai le temps de m’asseoir, je pense. Un marathonien est déjà arrivé, il reste debout et tourne en rond pour tuer le temps. Tu te fatigues pour rien, mon chum… En plus, il est en short et ne semble pas avoir beaucoup de vêtements dans son sac. Si le vent se lève, j’en connais un qui va geler tantôt, moi…. Quand le train daignera finalement par se présenter, nous serons 5 ou 6 marathoniens à le prendre.

À Bowling Green, il y a définitivement beaucoup plus de monde. Et tous vont vers le traversier. Je me dirige vers l’aire d’attente et j’ai un bel aperçu de la journée: des policiers armés et accompagnés de chiens renifleurs nous barrent le chemin. Un policier me demande de déposer mon sac qui contient mes cossins par terre, question que le gentil toutou puisse faire son travail. On dirait que les bananes et les bagels ne l’intéressent pas car il le sent et passe rapidement à autre chose.

L’aire d’attente quant à elle est bondée de monde. Je fais le tour, essayant de me trouver un endroit pour m’installer. Pas moyen de trouver une place. Finalement, je réussis à dénicher un petit coin, le long des fenêtres.  À côté de moi, deux jeunes hommes. Ils ne sont pas des coureurs, alors ils sont très impressionnés par la quantité de gens qui sont assez fous pour se taper une telle course. Et moi, je suis très impressionné par le fait que deux gars pas rapport puissent se trouver ici à 5h20 un dimanche matin !

Nous entamons la conversation. Ils sont vraiment sympathiques, me posent un tas de questions. Quand ils apprennent que j’en suis à mon onzième marathon et que je suis de la première vague, c’est l’avalanche de compliments. “You’re an inspiration, man !”. Bien que je trouve ça un tantinet exagéré, ça fait toujours plaisir à entendre. Je fais exprès pour ajouter que j’ai fait mon premier marathon à 37 ans, question de leur faire comprendre qu’à leur âge (ils ont 30 ans), je ne courais pas non plus. J’ai peut-être semé une graine à quelque part…

Finalement, le départ du traversier de 5h30 est annoncé. Je suis supposé prendre celui de 6h, mais tant qu’à sécher ici…  En plus, ils ne vérifient pas ce détail, le traversier étant ouvert à tous. Je m’installe sur un banc du pont inférieur et essaie de trouver une position confortable. Le bateau a à peine quitté le port que je constate que je me suis assis du mauvais côté: je ne pourrai pas voir la ville. Bah, tant pis. Le vieux lion qui en a vu d’autres ferme les yeux et commence à perdre la carte… jusqu’à ce que la voix d’un bénévole le sorte de sa torpeur.

La raison ?  On nous annonce que nos choses doivent absolument être transportées dans un sac transparent pour avoir le droit de pénétrer dans le village des athlètes. Donc, pour ceux qui seraient pris avec un sac opaque, ils en fournissent qui sont « légaux ». Wow, on peut dire qu’ils n’ont pas oublié grand chose dans l’organisation… Je regarde tout autour, observe les gens. Certains sont nerveux et jasent beaucoup, d’autres cognent des clous comme moi. Côté habillement, certains portent l’ensemble plastifié qui était vendu 10$ à l’expo-marathon, mais la plupart ont fait comme moi et ont apporté leurs choses pour se protéger du froid durant l’attente.

La traversée dure quoi 20, 30 minutes ?  Je ne sais pas trop. À la sortie du bateau, la cohue se dirige vers la sortie. Partout on voit des policiers, des agents de sécurité et des bénévoles. Nous passons devant une fille complètement ivre qui engueule un policier. Personne n’y porte attention, comme si c’était normal. À la sortie, j’ai une autre indication que l’organisation n’a rien laissé au hasard: une très, très longue lignée de toilettes nous attend. Je mettrais ma main au feu qu’il y a plus de toilettes juste ici qu’au départ du Marathon de Montréal.

Nous arrivons aux navettes. Il y a des autobus à perte de vue. Celui que j’emprunte n’est pas aussitôt rempli qu’il s’ébranle, comme si nous étions si pressés. Commence alors un long viraillage sur Staten Island que je ne connais pas du tout. Au bout de 10 minutes, je crois reconnaitre un endroit. C’est certain: nous sommes revenus au point de départ, tout près de l’arrivée du traversier !  Hiiii, pas rassurant !  Va-t-on arriver au village des athlètes pour 9h40 ?

Le soleil commence à se lever tranquillement, mais le ciel est couvert. Pour la course, ça ne me dérange vraiment pas, mais j’aurais volontiers accepté du soleil pour l’interminable attente.

Pendant le trajet, comme je n’ai rien d’autre à faire, je regarde dehors. Je n’ose imaginer les frais en temps supplémentaire que cette journée peut coûter au NYPD. Des policiers, des policiers, encore des policiers. Et que dire des résidents qui sont pognés avec toutes ces rues fermées… seulement pour laisser passer les navettes. Ça doit être l’enfer pour eux.

L’autobus s’arrête, le monde se lève, les portes ouvrent… et personne ne sort. En fait, ça sort extrêmement lentement. La raison: une autre fouille et, une première pour moi à l’extérieur d’un aéroport, le détecteur de métal. Chaque coureur, un à un, est passé au détecteur. On ne lésine vraiment pas sur la sécurité. J’espère qu’ils vont laisser faire pour la fouille à nu. J’ai beau ne pas être pudique, il me semble que ce serait un petit peu exagéré…

Une fois passé la sécurité, constatation brutale: le vent s’est levé et il fait maintenant un froid de canard. Je regarde l’heure: 6h30. Ha ben bout de viarge: il me reste autant de temps à attendre la course que sa durée ! Par ce froid ?  Ça va être tellement plaisant… Heureusement, je n’ai pas lésiné sur les vêtements supplémentaires.

J’arrive au village des athlètes. “Village”, je devrais plutôt dire “ville”, ouais !  Je suis assigné au village Alberto Salazar (il a gagné 3 fois ici), le bleu (il y en a un vert et un autre orangé). Dès que j’y entre, je commence à entendre des annonces qui guident les coureurs. Et ces annonces se font en plusieurs langues, dont le français. Je ne peux pas parler pour les autres, mais le français utilisé y est impeccable. Peut-être ont-ils engagé des traducteurs de l’ONU ?  En tout cas, c’est la grande classe !

À ma droite, que vois-je ?  Hé oui, encore une longue rangée de toilettes, gracieuseté de la compagnie “Royal Flush” (ça ne s’invente pas !). Et personne qui attend. Pourtant, il y a énormément de monde déjà arrivé. J’en profite donc pour aller faire mon numéro deux d’avant-course. En entrant, je constate une chose: mon cabinet n’a de royal que le nom: je situerais son état entre le quelconque et le douteux. On voit qu’il a beaucoup servi: le siège n’a plus de lustre et l’urinoir est usé (oui, oui, usé) à force d’avoir reçu des offrandes. Mais bon, vaut mieux une vielle toilette libre qu’une toilette toute neuve et occupée avec 100 personnes qui attendent, pas vrai ?

Quand je ressors, je me dirige vers l’un des chapiteaux tout près. Les côtés sont refermés par de grands plastiques pour protéger du vent les gens qui se trouvent à l’intérieur. Regard furtif à l’intérieur: pas un pouce carré de libre. Bon, va falloir trouver un autre spot. Juste à côté, on retrouve un véritable convoi de camions UPS. Ce sont eux qui se chargeront de ramener nos affaires à l’arrivée. Je regarde l’horaire: pour la première vague, le dépôt de sac commence à 8h10 et se termine à 8h40. Quoi ?  Il faut laisser nos affaires une heure avant le départ ?!?  Et nous, on va geler comme des cretons pendant tout ce temps ? Sont malades ou quoi ?

Bon, il me reste tout de même énormément de temps, alors aussi bien essayer de se trouver un endroit à l’abri du vent pour commencer la véritable attente. Je continue donc ma progression dans le village pour tomber, ho surprise, sur une autre forêt de toilettes. Tiens, des gens de Dunkin’ Donuts qui distribuent des tuques, bonne idée. Elles sont laides (aux couleurs de Dunkin’ Donuts…), mais ça risque d’être pratique. Je me trouve un espace libre dans l’herbe et m’installe, la tuque me servant de protection comme la fraicheur du sol.

Fort de l’expérience de Boston, j’ai prévu le coup: j’ai amené un livre. Je commence donc ma lecture en mâchouillant un bagel. C’est que le froid commence vraiment à s’installer… J’enfile ma dernière pelure, un chandail laid au possible. Mais au bout d’un certain temps, ça ne suffit plus, alors je me dis que je vais continuer à déambuler, question de me réchauffer un peu. Quitte même à passer quelques minutes dans une toilette. Après tout, il n’y a pas meilleur abri.

En faisant ma tournée, je remarque une chose: il n’y a personne aux kiosques de bouffe et d’eau, mis à part celui de Dunkin’ Donuts qui distribue du café. À celui-là, je ne sais pas pourquoi, mais il y a une longue file d’attente…  😉

J’arrive au couloir de départ. C’est véritablement un couloir, barricadé des deux côtés avec plusieurs entrées distinctes qui sont surveillées par des gens de la sécurité. Je cherche mon entrée, soit celle qui accueillera les coureurs dont les numéros sont compris entre 7000 et 8999. Autre surprise: pour les coureurs de la première vague, il ouvre à 8h20 et ferme à 8h55. Quoi ?  On devra être rentrés dans le couloir 45 minutes avant la course ?  C’est quoi cette affaire-là ?  Quand on pense que dans la grande majorité des courses, personne n’est même arrivé 45 minutes avant le départ…

Après m’être réchauffé quelques minutes dans une toilette (ben quoi, les gens ne pouvaient pas savoir ce que je faisais et il n’y avait personne qui attendait de toute façon) je me sens mieux: j’ai arrêté de grelotter. J’entends les annonceurs nous dire que les camions UPS sont maintenant ouverts, alors je décide d’y aller. Chemin faisant, je songe à mon habillement pour la course. Il fait définitivement trop froid pour le kit de base short – t-shirt, alors je vais faire comme à Philadelphie: porter mon fidèle coupe-vent rouge par-dessus et enlever les manches en cours de route au besoin. Ça avait marché dans le temps, pourquoi pas aujourd’hui ?

On annonce l’ouverture des couloirs. Bon ben, va falloir y aller. En plus, comme il y a des toiles, peut-être sera-t-on à l’abri, qui sait ?  Car à part mon imperméable jetable, je serai habillé comme durant la course pour les 75 prochaines minutes…

Une photo avant de partir ?  Pourquoi pas, pendant qu’on a encore le sourire…

NewYorkAvantDepart

Photo prise avant que je décide d’envoyer promener la règle qui demande que le dossard soit apposé sur le torse. Il fera la course sur ma cuisse gauche, là où je préfère qu’il soit.

Miracle, je ne me fais pas fouiller avant d’entrer dans le couloir, j’ai seulement à présenter mon dossard. Une fois à “l’intérieur”, qu’est-ce qu’on retrouve ?  Hé oui, encore des toilettes. Décidément…  En plus, ils ont tout prévu: il y a même des paquets de 16 rouleaux un peu partout, question que personne ne manque de choses essentielles. Ils n’ont vraiment lésiné sur aucun détail.

Je réussis à trouver un endroit pour m’asseoir et… attendre. J’essaie de tuer le temps en observant les gens. Il y en a qui tournent en rond, s’échauffent (une heure avant la course, vraiment ?). Certains parlent, rient. Et d’autres, comme moi, ne font rien. Les plus faciles à remarquer dans notre groupe sont définitivement les trois amis français qui portent tous un chapeau sur lequel est monté une Tour Eiffel tricolore en peluche. Ils semblent avoir beaucoup de plaisir: ils prennent des photos, cherchent des concurrents aux couleurs d’autres pays, rient beaucoup.

Après un certain temps, l’un d’eux fait remarquer aux autres qu’ils sont les seuls à avoir utilisé l’astuce pour les lacets. Je regarde et effectivement, leurs lacets semblent tenir avec un bidule étrange. Je demande à Jean-Yves (son prénom est écrit sur son chapeau) de quoi il s’agit. Au départ, il semble étonné que je parle français (son expression me laisse croire qu’il se demande s’il n’a pas fait des blagues à mon sujet sans savoir que je comprenais), puis se met à m’expliquer que ce sont des bidules qui se trouvent dans n’importe quel magasin de tissus ou sinon, sur les “caoués”.

Des caoués ?  De quessé ?  “Oui, vous savez, les manteaux de sport…”. Hein ? Des caoués ?  Puis j’allume: des K-way !!!  Effectivement, c’est le genre de bidule à ressort qui pourrait très bien servir à serrer des lacets rapidement. Hum, intéressant. Puis mon nouvel ami se met à me raconter que pour les gels, il les met dans une bouteille et y ajoute de l’eau, question qu’ils puissent s’avaler plus facilement. Ouais, bonne idée… Je vais essayer ça à la maison. D’autres trucs ? Pas pour le moment, il semblerait.

Depuis quelques minutes, les messages qui passent en boucle semblent avoir changé. On nous dit maintenant de faire tous nos besoins avant de partir (je sais, quand on fait de la course, on revient vraiment à la base et ça devient une véritable obsession) car « uriner sur le pont est non seulement désagréable (ils semblent ignorer que tout le monde sait tout de même comment se placer par rapport au vent, surtout les coureurs), mais dangereux pour les autres concurrents ». Dangereux, vraiment ?  C’est comme les pluies acides ? Faudrait pas exagérer ! « Les gens de l’organisation ont le droit de disqualifier toute personne ne respectant pas cette règle ». Ha oui ?  Je plains le pauvre chrétien qui va essayer de m’enlever mon dossard. Ça coûte 358 $ juste en inscription, on doit attendre des heures avant de partir et on se ferait disqualifier pour un petit pipi ?  J’aimerais bien voir ça.

Un coureur passe et demande à la blague si nous sommes Français. Je lui réponds qu’eux le sont, mais moi, je suis Canadien (je laisse tomber l’histoire de Québécois-qui-parle-français, c’est un peu compliqué pour nos voisins du sud). Réponse: “Ho yeah, Canadians are everywhere…”. Heu, ça veut dire quoi, ça ?  Pas certain que je veux avoir la réponse…

Tiens, l’équipe de pacing de 3h15 qui arrive. Car oui, ils sont deux, pas un seul. Comme ça, s’il arrive un pépin à l’un des deux, l’autre pourra finir. Ils ne laissent vraiment rien au hasard, ma parole. 8h55, les portes du couloir se ferment puis peu après, les banderoles entres les différentes sections sont enlevées et nous commençons à avancer. 45 minutes avant le départ ? Déjà ?  Se pourrait-il que nous partions plus tôt que prévu ?

J’allume mon GPS. Il demeure à la “page d’ouverture”. Ben voyons, pourquoi ne cherches-tu pas tes satellites, du con ?  J’attends. Rien. Je l’éteins, puis le rallume. Toujours rien. Merde, est-ce qu’il a choisi ce moment pour me laisser tomber ?  Je recommence le même manège, toujours rien. Et puis, va donc chier, maudit machin à la con !!!  Je le laisse allumé, au cas où il se réveillerait. Au fur et à mesure que nous nous dirigeons vers le Verrazano-Narrows Bridge, je commence à me faire à l’idée que je vais faire cette course “tout nu”, sans chrono. Et puis, ce ne serait peut-être pas la fin du monde après tout ?  Y aller juste au feeling. De toute façon, si je suis le(s) lapin(s), pas de souci, n’est-ce pas ?

Je me défais de mes dernières affaires dans les bacs prévus à cet effet, puis suis la marche vers le départ, 500 mètres plus loin. Nous nous arrêtons tout juste devant les cabines servant pour le péage à la sortie du pont. Nous partirons dans l’autre sens, en direction de Brooklyn. Des autobus à deux étages sont stationnés tout près, ce qui est parfait: ils nous serviront pour nous abriter du vent. Je ne sais pas qui sont les gens qui se retrouvent à l’étage supérieur. Des journalistes ?  Des dignitaires ?  Aucune idée.

L’annonceur nous apprend que le départ des élites femmes sera donné sous peu. Nous avons droit à un petit discours du maire Bloomberg, puis le départ est donné. Malheureusement, il y a trop de monde et je ne les vois pas partir. Dommage.

Bon plus « que » 30 minutes à attendre. La nervosité commence à se faire sentir tout autour et certains prennent le risque de se faire disqualifier en se soulageant là où ils peuvent, soit entre deux autobus. Oui, sous les yeux du chauffeur qui sourit à pleines dents. Il faut ce qu’il faut… À un moment donné, il se forme même une certaine file d’attente pour cet endroit, ça en est presque comique.

Le minutes durent maintenant des éternités. Ça vas-tu finir par finir, cette maudite attente-là ?  Le maire se lance dans un autre discours que je n’écoute pas, puis on nous présente les principaux concurrents. J’en connais quelques uns, dont le Kenyan Geoffrey Mutai, le champion en titre et l’Américain Meb Keflezighi, le gagnant de 2009. Je me demande si ce monde-là sèche ici comme nous depuis plus de 3 heures…  Au fait, comment sont-ils arrivés ici ?

Après tout le bla-bla, comme nous sommes dans les très patriotiques USA, une chorale d’enfants entame l’hymne national américain. Et le petit garçon qui chante le bout en solo tente de monter un petit peu trop haut pour son registre vocal et les fausses notes se mettent à se bousculer dans les haut-parleurs. Ouf, difficile pour mon oreille.

Bon ça y est, il est 9h40. Mon GPS a fini par se réveiller, ce qui fait bien mon affaire. Dans quelques instants, ce sera enfin vrai. Il me semble tellement loin ce jour de mars 2010 où, pour la première fois, je me suis inscrit à la loterie afin de participer à ce fameux marathon. À l’époque, mon record personnel était de 3h38 et je pensais sérieusement que c’était ma meilleure chance de prendre part un jour à un grand marathon car Boston me semblait si loin… On peut dire qu’il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts depuis.

L’annonceur égrène maintenant les secondes pendant que je fixe le fameux Verrazano-Narrows Bridge…

Le contraste

Nous sommes à New York depuis à peine plus de 24 heures. Durant ces quelques heures, j’ai été à même de constater pourquoi je tends à me concentrer de plus en plus vers la course en sentiers et délaisser un peu la course sur route.

Pas que le voyage se soit mal déroulé, bien au contraire. Selon notre GPS, nous avons perdu à peine 36 minutes dans la circulation et les détours causés par ses indications nébuleuses. Si on tient compte du fait que nous avons traversé Manhattan d’ouest en est, ce n’est vraiment pas si mal.

Non, ce qui me dérange, c’est toute la logistique dont il faut tenir compte avant de prendre le départ. Ainsi, Barbara et moi sommes allés chercher mon dossard hier. Une quarantaine de minutes de métro et une vingtaine de minutes de marche plus tard, nous étions rendus sur place. Nos sacs ont évidemment été fouillés avant d’entrer à l’expo-marathon et il a fallu faire la file pour présenter des pièces d’identité ainsi que la preuve que j’étais vraiment inscrit. C’est sûr que je serais allé niaiser dans ce coin perdu de la ville juste pour le fun, moi. Enfin… Heureusement, la récupération du dossard en soit n’a pas pris de temps, le nombre de kiosques de distribution étant tout simplement hallucinant. Moi qui croyais avoir vu « beaucoup » de ces kiosques à Boston…

En ce qui concerne l’expo en tant que telle, elle n’était pas si impressionnante. Sur ce point, Boston a définitivement le dessus. Mise à part la boutique Asics qui occupe la majeure partie du plancher, vraiment rien de spécial à signaler. Après avoir fait l’achat de « armwarmers », j’ai fait le plein de gels et de barres énergétiques puis, après m’être assuré que Dean Karnazes n’était pas au kiosque North Face (il était parti depuis un foutu bout de temps !), nous avons levé les feutres.

On m’avait dit que l’organisation à New York, c’est le nec plus ultra. Nous en avons eu une preuve à la sortie: des navettes étaient mises à la disposition des participants et de leurs familles pour les ramener vers les divers hôtels du centre-ville. Vous allez me dire que franchement, des marathoniens, c’est capable de marcher… Oui, bien sûr, mais le quartier autour du Jacob Jovits Convention Center est vraiment moche et se le taper deux fois, bof… En plus, ce n’est pas évident que tout le monde qui accompagne un coureur soit en mesure de marcher autant. Bref, comme il commençait à se faire tard et que nous n’avions pas encore mangé, nous avons profité du « lift » pour nous rapprocher du métro. Car hé non, il n’y en a pas autour du Jovits Center.

Ha manger, le joyeux problème !  Déjà que je n’avais pas vraiment eu le choix de me taper du cr… de McDo au dîner… Comment un coureur peut-il réussir à se sustenter sans se ruiner ni manger de la scrap à New York ?  Disons que ça relève presque de l’exploit. Finalement, ho miracle, nous sommes tombés sur une place qui offrait un grand buffet style « bar à salade pour emporter ». Il y a définitivement un Dieu à quelque part. Ne nous restait plus qu’à nous taper un autre 40 minutes de métro avant de pouvoir manger dans la tranquillité de l’appartement.

Car oui, l’appartement que nous avons loué est relativement tranquille. Je dis « relativement » parce que Brooklyn, ce n’est pas Manhattan, mais ça demeure la grande ville quand même: stationnement dans les rues, du monde partout, circulation incessante, etc.  Pas vraiment mon environnement. Tantôt, j’ai fait le tour de Prospect Park, le parc situé juste en face de notre appart. C’est vraiment chouette, une espèce de mini Central Park. Mais quand tu vois quelqu’un qui a pris la peine d’amener ses poids et haltères dans le parc pour faire ses exercices, tu te dis que tu es définitivement dans un autre monde.

Bon, le dossard, c’était bien beau, mais il va falloir que je me rende au départ. Je suis supposé prendre le traversier pour Statten Island à 6h demain matin. Mais comment savoir combien de temps ça va prendre pour m’y rendre ?  Pas le choix, je devais faire la trajet en métro avant.

Ça a occupé ma matinée, mais ça a été un bon investissement. L’application de calcul de trajets du métro me donnait 37 minutes en me proposant un trajet avec 2 transferts. Hé bien j’ai eu la joie de constater que la dernière ligne qu’il me proposait d’utiliser était fermée la fin de semaine !  Plaisant, n’est-ce pas ?  J’ai donc pris 1h25 pour faire le trajet complet, me donnant le luxe de revenir à Brooklyn avant de retourner à Manhattan. Super efficace, il n’y a pas à dire. J’ai réussi à trouver un autre trajet, plus rapide, pour le retour. Mais mettons que je ne suis pas rassuré et je vais me garder une petite marge de manœuvre.

Bref, en pensant à tout ça, le contraste avec la course en sentiers m’a frappé. En effet, pour le Harricana, nous sommes partis la veille de la course, avons fait les 4 heures de route, nous sommes installés et le lendemain, nous sommes tapés un long voyage de 15 minutes en auto avant d’arriver sur place, cueillir le dossard, puis faire la course. Pas de métro, pas de soirée passée à courir après un dossard, pas de souci de stationnement. Pour courir dans le bois par dessus le marché. Le bonheur.

Ceci dit, je ne voudrais pas que vous vous mépreniez. Je suis très très heureux d’être ici. Faire New York, j’en rêve depuis toujours.  Participer à ce marathon, c’est un privilège. Imaginez: courir les rues de cette ville, la foule omni-présente, l’arrivée à Central Park… Je vais profiter de chaque instant, c’est certain. En plus, la météo annonce un temps splendide. Tout se passera comme dans un rêve… Quand on va finir par finir de partir !

Côté performance, après avoir jonglé avec l’idée de suivre le lapin de 3h10, j’ai décidé  d’y aller au feeling. Je vais partir avec le 3h15 et verrai comment ça se passe. De toute façon, le 3h10 part  dans un groupe de coureurs différent du mien (il y a 4 vagues séparées en 3 groupes chacune), alors je risque de ne jamais le voir de toute façon.

On se dit à demain ?

Les petites vites

De retour après quelques jours assez occupés. Voici ce qui a retenu mon attention ces derniers temps.

Virgil Crest Ultras – Ça fait 10 jours que la course a eu lieu et je n’ai pas eu l’occasion d’en parler. Pourtant, durant la fin de semaine du Marathon de Montréal, mes pensées étaient non pas ici, mais bien dans un coin perdu de l’état de New York. Comme le temps était frais et pluvieux par chez nous, je me disais que ça devait être la même chose là-bas. En plus, avec le principe du double aller-retour pour le 100 milles, pas difficile d’imaginer que l’état des sentiers devait se détériorer à vue d’oeil à mesure que la journée (et la nuit) avançait.

Nous étions en mode “ménage” à la maison, car nous avions fait des rénos et elles étaient terminées. Est-ce qu’il y a une meilleure façon d’avoir la tête ailleurs que faire du ménage ?  J’en étais pathétique: j’allais voir les mises à jour sur le site de l’événement aux 30 minutes, question de suivre l’évolution de nos coureurs québécois. J’ai vite constaté, à voir les temps de passage, que certains d’entre eux couraient ensemble.

La course a été difficile. Très difficile. Sur 66 au départ du 100 milles, ils étaient seulement 18 à l’arrivée. Plusieurs se sont arrêtés à la mi-parcours, obtenant ainsi un classement officiel pour la course de 50 milles qui se déroulait en même temps. Le gagnant, James Blandford, est un habitué des courses dures: c’est lui qui a remporté le Massanutten en mai. Les Québécois ne sont pas demeurés en reste. Joan a terminé en excellente 3e position; son récit de course est du bonbon, à ne pas manquer (me croirez-vous si je vous dis qu’il est rentré au travail en courant deux jours plus tard ?!?  T’es une machine, Joan !). Le toujours souriant Pierre Lequient a quant à lui fini 4e et Pierre Arcand, 6e. Quant à Pat, il s’est arrêté après une soixantaine de milles. Il nous raconte son expérience ici. Cette lecture m’a beaucoup fait réfléchir.

Record du monde à Berlin – Berlin a la réputation d’être un marathon ultra-rapide. Je ne sais pas ce qui se passe là-bas, mais les records du monde y tombent comme des mouches. Je suppose que le parcours est très plat, mais il y a certainement autre chose. Est-ce le climat ?  Le bitume ?  Le fait que les pacers engagés par l’organisation sont de très haut niveau ?

En tout cas, le Kenyan Wilson Kipsang y a réussi dimanche une course parfaite et a fait éclater le record du monde: 2:03:23, soit 15 secondes de mieux que l’ancien record de Patrick Makau. Kipsang est un coureur établi qui avait failli s’emparer du record en 2011 en faisant 2:03:42 à Francfort. Gagnant à Londres en 2012, il avait raté sa chance aux Jeux olympiques trois mois plus tard: il était l’un des deux Kenyans à s’être fait jouer un vilain tour par l’Ougandais Stephen Kiprotich dans les derniers kilomètres.

À Berlin, il a réussi une course parfaite. Se tenant à l’arrière du peloton de tête amené avec vigueur par deux pacers de très haut calibre, il a conservé un rythme constant du début à la fin. En effet, ses splits sur 5 km ont varié de 14:27 à 14:48 (non mais, comment ils font pour aller à une telle vitesse bout de sacrament ?!?). Du grand art.

Seul bémol: un tata qui a décidé de faire une pub pour un site de prostitution et qui a réussi à se faufiler pour franchir le fil d’arrivée juste devant Kipsang. Donc, pas de photo d’arrivée triomphale pour le nouveau recordman du monde. Dommage.

Record de parcours au Vermont 50 – Celle-là m’a fait énormément plaisir. Ma course préférée, à laquelle je ne pouvais pas participer alors qu’il faisait un temps splendide, a été remportée par David Le Porho. Le sympathique David a donné une véritable leçon de course à Brian Rusiecki, le vainqueur de l’année passée, en établissant un record du parcours (6:09:31 !) et laissant ce dernier 24 pleines minutes derrière lui.

Au cours d’une conférence à laquelle j’ai assisté récemment, David a dit être en préparation pour sa première course de 100 milles. La course visée ?  Le Western States 100, rien de moins. Comme il est très rapide (il a fait 2h21 sur marathon cet été) et qu’il n’est pas du genre à s’embarquer dans un projet à la légère, je ne parierais pas contre lui. Je pense que les chances qu’on le voit à St-Donat l’an prochain sont plutôt minces. 😉

En début de saison, j’ambitionnais de compétitionner avec les meilleures femmes lors du VT50. En effet, Amy Rusiecki (oui, la femme de l’autre) avait gagné en 8h18 l’an passé, soit 24 minutes de mieux que moi. Je me disais qu’avec un entrainement plus poussé en côtes et une meilleure gestion des ravitaillements, peut-être que… Or cette année, elle est descendue sous les 8 heures… mais ce n’est pas elle qui a gagné. C’est plutôt Aliza Lapierre qui a fait un temps-canon de 7:01:08.  Définitivement que j’aurais eu à réviser mes ambitions à la baisse !

Augmentation des mesures de sécurité à New York – Ça fait des semaines que les New York Road Runners m’envoyaient des courriels de schnoutte. De la pub pour leurs autres courses, des promos à la noix, des sondages, etc. Puis est arrivé le courriel que nous attendions en espérant ne jamais le recevoir: celui à propos des nouvelles mesures de sécurité.

On voit immédiatement les effets post-Boston 2013. En gros, on nous dit que tous les sacs à dos risquent d’être fouillés, que les spectateurs doivent se préparer à de longues files d’attente, que l’aire des retrouvailles risque d’être très difficile d’accès et qu’il serait préférable de donner rendez-vous à ses proches ailleurs (ha oui, où ça ?  À la Statue de la Liberté ?). À ça s’ajoute une longue liste d’articles qu’il sera interdit pour nous coureurs de transporter. Il y en a des évidents: couteaux, armes-qui-n’en-sont-pas-mais-qui-pourraient-l’être (genre un marteau), armes à feu (duh !), etc. Mais il y a aussi des articles qui pourraient être utiles en course qui seront interdits. Les vestes d’hydratation, par exemple. Honnêtement, celle-là me dérange un peu plus car j’avais jonglé avec l’idée d’utiliser la mienne au lieu de ma ceinture. Maintenant, comme il y a des points d’eau à chaque mille, je pense sérieusement à faire comme tout le monde: courir avec rien. Ce serait une première pour moi.

Mais malgré toutes ces belles précautions, dans ce genre d’événement, on ne peut pas tout prévoir. Juste à voir comment un nono a réussi à s’infiltrer en fin de parcours à Berlin…

Pendant ce temps-là, du côté du blessé… – Le Grand Blessé a reçu son traitement d’ostéo vendredi dernier. Toujours le même problème: mes muscles sont trop contractés, alors les tendons sont sollicités en permanence. Et les douleurs finissent par se pointer…

Le remède ?  Repos (pas facile !), étirements (ça semble marcher) et massages. Suite au traitement, j’ai reçu l’ordre de me reposer au moins 48 heures, le temps que ses manipulations fassent effet. Pour une fois, j’ai écouté, me contentant de marches comme exercice durant la fin de semaine. Puis lundi, à vélo, je suis parti pour la première fois sans ma Garmin, question de mettre toutes les chances de mon côté pour y aller vraiment mollo. Car je me connais, quand je vois une vitesse affichée qui ne fait pas mon affaire, je pousse toujours un petit peu…

Mardi, retour à la course. Encore là, relaxe: 15 km que j’ai faits à 4:25/km de moyenne pour entrer au travail. Les genoux ont tenu le coup, mais ça faisait vraiment bizarre de terminer avec un sentiment du style “il me semble que j’aurais pu aller pas mal plus vite…”. Pas habitué à ça, le monsieur. Aujourd’hui, c’était encore le mollo-vélo et demain, un autre 15 km. En espérant que ça tienne encore…

New York, New York !

Je ne sais pas pourquoi, mais quand on pense au Big Apple, le classique de Sinatra n’est jamais bien loin dans nos pensées. C’est comme si on était incapable de dire le nom de la ville une seule fois, on se sent obligé de le répéter. D’ailleurs, je me suis toujours demandé si le deuxième « New York » de la chanson était là pour désigner l’état où se situe la ville ou si c’était une répétition. Je sais, je me pose de drôles de questions…

Le pire, c’est que j’ai failli détruire le courriel, croyant tout d’abord que c’était une pub. Puis je me suis ravisé: les New York Road Runners ne sont-ils pas les organisateurs du Marathon de New York ?  Peut-être allais-je enfin savoir quel sort me serait réservé…

Hé bien oui, ils se sont finalement décidés: parmi ceux qui auront une entrée garantie pour le dernier Marathon Major de l’année, il y aura ceux comme moi qui se sont vus refuser l’accès trois années de suite à la loterie.

J’avoue être très agréablement surpris. J’étais certain que nous serions les agneaux sacrifiés qui passeraient au couperet. Mais non, ce sont plutôt les malchanceux qui se sont qualifiés en atteignant les standards qui ont écopé. En effet, ces derniers auront seulement 2000 places qui leur seront réservées et c’est par le biais d’une (autre) loterie que les « heureux gagnants » seront choisis.  Je serais probablement un peu frustré si j’étais à leur place, les standards étant très sévères, beaucoup plus qu’à Boston. Alors devoir passer par une loterie… Mais bon, ainsi va la vie.

Pourquoi suis-je si emballé à l’idée de courir ce marathon ?  Parce que ma douce et moi adorons New York. Quand on s’y promène, on a l’impression qu’elle est une entité bien vivante, qu’on fait partie de quelque chose d’unique. Et c’est très rare qu’on ressent ça. J’ai eu la chance de voir Tokyo, Pékin, Philadelphie et aucune de ces cités ne peut s’approcher de New York en ce sens. Il y a seulement à Paris où j’ai ressenti la même chose. C’est très particulier comme sensation, genre de chose qui ne m’arrivera jamais à Montréal ou Toronto…

Côté course (car il faudra bien que je coure aussi !), je me suis rendu compte d’un léger détail: je vais me taper deux ultras et un marathon en moins de deux mois. Oups. Je ne suis qu’un être humain, c’est peut-être un peu trop pour moi… Donc, vraiment pas le timing pour s’attendre à une performance spectaculaire. Bah, ce sera un beau marathon touristique avec le départ sur Staten Island, la traversée du Verrazano-Narrows Bridge (c’est l’image qui sert d’en-tête à ce blogue), les rues de Brooklyn, du Queens, de Harlem et l’arrivée dans Central Park.

Disons que ça va me faire différent du marathon de Magog avec lequel j’envisageais terminer ma saison…  🙂